Z (film, 1969)

Z est un film franco-algérien coécrit et réalisé par Costa-Gavras, sorti en 1969. C'est l'adaptation cinématographique du roman du même nom de Vassílis Vassilikós, écrit à la suite de l'assassinat du député grec Grigóris Lambrákis à Thessalonique en , avec comme juge d'instruction dans cette affaire Khrístos Sartzetákis, qui deviendra Président de la République de Grèce de 1985 à 1990.

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Z
Réalisation Costa-Gavras
Scénario Jorge Semprún
Costa-Gavras
Acteurs principaux
Sociétés de production Valoria Films
Reggane Films
ONCIC
Pays d’origine Algérie
France
Genre Policier, drame, historique, thriller
Durée 127 minutes
Sortie 1969


Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Au festival de Cannes 1969, Z reçoit le prix du jury et le prix d'interprétation masculine (pour Jean-Louis Trintignant). Le film obtient ensuite, en 1970, l'Oscar du meilleur film en langue étrangère pour le compte de l'Algérie et le Golden Globe du meilleur film étranger.

Synopsis

Dans les années 1960, dans un pays méditerranéen (il est montré de façon allusive qu'il s'agit de la Grèce), dans le contexte de la Guerre froide, les corps de la gendarmerie et de la police estiment qu'il est de leur devoir de s'opposer, par tous les moyens, aux mouvements considérés comme subversifs, qu'il s'agisse du communisme, de l'anarchisme ou du pacifisme.

Le nouveau et charismatique chef de l'opposition parlementaire, surnommé le Docteur, quitte la capitale et arrive dans la grande ville du nord du pays pour tenir une conférence en faveur du désarmement. Avant même le début de la conférence, une contre-manifestation commence. Des heurts ont lieu entre les partisans du Docteur et les contre-manifestants, tandis que les forces de l'ordre font preuve d'une passivité évidente. Un député, membre du même parti que le Docteur, est tabassé. Lorsque le Docteur, après son allocution, traverse la place au milieu de la confusion, un triporteur surgit. Au moment du choc, le Docteur s'écroule. Il va décéder à l’hôpital de ses blessures. La préfecture publie immédiatement un communiqué officiel : il s'agirait d'un malheureux accident, causé par deux ivrognes.

Un jeune juge d'instruction est chargé de l'enquête. Le jeune magistrat n’éprouve aucune sympathie pour la gauche politique, ni pour le communisme, ni même pour le parti du Docteur. Mais, intègre, il tient à faire toute la lumière sur l'incident. Il découvre rapidement des indices et des contradictions qui lui font conclure qu'il s'agit en fait d'un assassinat, exécuté par des membres d'une organisation d'extrême droite, les CROC (Combattants royalistes de l'Occident chrétien). Surtout, alors que, dans son entourage, tous lui demandent de s'en tenir à la thèse de l'accident, il comprend que toute l'affaire a été préméditée, montée et planifiée par les commandants de la gendarmerie de la région. Au cours de l'enquête, il s'avère que même les plus hautes autorités de l'État sont impliquées. Malgré tous les obstacles, le jeune magistrat ne renonce pas à poursuivre son enquête.

Les résultats de celle-ci obligent bientôt le pouvoir politique à reconnaître les faits. La hiérarchie militaire est accusée d'avoir organisé, puis couvert, l'assassinat. Le procès a lieu, mais le jugement se révèle très clément envers les prévenus. Surtout, les sanctions touchant les officiers supérieurs ne sont pas rendues publiques. Ce verdict déclenche une vague d'indignation générale et le gouvernement démissionne. Mais, alors que les sondages prévoient une large victoire de l'opposition aux élections, les militaires prennent le pouvoir.

Fiche technique

Distribution

Production

C'est lors d'un déjeuner de Jacques Perrin et Eric Schlumberger à Plonéour-Lanvern que le photographe de plateau Félix Le Garrec est engagé, les deux producteurs étant agréablement surpris de la qualité de travail du photographe en découvrant ses œuvres présentées dans la vitrine de son magasin[8].

Le tournage a lieu principalement à Alger (après une suggestion de Jacques Perrin), facilité par les conditions du ministère de la Culture algérien[9]. Des scènes sont notamment tournées dans l'hôtel Saint-George. Les scènes de ballet sont cependant filmées au théâtre des Champs-Élysées à Paris[9].

Bande originale

Costa-Gavras choisit Míkis Theodorákis, compositeur et homme politique grec, pour réaliser la musique du film. Alors emprisonné par le régime des Colonels en raison de son opposition à la dictature, il ne put que difficilement contribuer au film et conseilla à Costa-Gavras et à son musicien Bernard Gérard de choisir des morceaux dans son œuvre. Theodorakis ne découvrira le film et sa musique qu'une fois libéré et exilé en France[10].

Grigóris Lambrákis était aussi parfois surnommé « l'enfant souriant » (το γελαστό παιδί / to ielastó pedhí), d'où le titre de l'une des chansons du film[11].

On entend également le morceau électronique contemporain Psyché Rock, composé par Michel Colombier et Pierre Henry pour un spectacle de Maurice Béjart.

Liste des titres
  1. Main Title (Antonis)
  2. The Smiling Youth
  3. The Chase-The Smiling Youth
  4. Murmur of the Heart
  5. Cafe Rock
  6. Arrival of Helen-The Smiling Youth
  7. Batucada
  8. The Smiling Youth (Bouzouki version)
  9. The Smiling Youth
  10. Who’s Not Talking About Easter
  11. Finale-The Smiling Youth
  12. Murmur of the Heart
  13. In This Town

Analyse et commentaires

Sujet du film

Au tout début du film on peut lire : « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n'est pas le fait du hasard. Elle est volontaire. »

Z est en effet un réquisitoire contre la dictature des colonels instaurée le en Grèce, adapté du roman de Vassilis Vassilikos fondé sur un fait réel : l'assassinat du député grec Grigoris Lambrakis en 1963 à Thessalonique, assassinat organisé par des éléments de la police et de la gendarmerie et camouflé au départ en accident. Même si le nom du pays n'est pas expressément mentionné, des références évidentes à la Grèce apparaissent dans le film, par exemple les panneaux publicitaires pour la compagnie aérienne Olympic Airlines[12] ou la bière Fix, ou encore dans la bande originale.

Le sujet du film est le passage de la démocratie à un régime autoritaire de type dictatorial, au travers notamment des rapports entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif.

Thèmes et contexte

La fin des années 1960 est une grande époque pour les films politiques où est notamment dénoncé le totalitarisme.

Le député dirigeant un mouvement d'opposition au régime en place (Yves Montand) est gênant : il dénonce les impostures du régime. Pacifiste et progressiste, opposé à la course aux armements, il heurte les milieux réactionnaires liés au palais royal, au gouvernement et aux forces de l'ordre qui craignent qu'il ne fasse basculer politiquement le pays et souhaitent entraver sa progression. On choisit de le faire sous l'apparence d'un accident. Des manifestants déterminés, membres d'une association d'extrême-droite, perturbent dans l’indifférence de la police sa réunion politique en agressant ses participants puis le député lui-même. Puis sortant de la réunion, il est heurté par un véhicule dissimulant un extrémiste lui portant discrètement un violent coup à la tête. Hospitalisé, le choc entraîne sa mort malgré plusieurs opérations.

Un simple juge d'instruction intègre et motivé (Jean-Louis Trintignant) conduit, malgré les pressions et malgré son absence de sympathie politique pour le parti du député assassiné, une enquête minutieuse qui établit un vaste réseau de complicités ; il le démantèle en inculpant pour assassinat des cadres importants du régime. L’espace d’un moment plane un semblant de justice. Le procès sera toutefois torpillé par le régime qui, confronté aux protestations populaires, finira par mettre fin à l'état de droit, en instaurant une dictature militaire.

Malgré la normalisation finale du récit (les forces réactionnaires mises en difficulté instaurant une dictature militaire), Z reste le symbole de la déstabilisation que l’on peut faire subir à un ordre établi mais contesté.

Le juge d'instruction, Khristos Sartzetákis, incarcéré par la dictature des colonels, comme précisé à la fin du film, sera réintégré en 1974, puis candidat aux élections présidentielles de 1985 sera élu Président de la république de Grèce.

Z dans l'œuvre de Costa-Gavras

C'est le premier volet d'une série de films politiques de Costa-Gavras, avant L'Aveu (1970), État de siège (1973), Section spéciale (1975), et Missing (1982)

En pleine dictature des colonels, il fut impossible de tourner le film en Grèce. C'est donc en Algérie que Costa-Gavras tourna Z, car la ville d'Alger, par son architecture, ressemble beaucoup à Athènes[13].

Costa-Gavras découvre le roman de Vassilis Vassilikos lors d'un séjour en Grèce. Dès son retour, il obtient une avance de United Artists et en tire un scénario, en collaboration avec Jorge Semprún. La United Artists se retire à la lecture du scénario, qu'elle juge trop « politique » à son goût. Pour le financement, il s'adresse à Éric Schlumberger et à Jacques Perrin, qu'il connaît depuis le film Compartiment tueurs de 1965. Ils assurent une partie du financement et utilisent leurs contacts, en particulier en Algérie, où il est décidé que le film sera tourné, ce qui pose d'ailleurs problème puisque, dans ce pays, la séparation du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif est loin d'être établie et les libertés publiques sont limitées. Le producteur Hercule Mucchielli (Valoria Films) lance la distribution du film en France qui rencontre un énorme succès[14].

Par amitié et solidarité, Jean-Louis Trintignant accepte un petit cachet ; Yves Montand accepte de jouer en participation (douze minutes dans le montage final)[13].

La musique est du compositeur grec Mikis Theodorakis, alors emprisonné par le régime des colonels grecs. En réponse à Costa-Gavras, qui lui demande d'écrire la musique du film, il lui fait passer ce mot : « prends ce que tu veux dans mon œuvre »[15].

La voix du procureur général est celle de Jacques Monod.

Origine du titre

« Ζ » (zêta) est l'initiale du mot grec ancien « ζῇ / zi », qui signifie « il vit » ou « il est vivant ». Les opposants inscrivaient cette lettre sur les murs pour protester contre l'assassinat de Grigóris Lambrákis.

Polémique

En 1970, la veuve de Grigóris Lambrákis attaque en justice le producteur du film, ainsi que l'éditeur du roman, pour deux motifs : « atteinte à la mémoire de son mari, pour avoir déformé sa vie privée » et « avoir porté sa vie à l'écran sans autorisation ». Les deux demandes sont rejetées par le TGI de la Seine le [16].

Accueil

Accueil critique

La critique le salue comme le premier grand film politique français[17].

Jean Narboni, dans les Cahiers du cinéma, critique en revanche le film pour son "idéologie petite bourgeoise", ignorant "les analyses concrètes, l'étude objective des rapports sociaux, le démontage des mécanismes politiques [...], au profit de seuls critères moraux, qui en constituent à la fois le substitut-fétiche et la censure."[18] Il accuse le film de rapporter les enjeux de la lutte politique pour le pouvoir en Grèce à de seuls rapports moraux entre individus.

Box-office

Aux États-Unis, le film a rapporté 27,3 millions de dollars avec 21 496 000 spectateurs[19]. En France, le film compte 3 952 913 téléspectateurs, ce qui en fait le quatrième film le plus réussi en France en 1969[20].

Récompenses

Le film est récompensé par le prix du jury à Cannes, l'Oscar du meilleur film étranger et celui du meilleur montage.

Nominations et sélections

Notes et références

  1. Crédité comme Piet Bolsher.
  2. (en) « Z (1969), diffusions par pays », sur IMDb (consulté le ).
  3. Représentant Khrístos Sartzetákis, juge et président de la Grèce en 1985.
  4. Représentant Grigóris Lambrákis.
  5. Représentant Manólis Glézos.
  6. Représentant Georges Tsaroukas, député également, blessé dans l'attentat.
  7. Représentant le général Mitsou, commandant de la gendarmerie de la Grèce du Nord.
  8. Ouest France du vendredi 8 novembre 2019, édition de Quimper, p. 17
  9. Commentaire audio du DVD de Z - Wellspring Media
  10. « La musique de Z », sur grecealouest.eklablog.com (consulté le ).
  11. Point à clarifier : la chanson to yelasto pèdi a été composée par Théodorakis vers 1962 pour une pièce de l'auteur irlandais Brendan Behan, Un otage. Cf. Christian Pierrat, Théodorakis, Albin Michel, 1977, p. 117.
  12. Pierre Lherminier, Signoret Montand : Deux vies dans le siècle, Ramsay, , p. 27
  13. Z (1969)
  14. Jean-Pierre Mattei, La Corse, les Corses et le cinéma : cinquante ans de cinéma parlant, 1929-1980, Volume 2, A. Piazzola, , p. 312
  15. Costa-Gavras, à l'émission L'autre séance, sur LCP, à la suite de la diffusion de Z, janvier 2008.
  16. Cf. Nathalie Mallet-Poujol, « Archives orales et vie privée », 2006, sur Google Books, p. 131.
  17. Accueil critique des films
  18. Jean Narboni (Lien catalogue Ciné-Ressources http://www.cineressources.net/ressource.php?collection=ARTICLES_DE_PERIODIQUES&pk=10777), « "Le Pirée pour un homme" », Les Cahiers du cinéma, no 210, , pages 54-55
  19. JP's box-office
  20. JP's Box-Office France

Voir aussi

Bibliographie

  • Propos de Casta-Gavras, Jacques Perrin, Vassilis Vassilikos et Julien Guiomar recueillis par Pierre Acot-Mirande, Pierre Loubière et Gilbert Salachas, « Z », Téléciné no 151-152, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), , p. 4-16, (ISSN 0049-3287).
  • José Peña, ibid., p. 17-18

Liens externes

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