Yvan Colonna
Yvan Colonna, surnommé le « berger de Cargèse » par la presse française, né le à Ajaccio (Corse), est un éleveur et militant indépendantiste corse, condamné pour la suspicion d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste du préfet Claude Érignac, commis le à Ajaccio[1].
Biographie
Jeunesse et études
Né le à Ajaccio, Yvan Colonna est le fils de Jean-Hugues Colonna, né à Cargèse et ancien député socialiste des Alpes-Maritimes, et de son épouse Cécile Riou, d'origine bretonne (Laz, Finistère Sud). En 1975, toute sa famille s'installe à Nice où Jean-Hugues Colonna, son père, alors enseignant d'éducation physique, a été muté. Après un baccalauréat D, Yvan Colonna entame des études pour devenir professeur d'éducation physique et sportive. Il les abandonne en 1981 et retourne en Corse après avoir effectué son service militaire dans la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.
Berger et militantisme nationaliste
Il s'installe à Cargèse, où il se lance dans l'élevage de chèvres. Il milite dans des mouvements nationalistes proches du Front de libération nationale corse (FLNC).
En 1990, Yvan Colonna et sa compagne Pierrette Serreri deviennent parents d'un garçon prénommé Jean-Baptiste, Ghjuvan Battista en corse[2].
Dans les années 1990, lors de l'éclatement du mouvement FLNC entre Canal Historique, Canal Habituel et Resistenza Corsa, il semble prendre du recul par rapport à la mouvance nationaliste.
Attaque de la gendarmerie de Pietrosella
Yvan Colonna était poursuivi pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » pour l'attaque à l'explosif de la gendarmerie de Pietrosella (Corse-du-Sud) en 1997, au cours de laquelle deux gendarmes ont été pris en otage et où l'arme qui servira plus tard à tuer le préfet Érignac a été dérobée. Il a été condamné pour avoir joué le rôle de guetteur, le .
Cavale et arrestation
Dénoncé à plusieurs reprises, pendant un an et demi par quatre des six nationalistes coaccusés, pour l'assassinat du préfet Érignac commis le 6 février 1998 à Ajaccio, ainsi que par leurs épouses, plusieurs étant revenus sur leurs déclarations au bout de dix-huit mois, Yvan Colonna prend la fuite le . Après s'être soustrait pendant plus de quatre ans à la justice, il est arrêté près d'Olmeto le et transféré le lendemain 5 juillet à la prison de la Santé, à Paris[3]. Le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy déclare le soir de l'arrestation que « La police française vient d'arrêter Yvan Colonna, l'assassin du préfet Érignac », ce qui lui vaut des reproches pour atteinte à la présomption d'innocence et des poursuites judiciaires de la part d'Yvan Colonna. Yvan Colonna a engagé une procédure mais le tribunal de Paris n'a pu que reporter son jugement à la fin des fonctions présidentielles de Nicolas Sarkozy en raison de son immunité[4]. Une semaine après son arrestation, ses complices étaient condamnés à des peines allant jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité.
Premier procès
Le , la Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi d'Yvan Colonna contre son renvoi devant la Cour d'assises spécialement composée[5] de Paris, celui-ci est renvoyé pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste » devant la cour d'assises spéciale de Paris du 12 novembre au [6], qui le condamne le à la réclusion criminelle à perpétuité.
La peine prononcée par la cour d'assises spéciale de Paris, après un mois de procès, ne suit pas les réquisitions du parquet, qui avait demandé la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans, la défense ayant demandé l'acquittement.
L'un des avocats d'Yvan Colonna, maître Antoine Sollacaro, a évoqué une « erreur judiciaire », affirmant que le dossier est « absolument vide de preuve » et a conclu en annonçant : « Nous allons faire appel dans les plus brefs délais »[7].
Deuxième procès
Yvan Colonna est condamné de nouveau à la perpétuité le , peine assortie d'une période de sûreté de 22 ans en appel par la cour d'assises de Paris spécialement composée, qui a une compétence exclusive en matière terroriste et qui est composée en appel de 9 magistrats professionnels.
Le , la Cour de cassation annule, pour des raisons de vice de procédure[8], la condamnation du prononcée par la Cour d'assises spéciale de Paris. La juridiction suprême reproche à cette dernière de n'avoir pas respecté l'article 331 du code de procédure pénale qui interdit d'interrompre un témoin pendant sa déposition. L'un d'entre eux, cité comme expert par la défense, avait été interrompu par le parquet et les parties civiles qui avaient mis en doute ses compétences en matière de balistique. Son audition s'était, ensuite, déroulée sur deux journées.
Le , Yvan Colonna est condamné à un an de prison ferme pour transport et détention d'arme de première catégorie et relaxé des chefs d'accusation d'association de malfaiteurs et de faits commis en lien avec une entreprise terroriste[9].
Le parquet interjette appel le [10].
Troisième procès
Le lundi s'ouvre le troisième procès à la cour d'assises de Paris d'Yvan Colonna[11]. Le lundi , Yvan Colonna est reconnu comme étant le tireur et est condamné pour la troisième fois à la réclusion criminelle à perpétuité, sans période de sûreté, par la cour d'assises spéciale de Paris. Il est défendu par Gilles Simeoni[12] aux côtés d’Antoine Sollacaro, de Pascal Garbarini et d'Éric Dupond-Moretti. Pour la première fois de l'histoire judiciaire française, une cour d'assises motive son verdict, anticipant de fait une évolution législative française visant à se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne. Le , la Cour de cassation rejette le pourvoi que la défense d'Yvan Colonna a intenté[13].
Le , Antoine Sollacaro, qui fut l'un des avocats d'Yvan Colonna, est assassiné dans une station-service sur la route des îles Sanguinaires[14] (Corse-du-Sud).
Saisie de la Cour européenne des droits de l'Homme
Le , Yvan Colonna saisit la Cour européenne des droits de l'Homme, estimant qu'il n'a pas eu le droit à un procès équitable[15]. En , sa requête est déclarée recevable par la Cour. « La requête a passé le filtre de la recevabilité et a été transmise au gouvernement français », déclare à la presse son avocat, Me Patrice Spinosi. Selon lui, « il appartient désormais au gouvernement français de répondre d'ici juillet à notre argumentation par la voix du ministère des Affaires étrangères ». Il ajoute qu'une décision sur le fond pourrait être rendue en 2017. « Si comme nous l'espérons la Cour européenne condamnait la France, la porte serait ouverte pour qu'Yvan Colonna puisse saisir la cour de révision et de réexamen de la Cour de cassation »[16].
La Cour européenne des droits de l'homme juge finalement irrecevable la requête d'Yvan Colonna, condamné pour l'assassinat du préfet Erignac, qui s'estimait victime d'atteinte à la présomption d’innocence, refus qui ferme la porte à un nouveau procès[17].
Vie en prison
Yvan Colonna est d'abord incarcéré à la prison de Fresnes (Val-de-Marne). Il se marie le avec une Corse de 38 ans prénommée Stéphanie, mère de deux enfants nés d'un précédent mariage[18]. La cérémonie est alors célébrée par Henri Israël, adjoint (PS) au maire de Fresnes, en présence de Mgr Jacques Gaillot[19]. Un fils prénommé Joseph, Ghjaseppu en corse, naît de cette union le à Ajaccio[20],[21].
Il reste huit ans à Fresnes puis un an à Toulon, avant d'être transféré à la centrale d'Arles. En 2013, il est transféré à la prison de Réau, en Seine-et-Marne, pour suspicion de tentative d'évasion avec des explosifs[22]. Il retourne à Arles quelques semaines plus tard.
Le , la femme d'Yvan Colonna, Stéphanie Colonna, interpelle le président Emmanuel Macron sur l'impossibilité pour son fils de voir son père. Elle demande le transfert de son mari en Corse, actuellement détenu à Arles sous le statut de détenu particulièrement signalé[23].
Bibliographie
- Frédéric Charpier et Antoine Albertini, Les Dessous de l'affaire Colonna, éditions Presses de la Cité, 252 p., 2007.
- Jean-Pierre Larminier, Claude Erignac et Yvan Colonna : deux victimes pour une affaire d'État, éditions Jeanne d'Arc, 45 p., 2008.
- Roland Laurette, Yvan Colonna : L'innocence qui dérange, éditions L'Harmattan, 98 p., 2011.
- Vincent Le Coq, "Colonna, anatomie d’un procès truqué" - éd. Max Milo, 2011
Filmographie
- Yvan Colonna, l'impasse, par Ariane Chemin, Samuel Lajus, Gilles Perez, diffusé sur France 3 le .
- Yvan Colonna, la traque (série Faites entrer l'accusé), par Benoît Bertrand Cadi, diffusé sur France 2 le .
- Les Anonymes - Un Pienghjite Micca film de Pierre Schoeller
Dans la culture populaire
Fin 2007, le journaliste politique et judiciaire Dominique Paganelli et le dessinateur Tignous couvrent le (premier) procès d'Yvan Colonna, pour le journal Charlie Hebdo[24]. Tous deux en tireront l'année suivante la bande dessinée Le Procès Colonna. L'ouvrage obtient le prix France Info de la bande dessinée d'actualité et de reportage 2009[25].
Notes et références
- Énoncé du verdict le condamnant à perpétuité le 20 juin 2011 : « Yvan COLONNA est déclaré coupable pour son appartenance à une association de malfaiteurs, sa participation à l'attaque de la gendarmerie de PIETROSELLA, le 6 septembre 1997, aux infractions concernant les gendarmes PANIEZ et HIERNAUX commises à cette occasion et à l'assassinat du préfet Claude ERIGNAC perpétré le 6 février 1998 à AJACCIO, ces crimes et délits étant en rapport avec une entreprise terroriste. […] » lire en ligne, sur lefigaro.fr [PDF].
- Le JDD, « Yvan Colonna, le berger de Cargèse », sur lejdd.fr (consulté le )
- « Yvan Colonna a été arrêté en Corse », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Clearstream, le lapsus de Sarkozy, LeJD.fr, 23 septembre 2009
- C'est-à-dire composée de sept magistrats, et non de trois magistrats et neuf jurés (articles 698-6 et 706-25 du Code de procédure pénale)
- Yvan Colonna sera jugé à partir de novembre, sur le site Le Monde.fr du 24 juillet 2007
- La défense d'Yvan Colonna fera appel du verdict, Dépêche AFP, 8 heures, 14 décembre 2007, sur le site lemonde.fr
- Yves Bordenave, « Un an de prison ferme pour Yvan Colonna », Le Monde,
- « Cavale de Colonna: appel du parquet pour les six prévenus, dont Colonna », AFP, (lire en ligne)
- Yvan Colonna : Et s'il parlait ?, 5 mai 2011.
- Avec Reuters, « Procès Colonna: Un demi-victoire pour la défense », 20 minutes, (lire en ligne, consulté le ).
- La Cour de Cassation rejette le pourvoi.
- Libération.fr avec AFP, « Antoine Sollacaro, ancien avocat de Colonna, assassiné en Corse », sur Libération.fr, 16 octobre 2012..
- Colonna saisit la Cour européenne des droits de l'Homme, sur le site tempsreel.nouvelobs.com
- « La CEDH déclare recevable une requête d'Yvan Colonna », sur Le monde
- Libération, « Pourquoi il n'y aura plus de procès Colonna », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « [PORTRAIT] Madame Yvan Colonna », sur L'Obs (consulté le )
- « Yvan Colonna s'est marié en prison en présence de Mgr Gaillot », 20minutes.fr, 3 mars 2011.
- « Le fils d'Yvan Colonna est né », sur FIGARO, (consulté le )
- « Ghjaseppu Colonna, fils d'Yvan né le 1er décembre à Ajaccio », Corse-Matin, (lire en ligne, consulté le )
- « Soupçonné de tentative d'évasion, Yvan Colonna a été transféré de prison », lexpress.fr, 12 juillet 2013.
- « VIDEO. Emmanuel Macron interpellé par la femme d'Yvan Colonna dans la rue », sur www.20minutes.fr (consulté le )
- « Yvan Colonna : un procès, un condamné, une BD », article du journal Corse Matin, du 12/06/2008.
- Lauréats du Prix France Info, site de la radio France Info, du 10/08/2014.
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