Viticulture en Belgique

La viticulture en Belgique est l'ensemble des activités menant à l'élaboration et la production de vins en Belgique. Après avoir pratiquement disparu au XVIIIe siècle lors du petit âge glaciaire, la viticulture belge connaît une renaissance depuis la seconde moitié du XXe siècle.

Vignoble à Torgny

Histoire

Moyen Âge

La culture de la vigne en Belgique est apparue au Moyen Âge aux alentours du IXe siècle. Il est peu probable que la vigne fût présente auparavant car le climat n’était pas adapté et la Gaule était recouverte d’épaisses forêts, cependant au IVe siècle, les vignobles de Paris étaient mentionnés. À partir de cette époque, la vigne s’étendit vers le nord et au VIIIe siècle, les bords du Rhin étaient recouverts de vignobles. On a longtemps pensé que les premiers essais de viticulture en Belgique avaient dû être réalisés au même moment. Certains auteurs ont ainsi prétendu que les vignobles étaient déjà bien implantés à Amay en se basant sur un texte qui disait que Sainte Ode possédait des vignobles dès 634. Mais le texte en question ne précise pas que c'était à Amay, tout en citant des possessions sur la Lieser en Moselle. D'autant qu'aucun vignoble n'est cité à Amay entre 634 et 1313 !... Le vignoble de Vivegnis, au nord de Liège, était déjà réputé comme ancien au IXe siècle, à la fin de l'Empire, estimait E. Piton en 1948 dans son livre En Hesbaye-la lèpre, les vignobles, la frontière linguistique, sans citer de source et aucun auteur n'en a trouvé la confirmation.

Ce n'est qu'en 830 que le vignoble hutois qui appartenait en partie à l’évêque de Liège est cité dans un document, 15 ans après celui de Gand (815) Dès le Xe siècle, les bords de la Meuse étaient des lieux fort cultivés car ils présentaient des coteaux bien exposés.

Au XIVe siècle, chaque ville possédait son propre vignoble que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des murs d’enceinte. Toutes ces villes (Tournai, Louvain, Bruxelles, Bruges, Gand, Thuin, Hal, Dinant, Namur, Tongres, Huy, Liège) ont laissé des traces de leur vignoble grâce à certaines toponymies locales telles que Wijnberg, mont des vignes, Wijngaard, aux vignes, Vivegnis, Vinalmont…, rue des Coteaux, etc.

Les premières personnes à avoir cultivé la vigne furent des moines car ils avaient besoin, pour leurs célébrations, d’une boisson pure et saine (c’est-à-dire une boisson microbiologiquement saine qui ne risquait pas de contaminer les citoyens par les eaux de pluies "polluées") et le vin répondait à leurs attentes. C’est pourquoi les premiers vignobles étaient la propriété d’abbayes. Certaines mieux organisées en possédaient même loin de leur territoire. D’autre part, la vigne était aussi cultivée par des particuliers et même par des seigneurs, comme les ducs de Bourgogne qui possédaient les vignobles de Bruxelles, Louvain, Aarschot, Namur et Mons.

Renaissance

Dès le XVe siècle, les conditions climatiques ont rendu cette culture plus difficile. Pour les climatologues, cette période est appelée « petite ère glaciaire ». Certains vignobles ont survécu jusqu’au XVIIe siècle grâce à un microclimat favorable.

À cette même époque, les techniques de fabrication et, à la suite de l'addition du houblon, la conservation de la bière se sont améliorées : la bière a doucement pris le dessus en tant que boisson bactériologiquement saine et a supplanté le vin. Auparavant, tout le monde avait un jardin qui fournissait les légumes nécessaires à la vie quotidienne. Mais la population des villes augmentait tellement que les jardins furent supprimés afin d’y bâtir des habitations. Dès lors, les cultures maraîchères (champs d’orge, légumes…) remplacèrent peu à peu les vignobles.

La situation de la Belgique est la situation d’une période climatique, d’ailleurs l’Angleterre a suivi la même évolution : un pays riche en vignobles au Moyen Âge qui, à la Renaissance, s’est transformé en pays de l’ale (bière).

Période moderne

Remacle Le Loup - 1740 - eau-forte représentant la ville de Huy. À gauche : vignoble emmuré du couvent des Croisiers. Au centre : probablement le vignoble de Grimomont

La disparition des vignes n’est pas due aux actes de guerre comme ceux de Louis XIV ou aux traités de Napoléon ainsi que certains historiens l’ont écrit. Une étude menée sur les archives de Huy est claire à propos du maintien des vignes pendant le siège de la ville par les troupes de Louis XIV. En réalité, la disparition des vignobles belges est due — outre la modification du climat — à l’amélioration des voies de communications, qui ont rendu la Belgique plus accessible aux vins français, allemands et espagnols contre lesquels les vins locaux ne pouvaient être comparés ni en valeur, ni en qualité, ni en bouquet, mais aussi à l’industrialisation des anciennes zones viticoles et à l’extension des cultures maraîchères qui remplacèrent les vignobles[1].

Au XIXe siècle, la vigne a presque entièrement disparu des régions septentrionales. Plusieurs tentatives de reconstruction ont été menées mais ont échoué. Le Clos Bois Marie de Huy est d’ailleurs le seul vignoble belge qui peut s'enorgueillir d’exister depuis plus de 1 000 ans avec une seule interruption de 1940 à 1963. Quelques autres vignobles se sont difficilement maintenus en bord de Meuse jusque dans les années 1920.

Période contemporaine

Cependant, dans les années 1960, à Huy et à Looz, deux vignerons, qui ne se connaissaient pas, plantèrent leurs premiers ceps de vignes en 1962. Charles Legot, influencé par ses amis de Bourgogne, planta des ceps de pinot et fit renaître le Clos Bois Marie alors que Jan Bellefroid se tourna vers des cépages allemands (müller-thurgau alias rivaner). À Huy, Constant Seba suivit les pas de Legot et ainsi de suite. De nombreux vignobles se mirent ainsi à renaître. Ce mouvement prit de plus en plus d’ampleur et de plus en plus de vignerons plantèrent de petits vignobles au moyen de plants dits hybrides ou interspécifiques, résistants aux maladies mais difficiles à vinifier. Dans les années 1970, le renouveau viticole gagna la Flandre et les Pays-Bas avec les cépages blancs allemands. Des producteurs de fruits remplacèrent leurs arbres fruitiers par des vignes, de sorte que dans le Hageland (autour de Louvain), une région viticole se recréa et décrocha en 1997 la première AOC belge : Hagelandse Wijn. En 2000, la Hesbaye flamande a suivi avec l’AOC Haspengouwse Wijn et, en 2004, les Wallons obtirent l’AOC Côtes de Sambre-et-Meuse.

En 2013, la production viticole belge est de 553 395 litres (contre 299 191 litres un an plus tôt) pour une superficie de 184 hectares, pour 153 hectares en 2012[2], année nettement moins productive en raison de mauvaises conditions climatiques. La production continue à augmenter: 7028 hectolitres en 2014 et 10255 en 2015[3] (bonnes conditions climatiques et plus de surface).

Les vins mousseux constituent 48 % de la production totale, pour 32 % de vins blancs, 16 % de vins rouges et environ 3 % de vins rosés[2].

Viticulture conviviale

Cette volonté de recréer le vignoble belge est due à différents facteurs.

Tout d’abord, il y a un facteur historique qui vise à remettre à jour un ancien goût de terroir afin de retrouver ses racines. C’est surtout le cas des vignobles replantés à l’identique sur des anciens sites abbatiaux tels que Villers-la-Ville ou l’Abbaye de Saint-Denis-en-Broqueroie (près de Soignies).

Ensuite et souvent, c’est un facteur amical. Des amateurs de vin, souvent chapeautés par une ASBL, s’investissent énormément dans la création et l’entretien d’un vignoble. Les membres achètent du matériel et organisent des activités toujours dans une ambiance de camaraderie.

Enfin et plus rarement vient le facteur pédagogique ou altruiste avec, par exemple, le vin de terril de Trazegnies dont les fonds recueillis sont versés à une ASBL qui restaure le château de Trazegnies.

Le vignoble de l’abbaye de Villers-en-Brabant

À Villers-la-Ville, la confrérie du vignoble de l’abbaye de Villers-en-Brabant entreprend la réhabilitation du vignoble intra-muros depuis 1990. Étant une ASBL, leur seul but est de faire revivre l’ancien vignoble de l’abbaye, en respectant sévèrement la disposition des lieux telle que les moines l’avaient conçue et, bien sûr, de créer une joie pour les membres de cette confrérie.

Ce vignoble compte une vingtaine d’ares, répartis sur cinq terrasses contenant approximativement 570 ceps. Il jouit d’une bonne exposition sud-ouest et est à l’abri des vents froids car il est disposé dans un véritable clos. Son sol est limoneux et sablonneux. L’ampélographie — c’est-à-dire le choix des cépages — s’est dirigée vers des hybrides rouges (le Léon Millot d’origine lorraine) et blancs (le Sirius et Phoenix d’origine allemande et Bianca d’origine hongroise).

TerVigne : le vignoble d'Herlaimont (Charbonnage Mariemont-Bascoup, Terril N°7 )

En 1968, François Dubois, sylviculteur et propriétaire du terril no 7, démontre que les terrils ne sont pas stériles en y plantant toutes sortes d’arbres. Devant le succès rencontré, il planta, en 1972, 12 ares de vignes, pour les doubler en 1973 et atteindre 1 ha (3 000 pieds) en 1974.

L’ampélographie de ce vignoble, selon les souhaits de François Dubois, s’est tournée vers des cépages nobles.

Le vignoble comprend 3 000 pieds dont 800 pinot noir, 600 riesling et 800 müller-thurgau. Le reste est réparti dans les autres cépages (pinot gris, chardonnay, gamay et quelques hybrides : léon millot et seyval). Actuellement, le vignoble produit 1 000 à 2 000 bouteilles par an de vin.

Les vins Château de Trazegnies ont déjà remporté des distinctions :

  • au Megavino 1996, le Château de Trazegnies Müller-Thurgau 94 a été primé avec cinq autres vins sélectionnés sur 29 présentés.
  • au Megavino 1997, le Château de Trazegnies Müller-Thurgau 96 a reçu la treizième place sur 43 vins présentés.

Les raisons de ce succès reposent sur quatre données :

  • les schistes carbonifères des terrils contiennent des éléments nécessaires à la végétation. La vigne s’accommode parfaitement avec des terres maigres et acides ;
  • le principe selon lequel le sol du terril, de couleur foncée, constitue un capteur solaire efficace. Les schistes donnent donc à la vigne un système naturel d’accumulation de chaleur ;
  • le sol est caillouteux et ne retient qu’une faible quantité d’humidité par rapport aux sols argileux et limoneux, ce qui permet également à la vigne de plonger dans le sol meuble et bien aéré ;
  • les cépages ont été choisis selon les critères d’adaptation au climat.

À sa mort, François Dubois a légué le vignoble à une fondation dont les revenus sont destinés à l’ASBL Les Amis du Château de Trazegnies, qui a la charge d’entretenir et de restaurer ce monument classé.

www.tervigne.be

Confrérie du Clos du Maillon

A Gilly, 630 plants de vigne ont été plantés par les résidents du « Maillon », une maison d’hébergement pour personnes handicapées mentales. Ce sont des vignerons qui supervisent le projet, né d’une amitié franco-belge et d’une remarquable idée de solidarité. Le Président d’Honneur du Clos du Maillon n’est autre que le Bourgmestre de Charleroi. Les éventuels revenus serviront à terme à financer une salle polyvalente pour les activités récréatives des résidents du « Maillon ».

Il existe évidemment de nombreuses autres viticultures de ce type. Ceux-ci servent d'exemple.

Viticulture professionnelle

Appellation d’origine contrôlée (AOC)

Heure-le-Romain cœur du "Vignoble de Liège"

L’appellation d’origine contrôlée confère à une production viticole une notoriété et une plus grande crédibilité auprès des consommateurs. Ce principe valorisant à tout point de vue est la base de la politique et de la réglementation viticole de l’Union européenne. La priorité des attributions des appellations recouvrent des vignobles historiques de l'époque romaine. Avant le "petit âge glaciaire" et l'effondrement de la société romaine les vignobles ont prospéré sous l'impulsion des abbayes et du défrichement de la forêt ardennaise. Si une propriété actuelle peut revendiquer cette lignée historique tout en suivant un cahier des charge rigoureux elle a de bonne chance de revendiquer une AOP. Des recherches cadastrales poussées et rigoureuses sont un travail important pour la légitimité de cette attribution. Une démarche fédérale forte encadre le processus toujours en cours. Le réchauffement climatique incitant de plus en plus de nouvelle implantations, les anciens sites sont très prisés. Ce phénomène, dans une moindre mesure, est similaire à l'achat de parcelles dans le sud de l'Angleterre pour la production de "Champagnes".

En Belgique, l'AOC Côtes de Sambre et Meuse a été protégée par une décret signé le par le ministre José Happart. Le même jour a été pris un autre arrêté sur la dénomination géographique Vin de pays des jardins de Wallonie. La troisième appellation, depuis 2005, est réservée au Crémant de Wallonie[4].

Il y a trois appellations d'origine contrôlées en Flandre : Hagelandsewijn depuis 1997, Haspengouwsewijn, couvrant une partie du Limbourg dans les environs de Riemst, et Heuvellandsewijn qui ont été reconnus respectivement en 1999 et en 2000. Les autres vins produits portent la dénomination Vlaamse landwijn mais ne constituent pas une AOC[4].

La notion de terroir qui englobe non seulement le sol mais le microclimat et les facteurs sociaux tels que les méthodes de culture, la vinification, et surtout l'histoire. justifiait, tant sur le plan économique et commercial que touristique, de doter la production wallonne d’AOC.

Recherche qualitative

Quoiqu'en veille depuis plusieurs siècles, la culture de la vigne en Belgique n'est pas récente et depuis quelques années, on assiste à un regain d'intérêt pour le vignoble belge. Certains viticulteurs réalisent d'ailleurs une production remarquable.

Dans les vignobles belges, nous pouvons citer : le vignoble des Agaises à Haulchin, le domaine du Chenoy près de Namur, et le vin bio Hageling à Tirlemont et ceux de Tongres. Au concours mondial de Bruxelles 2019, la cuvée prestige 2014 du domaine du Chant d’Éole (Quévy-le-Grand) décroche la première place comme révélation internationale des vins mousseux.

On produit à plusieurs endroits en Flandre du mousseux à base de chardonnay tel le Meerdael. Tous ces vins sont de qualité respectable et proposent des prix raisonnables pour la plupart, soit moins de 10  la bouteille. Les vins belges sont encore loin de prétendre à des prix avoisinant ceux du champagne, bien que le "Seigneur Ruffus" des Agaises, un chardonnay mousseux, ait obtenu une belle médaille d'argent au concours international de Lisbonne en 2005.

Par ailleurs, de plus en plus d'associations se mettent à promouvoir le secteur du vin en Belgique. L'une d'entre elles est l'Oenokot, un "kot à projet" de l’université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve) qui regroupe une dizaine d'étudiants de tous bords. Ils organisent un foire aux vins belges. Cette foire réunit des produits aussi variés par leur origine (tout le pays est représenté) que par leur nature (vin, vin de fruit, maitrank). Une autre association propose également un site internet intéressant et plus ciblé sur les cépages cultivés en Belgique ainsi que les techniques d'élaboration du vin[5].

Vignobles et producteurs

  • Château de Bioul
  • Clos les Ramiers à Looz
  • Vignoble de La Mazelle
  • Vignoble de l'abbaye de Saint-Denis
  • Vin de Liège
  • Vignoble des Agaises
  • Vignoble du château Genoels-Elderen
  • Clos des Zouaves à Thuin
  • Domaine du Chenoy
  • Domaine du Chapitre
  • Domaine du Chant d'Éole
  • Confrérie du Vignoble de l'Abbaye de Villers en Brabant, association sans but lucratif, à Villers-la-Ville
  • Domaine de Mellemont à Thorembais-les-Béguines (Pierre Rion, Étienne Rigo, François Vercheval)
  • Philippe Grafé, Domaine Viticole Philippe Grafé sprl à Emines
  • Raymond Godin, Les Coteaux de Dame Palate à Chokier
  • Tervigne, "Côteaux du Vignoy", société privée à responsabilité limitée sur le terril N°7 à Chapelle-lés-Herlaimont, Hainaut.
  • Vin du Pays de Herve.

Concours de vins

Seuls quelques concours de vins sont organisés en Belgique. Mais il n'y a que le Concours International des Vins organisé par l'institut de qualité Monde Selection qui a reçu le patronage de l'O.I.V.

Bibliographie

  • KESSE Guillaume, TFE "Les vins en Belgique", 2006, 28 p.
  • HALKIN J., Réédition de Étude historique sur la culture de la vigne en Belgique, , 160 p.
  • BOSCHMAN Eric, VAN DE SOMPEL Kris, VANEL Marc, Vignobles de Belgique, , 172 p., Racine, Bruxelles et Belgische Wijngaarden chez Lannoo.
  • MORRISON F., L’Aube des Vins Belges in GaultMillau, septembre/, p. 108-p. 109.
  • JORIS M., Insolite in Gael, , p. 215-p. 218.
  • BOSCHMAN E., 13 vins belges in Gael, , p. 166-p. 170.
  • Catégorie Belgique in Le Guide des Vins LE SOIR, 202-208.
  • G.T., Près de 150 bénévoles au vignoble in La Province, p. 7. 2005
  • JOURDAN G., Le monde du vin ne sera plus jamais comme avant in www.Économie du matin.com, Édition no 38.9 | 05/09/2005

Notes et références

  1. Au XVIIe siècle et au XVIIIe siècles, le vignoble Belge va disparaître presque complètement (sauf Huy), sous l’effet de fortes gelées et de l’amélioration des voies de communication. Les classes supérieures méprisent le vin du cru ou " vin paysan ", alors que la faveur du peuple va à la bière.http://www.villers-la-vigne.be/index.php?option=com_content&task=view&id=50&Itemid=98
  2. La production de vin belge a presque doublé en 2013, Belga, lalibre.be, 23 octobre 2014
  3. Service public fédéral Economie, cité par Le Vif, 21 octobre 2016.
  4. Les AOC belges
  5. http://www.vignes.be

Voir aussi

Liens externes


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