Tour de France 1930

Le Tour de France 1930, 24e édition du Tour de France, s'est déroulé du 2 juillet au sur 21 étapes pour 4 818 km. Il voit l'apparition des équipes nationales, remplaçant les équipes de marques, et de la caravane publicitaire. Il a été remporté par le coureur français André Leducq.

La « révolution » du Tour de France 1930

Au cours des années 1920, le Tour subit la mainmise d'équipes de marques[1], Alcyon de 1927 à 1929 notamment, assez puissantes pour « d'une part engager les meilleurs coureurs (« écraser la course ») et d'autre part acheter les coureurs ou les équipes concurrents (« verrouiller la course ») afin de s'assurer la victoire et la publicité afférente »[2]. Ces victoires orchestrées se font en dépit du règlement de course, qui interdit l'entraide.

Cette domination des industries du cycle nuit à l'intérêt sportif de la course, que Desgrange tente en vain de maintenir en changeant de formule chaque année, au prix de contradiction et de « [tergiversations] avec son idéal sportif »[3]. Les changements successifs de règlement n'atteignent pas leur but et plongent au contraire le Tour dans une période de décadence[4]. En outre, aucun Français n'a gagné depuis 1923[5],[6]. La victoire en 1929 du Belge Maurice De Waele, affaibli et aidé par ses coéquipiers d'Alcyon, provoque la fureur de Desgrange[7] et le convainc de révolutionner le mode de participation au Tour de France. Il annonce les changements à venir dans L'Auto le [1],[5].

Les marques de cycles disparaissent : désormais, les coureurs contractent directement avec le Tour et sont regroupés par équipes nationales. L'Auto paye leurs frais et leur fourni un vélo jaune sans marque. Pour cette édition de 1930, cinq équipes nationales sont présentes, regroupant 40 coureurs : l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France et l'Italie. Les autres coureurs forment la catégorie des « touristes-routiers ». Tous courent à leurs frais. Pour éviter les nombreux abandons, ils sont désormais sélectionnés : « 40 places seront réservées aux coureurs des années précédentes et 20 à des coureurs qui, au cours de la saison, auront fait leurs petites preuves », précise Desgrange[8].

Avec cette « révolution », Desgrange renforce son autorité[9]. Les fabricants de cycles sont écartés, il décide des équipes nationales présentes, de leurs dirigeants, et peut écarter certains coureurs[10].

Cette nouvelle formule impose à L'Auto de trouver de nouvelles sources de revenus[7]. Une redevance est ainsi demandée aux villes étapes, contrepartie de la publicité offerte et de l'activité générée pour l'hôtellerie et la restauration[11]. Surtout, la caravane publicitaire est créée. Cette file de véhicules publicitaires est initiée à la fin des années 1920 par Paul Thévenin, directeur de la publicité des chocolats Menier. Un véhicule portant les couleurs de la marque et distribuant des échantillons ou objets publicitaires passe une heure après les coureurs, accompagné entre autres de véhicules du cirage Lion Noir et des réveils Bayard[12]. En 1930, Thévenin propose à Desgrange de faire passer cette caravane avant les coureurs, contre le paiement d'une redevance. Cette première caravane « officielle » est composée de six véhicules dont ceux de Menier, Lion Noir, Bayard, des gruyères Staff et du café Standard. Menier crée également un prix de la montagne de 5 000 francs[12],[6].

Parcours

Le Tour de France 1930 s'inscrit dans la période de 1905 à 1951, durant laquelle le parcours de la course réalise un « chemin de ronde », collant aux frontières de l'Hexagone[13].

Pau (Basses-Pyrénées) et Montpellier (Hérault) sont villes-étapes pour la première fois.

La course commence à Paris et dans sa banlieue, comme toutes les ans jusqu'en 1950, à l'exception de 1926[14]. Le départ est donné au Vésinet, après un défilé dans les rues de Paris depuis le siège de L'Auto, rue du Faubourg-Montmartre[15].

Le parc des Princes accueille l'arrivée du Tour de 1903 à 1967.

Participation

Les cinq nations retenues par Henri Desgrange pour former des équipes sont la France, la Belgique, l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne. En l'absence d'équipe luxembourgeoise, Nicolas Frantz, vainqueur du Tour de France en 1927 et 1928 ne peut participer.

Desgrange s'arroge également un pouvoir important dans la composition des équipes. Il désigne le directeur de l'équipe belge, Karel Steyaert, créateur du Tour des Flandres. Cette équipe n'inclut pas le tenant du titre Maurice De Waele, déclaré indésirable par Desgrange. Le Belge Lucien Buysse est le seul ancien vainqueur au départ de cette édition. Il n'est cependant pas dans son équipe nationale, mais parmi les touristes-routiers. Ses résultats depuis son succès en 1926 n'en font pas un prétendant à la victoire[16].

Pour former l'équipe d'Italie, Desgrange parvient à convaincre le campionissimo Alfredo Binda, peu enthousiaste, de participer, moyennant une prime de départ. Il refuse en revanche la participation de Costante Girardengo qui, associé à Binda, aurait formé un duo invincible selon lui[17].

En évinçant De Waele, Frantz, Girardengo, Desgrange place l'équipe de France dans une situation favorable, voire lui « ouvre un boulevard »[18]. Celle-ci comprend trois prétendants à la victoire : André Leducq, deuxième en 1928, Antonin Magne, classé parmi les sept premiers des trois éditions précédentes, et le grimpeur Victor Fontan, septième du Tour de France et quatrième du Tour d'Italie en 1928. Le capitaine de route de l'équipe est Charles Pélissier[19].

Équipes participantes

no  Équipes
1-8 Belgique
9-16 Italie
17-24 Espagne
25-32 Allemagne
33-40 France
101-186Touriste-routier

Déroulement de la course

  • Remarquablement épaulé par l'équipe de France, André Leducq s'empare du maillot jaune à Luchon (9e) et le conserve jusqu'à Paris en dépit d'une sérieuse chute dans la descente du Galibier et grâce à une fantastique poursuite de l'équipe de France envers ses deux principaux adversaires Guerra et Demuysère, qui restera gravée dans les annales du Tour. Révélation de Learco Guerra et de Vicente Trueba. Alfredo Binda, attardé, abandonne après avoir remporté deux étapes (8e, 9e). Il avait passé un accord secret avec Henri Desgrange, selon lequel il assurait sa présence pour quelques étapes.

Bilan de la course

  • Le Français Charles Pélissier remporte huit étapes[20] (dont les quatre dernières) de cette seule édition (il est codétenteur de ce record avec Freddy Maertens et Eddy Merckx). Trois fois seulement il ne termine pas dans les trois premiers d'une étape[21].
  • Premier reportage radiophonique en direct par Jean Antoine et Alex Virot.
  • Toutes ces innovations font de l'édition de 1930 un jalon fondamental de l'histoire du Tour de France : l'époque pionnière se refermait définitivement.
  • Ce Tour fut parcouru à une vitesse moyenne de 27,978 km/h.

Cette édition est, notamment grâce à la victoire de l'équipe de France, un grand succès populaire. La presse écrite souligne l'affluence et leur ferveur du public.

Étapes

Étape[22],[23],[24] Date Villes étapes Distance (km) Vainqueur d’étape Leader du classement général
1re étape2 juilletParis - Le VésinetCaen
206 Charles Pélissier Charles Pélissier
2e étape3 juilletCaenDinan
203 Learco Guerra Learco Guerra
3e étape4 juilletDinanBrest
206 Charles Pélissier Learco Guerra
4e étape5 juilletBrestVannes
210 Omer Taverne Learco Guerra
5e étape6 juilletVannesLes Sables-d'Olonne
202 André Leducq Learco Guerra
6e étape7 juilletLes Sables-d'OlonneBordeaux
285 Jean Aerts Learco Guerra
7e étape8 juilletBordeauxHendaye
222 Jules Merviel Learco Guerra
8e étape9 juilletHendayePau
146 Alfredo Binda Learco Guerra
9e étape10 juilletPauLuchon
231 Alfredo Binda André Leducq
10e étape12 juilletLuchonPerpignan
322 Charles Pélissier André Leducq
11e étape14 juilletPerpignanMontpellier
164 Charles Pélissier André Leducq
12e étape15 juilletMontpellierMarseille
209 Antonin Magne André Leducq
13e étape16 juilletMarseilleCannes
181 Learco Guerra André Leducq
14e étape17 juilletCannesNice
132 Louis Peglion André Leducq
15e étape19 juilletNiceGrenoble
333 Learco Guerra André Leducq
16e étape21 juilletGrenobleÉvian-les-Bains
331 André Leducq André Leducq
17e étape23 juilletÉvian-les-BainsBelfort
282 Frans Bonduel André Leducq
18e étape24 juilletBelfortMetz
223 Charles Pélissier André Leducq
19e étape25 juilletMetzCharleville
159 Charles Pélissier André Leducq
20e étape26 juilletCharlevilleMalo-les-Bains
271 Charles Pélissier André Leducq
21e étape27 juilletMalo-les-BainsParis - Parc des Princes
300 Charles Pélissier André Leducq

Note : le règlement ne fait aucune distinction entre les étapes de plaine ou de montagne ; les icônes indiquent simplement la présence ou non d'ascensions notables durant l'étape[25].

Classements finals

Classement général

Classement général[26]
  Coureur Pays Équipe Temps
1er André Leducq France France en 172 h 12 min 16 s
2e Learco Guerra Italie Italie + 14 min 13 s
3e Antonin Magne France France + 16 min 3 s
4e Jef Demuysere Belgique Belgique + 21 min 34 s
5e Marcel Bidot France France + 41 min 18 s
6e Pierre Magne France France + 45 min 42 s
7e Frans Bonduel Belgique Belgique + 56 min 19 s
8e Benoît Faure France Sud-Est + 58 min 34 s
9e Charles Pélissier France France + 1 h 4 min 37 s
10e Adolf Schön Allemagne Allemagne + 1 h 21 min 39 s
11e Louis Delannoy Belgique Belgique + 1 h 27 min 23 s
12e Aimé Dossche Belgique Belgique + 1 h 28 min 14 s
13e Oskar Thierbach Allemagne Allemagne + 1 h 35 min 34 s
14e Louis Peglion France Provence + 1 h 44 min 14 s
15e Jan Mertens Belgique Belgique + 1 h 49 min 24 s
16e Salvador Cardona Espagne Espagne + 1 h 59 min 43 s
17e Valeranio Riera (en) Espagne Espagne + 2 h 23 min 9 s
18e Marcel Mazeyrat (en) France Sud-Est + 2 h 25 min 23 s
19e Georges Laloup (en) Belgique Belgique + 2 h 31 min 37 s
20e Giuseppe Pancera Italie Italie + 2 h 33 min 51 s
21e Jules Merviel France France + 2 h 43 min 42 s
22e Felix Manthey Allemagne Allemagne + 3 h 10 min 37 s
23e Georges Berton (en) France Champagne + 3 h 17 min 11 s
24e Vicente Trueba Espagne Espagne + 3 h 17 min 19 s
25e François Moreels (en) Belgique Île-de-France + 3 h 20 min 30 s

Challenge international

Classement du Challenge international[29]
  Équipe Pays Temps
1re France France en 517 h 34 min 9 s
2e Belgique Belgique + 1 h 48 min 55 s
3e Allemagne Allemagne + 5 h 9 min 59 s
4e Italie Italie + 6 h 32 min 42 s
5e Espagne Espagne + 6 h 42 min 50 s

Classement des équipes régionales

Classement des équipes régionales (touristes-routiers)[32]
  Équipe Pays Temps
1re Sud-Est France en 524 h 7 min 15 s
2e Champagne France + 13 h 21 min 50 s
3e Île-de-France France + 15 h 45 min 56 s
4e Côte d'Azur France + 17 h 13 min 29 s
5e Midi France + 18 h 12 min 41 s
6e Provence France + 20 h 47 min 29 s
7e Normandie France + 25 h 46 min 13 s
8e Nord France + 33 h 0 min 52 s
9e Alsace-Lorraine France + 35 h 11 min 8 s

Liste des coureurs

BELGIQUE
ITALIE
ESPAGNE
ALLEMAGNE
FRANCE
TOURISTES-ROUTIERS
  • 101. Marcel Masson (FRA) 51e
  • 102. Léopold Boisselle (FRA) 40e
  • 103. Georges Petit (FRA) 57e
  • 104. Charles Cottalorda (FRA) 54e
  • 105. Battista Berardi (ITA) 48e
  • 106. Paul Filliat (FRA) (NP 1re)
  • 107. Pierre Charon (FRA) (A 2e)
  • 108. François Moreels (BEL) 25e
  • 109. Amand Goubert (FRA) 43e
  • 110. Odile Taillieu (BEL) (A 9e)
TOURISTES-ROUTIERS (suite)
TOURISTES-ROUTIERS (suite)
TOURISTES-ROUTIERS (suite)
TOURISTES-ROUTIERS (suite)
TOURISTES-ROUTIERS (suite)
TOURISTES-ROUTIERS (suite)
  • 171. Lorenzo Fortuno (ITA) (NP 2e)
  • 173. Mario Della Fina (ITA) (NP 1re)
  • 182. André Souchard (FRA) (E 4e)
  • 184. Raymond Lales (FRA) (E 1re)
  • 186. Giovanni Ronco (ITA) (NP 2e)

A : abandon en cours d'étape ; NP : non partant ; E : éliminé.

Notes et références

  1. Lagrue 2004, p. 62
  2. Mignot 2014, p. 48
  3. Viollet 2007, p. 94
  4. Viollet 2007, p. 88
  5. Conord 2014, p. 16
  6. Bœuf et Léonard 2003, p. 92
  7. Viollet 2007, p. 96
  8. Conord 2014, p. 194
  9. Viollet 2007, p. 98
  10. Conord 2014, p. 17
  11. Mignot 2014, p. 49
  12. Viollet 2007, p. 106
  13. Boury 1997, p. 112-113
  14. Boury 1997, p. 132
  15. Boury 1997, p. 359
  16. Conord 2014, p. 17-19
  17. Lagrue 2004, p. 64-65
  18. Conord 2014, p. 19
  19. Conord 2014, p. 20
  20. Six des huit victoires ont été acquises dans un sprint massif, une (la 1re étape) en battant au sprint son camarade d’échappée et une autre (la 11e) au terme d’une échappée solitaire. Charles Pélissier fut même déclaré vainqueur de la 6e étape avant d’être dans la soirée déclassé pour tirage de maillot (ce qu’il a toujours nié) durant le sprint et reclassé à la troisième place derrière le coureur qu’il aurait gêné.
  21. 8 victoires d’étape (1re, 3e, 10e, 11e, 18e, 19e, 20e et 21e étapes), 7 fois deuxième (4e, 5e, 8e, 12e, 13e, 16e et 17e étapes) fois troisième (2e, 6e et 7e étapes), seules les 9e, 14e et 15e étapes ne le voient pas terminer dans les trois premiers.
  22. Augendre 2016, p. 28.
  23. Arian Zwegers, « Tour de France GC top ten » [archive du ], CVCC (consulté le )
  24. « The history of the Tour de France – Year 1930 – The stage winners », sur Tour de France, Amaury Sport Organisation (consulté le )
  25. « 24ème Tour de France 1930 » [archive du ], Mémoire du cyclisme (consulté le )
  26. « The history of the Tour de France – Year 1930 – Stage 21 Malo > Paris », sur Tour de France, Amaury Sport Organisation (consulté le )
  27. « En la general por Andres Léducq por equipos, Francia triunfa ¡¡por fin!! en su gran prueba ciclista », El Mundo Deportive, (lire en ligne[archive du ], consulté le )
  28. « En la general por Andres Léducq por equipos, Francia triunfa ¡¡por fin!! en su gran prueba ciclista », El Mundo Deportive, (lire en ligne[archive du ], consulté le )
  29. « En la general por Andres Léducq por equipos, Francia triunfa ¡¡por fin!! en su gran prueba ciclista », El Mundo Deportive, (lire en ligne[archive du ], consulté le )
  30. « Le 24e Tour de France », l'Ouest-Eclair, (lire en ligne[archive du ], consulté le )
  31. « Le 24e Tour de France », l'Ouest-Eclair, (lire en ligne[archive du ], consulté le )
  32. « Le 24e Tour de France », l'Ouest-Eclair, (lire en ligne[archive du ], consulté le )

Bibliographie

  • Jacques Augendre, Guide historique, Paris, Amaury Sport Organisation, (lire en ligne[archive du ])
  • Pierre Lagrue, Le Tour de France : Reflet de l'histoire et de la société, Paris/Budapest/Torino, L'Harmattan, , 300 p. (ISBN 2-7475-6675-7)
  • Sandrine Viollet, Le Tour de France cycliste : 1903-2005, Paris/Budapest/Kinshasa etc., L'Harmattan, , 256 p. (ISBN 978-2-296-02505-9, lire en ligne)
  • Jean-François Mignot, Histoire du Tour de France, Paris, La Découverte, , 128 p. (ISBN 978-2-7071-7743-8, lire en ligne)
  • Jean-Luc Bœuf et Yves Léonard, La République du Tour de France, Seuil, (ISBN 202058073X)
  • Fabien Conord, Le Tour de France à l'heure nationale, PUF, (ISBN 9782130621669)
  • Paul Boury, La France du Tour : le Tour de France, un espace sportif à géographie variable, Paris/Montréal, l'Harmattan, , 444 p. (ISBN 2-7384-5619-7, lire en ligne)
  • Serge Laget, Claude Maignan, Le Compte-Tours, Ccommunication, édition 2015 (ISBN 978-2-9539749-5-9)

Liens externes

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