Stratigraphie

La stratigraphie est une discipline des sciences de la Terre qui étudie la succession des différentes couches géologiques ou strates. Il s'agit d'une approche intégrée, en ce que des résultats apportés par la géochimie, la paléontologie, la pétrographie, l'astronomie... sont réunis et exploités à travers différentes méthodes : biostratigraphie, chimiostratigraphie, lithostratigraphie, magnétostratigraphie, cyclostratigraphie...

Ces méthodes, développées de façon relativement indépendante, sont ensuite réinvesties dans des approches plus généralistes :

  • la chronostratigraphie cherche à établir une échelle des temps géologiques aussi précise et fiable que possible en organisant les données élémentaires que constituent les « unités chronostratigraphiques » ;
  • la stratigraphie séquentielle, exploitant la sismique, cherche à éclairer l'organisation relative des corps sédimentaires en liaison avec les variations cycliques du niveau marin à l'échelle régionale ;
  • la stratigraphie génétique cherche à dégager des modèles sédimentologiques généraux pour effectuer des prévisions en sous-sol, en l'absence de données complètes (forages ponctuels) ;
  • l'hydrostratigraphie applique les méthodes de la stratigraphie au domaine de l'hydrothermalisme et plus généralement de l'hydrogéologie[1] (et en particulier aux aquifères[2] et eaux profondes, susceptibles d'être par exemple affectées par les forages profonds (gaziers ou pétroliers) naturellement plus ou moins stables[3]. Elle permet de produire de meilleures simulations 3D des écoulements souterrains par exemple via des « modèles de flux », des « algorithmes de flux » et des modèles dits « à compartiments » ou « à cellules de mélange » [4].
    Ils sont de plus en plus exploités en utilisant l'informatique, qui permet notamment d'établir des modélisations tridimensionnelles d'écoulements souterrains[5] (modélisation 3D).

Les grands principes

Les principes de la stratigraphie sont en nombre variable selon les auteurs.

Ce sont d'une part des postulats, qu'il faut vérifier par l'observation, et d'autre part des relations géométriques entre les formations géologiques étudiées.

Les deux principes qui semblent unanimement acceptés sont le principe de continuité et le principe de superposition.

Les principes généraux

  • Le principe de continuité : une même couche a le même âge sur toute son étendue.
  • Le principe d'uniformitarisme (ou d'actualisme): les structures géologiques passées ont été formées par des phénomènes (tectoniques, magmatiques, sédimentaires ou autres) agissant comme à notre époque[6].
  • Le principe d'identité paléontologique : deux couches ayant les mêmes fossiles sont considérées comme ayant le même âge. Ce principe n'est pas lié aux rapports géométriques entre les couches, mais à la paléontologie ; il se base sur l'existence de fossiles stratigraphiques. Il permet de corréler des séries sédimentaires de régions éloignées.

Les principes précédents souffrent de nombreux contre-exemples (cf. infra) et doivent être validés par l'observation de la situation étudiée. Ils sont néanmoins des points de départ utilisés par tous les géologues dans une situation inconnue.

Les relations géométriques entre couches

  • Le principe de superposition : en l'absence de bouleversements structuraux, une couche est plus récente que celle qu'elle recouvre et plus ancienne que celle qui la recouvre. C'est le principe le plus ancien en géologie, il a été formulé dès le XVIIe siècle par Nicolas Sténon.
  • Le principe d'horizontalité : les couches sédimentaires se déposent horizontalement ; une séquence sédimentaire qui n'est pas en position horizontale a subi des déformations postérieures à son dépôt.
  • Le principe de recoupement : les couches sédimentaires sont plus anciennes que les failles ou les roches qui les recoupent.
  • Le principe d'inclusion : les morceaux de roche inclus dans une autre couche sont plus anciens que leur contenant.

Exceptions aux principes

Pour chacun de ces principes on peut trouver des exceptions. Ces exceptions dépendent du mode de sédimentation et de l'échelle à laquelle on les observe :

  • les nappes alluviales les plus récentes peuvent être déposées après l'encaissement de la vallée et être plus basses que les alluvions antérieures (néanmoins, les alluvions récentes ne sont pas recouvertes par les plus anciennes) ;
  • les dépôts fluviatiles et deltaïques ne se déposent pas horizontalement, mais en sédimentation oblique ;
  • les sédimentations bio-construites ne sont pas obligatoirement horizontales (un récif corallien n'est pas horizontal par exemple) ;
  • Le principe de superposition s'applique encore dans le cas de terrains plissés, mais pas si les séries sédimentaires ont été renversées par des mouvements tectoniques. On peut utiliser des critères de polarité afin de savoir si la strate est en position normale ou inverse (typiquement, présence d'un pli couché) : présence de bioturbations, fentes de dessication, fossiles en position de vie, granoclassement...[7]
  • Les sills de roches volcaniques[7]

Discordance

Profil palinspastique, sous le Crétacé inférieur, à travers les Préalpes médianes. Érosions, lacunes et discordances, liées à une paléotectonique jurassique transpressive le long de la marge N-Briançonnaise.

Lorsqu'il y a interruption de la sédimentation, suivie d'une déformation (failles, basculement ou plissement) et d'une érosion, il y a discordance entre les couches (ou strates) les plus anciennes déformées et celles plus récentes, horizontales. Il existe aussi des discordances sédimentaires. Elles sont le résultat d'un changement du milieu de dépôt. Ce changement est provoqué par une variation du niveau marin.

Une discordance angulaire existe entre deux couches superposées dont les pendages sont différents de part et d'autre de la surface de discordance. La série inférieure de strates a alors subi des déformations (basculement dans le cas d'une série monoclinale, plissement dans le cas d'un synclinal ou d'un anticlinal: dans ce cas c'est une discordance angulaire sur structure plissée).

Certaines strates concordantes en un point, peuvent progressivement devenir discordantes : c'est une discordance progressive.


Lacune

Lorsqu'il n'y a pas de continuité chronologique entre deux couches, on parle de lacune. Il y a deux types de lacunes :

  • lacune d'érosion : l'érosion a enlevé des couches, puis la sédimentation a repris en laissant la lacune. Ce phénomène est lié à l'histoire paléotectonique de la région considérée. Un cas particulièrement démonstratif au Jurassique est celui de la marge N-Briançonnaise dans les Préalpes suisses et françaises (Septfontaine, 1995; fig. ci-contre) et dans les Hautes Alpes de Briançon.
  • lacune de sédimentation : pendant la période correspondant à la durée de la lacune, la sédimentation s'est interrompue. Cela est peut-être dû à une régression marine.

La stratigraphie en archéologie

Coupe stratigraphique faite dans le cadre des fouilles archéologiques de l'hospice Gantois, à Lille.

Dans le domaine de l'archéologie, l'archéologue utilise les mêmes principes que le géologue, mais en recherchant à différencier les strates qui contiennent du mobilier archéologique lié à l'anthropisation passée de l'environnement ce qui permet souvent une datation de celles-ci.

Les différentes couches, ou unités stratigraphiques, permettent la caractérisation et la datation d'une présence humaine sur un site fouillé. Ces couches résultent de l'accumulation de sédiments, d'apports humains (artéfacts), animaux, végétaux ou minéraux (écofacts), de traces d'incendie, de remblai/déblai, etc.

Une coupe stratigraphique met en évidence les différentes couches présentes qui sont autant de différents phénomènes liés à l'activité humaine. Celles-ci sont temporellement distinguées les unes des autres par leurs caractéristiques physiques et leur mobilier. La coupe stratigraphique reconstitueun panorama des activités humaines ou des effets différés de cette activité, à un endroit donné, des premières traces de présence humaine aux dernières. Ces couches sont datées par archéométrie.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (fr) C. Cramez, « Glossaire de stratigraphie séquentielle : anglais-français », Revue de l'Institut français du pétrole, Paris, vol. 45, no 3, , p. 435-453
  • (en) Michel Septfontaine, « Large scale progressive unconformities in Jurassic strata of the Prealps South of lake Geneva : interpretation as synsedimentary inversion structures. Paleotectonic implications », Eclogae geol. Helv., vol. 88, no 3, , p. 553-576
  • (fr) Gilles Merzeraud, Stratigraphie séquentielle : histoire, principes et applications, Paris/Paris, Vuibert, , 152 p. (ISBN 978-2-7117-4068-0)

Notes et références

  1. Ex : Tremblay, T (2008). Hydrostratigraphie et géologie du Quaternaire dans le bassin-versant de la rivière Châteauguay, Québec (résumé)
  2. Ex : Cartographie hydrogéologique régionale du piémont laurentien dans la MRC de Portneuf: hydrostratigraphie et piézométrie des aquifères granulaires de surface. Ressources naturelles Canada, 1998.
  3. Kimpe W.F.M. (1952), Notes additionnelles à propos de la composition chimique et essai de détermination de la stabilité hydrostratigraphique des eaux dans le Houiller du Limbourg du Sud 3. Congrès pour l'avancement des études de stratigraphie et de géologie du carbonifère, Maastricht, 311-324.
  4. Campana ME, Harrington GA & Tezcan L. 3 http://www-naweb.iaea.org/napc/ih/documents/FRENCH%20VERSION/Vol_VI/Vol%20VI_Ch03-frh.pdf Simulation des écoulements souterrains à partir de modèles à compartiments] ;
  5. ex : Bourgault, M. A., Larocque, M., & Roy, M (2011) Modélisation hydrostratigraphique 3D de l'écoulement souterrain régional de la région du complexe tourbeux de Lanoraie ; Geohydro
  6. Voir aussi Charles Lyell.
  7. Emmanuel L., de Rafélis M., Pasco A., Maxi Fiches - Géologie (3ème édition), Dunod, p. 8-9
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