Tétraédrite

La tétraédrite est une espèce minérale, de la famille des sulfosels, contenant du fer, du cuivre et de l'antimoine, de formule chimique (Cu,Fe)12Sb4S13. Ce minéral de maille cubique, sulfosel commun, recelant des impuretés de Zn, Ag, Pb, Hg, As, Ni, Bi, Te, Sn est exploité en tant que minerai de cuivre.

Tétraédrite
Catégorie II : sulfures et sulfosels[1]

Tétraédrite
Général
Classe de Strunz
Classe de Dana
Formule chimique Cu9Fe3S13Sb4 (Cu,Fe)12Sb4S13
Identification
Masse formulaire[2] 1 643,334 ± 0,102 uma
Cu 34,8 %, Fe 10,19 %, S 25,37 %, Sb 29,64 %,
ou 1 643,31 uma
Couleur gris acier à noir de fer, gris silex à noir, gris argent, gris de fer
Classe cristalline et groupe d'espace Hexakistétraédrique,
groupe de point ;
groupe d'espace
Système cristallin Cubique
Réseau de Bravais cubique centré I
a = 10,39 Å ; Z = 2, V = 1 121,6 Å3 avec une densité calculée avoisinant 4,99, ou bien a = 10,33 Å, Z = 2, V = 1 102,30 Å3 avec une densité calculée avoisinant 4,95.
Macle Macle sur {111}
Clivage aucun
Cassure irrégulière ; inégale à subconchoïdale (cohésion cassante)
Habitus très souvent isolés en cristaux tétraédriques (111) gris acier, ce qui permet de reconnaître l'espèce (monocristaux exceptionnels long de 15-20 cm); cristaux octaédriques, rares cristaux couverts de nombreuses facettes ; groupe de cristaux parallèles ; agrégat granulaire grossiers à fins, parallèle, par exemple forme grenue des petits filons de remplissage, masses microcristallines (cristaux indiscernables); matière massive et compacte commune
Jumelage sur {111} et autour de l'axe de jumelage (111), jumelage par contact et interpénétration communément répété
Échelle de Mohs 3 à 4, le plus souvent 3 à 4,5
Trait noir à brun ; rouge sombre, parfois rouge cerise (microfendillé)
Éclat métallique parfois brillant (iridescence) ou à effet de bronze, mais souvent mat
Éclat poli réflectance supérieure à 30,3 % selon le rayonnement électromagnétique visible (du violet au rouge), avec maximum de 33 % entre le vert et le jaune, couleur réfléchie grise à brun olive
Propriétés optiques
Indice de réfraction en fragment très mince isotrope (n > 2,72 pour la raie du Li)
Pléochroïsme aucun
Fluorescence ultraviolet aucune
Transparence opaque (excepté en fragment ou feuille très mince, couleur rouge cerise en lumière transmise)
Propriétés chimiques
Densité 4,97 (4,6 à 5,2) La densité augmente avec la teneur en antimoine.
Solubilité Attaquée par l'acide nitrique avec précipitation d'antimoine
Propriétés physiques
Magnétisme aucun
Radioactivité aucune

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Ce minéral de la gamme générique ou groupe des cuivres gris forme une série isomorphe avec la tennantite (pôle à arsenic à la place de l’antimoine) et une série avec la très rare freibergite Ag6(Cu4Fe2)Sb4S13-x (pôle argentifère/cuprifère).

Inventeur et étymologie, variétés et synonymes

Mine Colquechaca (Aullagas), Bolivie. Taille 3,7 x 3 x 3 cm

La tétraédrite a été décrite par Wilhelm Karl Ritter von Haidinger en 1845. Le nom dérive du grec "tetraedron" = pyramide, en allusion à la forme tétraédrique des cristaux, c'est-à-dire expliqué par l'adjectif grec tetra, "quatre" et le substantif grec, edra "face".

Le topotype est représenté par les mines de Freiberg.

Elle a été décrite sous le nom latin de "argentum rude album", soit "blanc grossier d'argent" par l'ingénieur des mines Georg Bauer alias Georgius Agricola en 1546 parce que ce minéral souvent massif d'aspect granulaire pouvait contenir des traces d'argent ou être confondu avec la freibergite qui en contient significativement. Elle est désignée à cause notamment de sa couleur grisâtre sous le nom de "Fahlerts", c'est-à-dire de Fahlerz, de minerai (Erz) cendreux ou de cendre (Fahl) par le minéralogiste et chimiste suédois Johan Gottschalk Wallerius en 1747, en plus de diverses appellations chimiques ressortissant de l'analyse chimique de l'époque. Dès 1758, son collègue savant Axel Cronstedt généralise cette appellation technique de groupe minéral dans le monde savant germanique.

Dans le monde anglo-saxon, Fahlerz ou Fahlerts s'est transformé en "fahlores".

Variétés

Schwartzite - Kirchheimbolanden Allemagne (10x6cm)
Tétraédrite - Huaron Pérou (23x15 cm)
  • coppite : variété ferrifère de tétraédrite (pour plus de 13 % de fer) dédiée à P. Coppi, propriétaire de mine en Toscane au XIXe siècle, par les minéralogistes Italiens Bechi et Antonio D'Achiardi en 1873.
  • frigidite : variété nickélifère de tétraédrite, de formule (Cu,Ni)3SbS3 décrite par Antonio D'Achiardi en 1881, dans la mine de Frigido, Massa, Massa-Carrara, Toscane, Italie[3].
  • schwatzite[4] ou schwartzite[5] : variété mercurifère de tétraédrite (pour plus de 17 % de mercure) décrite par Johann August Friedrich Breithaupt en 1816 à partir d'échantillons de Schwaz, Brixlegg, vallée de Inn, Nord du Tyrol, Autriche. De formule idéale (Cu,Hg)12Sb4S13. À noter que c'est le faux terme déformé par l'influence de la couleur noire schwartzite qui est curieusement le plus usuel, alors que Breithaupt l'avait décrit sous le nom de schwatzite conformément au topotype.

Synonymie

Il existe pour cette espèce de nombreux synonymes[6] :

  • aftonite (M.L Swanberg) ou aphothonite[7]
  • clinohédrite (Breithaupt)
  • cuivre gris (terme commun avec la tennantite)
  • fahlite (terme commun avec la tennantite)
  • falkenhaynite(Scharizer (1890) Dédiée au comte J. Falkenhayn, Ministre de l'agriculture d'Autriche
  • fieldite (Kenngott 1855),
  • népaulite (Piddington 1854) [8]
  • panabase (François Sulpice Beudant 1832)[9]
  • spiessglanzerz
  • studérite (Fellenberg, 1864) Dédiée à Bernhard Studer
  • stylotypite.
  • Tetrahedrite : terme anglais qui est celui retenu par l'IMA.

Cristallographie et cristallochimie

Les cristaux isolés (lorsqu'ils ne sont pas insérés dans une masse) sont habituellement bien formés et très distincts. Ils peuvent être très fins. Les cristaux tétraédriques gris acier sont des marqueurs ou prototypes du minéral. Les cristaux peuvent être tristétraédriques et s'assembler pour ressembler à des pyramides. Beaucoup plus rares sont les cristaux multifacettes, dodécaédriques ou combinaison de formes dodécaédrique et tétraédrique. Les cristaux parfois en intercroissance peuvent être fortement marqués de stries à motifs triangulaires. Il existe parfois des macles formées sur {111}, parfois interpénétrantes, et autour de l'axe de jumelage équivalent, le plus souvent généralisées.

Les agrégats cristallins peuvent être en têtes sphériques, en rosettes, granulaires.

Les paramètres de la maille conventionnelle cubique centrée sont environ a = 10,23–10,5 Å, Z = 2; V = 1 102,30 Å3, ce qui donne par exemple pour 10,33 Å une densité calculée = 4,95.

Ce minéral appartient au groupe isométrique de la tennantite ou de la tétraédrite. Il est décrit selon la classification de Dana par le groupe 3.03.06, sulfosel de formule type similaire, avec cations métalliques, cations semi-métalliques équilibrés par anions sulfures ou séléniures. Par ordre, se placent la tétraédrite, la tennantite (Cu,Fe)12As4S13, la freibergite (Ag,Cu,Fe)12(Sb,As)4S13, la hakite (Cu,Hg)3(Sb,As)1(Se,S)3, la giraudite (Cu,Zn,Ag)12(As,Sb)4(Se,S)13, la goldfieldite Cu12(Te,Sb,As)4S13 et l'argentotennantite (Ag,Cu)10(Zn,Fe)2(As,Sb)4S13.

L'ordre de présentation n'est pas le même dans la classification de Strunz.

Le faciès de la tétraédrite (Sb) est le même que celui de la tennantite (As), avec laquelle elle forme une série continue.

Propriétés physiques et chimiques, toxicologie

Il s'agit d'un minéral de la classe des sulfosels, fragile, à éclat métallique, quelquefois très brillant et iridescent.

La tétraédrite se ternit en nuance verdâtre ou vert-olive.

Analyse, distinction

Elle peut contenir notamment du zinc, de l'argent, du mercure, du bismuth ou du tellure. Le fer et le zinc, plus rarement l'argent et le mercure, peuvent se substituer au cuivre facilement au-dessus de 15 % en masse.

Il est parfois difficile de la distinguer d'autres minéraux. La tennantite a un trait un peu rougeâtre sur porcelaine poreuse. L'énargite diffère radicalement par son habitus. La tétraédrite diffère de la sphalérite par son absence de clivage et également son opacité. La chalcopyrite qui la recouvre possède une autre couleur.

Gîtologie, occurrences et gisements

La tétraédrite est un minéral primaire accessoire des gîtes ou filons hydrothermaux, plutôt en basses et moyennes températures, ainsi que plus rarement des gisements de pegmatites. C'est ainsi un minéral de filons métallifères, associé au minerai de plomb, de zinc, de cuivre, d'argent...

Elle apparaît dans les zones de métamorphisme de contact.

De riches druses ont été mises au jour en Angleterre et aux États-Unis, en Autriche (Brixleg), en Roumanie (Botes ou Capnic).

Elle est exploitée soit avec les "cuivres gris" dans des minerais à 30 à 50 pour cent de cuivre, soit avec d'autres minerais argentifères, mercurifères... Dans ces derniers cas, il s'agit parfois de tétraédrite argentifère (Ag,Cu,Fe)12(Sb,As)4S13 ou même de freibergite Ag6(Cu4Fe2)Sb4S13-x, de hakite (contenant du Hg/Cu et du Se/S).

Association : galène et sphalérite, pyrite, chalcopyrite (en recouvrement de cristaux de tétraédrite), baryte, bornite, acanthite, sidérose, rhodocrosite, zinkenite, fluorine, quartz, dolomie, mais aussi tennantite...

Gisements remarquables

Elle est présente dans les Alpes, en Roumanie, dans les monts de Saxe (par exemple à Freiberg en Allemagne) et les monts métallifères (Rudohori en Slovaquie).

En France, la tétraédrite est recensée dans plusieurs gisements, en particulier des Vosges ou de ses piémonts (Sainte-Marie-aux Mines, Framont, Val d'Ajol, Plancher-les-Mines, Giromagny), des Alpes (Mines de La Mure, mine de La Taillat à St Pierre d’Allevard, La Chevrette à Allevard, Mine de Jouchy à Vizille, Bourg d'Oisans en Isère), du Massif Central (mine de plomb argentifère de Pranal, Pontgibaud dans le Puy de Dôme, Marsange(s) ou La Rodole en Haute-Loire), du Midi (Pioch Farrus (Cabrières), carrière du Loiras, Les Malines dans l’Hérault, mine de Saint-Laurent Minier dans le Gard, Saint-Pons dans les Basses-Alpes ou encore mine de Cap Garonne ou de Fonsante dans le Var). Les plus grands cristaux connus pour ce minéral ont été extraits de la mine d'Irazein à Bonac-Irazein dans l'Ariège[10]. Le plus grand (environ 20 cm) est gravé au nom du mineur avec la date de découverte[11].

  • Algérie
Région de Tenès et Mouzaïa
  • Allemagne
Mine de la Nouvelle Chance ou Neuglück Berg, Wittichen, Forêt Noire
Burbach ou Siegerland en Rhénanie
Clausthal ou Horhausen dans le Harz,
Freiberg en Saxe
  • Australie
Brokenhill, Nouvelle-Galles du Sud
  • Autriche
Environs de Brixlegg
Zone de Schwazz-Brixlegg, Vallée de l'Inn, Tyrol (tétraédrite mercurique)
Mine San José, Oruro
Machacamarca District, département du Potosí
  • Canada ou Nunavut
mine Nanisivik, Terre de Baffin,
  • Chili
Huancavelica
  • États-Unis
mine Sweet Home, Alma, Comté Park, Colorado (association avec la rhodochrosite)
Idaho
mine Daly-Judge (pyrite et tétraédrite iridescente), district de Park City, dans les monts Wasatch comté Summit ou mine du canyon Bingham, comté du Salt Lake en Utah
  • France
(lire supra)
  • Grande-Bretagne
célèbre mine de Herodsfoot (tétraédrite recouverte chalcopyrite dorée), Lanreath, Liskeard District, Cornouailles, Angleterre
  • Italie
Campionne
Toscane
Altaï de minerai
  • Mexique
mine de la Noche Buena, Mazapil
Mine El Cobre, Concepción del Oro et San Martin, Zacatecas
  • Pérou
mine Alimon, Huaron, département Pasco
Morococcha,
mine Julcani, Département Huancavelica
district minier de Bueno et Pachapaqui, département Ancash, district Huallanca, département Huánuco
Quiruvilca... Hunin (Junin)
mine du Nuevo Mondo, Huamachuco, département La Libertad
Casapalca, province de Lima
  • Roumanie
Kapnic, district de Kapnikbanya dans les Maramures, mine de Botnès près de Zlatna ou Felsobanya en Transylvanie
  • Suisse
  • Tchéquie
Prĭbram en Bohême

Galerie

Usage et histoire

Minéral de collection, il n'est pas moins un minerai important de cuivre, parfois d'argent, exploité depuis des siècles. Ce type de minerai singulier, au sens où il ne présente pas de teinte cuivrée, rougeâtre ou jaunâtre, des bronzes ou minerais de cuivre, est attesté pour la fabrication médiévale en laiton, en particulier d'armures.

Il est pourtant connu depuis les temps néolithiques, au moins par ses affleurements de surface. Il peut être fondu dans des foyers couverts ou des bas-fourneaux en alliage de cuivre. L'adjonction de cassitérite raffinée permet très tôt l'obtention de bronzes artificiels. Les bronzes de bismuth peuvent être obtenus avec la bismuthinite et la chalcopyrite.

Les différents cristaux provenant du Pérou ont été appréciés par les collectionneurs américains.

Notes et références

  1. La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. D'Achiardi (1881), Att. soc. tosc.: 172.
  4. schwazite de Breithaupt ou mercurian tetrahedrite, autrefois dénommé cuivre gris mercurifère ou hermésite dans le Traité de métallogénie: gîtes minéraux et métallifères, gisements ..., Volume 3 Par Louis Launay 1913,
  5. Cours de minéralogie Par Albert Auguste Cochon de Lapparent 1908
  6. « Index alphabétique de nomenclature minéralogique » BRGM
  7. Dictionnaire de géologie et de métallurgie de M. Landrin Paris 1856
  8. Journal of the Asiatic Society of Bengal, Volume 23, Numéros 1-4 Par James Sykes Gamble,Asiatic Society of Bengal p. 170 1855
  9. François Sulpice Beudant, Traité élémentaire de minéralogie, Deuxième édition, Tome 4, Paris 1832
  10. MNHN : Monocristal (13x13cm)
  11. [Gol D. (1998), La tétraédrite d'Irazein, Ariège, France, Le Règne Minéral, no 23, pp: 15-24]

Bibliographie

  • Ronald L. Bonewitz, Margareth Carruthers, Richard Efthim, Roches et minéraux du monde, Delachaux et Niestlé, 2005, 360 pages (traduction de l'ouvrage anglo-saxon, publié par Dorling Kindersley Limited, London, 2005), en particulier p. 143. (ISBN 2-603-01337-8)
  • François Farges, À la découverte des minéraux et pierres précieuses, collection l'Amateur de Nature dirigée par Alain Foucault sous l'égide du Muséum national d'histoire naturelle, édition Dunod 2013 complétée en 2015, 208 pages, (ISBN 978-2-10-072277-8), p. 180
  • Rupert Hochleitner, 300 roches et minéraux, Delachaux et Niestlé SA, Paris, 2010, traduction et adaptation française par Jean-Paul Poirot de l'ouvrage Welcher Stein ist das ? paru aux éditions Franckh-Kosmos Verlags-GmbH & Co, à Stuttgart en 2010, réédition 2014, 255 pages, (ISBN 978-2-603-01698-5) en particulier présentation de la tétraédrite p. 86.
  • R.C. Peterson et I. Miller, Crystal structure and cation distribution in freibergite and tetrahedrite, Mineralogy Magazine, Tome 50, 1986, 717–72
  • Henri-Jean Schubnel, avec Jean-François Pollin, Jacques Skrok, Larousse des Minéraux, sous la coordination de Gérard Germain, Éditions Larousse, Paris, 1981, 364 p. (ISBN 2-03-518201-8). Entrée 'tétraédrite' p. 320-321.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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