Sémiramis
Sammu-ramat (le nom signifiant « paradis extrême ») est une reine qui régna pendant cinq ans sur un vaste royaume qui s'étendait de l'Anatolie au Plateau iranien[1].
Pour les opéras, voir Semiramide et Semiramide riconosciuta.
Son nom fut hellénisé en « Sémiramis » (en grec ancien Σεμίραμις / Semíramis).
L'histoire de cette reine légendaire de Babylone est rapportée par Ctésias de Cnide et est reprise par Diodore de Sicile.
Histoire
Sammuramat fut l'épouse de Shamshi-Adad V, roi d'Assyrie de 823 à 811, et la mère du roi Adad-nerari III (il régnera jusqu'en 783)[1].
Plusieurs artefacts attestent de son existence :
- Dans la ville antique de Nimroud (actuel Irak), deux statues, consacrées à Nabû, dieu mésopotamien du savoir et de l'écriture, mentionnent le nom de la reine[1] .
- Une stèle (en) retrouvée à Kizkapanli (tr) (actuelle Turquie). Il y est raconté que la reine a accompagné son fils lors de sa traversée du fleuve Euphrate pour combattre le roi de la cité assyrienne d'Arpad[1].
- Une stèle a été érigée en son honneur à Assur. Elle rend hommage à « Sammu-ramat, reine de Shamshi-Adad, roi de l'univers, roi de l'Assyrie ; mère d'Adad-nirari, roi de l'univers, roi de l'Assyrie »[1]. La stèle est aux côtés des grandes stèles royales. Elle est la seule reine d'Assyrie à avoir eu cet honneur.
À la mort de Shamshi-Adad V en 811, l'empire est affaibli, financièrement et politiquement. Son fils, Adad-nirari III, est alors trop jeune pour gouverner. La reine Sammu-Ramat assure la régence[1]. Elle dirige la campagne contre les Mèdes dans les années 810-806. Ces derniers, fortement impressionnés par cette reine, commencèrent à bâtir le mythe. Une partie de la légende récupérée par Ctésias de Cnide trouverait là son origine.
La légende s'inspirerait également de Naqi'a/Zakutu, épouse de Sennachérib et mère d'Assarhaddon qu'elle aurait encouragé à reconstruire Babylone, ravagée par son père. La reconstruction de Babylone, qui lui est associée, vient probablement de là. Les jardins suspendus pourraient également trouver leur origine dans cet épisode. En effet, lesdits jardins suspendus de Sémiramis semblent se trouver à Ninive[2], capitale de Sennachérib et Assarhaddon[réf. nécessaire].
Légende
Les sources :
- Au Ve siècle, l'historien Hérodote perpétue la mémoire de cette reine[1].
- Ctésias de Cnide, médecin grec à la cour perse au IVe siècle, mentionne Sémiramis. Son texte, aujourd'hui disparu, servira de base à une partie de l’œuvre de Diodore de Sicile[1].
- Diodore de Sicile, savant et écrivain grec de l'époque romaine de Jules César et d'Auguste, livre un récit détaillé, bien que fantastique, décrivant la reine assyrienne[1].
Sémiramis est la fille de Dercéto (Derketô), une déesse mi-femme mi-poisson qui vivait dans un lac voisin d'Ascalon, et de Caÿstros, le fils présumé d'Achille et de Penthésilée [réf. nécessaire] (ou d'un jeune Syrien[3]). Cette union est provoquée par Aphrodite qui avait à se plaindre de Dercéto. Après la naissance de Sémiramis, Dercéto assassine Caÿstros et se réfugie au fond de son lac en abandonnant sa fille. Le nouveau-né était voué à la mort, mais des colombes se chargèrent de la nourrir, dérobant dans les bergeries de la région le lait et le fromage indispensables à sa nourriture. Découverte par les bergers intrigués par ce manège, elle est confiée à leur chef Simios (principal gardien des troupeaux du roi Ninos de Ninive[3]) qui lui donne le nom de « Sémiramis » (dont le sens fut interprété en « qui vient des colombes » en langue assyrienne).
Devenue jeune femme, elle est remarquée pour sa beauté et son intelligence. Elle est épousée par Omnès, un jeune général du roi Ninos[3] (ou Onnès, un conseiller du roi Ninos de Ninive), dont elle a deux fils, Hyapaté et Hydaspé. Elle conseille son mari de façon si habile qu'il réussit dans la totalité de ses entreprises. Lors d'une expédition en Bactriane, Onnès commet l'erreur d'emmener sa femme qui, prenant la tête d'un groupe de soldats montagnards, s'empare de la citadelle de Bactres et de ses trésors. Ninos tombe amoureux de Sémiramis et contraint Onnès au suicide. Le roi épouse alors la belle sans difficulté. Elle lui donne un fils Ninyas. Peu de temps après, Ninos meurt et Sémiramis lui succède pour un règne de 42 ans. À la mort de son mari, elle lui fait ériger un tombeau d'une hauteur de 1 620 mètres[4].
Elle est, selon la légende, la fondatrice d'une nouvelle cité qui frappe par son ampleur et ses dimensions : Babylone. Elle détourne l'Euphrate et entoure la future cité de 70 km de remparts. Elle conçoit un réseau de palais qui lui permet de se rendre de l'un à l'autre sans franchir le fleuve[4].
D'après Diodore de Sicile, Sémiramis aurait érigé non seulement la cité mais également ses monuments : le palais royal, le temple de Mardouk ainsi que les remparts de la ville. Selon Strabon (vers 60 avant notre ère à 20 de notre ère), Sémiramis est à l'origine des fabuleux jardins suspendus de Babylone, l'une des sept merveilles du monde antique. Les preuves historiques ne confirment pas leurs affirmations[1].
Reine guerrière, elle s'empare, dit-on, de l'Arménie (après avoir vainement tenté de séduire Ara le Beau, selon les traditions arméniennes), de la Médie[réf. souhaitée], de plusieurs nations d'Asie. Elle subjugue l'Égypte, où l'oracle d'Ammon lui annonce qu'elle serait enlevée du nombre des vivants quand son fils Ninyas conspirerait contre elle. Elle s'installe en Éthiopie[3].
Sa dernière expédition la mène jusqu'à l'Indus, où elle est refoulée et blessée[3]. Elle était à la tête d'une armée de trois millions de fantassins et de 500 000 cavaliers[4]. De retour après son expédition en Inde, elle apprend que son fils conspire avec les eunuques du palais. Fatiguée, elle lui remet alors le pouvoir et disparaît. La légende prétend qu'elle est transformée en colombe et emportée au ciel afin d'y être divinisée.
Les auteurs tardifs diffèrent sur sa mort : Hygin, auteur romain du Ier siècle de notre ère, raconte que la reine se serait suicidée en se jetant sur un bûcher. Justin, historien romain du IIIe siècle de notre ère, affirme que Sémiramis a été assassinée par son fils[1].
Pour les mythologues modernes, Sémiramis serait une divinité assimilable à l'Astarté syrienne (assimilée plus tard à l'Aphrodite grecque)[3].
- René-Antoine Houasse : Nabuchodonosor, Sémiramis et les jardins de Babylone, Versailles, salon de Vénus (1676)
- Sémiramis, illustration provenant d'un ouvrage italien du xviiie siècle : Semmiramide Regina di Babillone.
- Pierre Bellet : Sémiramis (1892)
Culture
Littérature et musique
Le personnage de Sémiramis a inspiré de nombreux auteurs :
- Entre 1303 et 1321 : Dante l'évoque dans la première partie de la Divine Comédie, intitulée l'Enfer. Dante place la reine dans le second cercle de l'enfer consacré aux personnes ayant commis le pêché de luxure. D'autres tentatrices se trouvent à ses côtés : Hélène de Troie et Cléopâtre[1].
- 1405 : Christine de Pizan prend Sémiramis comme première pierre de sa Cité des Dames, et comme un premier exemple d'une série d'allégories de la Mère sainte et de la Vierge[5].
- 1647 : Gabriel Gilbert pour sa tragédie homonyme.
- 1647 : Desfontaines pour sa tragédie La Véritable Sémiramis.
- 1717 : Crébillon père pour sa Sémiramis.
- 1718 : André Cardinal Destouches pour sa tragédie lyrique Sémiramis. Le livret était de Roy. C'était la dernière tragédie lyrique de Destouches et elle connut en 1718 un mauvais accueil. Beffara est le seul à indiquer que Sémiramis « a été remise en musique par M. Dauvergne » (Antoine Dauvergne). Beffara précise que Sémiramis « n'a pas été reprise depuis 1718 »[6].
- 1729 : Métastase pour sa Semiramide. Drame mis en musique la première fois avec la musique de Leonardo Vinci.
- 1748 : Voltaire pour sa tragédie Sémiramis[7],[8]. Elle sera adaptée en 1823 par Rossini dans un opéra intitulé Semiramide[1].
- 1770-1772 : Voltaire dans ses Questions sur l'Encyclopédie[9].
- 1802 : Charles-Simon Catel et Philippe Desriaux pour leur tragédie lyrique Sémiramis, adaptation de la pièce de Voltaire pour la scène lyrique française.
- 1819 : Giacomo Meyerbeer pour son opéra Semiramide riconosciuta.
- 1823 : Gioachino Rossini pour son opéra Semiramide.
- 1928 : Bertolt Brecht qui la cite pour une anecdote (dont l'historicité est à vérifier) racontée par mr. Peachum, dans l'Opéra de quat'sous.
- 1920 : Paul Valéry pour son « air de Sémiramis » dans l'Album de vers ancien, et pour son mélodrame Sémiramis représenté en 1934, avec musique d'Arthur Honegger.
- 1951-1954 : Eugène Ionesco dans son œuvre théâtrale Les Chaises met en scène une femme au nom de Sémiramis.
- 1957 : William Faulkner dans son roman The Town, publié en français sous le titre La Ville, traduit par J. et L. Bréant, Gallimard, Du monde entier, 1962.
- 1969 : Georges Brassens dans la chanson Bécassine.
- 1982 : Nino Ferrer dans la chanson Sémiramis, de l'album Ex Libris.
- 1997 : Guy Rachet pour son roman Sémiramis, reine de Babylone.
- 2008 : Menoventi dans l'œuvre théâtrale Semiramis[10].
- 2012 : Amin Maalouf dans son roman Les Désorientés.
Cinéma
Sémiramis a fait l'objet de plusieurs péplums, dont les films italiens :
- 1954 : Sémiramis, esclave et reine de Carlo Ludovico Bragaglia.
- 1963 : Sémiramis, déesse de l'Orient de Primo Zeglio.
Télévision
- Sémiramis apparaît dans l'œuvre Fate/Apocrypha en tant qu'assassin des Rouges.
Art contemporain
- Sémiramis figure parmi les 1 038 femmes référencées dans l'œuvre d’art contemporain The Dinner Party (1979) de Judy Chicago. Son nom y est associé à Hatchepsout[11].
Annexes
Sources
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne] (II, 4 et suiv.).
- Ctésias, Persica [détail des éditions]
- Hygin, Fables [détail des éditions] [(la) lire en ligne] (CCXL).
Bibliographie
- Pierre Marello, « Les Femmes et le Palais » dans Les dossiers d'archéologie no 171, mai 1992, pp. 50-55.
Articles connexes
Notes et références
Notes
Références
- @NatGeoFrance, « La véritable histoire de Sémiramis, la légendaire reine assyrienne », sur La véritable histoire de Sémiramis, la légendaire reine assyrienne | National Geographic, (consulté le )
-
- (en) Stephanie Dalley, The Mystery of the Hanging Garden of Babylon : An Elusive World Wonder Traced, Oxford, Oxford University Press, , 279 p. (ISBN 978-0-19-966226-5, lire en ligne)
- Joël Schmidt, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Larousse, 1965-1969 (ISBN 2-03-075408-0), page 279
- Le Point n.2029 jeudi 4 août 2011 : "Les premiers désaxés" p.41
- Earl Jeffrey Richards, « À la recherche du contexte perdu d’une ellipse chez Christine de Pizan : la “coagulence regulée” et le pouvoir politique de la reine », Acadomia, , p. 5 (lire en ligne).
- Benoît Dratwicki, Antoine Dauvergne (1713-1797), Wavre/Lagny-sur-Marne, Mardaga / Sodis diff., , 479 p. (ISBN 978-2-8047-0082-9, lire en ligne), p. 250.
- Voltaire (1694-1778) Auteur du texte, La tragédie de Sémiramis , par M. de Voltaire. Et quelques autres pièces de littérature du même auteur, qui n'ont point encore paru, (lire en ligne).
- Paul Fièvre, « Sémiramis, tragédie », sur www.theatre-classique.fr (consulté le ).
- (en) « Questions sur l’Encyclopédie. Voltaire Foundation » (consulté le ).
- https://menoventi.com/fr/semiramis/.
- Musée de Brooklyn - Centre Elizabeth A. Sackler - Sémiramis
- Portail de la mythologie grecque
- Portail du Proche-Orient ancien
- Portail de l’Irak
- Portail de la Syrie
- Portail des femmes et du féminisme