Les Chaises

Les Chaises est une pièce de théâtre en un acte écrite par Eugène Ionesco en 1951, publiée en 1954 mais créée plus tôt au Théâtre Lancry le  :

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Résumé

Un couple, le Vieux et la Vieille, est à l’orée de la mort. Le Vieux a 95 ans. La Vieille, surnommée par son époux Sémiramis, en a 94. Ils vivent seuls sur une île déserte, dans une maison, dont la mer vient battre les fondations avec violence. Sentant la fin approcher, le couple convoque une dernière fois ses connaissances. Le Vieux doit délivrer aux hommes un message qu’il prépare depuis des années. Il charge l’Orateur de prononcer ses derniers mots. Les invités commencent à arriver. Ils apparaissent sous des silhouettes fantomatiques : une dame quelconque, un colonel galant, un amour de jeunesse du Vieux. Réels aux yeux du couple, ils sont invisibles pour le public. Il n’empêche qu’il faut, pour la Vieille, les recevoir dignement. Pour ce faire, elle apporte des chaises qui, à mesure que la pièce avance, encombrent et obstruent l’espace scénique. L’Empereur leur fait l’honneur de sa présence avant l’arrivée finale de l'Orateur. Rassuré par sa présence, le couple décide alors de se jeter par la fenêtre, abandonnant la scène à son silence. Enfin, l’Orateur apprend au public, par des gestes, qu’il est sourd et muet, avant d’inscrire sur un tableau noir des mots incompréhensibles.

Analyse

Les Chaises est l'une des pièces les plus connues d'Eugène Ionesco. Elle est en effet assez représentative des principaux aspects de son théâtre, de ses trouvailles.

Ionesco est tout d'abord l'inventeur du mécanisme de prolifération, figurant très fortement la sensation d'étouffement, de perte du contrôle, voire de cauchemar (d'ailleurs, le théâtre de Ionesco est comme du théâtre en rêve). Voir ainsi à la fin de la pièce lorsque la vieille apporte un nombre incroyable de chaises, pour essayer de faire s'asseoir tous les invités invisibles. Ce mécanisme fait penser à son autre pièce, Victimes du devoir, où Madeleine remplit la scène de tasses à café, ou à Amédée ou Comment s'en débarrasser lorsque le mort grandit avec la plus grande démesure. Ce mécanisme est bien une invention de Ionesco, et traduit toute son angoisse face à un phénomène incontrôlable et cauchemardesque, qui grandit avec la peur que sa poussée engendre. Ce cercle vicieux se retrouve également dans Jeux de massacre, lorsque les gens se tuent entre eux, même bien portants, par crainte que l'autre ne puisse contaminer.

Pour revenir à la pièce, les invités que reçoit le couple de vieillards ont la particularité d'être ce qu'ils ne sont pas. En effet, ce sont des fantômes, des paroles sans auteur, des présences sans personne, des êtres dans le néant. Ce mot est à retenir, car il est le véritable thème de la pièce, son topos. Il se retrouve également dans les discours opposés de sens, donc mêlés, vides de toute logique, lorsque la vieille et le vieux décrivent leur fils totalement différemment[1]. En outre, le néant est présent à travers l'échec du vieux qui, bien que très vieux, n'a jamais eu d'amis, n'a rien connu[2], et dont le produit de toute son existence (95 ans) est le fameux « Message » que les invités sont censés entendre à la fin de la pièce. Hélas, comble de l'ironie, l'orateur qui doit le leur dire, est muet. Ainsi tous ces mots, tous ces actes sourds, finissent par un silence. Et, le vieux et la vieille, avant que le mutisme de l'orateur ne soit révélé, se jettent à travers des fenêtres opposées.

La présence illusoire des chaises finit par la solitude dans la mort, et toutes les formules de politesses et les flatteries finissent par le silence dans l'échec, soit, en un mot : par du néant.

On peut en déduire enfin, que Les Chaises ne relève pas, ou tout du moins pas uniquement, du théâtre de l'absurde, mais aussi du théâtre fantastique. Le terme "fantastique" est ici à prendre dans le sens du registre, c'est-à-dire l'intrusion de l'irrationnel dans le réel, et ne peut souffrir aucune comparaison avec les œuvres contemporaines que l'on nomme de la même manière.

Télévision

Une mise en scène de 1962 par Jacques Mauclair connait une adaptation télévisuelle.

Notes

  1. Le vieux assure qu'ils n'ont jamais eu de fils tandis que la vieille jure en avoir un.
  2. « Lorsque j'ai voulu traverser la rivière, on m'a coupé les ponts, lorsque j'ai voulu franchir les Pyrénées, il n'y avait déjà plus de Pyrénées ».
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