Rue de la Roquette

La rue de la Roquette est une très ancienne voie des faubourgs de l'est de Paris, qui permettait de rejoindre le couvent des Hospitalières de la Roquette depuis la porte Saint-Antoine.

11e arrt
Rue de la Roquette

Vue de la partie haute de la rue.
Situation
Arrondissement 11e
Quartier Roquette
Début 8, place de la Bastille
1, rue du Faubourg-Saint-Antoine
Fin 21, boulevard de Ménilmontant
Morphologie
Longueur 1 505 m
Largeur 20 à 33,40 m
Historique
Création Déjà présente sur le plan de Rochefort (1672)
Géolocalisation sur la carte : 11e arrondissement de Paris
Géolocalisation sur la carte : Paris
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Situation et accès

Aujourd'hui dans le 11e arrondissement, elle relie la place de la Bastille au cimetière du Père-Lachaise.

Ce site est desservi par les stations de métro Bastille et Voltaire.

Origine du nom

La rue a été nommée d'après un lieu-dit local. Le nom de la « roquette » (ou « rochette ») proviendrait d'une petite plante à fleurs jaune pâle ou blanchâtres veinées de violet et qui poussait dans les décombres, la roquette, dérivé du nom latin eruca, qui signifie « chou ».

Autre explication possible : le nom de la roquette viendrait du mot « roc » (dans le sens de « rocher »).

Historique

Au milieu des marécages

Au XVe siècle, les faubourgs de l'est de Paris ne rassemblent que quelques masures et, surtout, marais et marécages inondés par les ruisseaux descendant des collines de Ménilmontant ou de Champ-l'Evêque. Au sud, le quartier entourant l'abbaye Saint-Antoine-des-Champs se développe depuis l'an 1200. À quelques centaines de mètres au nord, Popincourt commence à prendre de l'ampleur. Tout près, on retrouve un hameau nommé La Croix-Faubin.

C'est sous le règne d'Henri II que furent construites au milieu des roquettes les premières demeures. Y vécurent ensuite de nombreuses personnalités qui appréciaient la proximité de la capitale, leurs propriétés étant généralement fort éloignées :

Ce dernier vendit sa demeure à la duchesse de Mercœur en 1599 ; elle y fit construire deux maisons qu'elle transforma en petit monastère.

Alexandre Dumas nomme l'endroit « Bel-Esbat » dans son livre Les Quarante-Cinq.

Les Hospitalières de Notre-Dame

Thomas Morant, baron du Mesnil-Garnier, conseiller au Grand Conseil du Roi, acquiert la propriété en 1611, puis la revend en 1636 aux Hospitalières de la Charité Notre-Dame de l'ordre de Saint-Augustin, qui y installent en 1639 une succursale pour femmes ayant essuyé quelque revers de fortune. Françoise d'Aubigné, veuve Scarron, marquise de Maintenon, s'y retire avec sa servante en 1660, sa pension étant prise en charge par la reine-mère, Anne d'Autriche. L'établissement hospitalier y emploiera 80 religieuses et comportera 17 lits en 1690, année où elles deviendront les Filles de Saint-Joseph, se séparant ainsi de leurs consœurs de la Place Royale.

Le domaine des religieuses n'occupait pas moins de 50 arpents. Les bâtiments étaient entourés de jardins cultivés, avec, entre autres, des vignes et une orangerie. Un petit cimetière était situé sur l'actuelle rue Léon-Frot.

À la suite de l'incendie de l'Hôtel-Dieu en 1772, point de départ d'une longue série de mesures, Lavoisier est chargé d'examiner les projets relatifs à la création de quatre nouveaux hôpitaux parisiens. Il propose, en 1787, la « maison de la Roquette » comme hôpital pouvant desservir les paroisses de Saint-Paul et Sainte-Marguerite, arguant de ce que l'établissement est déjà un hôpital et que les religieuses sont dévouées au service des malades. Mais la Révolution lui accordera une tout autre destination, car en l'an III, l'administration des Hospices en fait une filature, les religieuses ayant dû abandonner le domaine en 1790.

La maison de Sedaine et Michelet

À l'emplacement de l'actuelle église Notre-Dame-d’Espérance et de la cité paroissiale qui en dépend, au no 49 de la rue de la Roquette, s'élevait un petit hôtel particulier, aujourd’hui disparu, dont l'histoire, et celle du quartier, est racontée par la veuve de Jules Michelet, en appendice d'un recueil de souvenirs du grand historien, intitulé Ma jeunesse. Cette propriété, qui s’étendait de la rue de la Roquette à la rue Sedaine, fut acquise en 1750, par Claude-François-Nicolas Lecomte, conseiller du roi, qui en confia la restauration à Michel-Jean Sedaine, architecte de son état, resté à la postérité comme librettiste d’opéras et auteur dramatique à succès. Sedaine, qui habita les lieux de 1751 à 1765, fut très lié au monde artistique et littéraire de son temps ; il était en relation avec les encyclopédistes dont il partageait les convictions philosophiques. Comme le remarque Mme Michelet : « Voilà ce qui l'a surtout ennoblie, la chère petite maison : c'est que les hommes tels qu'Houdon, Pajou, Rousseau, Diderot, d'Alembert, Grimm, La Harpe, Ducis, Vadé, Duclos […] soient venus, tant d'années, écouter Sedaine, lire ses opéras, et Philidor, Monsigny, Grétry préluder à la délicieuse musique qui les fait si bien valoir, dans ce salon qui deviendra un jour le cabinet de travail de Michelet[1]. »

C’est en effet le que la famille Michelet s’installait au 49, rue de la Roquette. Jules Michelet (1798-1874), âgé alors de 19 ans, était déjà auréolé de gloire académique (trois premiers prix remportés au Concours général de discours latin, version latine et discours français). Il suivait rue de la Roquette son père, gérant d’une maison de santé, victime, une nouvelle fois, d’un revers de fortune économique. Michelet raconte : « Comment trouver, à un prix raisonnable, un appartement assez vaste pour garder à chacun de nous une complète liberté ? Mon père avait déjà cherché, vainement [… ] Le découragement commençait à le gagner, lorsqu'un matin, il découvrit vers le milieu de la rue de la Roquette, — aujourd'hui le no 49 —, une délicieuse maison ou plutôt, un petit hôtel, entre cour et jardin, dont le premier étage était à louer pour la modique somme de sept cents francs. Il y avait deux ailes parfaitement indépendantes l'une de l'autre ; nous étions sauvés ! […] Je m’enfermais dans cette solitude où je devais passer dix années de ma vie, les plus belles, si, comme je le crois, le travail doit compter comme le premier des bonheurs. Ce temps m'a laissé d'inoubliables souvenirs. Si je me décide, tôt ou tard, à résumer les impressions de mon existence individuelle […] je prendrai pour centre, pour texte, pour théâtre, le Père-Lachaise. Toute cette période de ma vie, — 1815-1827 — […] a roulé dans un rayon étroit, entre le Marais, le Jardin des plantes, Bicêtre, Vincennes, le Père-Lachaise. Là mes amours, mes promenades avec mes amis ; mes pertes, mes regrets. Là, les longues lectures, la lente et féconde accumulation qui me préparait l'avenir[2]. » Dans la préface du Peuple, en 1843, Michelet reviendra avec lyrisme sur cette période privilégiée de son existence : « C'était un grand bonheur pour moi, lorsque dans la matinée j'avais donné mes leçons, de rentrer dans mon faubourg près du Père-Lachaise, et là, paresseusement, de lire tout le jour les poètes, Homère, Sophocle, Théocrite. »

Michelet quittera le 49 rue de la Roquette en 1827. « Ce fut un véritable chagrin, dit Mme Michelet, lorsqu'il fallut dire adieu à la chère petite maison, à ce beau jardin “bas, humide, plein de roses”, où le soir, “souvent avec un peu de fièvre”, il venait, solitaire, promener ses pensées d'avenir ou sa mélancolie[3]. » Quelques années après la mort de Michelet, survenue en 1874, sa veuve déplorait les profondes transformations que la « grande et durable révolution industrielle » avait apportées aux lieux : « Adieu cette fois, et pour toujours, la religion des souvenirs. Le pavillon de Sedaine [est tombé] le premier sous le marteau démolisseur. À la place de cet asile discret des Muses, s'étale aujourd'hui la défroque sordide d'un marchand de bric-à-brac. Le délicieux jardin, tout plein de roses, a été enterré sous la montagne de terre qui l'a mis de niveau avec la rue. La longue allée de sycomores, sous laquelle les deux solitaires promenaient leurs rêves et leurs projets, est devenue la ruelle profonde qui mène de la rue de la Roquette à la rue Sedaine. Elle donne la mesure de la longueur du jardin. Sur son emplacement s'entassent maintenant, dans un pêle-mêle inextricable, des constructions et des industries de toutes sortes […]. Seul, et comme par miracle, le petit hôtel vieux de deux siècles a échappé. Mais il a suivi la destinée du jardin ; il s'est vu enterrer vivant sous l'amoncellement des terres qu'on a rapportées pour élever le niveau de la cour[4]. »

La veuve de Jules Michelet souffrait de « les voir tomber une à une, dans le vieux Paris, ces chères vieilles maisons consacrées par le génie de nos grands hommes ». Son vœu que l’on épargne « la pauvre petite maison du faubourg » lors de futurs aménagements de « la rue trop étroite qui monte au Père-Lachaise » ne sera pas exaucé[5]. La maison de Sedaine et Michelet sera détruite définitivement en 1884 pour faire place aux établissements industriels et artisanaux alors en pleine expansion[6].

C’est en 1911, que le Père Jean-Emile Anizan (1853-1928), fondateur des Fils de la Charité et pionnier de l’action catholique en milieu ouvrier, s’installe rue de la Roquette pour y établir une première chapelle. En 1928-1930, l’église Notre-Dame-d’Espérance est construite sur l'emplacement des numéros 47 à 51 bis de la rue. Ce bâtiment, dont la qualité laissait à désirer, sera remplacé en 1997 par l’église actuelle et sa cité paroissiale. De conception architecturale résolument moderne, la nouvelle église apporte une note de calme et de sérénité dans un quartier toujours animé, une évolution que n’auraient pas désavoué les illustres occupants de l’ancienne maison de Sedaine et Michelet.

Le prolongement et les prisons

La rue de la Roquette commence à la porte Saint-Antoine et se rend jusqu'aux portes du couvent, sur une petite place intitulée « Basse-cour », la rue transversale se dénommant « rue des Murs-de-la-Roquette ». Au début du XIXe siècle, le démantèlement des anciens bâtiments conventuels permet le prolongement de la rue en ligne droite jusqu'à la barrière d'Aunay de l'enceinte des Fermiers généraux et de se raccorder à la rue Saint-André (voie disparue), qui partait de l'arrière du couvent pour rejoindre, en tournant vers le sud, la rue de Charonne[7].

En 1830, l'architecte Hippolyte Lebas construit une prison pour jeunes détenus sur la partie nord de la rue. Six ans plus tard est inaugurée juste en face une seconde prison, nommée « Dépôt de condamnés », qui recevra surtout les futurs bagnards et les condamnés à mort. Soixante-neuf personnes sont guillotinées devant la porte de la Grande Roquette. Cet endroit fut appelé « place de la Roquette ». Cette dernière est fermée et détruite en 1900. La Petite Roquette, quant à elle, fut une prison pour femmes de 1920 à sa fermeture en 1974.

Panneau Histoire de Paris
« Les Chevaliers de l'Arbalète »

Les chevaliers de l'Arquebuse

L'effectif de la Compagnie royale des chevaliers de l'arbalète et de l'arquebuse de la ville de Paris, créée à l'initiative de saint Louis, est fixé à 200 hommes par le futur Charles V en 1359. Les francs-archers menaient alors leur entraînement le dimanche, à l'intérieur de l'enceinte de Philippe Auguste, tout près du rempart, d'abord entre les rues Saint-Denis et Mauconseil, puis entre la porte Saint-Antoine et la porte du Temple à l'emplacement de l'actuelle rue des Arquebusiers qui en conserve la mémoire. Mais au fil du temps et de l'agrandissement de leur corps, les exercices durent prendre place à l'extérieur de la porte Saint-Antoine. Par une concession accordée en 1673, ils abandonnèrent le site pour laisser place au nouveau boulevard et s'installèrent jusqu'à la Révolution à l'angle de la rue de la Roquette.
Ainsi en 1684, la « compagnie royale des Chevaliers de l'Arbalète et de l'Arquebuse » de Paris possédait un hôtel particulier et un terrain d'exercices du 1 au 17 rue de la Roquette.
Saint-Louis régla les exercices et fixa le nombre de chevaliers à 180. Protégés par les rois, d'Henri IV à Louis XVI, ils étaient tenus de s'entrainer à l'arbalète et à l'arquebuse, et appelés à prendre les armes pour servir comme troupes régulières en cas d'urgence.
Leur uniforme était de couleur écarlate avec des galons d'or et des revers de velours bleu.
En 1790, l'ancien hôtel des Arbalétriers est transformé en manufacture de faïence dénommée « Aux Trois Levrettes » avec deux flèches croisées comme emblème.

La mairie du 11e arrondissement

De 1860 à 1865, la mairie occupait l'emplacement du no 65 de la rue de la Roquette. Elle fut ensuite transférée sur l'actuelle place Léon-Blum place Voltaire » avant 1957), entre l'avenue Parmentier et le boulevard Voltaire. La construction de cette mairie commença en 1862 sous la direction de Gancel, sur les directives de l'architecte Bailly, qui, chargé par Haussmann de créer une mairie idéale, avait mis ses idées en pratique dans le 4earrondissement. La façade de l'édifice, composé d'un rez-de-chaussée et de deux étages, est ornée de sculptures allégoriques réalisées par Henri-Charles Maniglier représentant la Justice, le Mariage et l'Étude. Au-dessus de la corniche se trouvent deux statues d'enfants réalisées par le même sculpteur et entourant le blason de Paris, lui-même surmonté d'une horloge. Dans la salle des fêtes occupant la partie arrière du bâtiment est présenté un décor de Victor Prouvé, de l'école de Nancy, peint en 1907 et intitulé « Séjour de paix et de joie ».

Durant la Commune de 1871, le Conseil de Paris dut fuir l'hôtel de ville incendié et s'installa provisoirement dans la mairie du 11e arrondissement à la fin du mois de mai 1871.

Bâtiments remarquables et lieux de mémoire

  • Au début de la rue de la Roquette, le passage du Cheval-Blanc était, au XVIIe siècle, un entrepôt de bois. Aujourd'hui patrimoine protégé, il comprend encore des cours portant des noms de mois. On peut aussi y trouver les studios de la radio rock parisienne Oui FM. La rue est bordée, à proximité de la place de la Bastille, de nombreux cafés.
  • no 17 : le poète Paul Verlaine (1844-1896) vécut dans cet immeuble, dont il fréquentait le café, de à . C'est là qu'il écrivit Les Poètes maudits.
  • no 22 : porche permettant l'accès à une cour intérieure.
  • no 45 : ancien Grand cinéma Plaisir.
  • no 46 : emplacement de la faïencerie de Michel Jean Duché, (°vers 1770), et de son épouse, Marie-Jeanne Catherine Queux[8].
  • no 47 : la nouvelle église Notre-Dame-d'Espérance de l'architecte Bruno Legrand complétée en 1997.
  • no 76 se trouve le théâtre de la Bastille, une importante salle parisienne dédiée à la création contemporaine de théâtre et de danse.

Notes et références

  1. Jules Michelet, Ma jeunesse, Paris, Calmann-Lévy, , XXXII, 414 p. (lire en ligne), p. 378.
  2. Ibid (lire en ligne), p. 353-354.
  3. Ibid (lire en ligne), p. 402.
  4. Ibid, p. 402-403.
  5. Ibid, p. 405-406.
  6. H. Vial et G. Capon, Journal d'un bourgeois de Popincourt, Paris, Lucien Gougy, , 106 p. (lire en ligne), p. 45, note 1.
  7. Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Paris, Les Éditions de Minuit, 1972, 1985, 1991, 1997, etc. (1re éd. 1960), 1 476 p., 2 vol.  [détail des éditions] (ISBN 2-7073-1054-9, OCLC 466966117), p. 364.
  8. Guy Marin, préface de Marcel Charmant, Dictionnaire biographique des céramistes nivernais, éd. de ARCOFAN, Nelle Impr Laballery, Clamecy, avril 2009, 224 p. (ISBN 9782953397406), p. 74.
  9. Notice no PA00086559, base Mérimée, ministère français de la Culture.

Lien externe

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