Roger Ier de Sicile
Roger de Hauteville (italien : Ruggero d'Altavilla ; latin : Rogerius de Altavilla : v. 1031[N 1] – 1101), dit le « Bosso »[N 2] puis, le « Grand Comte », « Jarl Rogeirr », est un aventurier normand du XIe siècle ; conquérant de la Sicile musulmane, il est à l'origine du futur royaume de Sicile.
Pour les articles homonymes, voir Roger Ier.
Roger Ier de Sicile | |
Monnaie émise par Roger Ier de Sicile | |
Titre | Comte de Sicile (1062-) |
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Prédécesseur | Robert Guiscard |
Successeur | Simon de Sicile |
Biographie | |
Dynastie | Hauteville |
Nom de naissance | Roger de Hauteville |
Surnom | Bosso Grand Comte |
Naissance | vers 1031 Normandie |
Décès | Mileto |
Père | Tancrède de Hauteville |
Mère | Frédésende |
Conjoint | Judith d'Évreux Éremburge de Mortain Adélaïde de Montferrat |
Enfants | Jourdain Simon Roger II |
Biographie
Origines
Roger de Hauteville est le fils cadet de Tancrède de Hauteville (Rogerius Tancredi de Altavilla filius), un petit seigneur normand sans fortune de la région de Coutances, dans l'ouest du duché de Normandie. Sa mère Frédésende, seconde épouse de Tancrède, passe parfois pour être une fille du duc Richard II de Normandie. Selon le chroniqueur Geoffroi Malaterra, d'origine normande, Tancrède de Hauteville fait partie de la noblesse du duché sans être cependant l'un des principaux seigneurs. Selon la princesse byzantine Anne Comnène, les Hauteville sont d'origine obscure.
Débuts en Italie
Roger de Hauteville quitte le duché de Normandie pour le sud de l'Italie dans les années 1050 (conventionnellement en 1057[1]), accompagné de ses frères Godefroi, Mauger et Guillaume, ainsi que par une petite troupe de parents et amis, dont Hugues de Grandmesnil, Raoul de Tosny et Robert Guitôt. Selon le chroniqueur Aimé de Montcassin, le jeune Roger arrive en Italie après la bataille de Civitate (1053). Pour Geoffroi Malaterra, plus précis, il arrive après la mort de son frère aîné Onfroi (1057), 3e comte normand d'Apulie.
Conquête de la Sicile
Peu de temps après son arrivée en Italie, son frère aîné Robert Guiscard, 4e comte normand d'Apulie, préfère l'éloigner, se méfiant probablement de son ambition. Roger est alors envoyé avec sa troupe en Calabre où il est chargé d'étouffer une révolte et d'y maintenir l'ordre. Il participe à la lutte contre les Byzantins d'Italie du Sud avant d'installer son quartier général à Mileto en 1061.
La petite cité de Mileto sera jusqu'à sa mort 40 ans plus tard, sa résidence favorite. Guiscard, allié depuis 1059 à l'Église et à la Papauté, le nomme « comte de Sicile » en 1062. Roger peut dès lors commencer au nom de la Papauté la conquête de la Sicile, alors sous domination musulmane, et surtout s'y tailler un fief : malgré la faiblesse numérique de son « armée » ou plutôt de sa troupe[N 3], il commence à guerroyer dans l'île, quadrillée par un réseau de forteresses musulmanes. La conquête sera longue du fait du petit nombre de guerriers normands: elle s'étale sur une trentaine d'années.
Après ces longues et difficiles années de guerre avec notamment les épisodes marquants de la prise de Messine (1061)[2], le siège de Troina (1062)[N 4], la bataille de Cerami (1063)[N 5], la bataille de Misilmeri, et la prise de Palerme en 1072[N 6], il libère enfin la Sicile de l'occupation musulmane avec la prise de Noto (1091)[3]. Entretemps, la mort de son puissant frère en juillet 1085 le laisse totalement libre dans ses actes et il devient le seul véritable maître de la Sicile qu'il restructure en comté en y introduisant le système féodal, tout en élisant Mileto comme capitale de ses possessions ; c'est le début de la Sicile normande, une ère de prospérité en continuité avec l'époque musulmane. Comme les musulmans avant lui, Roger se montre tolérant, respectant les différentes identités, coutumes, et religions de l'île à condition de payer un impôt. Il autorise juifs, chrétiens orthodoxes et musulmans (berbères et arabes), à rester dans l'île s'ils le souhaitent. Synagogues et mosquées ne sont pas détruites — Palerme, la capitale, compte encore une quarantaine de mosquées[4] contre plus de 300 un siècle auparavant selon le voyageur Ibn Hawqal (943-988).
A sa cour, il accueillit les savants de tous horizons, comme le géographe Al-Idrisi, auteur d'une mappemonde synthétisant le savoir cartographique de l'époque. Roger fera également appel à de nombreux colons originaires de l'Italie du Nord pour repeupler les régions désertifiées d'une île ravagée par trente années de guerre, notamment dans la région d'Enna et de Messine. Ces colons sont à l'origine du dialecte gallo-italique, qui a su se maintenir jusqu'à nos jours, grâce notamment à l'isolement géographique.
Roger, le « Grand Comte », meurt de causes naturelles le dans son fief de Mileto en Calabre où il est inhumé. Son tombeau sera détruit par un tremblement de terre[réf. nécessaire].
Description
Le chroniqueur d'origine normande Geoffroi Malaterra, témoin contemporain des événements, nous dit de Roger :
« …Roger est un jeune homme de la plus grande beauté, robuste, de haute stature, de forme gracieuse, extrêmement éloquent, ayant beaucoup d'esprit et de facilité à s'exprimer (…). Toujours affable, plein de gaieté, de force et de bravoure, sachant allier à ses qualités la sagesse et la prévoyance. Il est prévoyant dans toutes ses actions, amical et joyeux avec tous ses hommes, fort et courageux, et sauvage dans la bataille (…). On ne pouvait lui reprocher qu'un désir immodéré de gloire et peut-être aussi un esprit d'insubordination qui le portait à s'entourer de ceux dont le caractère se rapprochait du sien, et à les combler de bienfaits… ».
Descendance
Roger eut trois épouses :
- Judith d'Évreux (vers 1035/45 - † 1076), venue de Normandie et appartenant à la grande famille normande des Grandmesnil, liée à la famille ducale, qu'il épouse dans son fief de Mileto (décembre 1061).
- Éremburge de Mortain († 1087), appartenant elle aussi à la haute noblesse normande par son père Guillaume Guerlenc, un « richardide », et par sa mère Mathilde, appartenant à la grande famille des Montgommery. Il l'épouse en 1077.
- Adélaïde de Montferrat, issue de la vieille noblesse d'origine lombarde et peut-être aussi franque d'Italie du Nord, nièce de Boniface del Vasto, seigneur de Savone, qu'il épouse en 1087/1089. Cette dernière lui donnera deux fils : Simon, mort prématurément avant sa majorité, et surtout le futur roi Roger de Sicile, l'un des plus grands monarques du Moyen Âge.
L'aîné des fils de Roger était un bâtard du nom de Jourdain, probablement né en Italie autour de l'an 1060, qui décèdera avant son père au début des années 1090.
Roger eut également quelques concubines qui lui donneront plusieurs enfants dont un certain Mauger, mort jeune, ou encore un certain Godefroi, comte de Raguse, qui devint lépreux.
De son premier mariage avec Judith d'Évreux, il a des filles :
- Une fille (Flandrine) mariée à Hugues de Gercé, jeune chevalier peut-être originaire de Jarzé
- Mathilde, mariée au comte Robert d'Eu, puis répudiée, elle se remarie au comte Raymond IV de Toulouse
- Adelise (ou Adelicia), mariée en 1086 à Henri de Monte Sant'Angelo, puissant baron normand d'Apulie
- Emma († 1120), brièvement fiancée à Philippe Ier de France ; mariée d'abord à Guillaume VI, comte d'Auvergne puis à Rodulf, comte normand de Montescaglioso
En 1077, Roger se marie une seconde fois avec Eremburge de Mortain. Ils ont sept enfants, plus une fille possible selon Patrick Deret :
- Mauger, comte de Troina
- Murielle, mariée à Josbert de Lucy, un Normand originaire de Lucy dans la Seine-Maritime
- Constance, mariée à Conrad d'Italie
- Félicie, mariée au roi Coloman de Hongrie
- Violante, mariée à Robert de Bourgogne, fils de Robert Ier, duc de Bourgogne
- Flandrina, fiancée à Hugues de Jersey, mariée à Henri Del Vasto (noble d'Italie du Nord), fondateur de la famille Mazzarino
- Judith, mariée à Robert de Bassonville (un Normand dont la famille est originaire de Vassonville, près de Dieppe)
- Mathilde, mariée à Guigues III d'Albon, selon Patrick Deret.
De sa troisième et dernière épouse, Adélaïde de Montferrat, ils ont quatre enfants :
- Simon
- Mathilde, mariée à Rainulf II d'Alife, puissant et influent noble italo-normand de la famille de Rainulf Drengot, qui deviendra le principal ennemi de son beau-frère Roger, roi de Sicile
- Roger
- Maximilla, mariée au comte Hildebrand VI (de la famille Aldobrandeschi)
Notes et références
- (en) Edmund Curtis, Roger of Sicily and the Normans in lower Italy, 1016-1154, Londres; New York: G. P. Putnam's Sons, The Knickerbocker Press, , p. 57
- Kenneth Baxter Wolf, introduction à (en) Galfredus Malaterra (trad. Kenneth Baxter Wolf), The Deeds of Count Roger of Calabria and Sicily and of his brother Duke Robert Guiscard, Ann Arbor: University of Michigan Press, , p. 18
- (en) Karen C. Britt (Mediterranean Studies), Roger II of Sicily: Rex, Basileus, and Khalif? Identity, Politics, and Propaganda in the Cappella Palatina, vol. 16, , p. 23
- UNESCO, « Palerme arabo-normande et les cathédrales de Cefalú et Monreale » (consulté le )
Notes
- Son année de naissance n'est pas connue avec certitude. Roger de Hauteville est probablement né plus tard, vers 1040 selon l'historien italo-allemand Hubert Houben : Roger II of Sicily: a ruler between East and West (2002)
- Parce qu’il était robuste et d’aspect prestant : Roger I de Hauteville de Fara Misuraca (2002)
- À peine 60 guerriers lors de la première expédition de 1060
- Où Roger est assiégé durant environ 4 mois dans des conditions très difficiles avec sa jeune femme Judith :
- Où Saint Georges intervient dans la bataille armé d'une lance
- Coordination d'attaques terrestre, commandée par Roger, et maritime, sous le commandement de son frère Guiscard
Bibliographie
- Aimé de Montcassin
- Geoffroi Malaterra (source principale)
- Guillaume de Pouille
- Ferdinand Chalandon, Histoire de la domination normande en Italie et en Sicile, Paris, 1907
- (en) Norwich, John Julius, The Normans in the South (1016-1130). Longmans, London, 1967
- (en) Hubert Houben (traduit par Graham A. Loud et Diane Milburn), Roger II of Sicily : Ruler between East and West. Cambridge University Press, 2002
Articles connexes
- Comté de Sicile
- Ses principaux lieutenants dans sa conquête de la Sicile sont :
- Robert Guiscard, son frère aîné
- Jourdain de Hauteville, son fils aîné (bâtard)
- Serlon II de Hauteville, son neveu
- Hugues de Jersey, fiancé à l'une de ses filles
- Godefroi Ridelle, un proche de la famille Hauteville
- Robert de Sordavalle
- Godefroi de Sées (Goffridus de Sageio)
- Arisgotus de Puteolis, un Normand originaire du Pucheuil dans la Seine-Maritime
- Robert d'Embrun, à l'origine de la famille des Paterno
- Un membre de la famille de sa dernière femme (Henri Del Vasto ?), dont est peut-être issu Roger Sclavo
- Élie Cartomi (dit de Crotone), un sarrasin converti
Liens externes
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- (fr) Roger I de Hauteville, de Fara Misuraca (2002)
- (en) Roger de Hauteville (Medieval Lands)
- (de) Roger I. Großgraf von Sizilien (Mittelalter-genealogie)
- (it) « Sicilia - I Normanni - Le Conquiste di Roberto e Ruggero (1040-1062) »
- (it) « Sicilia - Le Conquiste normanne - Fino a Palermo (1063-1091) »
- (de) Pièce de monnaie italo-normande à l'effigie de Roger de Hauteville (1098-1101)
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