Renaissance napolitaine

La Renaissance napolitaine est la déclinaison de l'art de la Renaissance à Naples entre les XVe et XVIe siècles. En architecture, il se caractérise par des manières exubérantes et solennelles, avec une utilisation intensive de piperno et de décorations en marbre blanc pour les façades des bâtiments civils et religieux. L'expérience de la Renaissance prend fin à Naples avec l'avènement du baroque au XVIIe siècle.

Contexte historique

En 1284, le royaume de Sicile de Charles d'Anjou se scinde pour donner naissance aux royaumes de Sicile et de Naples. La Maison d'Anjou conserve le pouvoir à Naples jusqu'à la défaite que lui inflige Alphonse V, roi d'Aragon et de Sicile en 1442. Le royaume est dominé par l'ancienne aristocratie féodale et souffre de retard économique, bien que centre de commerce maritime. Le régime est militaire et pieux[1].

Première moitié du XVe siècle

Dans la première moitié du XVe siècle, à Naples et dans le Royaume napolitain, l'art de la Renaissance, entendu comme relevant des influences toscanes, apparaît dans quelques exemples illustres comme le monument funéraire du cardinal Rinaldo Brancaccio (1426-1428) dans l'église Sant'Angelo a Nilo, œuvre de Donatello et Michelozzo, ou dans la chapelle Caracciolo del Sole dans l'église San Giovanni a Carbonara, dans laquelle ont travaillé Andrea Ciccione, Leonardo da Besozzo et l'artiste local Perinetto.

La scène artistique est dominée par les influences franco-flamandes en raison des routes politiques et parfois commerciales qui passent par la ville. Les nombreux artistes étrangers ont fait de Naples un centre d'échanges artistiques, dans le contexte de la soi-disant « conjoncture Nord-Sud », à savoir la rencontre des voies méditerranéennes et flamandes qui concerne une grande partie du bassin méditerranéen occidental, y compris les régions de transit non côtières, et dont l’épicentre est Naples.

Cette heureuse situation se constate déjà sous le règne de René d'Anjou (1438-1442) qui fait bénéficier la ville, aux horizons culturels déjà vastes, de son goût personnel. Barthélemy d'Eyck est connu pour être son peintre de cour. René d'Anjou a la réputation d'être un artiste accompli et, d'après Pietro Summonte, avoir étudié la peinture[1] flamande.

Alphonse V d'Aragon

Le changement politique, avec la colonisation d'Alphonse V d'Aragon (à partir de 1444), amplifie les échanges culturels en Méditerranée. Les territoires napolitains sont impliqués dans des échanges très étroits avec les autres territoires de la couronne aragonaise ; des artistes catalans et espagnols, peintres et architectes notamment[1], viennent à Naples, amenés par Alphonse V, parmi lesquels le Valencien Jaume Baçó Escrivà, dit maître Jacomart, qui réside dans la ville à plusieurs reprises de 1442 à 1446. Dans ces mêmes années, le maître français Jean Fouquet est aussi présent. Le Véronais Pisanello arrive à Naples à la fin 1448 et est nommé membre de la maison du roi en avec un salaire de 400 ducats[1].

Bartolomé Facio, secrétaire personnel et historien du roi, lui dédie en 1456 son ouvrage De viris illustribus qui comporte un chapitre sur les peintres qu'il considère comme les meilleurs de son époque : Jan Van Eyck et Rogier van der Weyden, Pisanello, qui est employé à la cour, et Gentile da Fabriano, mort en 1428, qui avait travaillé pour Pandolfo III Malatesta à Brescia, à la cour papale et à Florence. Trois sculpteurs florentins ont aussi droit à ses éloges dont Donatello qu'Alphonse V admire vivement et à qui il voulait faire exécuter un monument équestre pour son tombeau, à la manière de son ancêtre le roi Ladislas, comme il le précise dans une lettre au doge de Venise écrite en 1452[1].

Alphonse V, rusé et habile, connaît l'importance d'une bonne propagande politique. L'élaboration d'un langage subtil, tant visuel que verbal, destiné à transmettre son idéologie politique à l'aristocratie locale et à ses alliés et rivaux princiers, est un aspect important de sa politique artistique. Des architectes et des artistes espagnols travaillent à l'intérieur du Castel Nuovo, harmonisant la décoration au caractère de la cour. Des musiciens flamands, unanimement considérés comme les meilleurs, arrivent à Naples, tout comme des tapisseries et des panneaux peints flamands, accrochés aux murs des principales pièces de la demeure royale. Des humanistes italiens parmi les plus célèbres sont invités car ils nourrissent l'amour des livres et la fascination de l'Antiquité d'Alphonse, mais surtout car ils peuvent traduire ses visées politiques dans la langue humaniste en vogue et consigner ses faits pour la postérité[1].

Références à la Rome impériale

Médaille de Médaille d'Alphonse V d'Aragon de Cristoforo di Geremia, Wallace Collection.

Alphonse V cherche à établir sa légitimité dans le domaine artistique aux yeux des italiens avec un langage fondé sur celui de l'ancienne Rome impériale. Le sud de l'Italie avait été sous le règne du Saint Empereur Romain Frédéric de Hohenstaufen (1194-1250), exemple éclatant pour Alphonse V. Poète, guerrier, habile politique et mécène, Frédéric s'était approprié l'iconographie impériale d'Auguste, frappant des médailles de style ancien et érigeant un arc de triomphe à Capoue. Dans sa médaille all'antica, Alphonse V adopte son emblème de l'aigle perché sur sa proie, comme symbole de générosité[1].

Pendant sa campagne napolitaine, Alphonse s'inspire des Commentaires de César et, chaque jour, des humanistes lisent des passages de Tite-Live à ses troupes sur le champ de bataille. Il collectionne les pièces anciennes, en particulier celles portant le profil de César, les vénérant presque comme des objets sacrés. Sa bibliothèque comprend des écrits de Cicéron, Tite-Live, César, Sénèque et Aristote. Les empereurs romains lui servent d'exemple moral, l'incitant à la vertu et à la gloire. A la fin de son règne, l'orfèvre et sculpteur mantouan Cristoforo di Geremia le représente sur une médaille, vêtu d'une authentique cuirasse antique, couronné pat Mars et Bellone[1].

Facio écrit un traité, Du Bonheur humain, et une histoire louangeuse du règne d'Alphonse. Le Panormita écrit pour sa part une biographie, Faits et dits du roi Alphonse, qui rapproche le roi des empereurs romains d'origine espagnole, Trajan et Hadrien. Tous deux sont considérés comme les « meilleurs » empereurs, au sens chrétien, avec Marc Aurèle. Adrien a la passion de la chasse, comme le roi, et en fait un sport impérial au milieu du IIe siècle. Une des médailles d'Alphonse par Pisanello représente le roi en « chasseur intrépide ». Des bustes des deux empereurs hispaniques ornent un escalier du Castel Nuovo ; la sculpture de l'arc de triomphe du palais glorifie le règne de son commanditaire, à l'instar de l'arc de Trajan de Bénévent[1].

Jacomart

La première commande napolitaine d'Alphonse V est confiée au dit Jacomart que le peintre voulait déjà faire venir alors qu'il campait devant Naples en . Peu après sa conquête triomphale, il lui fait peindre un retable pour une chapelle de style classique, qu'il fait ériger sur le Campo Vecchio pour marquer le site où lui et ses troupes ont campé aux portes de la ville. La Vierge y apparait au roi dans sa tendre majesté. Œuvre d'art parmi celles les plus prisées du roi, il la fait porter lors des cortèges annuels commémorant son entrée dans la ville. Ce retable illustre l'alliance très espagnole, caractéristique d'Alphonse, de religiosité dévote et de conviction militaire. Il est détruit en même temps que l'église au XVIe siècle[1].

Le style « international » de Jacomart est le produit de l'école de Valence : formel, gracieux et d'une grande splendeur décorative. Il est conforme au goût connu d'Alphonse pour les images de dévotion, qui souhaite des œuvres spirituelles délicates, ayant de plaisantes qualités décoratives, associées à des détails naturalistes agréables : brocarts ravissants, décoration sculpturale peinte et joyaux étincelants à côté de figures élégantes et raffinées. Il est également influencé par la technique et le style flamands qui sont alors en vogue en Espagne et qu'il admire beaucoup[1].

Leonardo da Besozzo et Perinetto da Benevento

Leonardo da Besozzo, principal peintre de cour d'Alphonse V en 1449, qui avait travaillé pour le régime angevin précédent, sert le roi jusqu'en 1458. Il réalise les fresques des palais et des églises du roi, enlumine ses chartes et ses livres et décore son armure. Il est l'un des trois peintres qui décorent 920 étendards et bannières pour le banquet célébrant la naissance du petit-fils d'Alphonse. Perinetto da Benevento reçoit aussi de nombreuses commandes, dont un cycle de fresques illustrant Les Sept Joies de la Vierge. Tous deux travaillent dans la tradition de Giotto et de Pietro Cavallini dont les œuvres napolitaines avaient rendu la ville célèbre au XIVe siècle[1].

Influence flamande

En 1431, alors qu'il est roi de Valence, Alphonse V envoie Lluís Dalmau, son peintre de cour, en Flandres avec le tapissier Guillem d'Uxelles, afin qu'il apprenne à faire des cartons de tapisserie à la manière flamande. Il y serait arrivé juste à temps pour voir l'achèvement et l'exposition publique du Retable de Gand exécuté par Hubert et Jan van Eyck. À son retour, cinq années plus tard, il peint des œuvres influencées par les maîtres flamands[1].

En Italie, le roi continue à apprécier les œuvres de style hispano-flamand. Il acquiert un premier tableau de Jan Van Eyck quand Jacomart travaille à son retable. Le sujet lui importe peu, il veut juste posséder une œuvre du maître. Un marchand de Valence trouve un Saint-Georges et le Dragon en vente à Bruges, le fait expédier à Barcelone, d'où il est envoyé à Naples en 1444. Aujourd'hui perdu, il sollicite l'enthousiasme de Pietro Summonte, écrivain du XVIe siècle, qui indique dans une lettre de 1524 qu'il comporte un paysage avec une petite figure de la princesse secourue, une ville au loin et une vue de la mer, ainsi qu'un détail de bravoure, typique de la maîtrise de Van Eyck : le dragon, mortellement blessé à la gueule par une longue lance, se reflétait dans l'armure de la jambe gauche de saint Georges, le saint protecteur du roi[1].

Alphonse V possède également une Adoration des mages de Van Eyck qui orne l'autel de la chapelle Santa Barbara dans son palais de Castel Nuovo. Des œuvres de Van der Weyden ornent la grande Sala del Trionfo au Castel Nuovo, formant une magnifique toile de fond pour les allées et venues de la cour et éveillant la célèbre piété d'Alphonse[1].

Colantonio

Colantonio, Saint Jérôme retirant l'épine de la patte du lion, dans son cabinet de travail.

Le principal artiste local de cette période est Colantonio dont les œuvres traduisent sa capacité à assimiler les différentes cultures présentes dans la ville. Certains auteurs avancent que Colantonio pourrait avoir appris la technique flamande du roi lui-même[1]. Une œuvre telle que Saint Jérôme dans son cabinet de travail retirant l'épine de la patte du lion (vers 1444) se réfère à la peinture flamande et révèle sa maîtrise de l'illusion eyckienne. Il y use d'effets de trompe-l'œil (le morceau de parchemin plié et corné, épinglé à l'étagère, les lettres accrochées au mur). L'effet « naturaliste » s'exprime dans le désordre des livres empilés, le rendu minutieux des accessoires et l'étui en forme de viole contenant les lunettes du saint[1]. Dans Saint François donnant la règle de l'ordre, œuvre ultérieure (vers 1445), les différentes influences catalanes sont déjà assimilées, comme l'indiquent le sol à la verticale, les traits expressifs et les plis rigides et géométriques des vêtements.

Médailles

Alphonse V fait dessiner sa propre médaille par Pisanello en 1449 à une échelle digne du roi d'un grand empire. Il est représenté vêtu d'une armure contemporaine, dans un profil classique, comme il convient à un général et à un souverain. Son casque à aigrette et un livre ouvert se trouvent à sa gauche, sa couronne et la date de la médaille à sa droite. L'inscription dit « Divus Alphonsus Rex » en haut et « Triumphator et Pacificus » en bas. L'emploi du mot « Divus », « saint », l'associe aux premiers empereurs romains, dont plusieurs furent déifiés après leur mort. Le roi est célébré comme vainqueur militaire et comme pacificateur[1].

Au revers, Alphonse demande à Pisanello de faire figurer une allégorie de la « Libéralité ». Cette ancienne vertu impériale, évoquant l'empereur Auguste, a pour objet de rehausser le pouvoir impérial du souverain et de refléter sa piété et son amour du peuple[1].

Humanisme

L'humanisme est un des intérêts du roi Alphonse qui fait de la ville un foyer important de l'humanisme, comme en témoigne la présence à la cour d'intellectuels célèbres tels que Antonio Beccadelli, François Philelphe, Bartolomé Facio, Antonio Beccadelli dit en latin Antonius Panormita, son favori sicilien, et Laurent Valla, qui est son secrétaire. Ceux-ci débattent régulièrement avec le roi de questions littéraires, philosophiques, théologiques et probablement artistiques, dans l'ora del libro, le forum littéraire régulier d'Alphonse V. Ces réunions prennent ensuite officiellement le statut d'académie, présidée par le vif et spirituel Panormita. Les érudits y sont invités à exposer et à défendre une thèse, s'appuyant sur des textes et des exemples empruntés à l'Antiquité, dans un esprit de concurrence féroce. Après la réfutation des arguments d'autrui, on sert du vin et des fruits[1].

En 1440-1442, Valla prouve que la « Donation de Constantin », texte sur lequel repose le droit papal à régner sur les territoires italiens, est un faux[1].

Les nouvelles connaissances restent cependant essentiellement confinées à la cour, le souverain ne marquant pas, par exemple, d'intérêt pour l'Université qui aurait pu répandre la nouvelle culture dans le royaume. La littérature elle-même a un caractère essentiellement encomiastique.

Architecture

Castel Nuovo, voûte de la Sala dei Baroni.

Les premières commandes architecturales sont confiées à des artistes espagnols qui sont encore éloignés des concepts de la Renaissance. L'éclectisme du roi transparait dans la reconstruction de Castel Nuovo, où les ouvriers ibériques, dirigés par Guillem Sagrera, sculpteur-architecte catalan présent à Naples dès 1447[1], travaillent à partir de 1451, chargés de construire à la fois une résidence princière et une forteresse capable de résister à l'artillerie. Le schéma général se réfère à la tradition gothique, cependant allégée de toute décoration excessive ce qui en améliore la clarté structurelle. La Sala dei Baroni, par exemple, n'a pas d'espace suffisant pour permettre d'intégrer des sculptures, les nervures des voûtes s'enfonçant directement dans l'épaisseur des murs en l'absence de corbeaux. Cette voûte gothique rappelle les modèles catalans. La clé de voûte elle-même est un oculus, comme on en trouve dans les constructions majorquines. À l'origine, les ogives étaient décorées des armoiries des territoires d'Alphonse. Pere Johan, sculpteur catalan, est responsable d'une grande partie de la décoration intérieure du Castel Nuovo et se consacre principalement sur le gothique flamboyant de sa Sala dei Baroni Les sculpteurs italiens ornent de somptueux vases all'antica de lys, de griffons classiques, symboles de l'ordre du Lys, de putti portant des guirlandes, de centaures et de scènes tirées des Travaux d'Hercule[1].

En 1453, alors que le pouvoir royal peut désormais être défini comme solide, Alphonse décide d'équiper le château d'une entrée monumentale, inspirée des arcs de triomphe romains. Le travail commence en 1453 sous la responsabilité de l'architecte dalmate Onofrio di Giordano, réputé expert en antiquité classique. Francesco di Giorgio Martini arrive de Dalmatie en juillet pour sculpter les reliefs avec ses assistants Luciano Laurana et Paolo Romano. Avec Guillem Sagrera, Pere Johan est chargé de la sculpture figurative[1]. L'arc est composé de deux arcs superposés, flanqués de colonnes couplées et couronnés par un tympan curviligne. Une frise, exécutée par deux des principaux sculpteurs romains, Isaia da Pisa et Andrea dell'Aquila, payés 356 ducats au total, représentant l'entrée triomphale d'Alphonse V à Naples, inspirée des triomphes romains, figure sur le premier attique. Elle commémore le manteau de René, vaincu, et drapé sur le dossier du Siège périlleux. Des groupes sculptés dans les pavillons de part et d'autre représentent l'ambassadeur de Tunisie et son entourage, ainsi que les redoutables barons napolitains. Alphonse n'a jamais été officiellement sacré roi, cet honneur échoit à Ferdinand, son fils naturel et héritier[1]. Cette structure témoigne d'une interprétation très libre du modèle classique, subordonnée aux besoins festifs..

Seconde moitié du XVe siècle

Chapelle Piccolomini.
Porte Capuana, Naples.

Architecture

À la fin du siècle, grâce à l'alliance politique avec Laurent le Magnifique, Naples a accès aux œuvres et aux ouvriers florentins, ce qui conduit à une adoption plus homogène du style Renaissance. L'église Sainte-Anne-des-Lombards, où travaillent Antonio Rossellino et Benedetto da Majano qui y créent trois chapelles (Piccolomini, Toledo et Mastroianni-Terranova) est un chantier de construction important. La chapelle Piccolomini, où Marie de Castille est enterrée, est particulièrement intéressante pour ses aspects renaissants ; la chapelle du Cardinal du Portugal a un aspect plus somptueux pour répondre à la demande du commanditaire.

Giuliano da Maiano, frère de Benedetto, travaille sur les murs de défense de la ville et leurs portes, comme la Porta Capuana et la Porta Nolana. Il est aussi crédité de la conception du Palais Como, mais surtout de la conception de la résidence royale, la Villa Poggio Reale qui, commencée entre 1487 et 1490 et complétée par Francesco di Giorgio Martini, peut être considérée comme le point d'arrivée de la conversion progressive à la Renaissance de la capitale aragonaise. Bien qu'elle ait été détruite par la suite, il est encore possible de s'en faire une idée grâce à sa reproduction dans le traité de Sebastiano Serlio et grâce à son succès qui en a fait une référence de l'architecture du XVIe siècle. Le bâtiment se caractérise par une disposition originale avec des références à l'ancien adaptées aux besoins contemporains. Sa typologie de base est la villa romaine, modifiée pour répondre aux besoins défensifs d'un château médiéval, avec des pièces spécialement conçues pour la résidence, les loisirs et la représentation. Le résultat est un petit bâtiment avec une base quadrangulaire et quatre corps en saillie dans les coins, semblables à des tours d'angle, mais de la même hauteur que le reste du bâtiment. Le corps central est à portiques sur les côtés extérieur et intérieur, avec une cour en contrebas, accessible par cinq marches, qui rappelle les modèles antiques comme les théâtres et les thermes. La cour, conçue selon un modèle de Vitruve, pourrait avoir été recouverte d'un grenier en bois pour être utilisée pour des fêtes et des spectacles.

Giuliano ouvre également une école où sont formés des architectes, dont Pietro et Ippolito del Donzello, qui diffusent le style Renaissance dans tout le royaume.

Vers 1490, Fra Giovanni Giocondo travaille également sur le chantier de Poggio Reale. La chapelle Pontano, via dei Tribunali, construite pour l'humaniste napolitain Giovanni Pontano, dont l'extérieur est remarquable par ses pilastres corinthiens, lui est aussi attribuée (avec incertitude).

En 1495 Charles VIII envahit le royaume et occupe temporairement Naples. À son départ, il emmène avec lui, Giocondo et le jardinier Pacello da Mercogliano, qui travaillaient sur le chantier de construction de la villa Poggio Reale et qui amènent à la cour de France le jardin à l'italienne qui apparait alors dans la péninsule, ainsi que d'autres artisans et artistes qui travaillent à Naples, dont le sculpteur Guido Mazzoni qui contribue à la diffusion de la culture classique italienne et au développement de la Renaissance française.

Le reste du royaume aragonais montre plutôt une propension très traditionaliste et arriérée pour les arts, notamment en raison de la structure sociale (toujours liée à la féodalité) et du manque de dialectique avec la cour de Naples. Par exemple, la cour du château de Fondi, rénovée en 1436, est encore marquée par des éléments de style gothique et espagnol, qui la font ressembler à un patio. En Sicile, après son essor sous les Angevins, il faut attendre la fin du XVe siècle pour trouver une interprétation locale de la Renaissance, liée avant tout à l'architecture de Palerme signée Matteo Carnelivari (église Santa Maria della Catena).

Urbanisme

La Tavola Strozzi, 1472, Musée national Saint Martin à Naples.

Alphonse II de Naples conçoit un vaste plan d'urbanisme pour la ville destiné à unifier les interventions dispersées de son prédécesseur, à régulariser le tracé romain et à effacer les superfétations médiévales. Le plan hippodamien devait voir le jour qui aurait fait de Naples, dans les intentions des concepteurs, la « ville la plus élégante et policée [...] de toute l'Europe ». Ce plan n'a pas été mis en œuvre en raison de la brièveté du règne du souverain (1494-1495) et ses successeurs, souffrant d'un environnement instable en raison des révoltes baronniales récurrentes, préfèrent se consacrer à des travaux militaires, comme élargir les murs, initiative d'Alphonse quand il est encore duc de la Calabre, ou construire des châteaux dans la région. L'aspect de Naples à la fin du siècle est connu par la Tavola Strozzi (vers 1472, Musée national San Martino), où la ville est vue de la mer et apparait complètement entourée de murs à tourelles qui relient les deux forteresses de Castel Nuovo à l'ouest et du Château du Carmine à l'Est. Les portes de la ville sont purement fonctionnelles du point de vue de la défense, à l'exception de la Porta Capuana, inspirée d'un arc de triomphe, et qui menait à Poggio Reale.

Sculpture

L'arc de Castel Nuovo constitue un épisode fondamental dans le domaine de la sculpture. Plusieurs sculpteurs travaillent dessus, ce qui est à l'origine du caractère hétérogène de l'ensemble. Une équipe d'artistes liée au courant catalano-bourguignon succède à une autre plus composite, dans laquelle les personnalités de Domenico Gagini et Francesco Laurana, se sont démarquées et qui après l'achèvement des ouvrages qui leur étaient confiés, sont restées dans le royaume pendant un certain temps. Gagini est à l'origine d'une authentique dynastie de sculpteurs, active surtout en Sicile, où il mêle les idées locales à la richesse décorative d'origine lombarde ; Laurana, quant à lui, se spécialise dans les formes plus synthétiques, notamment dans les portraits d'une beauté évocatrice et douce, qui sont sa spécialité la plus appréciée. Par exemple, dans le portrait d'Éléonore d'Aragon (1468, Palerme, Palais Abatellis), le visage a une forme stéréométrique qui transfigure les données physionomiques.

Dans les années 1470, l'Ombrien Guglielmo Lo Monaco réalise des portes de bronze pour l'arc qui montrent la victoire de Ferdinand sur les barons rebelles en 1462, l'attentat contre sa vie en 1460 et sa victoire contre les troupes de René d'Anjou lors des batailles d'Accadia et de Troia. Le programme est sans doute conçu par Bartolomeo Facio dont les vers en latin accompagnent les six scènes de foule. Le style rappelle celui des miniatures contemporaines, avec des bordures héraldiques autour de chaque champ, ainsi que les reliefs classiques qui s'enroulent autour des colonnes de Trajan et de Marc Aurèle[1].

À Naples, les deux Vierges à l'Enfant de Laurana, une pour l'église Sant'Agostino alla Zecca, réalisée lors du premier séjour napolitain de l'artiste, et l'autre, sculptée lors de son second séjour dans la ville pour la chapelle palatine du Castel Nuovo sont des marqueurs de la Renaissance locale. Gagini réalise deux Tabernacles avec la Vierge et l'Enfant, toujours pour la chapelle palatine, et une sculpture sur le même sujet pour la basilique de la Sainte Annonciation Majeure.

Antonello de Messine

Même en peinture, l'approche des pratiques de la Renaissance est progressive et peut être pleinement perçue chez le plus grand maître du sud de l'Italie du XVe siècle, Antonello de Messine, formé à Naples chez Colantonio. Ses premières œuvres, comme le Salvator Mundi, témoignent d'une adhésion aux styles flamands et bourguignons, notamment en ce qui concerne l'iconographie, la technique d'exécution et les types physiques des personnages, tandis que l'aspect monumental de ceux-ci et les valeurs spatiales sont typiquement italiens. Antonello aborde progressivement les recherches spatiales et lumineuses de Piero della Francesca et des peintres flamands, comme Jan van Eyck et son contemporain Petrus Christus. Des Flamands, il ramène en Italie la typologie des portraits de trois quarts, plutôt que de profil, qui accentue à la fois les composantes psychologiques et humaines du visage. Le meilleur exemple de cette extraordinaire synthèse entre différentes écoles picturales est peut-être le Saint Jérôme dans son étude, peint en Sicile, où à la richesse flamande des détails et à la multiplication des sources de lumière, il ajoute une construction spatiale complexe, avec un faux cadre qui sert de lien entre le spectateur et le saint, en plus de l'interprétation humaniste du thème avec le saint représenté comme un savant. La lumière, qui entre par la fenêtre au premier plan suit les lignes de perspective, permettant de prendre la mesure de l'espace et focalisant l'attention sur le cœur de la peinture. Sa Vierge de l'Annonciation, synthèse remarquable de géométrie et de naturalisme, avec une douce utilisation de la lumière, figure aussi parmi ses dernières œuvres produites à l'intérieur des frontières du royaume d'Aragon. Antonello voyage ensuite dans la péninsule, notamment à Venise, où sa confrontation avec Giovanni Bellini est à l'origine d'un renouveau dans la peinture des sujets sacrés.

Liens avec la Renaissance ferraraise

Les liens dynastiques et artistiques entre Naples et Ferrare remontent à 1444. Ils produisent un style religieux qui convient aux goûts de la cour et de l'aristocratie, un langage « moderne » qui rivalise avec le style narratif monumental exporté activement par Florence. Ce langage napolitano-ferrarais assimile les éléments espagnols et flamands, et pare le naturalisme et la virtuosité technique du Nord de splendeur décorative, d'élégante diversité et d'éclat humaniste. L'échange culturel entre les cours contribue à former le style et l'iconographie d'artistes comme Antonello da Messina et Giovanni Bellini, Andrea Mantegna et Piero della Francesca, ainsi que des trois grands artistes ferrarais : Cosmè Tura, Francesco del Cossa et Ercole de' Roberti[1].

En 1489, Alphonse II, beau-frère d'Hercule Ier d'Este, et qui est présent dans la Pietà de Roberti, invite Guido Mazzoni à Naples tous frais de voyage payés. Il y exécute une Lamentation pour son égilse favorite, Santa Anna dei Lombardi di Monteoliveto. Comme dans la Pietà, il est figuré dans le rôle de Joseoh d'Arimathie, l'homme fortuné qui paya la sépulture du Christ, expression des dons qu'il fait à l'ordre olivétain de l'église[1].

XVIe siècle

Premier quart du XVIe siècle

Des architectes d'horizons culturels différents renouvellent le visage de Naples dans le premier quart du XVIe siècle. Novello da San Lucano, disciple d'Angelo Aniello Fiore, se rend à Rome afin d'étudier l'architecture antique pour mieux proportionner ses œuvres, créant à son retour la façade de l'ancien palazzo Sanseverino, devenu l'église du Gesù Nuovo), où il utilise pour la première fois les bossages de piperno à « pointe de diamant ».

Gabriele d'Agnolo conçoit avec le Palazzo Gravina, un palais noble selon les préceptes du classicisme romain ; il en fait de même pour le Palais Carafa di Nocera et la reconstruction de l'église Santa Maria Egiziaca all'Olmo dans un style Renaissance.

Giovanni Francesco Mormando conçoit et reconstruit divers bâtiments de la ville, s'inspirant de l'architecture classique et de Leon Battista Alberti. Son élève Giovanni Francesco di Palma contribue à l'achèvement de ses travaux inachevés.

Tandis que les réalisations répondant aux canons Renaissance se répandent dans la ville, des architectes étrangers à la formation locale continuent à arriver, comme un architecte de l'école de Bramante qui réalise la chapelle Caracciolo di Vico de l'église San Giovanni a Carbonara. Dans la cathédrale, la chapelle Succorpo pourrait avoir été conçue, selon certaines sources, par Bramante lui-même ou par le Lombard Tommaso Malvito.

Dans la deuxième décennie du siècle, le Settignais Romolo Balsimelli arrive également, chargé de la construction de l'église Santa Caterina a Formiello, où un plan innovant est utilisé, avec un plan en croix inscrit dans un quadrilatère pour maintenir de petites dimensions. Giovanni da Nola arrive de la ville voisine de Nola, alors qu'il est étudiant en sculpture classique et en architecture à Rome. En tant qu'architecte, il conçoit deux bâtiments de style romain, mais avec de fortes influences méridionales.

Deuxième quart du XVIe siècle

Ferdinando Manlio construit la basilique de la Sainte Annonciation Majeure et, avec Giovanni Benincasa, réalise la transformation du château de Castel Capuano. Les deux architectes réalisent également le plan d'urbanisme de la Via Toledo et des quartiers espagnols, commandé par le vice-roi Pedro de Toledo, qui permet l'expansion de la ville vers la colline de Vomero. Après la contre-réforme, des bâtiments religieux sont construits avec une seule nef et sans transepts saillants, en prenant l'église Santa Caterina comme modèle.

Cinquante dernières années du XVIe siècle

Après 1550 l'architecture purement Renaissance tombe en désuétude avec l'avènement du maniérisme. Cependant, les chantiers de construction des bâtiments de la vieille ville commencés au cours des cinquante dernières années se poursuivent, comme l'église du Gesù delle Monache, dont la façade rappelle un arc de triomphe. Dans cette période, l'utilisation de décorations en marbre blanc en contraste avec le piperno se développe dans la construction civile.

Vers la fin du siècle, l'architecture s'enrichit d'influences classiques apportées par les architectes Domenico Fontana, Giovanni Antonio Dosio et Giovan Battista Cavagna. Le remaniement de l'église de Santa Maria la Nova sur la base d'un projet de Giovanni Cola di Franco peut être considéré comme le dernier chantier de la Renaissance à Naples.

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Notes et références

  1. Cole1995, p. 192.

Voir aussi

Bibliographie

  • Alison Cole, La Renaissance dans les cours italiennes, Paris, Flammarion, , 192 p. (ISBN 2-08-012259-2), Piété et propagande : Naples sous Alfonso d'Aragon (p. 45).
  • (it) Pierluigi De Vecchi et Elda Cerchiari, I tempi dell'arte, vol. 2, Milan, Bompiani, (ISBN 88-451-7212-0).
  • (it) Stefano Zuffi, Grande atlante del Rinascimento, Electa, , 429 p. (ISBN 978-88-370-4898-3).

Articles connexes

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