Référendum sur l'indépendance de Chuuk

Un référendum sur l'indépendance de l'État de Chuuk doit avoir lieu en dans l'État de Chuuk, aux États fédérés de Micronésie. Initialement prévu en 2015, le scrutin a fait l'objet de plusieurs reports de la part du gouvernement central.

Référendum sur l'indépendance de Chuuk
mars 2022
Référendum sur l'indépendance de Chuuk
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Contexte

Du Territoire sous tutelle des îles du Pacifique à l'indépendance des États fédérés de Micronésie

Carte des États fédérés de Micronésie avec l’État de Chuuk en orange.

L’État de Chuuk, avec près de 50 000 habitants est le plus peuplé des quatre États des États fédérés de Micronésie et représente environ 50 % de la population du pays (105 000 habitants)[1]. Ces quatre États, Chuuk, Pohnpei, Kosrae et Yap, passés sous contrôle des États-Unis en 1944, sont administrés par ce pays en tant que Territoire sous tutelle des îles du Pacifique, dans le cadre d'un mandat de l'ONU reçu en 1947[2]. Un référendum tenu en 1978 dote ces quatre États d'une constitution et d'un gouvernement fédéral[2]. Les États fédérés de Micronésie accèdent finalement à l'indépendance en 1986, la même année que l'approbation par le parlement américain du Traité de libre-association, renouvelé pour 20 ans en 2003, accord liant les îles Marshall, les Palaos et les États fédérés de Micronésie avec les États-Unis[2]. D'une très grande importance géostratégique pour les Américains, il est jugé déséquilibré pour les Micronésiens par le politologue américain moscovite Andrew Korybko[3].

La question financière

L’État de Chuuk, endetté à hauteur de 37 millions de dollars en 2018, possède des routes en mauvais état et une faible croissance économique[1]. Plus de 30 % de ses recettes provient de l'argent redistribué par le gouvernement des États fédérés de Micronésie lui-même financé à hauteur d'environ 65 % par le Traité de libre-association[4],[5],[6]. De 1987 à 2003, les États fédérés de Micronésie ont reçu plus de 1,5 milliard de dollars d’aide au titre du premier pacte et reçoivent toujours une aide économique dans le cadre du second[6]. 82 millions de dollars sont encore attendus avant 2023[6]. Les États-Unis gèrent également dans ce cadre les questions relatives à la défense et aux affaires étrangères et autorisent les citoyens micronésiens à vivre, travailler et étudier dans n’importe quelle partie des États-Unis sans visa. Ils ont en contrepartie accès à la terre, à l’espace aérien et à la mer des États fédérés de Micronésie à des fins militaires, permettant un accès stratégique aux lignes de communication qui s'étendent à la mer de Chine orientale et méridionale[1],[5],[6]. Un nombre important de Micronésiens se sont enrôlés dans l'armée américaine[6].

Depuis plusieurs années, la Chine porte un grand intérêt à la région de Micronésie dans le cadre d'une vision politique et économique globale, dont l'octroi de prêts à faible taux d'intérêt pour des projets d'infrastructure en constitue une partie[3]. Le modèle chinois apparaît plus attrayant aux chuukois que le modèle américain qui les condamne à une perpétuelle misère et les intègre à des considérations géostratégiques héritées de la guerre froide selon le politologue américain moscovite Andrew Korybko[3]. D'après le journaliste guaméen Mar-Vic Cagurangan, il existe un sentiment d'amour-haine envers les États-Unis[6]. En 2011, une résolution parrainée par le sénateur Peter Christian au Congrès des États fédérés de Micronésie a eu pour objectif d'obtenir la résiliation du Pacte[6]. Élu président en mai 2015, il a changé d'avis et déclaré que les États fédérés de Micronésie restent engagés dans cette relation bilatérale[6]. Le 19 novembre 2015, la délégation de Chuuk au Congrès a parrainé une résolution identique à celle de 2011[6]. Le non-renouvellement du Traité, en 2023, priverait la marine américaine de ses droits et pourrait permettre à la Chine, qui porte un très grand intérêt à la région de Micronésie, et qui a les moyens politiques et financiers de transformer les trois pays micronésiens signataires du Traité en États-providence, de nouer des accords pour y faire circuler ses navires[3].

Création de la Chuuk state political status commission et projet de référendum

Mécontent de la répartition des ressources financières offertes par le Traité de libre-association, en 2012, le gouvernement de l'État de Chuuk intronise par une loi (no 11-12-08) une commission, la Chuuk state political status commission (CPSC), chargée d'étudier les différentes possibilités quant à la souveraineté future de l'État de Chuuk[7],[R 1],[8]. Sa création contrevient, selon l'ancien président micronésien John Haglelgam, à la section 3 de l'article XIII l'article de la constitution nationale qui oblige les États à promouvoir les principes d'unité sur lesquels la Constitution est fondée[9].

Dans son rapport rendu en 2014[7], les scénarios envisagés par la CPSC sont le statu quo, l'intégration en tant que territoire non incorporé des États-Unis d'Amérique, le rattachement en tant que nouvel État des États-Unis, l’indépendance totale. Les deuxièmes et troisièmes possibilités sont jugées irréalistes, la deuxième en raison du manque de contrôle politique qui en résulterait, la troisième à cause de l'augmentation aux États-Unis des sentiments contre l'immigration et l'accroissement de la politique extérieure américaine[R 1]. Le statu quo est rejeté en raison de la stagnation qu'elle entraînerait pour l'État. Par conséquent, l'indépendance est souhaitée[R 1].

Les conclusions du rapport sont adoptées par le gouvernement de l'État de Chuuk qui décide de l'établissement d'un référendum le [10] suivant en cela le calendrier établi par la commission[R 1]. Le référendum est cependant reporté une première fois à une date non définie par le gouverneur de l'État Johnson Elimo, qui justifie sa décision en expliquant que les documents nécessaires ne pouvaient pas être prêts à temps et qu'une plus grande consultation de la population et une meilleure sensibilisation de celle-ci étaient nécessaires. La date du vote est ensuite fixée au , en même temps que les élections législatives. En février, cependant, le scrutin est à nouveau reporté d'un an, jusqu'en mars 2020[11]. Un mois avant cette nouvelle échéance, le référendum est reporté à 2022 par les autorités de Chuuk, qui acceptent de laisser davantage de temps au gouvernement central pour lui permettre de « corriger certaines carences », appelant la population à faire preuve de patience[12].

En 2020 se tient la quatrième Convention constitutionnelle micronésienne, à la suite du référendum de mars 2019 au cours duquel la population a approuvé sa tenue, suivie d'élections constituantes en novembre de la même année. La convention se réunit de janvier à mars 2020 et aboutit à plusieurs propositions d'amendements devant être eux mêmes approuvés par référendum, dont un amendement introduisant dans l'article XIII de la constitution l'interdiction de faire sécession de la Micronésie[13],[14].

Organisation du référendum

La commission a établi dans son rapport de 2014 un calendrier pour arriver jusqu'à l'indépendance complète[7],[R 1]. Le premier évènement est l'organisation d'une session extraordinaire de l'Assemblée législative de Chuuk pour :

  • examiner le travail de la CPSC en vue de l'indépendance, tel qu'il est reflété dans son rapport officiel ;
  • prolonger la vie de la commission par le processus d'indépendance ;
  • voter des fonds pour l'organisation d'un sommet rassemblant les maires et les présidents du Conseil[R 1].

La seconde étape est une invitation adressée aux observateurs de l'ONU. Elle précède l'organisation du référendum prévu en mars. En cas de vote pour l'indépendance, la quatrième étape est la promulgation d'une loi durant le mois d'avril suivant établissant une Convention constitutionnelle. Elle serait chargée de l'élaboration d'une constitution jusqu'en octobre. Celle-ci serait diffusée auprès de la population durant l'année 2015 et soumise à son vote en mars 2017. L'indépendance serait ensuite déclarée par le nouveau gouverneur élu en même temps[R 1].

Le référendum sur l'indépendance de l'État de Chuuk devait se tenir le , le même jour que les élections législatives nationales[15]. Fin février, il est toutefois reporté indéfiniment par le gouverneur de l'État Johnson Elimo qui annonce que les documents nécessaires ne peuvent pas être prêts à temps[15],[16],[8], que des lacunes sont présentes dans les travaux de la commission[7] et qu'une plus grande consultation et une meilleure sensibilisation des Chuukois sont nécessaires[15]. À la suite de ce revirement, le président micronésien Manny Mori suspend les travaux d'un groupe de travail contre l'indépendance de Chuuk créé à son initiative et annonce vouloir proposer une réunion entre les gouvernements des États fédérés de Micronésie, de Chuuk et des États-Unis afin de « s’attaquer aux problèmes sous-jacents soulevés par l’État de Chuuk lors du mouvement de sécession initié »[7].

Mi 2018, les autorités de Chuuk prévoient la tenue du référendum le , le même jour que les élections générales[6]. Environ 45 000 électeurs sont appelés à voter[5]. Le responsable administratif de la commission Joe Commor constate en avril 2018 que les 45000 électeurs chuukois sont divisés sur la question. La majorité absolue est nécessaire pour faire avancer le processus et si le « non » l'emporte, la commission devra continuer à œuvrer pour convaincre[5]. Durant l'été 2018, les partisans de l'indépendance revendiquent plus de 50 % de soutien[6].

Durant l'été 2018, le gouverneur de Chuuk Johnson Elimo tente de faire avancer le référendum de mars à janvier. La CPSC dépose une loi en ce sens à la chambre législative de Chuuk qui doit l'examiner le 27 août. Le texte inclurait également un projet de budget pour le nouveau pays, un programme d'éducation du public et l'organisation d'une convention constitutionnelle[17]. L'opposition voit dans l'avancée de la date un moyen pour les partisans du « oui » de ne pas permettre aux Chuukois expatriés, majoritairement contre la sécession, de s'organiser pour pouvoir venir voter[17]. Durant l'été, le sénateur Robson Romolow de Chuuk dépose une résolution qui, se basant sur des arguments de l'opposition, demande à Johnson Elimo de réexaminer le tenue du référendum. Elle n'est pas examinée par le Congrès des États fédérés de Micronésie[18].

Courant février 2019, Eliesa Tuiloma, conseillère juridique principale de l'assemblée législative de l'État de Chuuk, déclare que le vote est retardé afin d'examiner plus précisément les implications constitutionnelles. Le porte-parole du gouvernement fédéral ajoute que la nécessité de laisser plus temps à la diffusion de l'information sur les implications du référendum est une autre raison[19].

Argumentaire

Pro-indépendance

Début 2015, la campagne pour le « oui » se fonde sur les arguments établis par la Chuuk state political status commission. Celle-ci argue que l'indépendance permettrait une élection par scrutin direct du président du pays, alors qu'actuellement le président des États fédérés de Micronésie est choisi par le Congrès au sein duquel l'État de Chuuk est sous-représenté - six sénateurs sur quatorze - , sa population correspondant à près de la moitié de celle de la fédération[R 1]. La commission constate l'absence de contrôle des autorités de Chuuk sur les affaires étrangères la concernant, une mauvaise répartition des financements au sein de la fédération — Chuuk très peuplé n'en recevant pas assez — qui aboutit à un sentiment d'inégalité et à des tensions culturelles, et l'impossibilité de contrôler son budget par l'instauration d'impôts ou de taxes[R 1],[8]. Près de 40 millions de dollars par an sont espérés par la vente de licences et autres revenus liés à l'exploitation de ce qui deviendrait sa zone économique exclusive[R 1]. La commission prévoit que les recettes fiscales seraient également augmentées puisque les taxes ne seraient plus divisées entre l'ensemble des États et qu'il serait possible de créer une taxe sur la valeur ajoutée que le Congrès n'a pas réussi à mettre en œuvre[R 1]. La commission juge que le statut actuel est la cause de la très faible croissance de l'État et du manque d'infrastructures de communication et de transport[R 1]. L'indépendance permettrait à Chuuk d'avoir un accès plus aisé aux fonds d'aide et de se concentrer sur ses propres priorités en étant ainsi plus efficace dans son action[R 1],[5].

Concernant la légalité de cette action, la Commission fait valoir que Chuuk a le droit de déclarer l'indépendance en vertu du droit international suivant l'exemple du Kosovo[R 1]. D'après ses avocats, aucune disposition de la Constitution des États fédérés de Micronésie n’empêche un État de faire sécession[5].

Le président de la Commission, également procureur général de l’État, Sabino Asor, souhaite qu'une fois indépendant le pays puisse signer un traité, plus en accord avec les besoins de Chuuk, avec les États-Unis, considéré comme un partenaire majeur dans les domaines financiers et sécuritaires[1].

Mahony Mori, président du Conseil de la jeunesse de Chuuk, plutôt favorable à l'indépendance, pointe le défaut d'informations par le gouvernement chuukois sur les avantages et inconvénients. Il estime que l'opinion de beaucoup de jeunes est partagée. Certains craignent que leur capacité à vivre et à travailler aux États-Unis ainsi que le permet le traité actuel ne soit compromise[1].

Anti-indépendance

Situation du district des îles Faichuk au sein du lagon de Truk.

Le président micronésien Emanuel Mori fait campagne contre l'indépendance de l'État de Chuuk. Il affirme, ainsi que l'assistant du ministre de la Justice Joses Gallen, s'appuyant sur l'article XIII, section 3 de la Constitution des États fédérés de Micronésie, spécifiant l'unité des États sous la constitution, que la sécession n'est pas possible[10],[8]. Selon le président, un vote « oui » conduirait probablement à une longue bataille constitutionnelle et juridique[10]. Le 27 janvier 2015, il signe un décret établissant un groupe de travail sur l'unité nationale des États fédérés de Micronésie chargé de convaincre les Chuukois que l’indépendance n’est pas dans leur intérêt[7],[10]. Il affirme que la CPSC est un organe composé des leaders déchus du séparatisme dans les îles Faichuk qui utilisent l'idée de la sécession pour servir leurs propres intérêts. Les membres de la commission lui rétorquent qu'il trompe son propre peuple et lui suggèrent de ne pas se mêler des affaires chuukoises[8].

En avril 2016, son mandat terminé, Emanuel Mori reste d'avis que la nation doit restée unie et pointe l'absence d'explications des indépendantistes chuukois sur le devenir de leurs concitoyens aux États-Unis une fois l'indépendance prononcée et si l'État américain ne la reconnaît pas. Il envisage la possibilité d'un truquage du référendum et la nécessité pour Chuuk de passer par une voie légale comme le permet la Constitution, le « raccourci » actuellement emprunté lui paraissant dangereux[1]. À la mi-août 2018, Manny Mori pointe le fait que l'indépendance de Chuuk, et donc sa sortie du traité bilatéral, entraînerait l'expulsion de 30 000 chuukois vivant aux États-Unis ou sur des bases militaires américaines et la fin de très nombreux programmes d’assistance. Elle ne permettrait pas non plus à Chuuk de bénéficier du FSM Compact Trust Fund, un fond disponible en cas de besoins lorsque la dotation annuelle a été dépensée[20].

Le jésuite Fran Hezel, directeur du Micronesian Seminar, opposé au référendum, se demande si les motifs économiques formulés ne s'accompagnent pas également de motifs personnels telles que des paroles malencontreuses formulées envers les chuukois[4].

Une majorité de Chuukois expatriés pourrait être opposée à une séparation de leur État car la jugeant dangereuse. La sécession conduirait certains à devenir citoyens américains, notamment les parents d'enfants malades et handicapés citoyens américains et ayant besoin de soins constants[17]. D'après des opposants, les habitants de Chuuk sont soumis à un lavage de cerveau institué par l'administration chuukoise dans le cadre de « séances d'éducation ». La situation pourrait aller de mal en pis si le oui l'emporte. D'autres expatriés craignent ou pensent que le vote sera truqué[17].

L'opposant à l'indépendance Vid Raatior, fondateur du Chuuk Reform Movement pointe l'absence de calendrier clair et réaliste pour conduire à la sécession, l'absence de moyens financiers et de leaders, la méconnaissance et l'impréparation des membres indépendantistes de la commission concernant les questions pratiques et l'organisation du futur État, les futures relations économiques, culturelles et migratoires - dont la question des expatriés - avec les États-Unis. Actuellement, le traité de libre-association, fruit de onze ans de négociations entre les États-Unis et les États fédérés de Micronésie accorde à ces derniers pour la période 1986-2023 de nombreux avantages. Le futur pays les perdrait automatiquement et il n'est pas sûr qu'il puisse en obtenir de similaires et pas forcément très rapidement[CRM 1],[CRM 2],[CRM 3],[CRM 4],[CRM 5],[CRM 6]. Vid Raatior, candidat au poste de sénateur au Congrès des États fédérés de Micronésie pour le vote de mars 2019, souhaite que le Congrès ne reste pas inactif face à ce qu'il juge comme un suicide. Il envisage, s'il est élu et en cas de vote « oui » majoritaire, de porter une loi permettant aux régions ayant unanimement voté contre la sécession, à son opinion toutes sauf celles des îles Truk qui s'exprimeraient pour, de rester et de former un nouvel État de Chuuk à la population réduite, mais plus organisé[17].

Les interventions américaines dans le débat

L'ambassadrice américaine Dorothea-Maria Rosen.

Début 2015, à la suite d'affirmations du porte-parole de la Chuuk state political status commission selon lesquelles les États-Unis soutenaient le processus d'indépendance et voulaient signer un traité avec Chuuk, déclarations infirmées par les autres membres, l'ambassadeur des États-Unis en Micronésie Dorothea-Maria Rosen dément avoir mené ou fait mené une discussion avec la commission concernant la sécession de Chuuk. Elle rappelle à cette occasion la politique de non-interférence américaine dans les affaires micronésiennes[10],[8]. L'agent consulaire américain William Cook explique qu'il a initié une rencontre avec l'un des membres de la Commission afin de seulement s'informer des évènements en cours[10].

En avril 2016, Jerry Finin doute que les États-Unis élaborent un nouveau traité avec les Chuukois une fois indépendants, si le gouvernement central les laisse faire, et que ceux-ci soient alors en meilleure position financière[21].

Début août 2018, Robert Riley, ambassadeur des États-Unis en Micronésie, à la suite de son prédécesseur Dorothea-Maria Rosen quelques années auparavant, annonce que son pays ne prendra pas position mais souligne qu'il est important que les Chuukois soient avertis qu'il n'y aurait pas de traité de libre-association entre son pays et un éventuel État indépendant de Chuuk. L'État perdrait ainsi le droit à toute aide américaine, la garantie d'une protection militaire américaine, et le droit pour ses citoyens de s'établir aux États-Unis. Ceux déjà présent sur place seraient renvoyés chez eux. L'ambassadeur ajoute que les programmes éducatifs, les subventions aux soins de santé et l'aide d'urgence disparaîtraient également. Selon Riley, le traité est un document unique, héritier des circonstances exceptionnelles issues de la Seconde Guerre mondiale et exclusif aux anciennes régions du Territoire sous tutelle des îles du Pacifique : « Il ne sera répété avec aucun autre pays ni aucune autre entité dans le monde »[6],[22].

Sabino Asor, procureur général de Chuuk, partisan de la sécession, considère cette déclaration comme une ingérence des États-Unis dans le processus politique micronésien destinée à décourager les électeurs de voter pour l'indépendance. Il affirme que le traité de libre-association est un signe de l'échec des États-Unis à assumer leurs obligations d'assurer le développement durable des États fédérés de Micronésie et un moyen de les reporter indéfiniment. Ce traité participe, d'après lui, d'une stratégie visant à « détruire les sociétés et les cultures micronésiennes, à déplacer les insulaires dans les centres urbains ou aux États-Unis, à les rendre dépendants de l’assistance américaine et à assurer un contrôle stratégique permanent des États-Unis sur la région »[23],[24].

L'ancien président John Haglelgam juge que les Chuukois devraient écouter les Américains et considère les dirigeants indépendantistes comme des fous cliniciens. D'après lui, la constitution actuelle ne permet pas la sécession. Sabino Asor lui rétorque qu'il n'est pas un avocat qualifié et qu'il n'arrive pas à accepter que des personnes considèrent les États fédérés de Micronésie comme une erreur ou une entité irresponsable[24].

Le politologue américain Andrew Korybko constate que bien que les États-Unis soient généralement favorables voire encouragent les processus de balkanisation en Asie, évaluant qu'ils facilitent ses stratégies, ils sont opposés à la sécession de Chuuk. Il leur est, d'après lui, plus facile de gérer par l'intermédiaire du traité seulement trois relations bilatérales et ainsi de contrôler les ambitions de la Chine[3]. Andrew Korybko juge que les États-Unis auraient dû déployer davantage d’efforts pour développer sincèrement le potentiel socio-économique des États fédérés de Micronésie, et ainsi éviter de s'attirer les foudres des Chuukois, mais qu'il lui est encore possible d’empêcher un résultat négatif du vote et ainsi d'éviter une dégénérescence en une crise internationale à part entière[3].

Points de vue des politologues sur la politique interne

La volonté d'indépendance manifestée en 2015 surprend les experts car la question n'avait jusqu'alors pas été discutée publiquement auparavant et parce qu’il n’existe pas selon eux de plan crédible pour un Chuuk économiquement viable. Pour la plupart d'entre eux, une déclaration d'indépendance est également fondée sur des bases juridiques fragiles et laisserait probablement Chuuk sans sa part des avantages dont il bénéficie actuellement dans le cadre du traité de libre-association[16],[8]. A contrario, le politologue américain Andrew Korybko juge que la campagne pour l’indépendance représente une menace réelle pour l’unité des États fédérés de Micronésie d'autant plus qu'elle n’est pas inscrite dans la Constitution et permet donc légalement la sécession d'un État[3]. Certains spécialistes pensent qu'il s'agit d'un coup de bluff pour améliorer la position des États fédérés de Micronésie lors des pourparlers en cours sur le renouvellement du traité de libre-association[3]. Interrogé en avril 2016, Jerry Finin, directeur du Forum du développement des îles du Pacifique, pense que le gouvernement central joue un rôle trop important dans le financement des activités des États. L’autonomie pourrait être plus grande. Il doute que les États-Unis élaborent un nouveau traité avec les Chuukois une fois indépendants, si le gouvernement central les laisse faire, et que ceux-ci soient en meilleure position financière une fois indépendants[21].

À la suite de l'intervention de l'ambassadeur américain Robert Riley, des analystes pensent que Chuuk pourrait se tourner vers la Chine à qui serait confiée la responsabilité de la défense et de la politique étrangère de Chuuk, intensifiant la concurrence déjà tendue entre Pékin et Washington dans le Pacifique. Une base militaire chinoise pourrait alors être installée dans l'immense lagon de Chuuk, qui a déjà accueilli des navires japonais lors de la seconde guerre mondiale[19].

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Références

  • Articles :
  1. (en) Ben Bohane, « Island of Chuuk looking to break free from Federated States of Micronesia », sur abc.net.au, ABC, (consulté le )
  2. Dirk Anthony Ballendorf, « États Fédérés de Micronésie », dans Anne Griffiths (dir.), Guide des pays fédéraux, 2005, Metz, McGill-Queen'S University Press, (présentation en ligne), p. 315-321.
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  4. (en) « FSM state independence push unfounded », sur radionz.co.nz, Radio New Zealand, (consulté le )
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  11. « Chuuk legislature facing lawsuit over plebiscite delay », sur Guam Palau CNMI FSM news (consulté le )
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  • Rapport :
  1. [PDF]Chuuk state political status commission. Final report to the Chuuk state legislature as required by Chuuk state law 11-12-08, S. l., Chuk state political status commission, , 5 p. (lire en ligne)

Liens externes

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