Politique conjoncturelle
Une politique conjoncturelle, est un ensemble de mesures de la politique économique prises par un gouvernement à court terme, en fonction de la position de l'économie dans les cycles économiques. Ces politiques conjoncturelles se veulent avant tout contracycliques[1](dans le sens inverse de la conjoncture) ou procyclique (dans le sens de la conjoncture favorable pour l'amplifier). C'est-à-dire qu'elles peuvent être menées soit pour soutenir l'activité soit au contraire pour freiner l'activité. Elle s'oppose à la politique structurelle, qui s'applique sur un horizon de long terme.
Présentation
Une politique budgétaire contracyclique est une politique dans laquelle l'État s'active à relancer l'économie lorsque la croissance économique est inférieure à la croissance potentielle, et à améliorer l'état de ses finances lorsque la croissance est forte.
Ainsi, durant une période de conjoncture économique mauvaise, notamment de récession économique, l'État peut mener une politique de relance, qui passe par une politique budgétaire expansionniste, c'est-à-dire l'augmentation de ses dépenses.
À l'inverse, lorsque la conjoncture économique est bonne, l'État peut alors mener une politique budgétaire plus restrictive, c'est-à-dire baisser ses dépenses, et « engranger » des rentrées fiscales (ou plutôt réduire la dette publique), qui lui permettront de relancer l'économie, si la conjoncture se détériore.
Une politique contracyclique sert en quelque sorte d'amortisseur pour l'économie du pays.
En France, jusque dans les années 2010, le gouvernement faisait des politiques de Stop and Go. C'est-à-dire, alternativement, une politique restrictive (baisse de l'inflation) puis une politique de relance quelque temps après, puisque la politique restrictive avait provoqué une augmentation du chômage. La relance produisant à son tour de l'inflation, le gouvernement s'appliquait ensuite à la réduire par une politique restrictive et ainsi de suite.
À partir de 2013, l'utilisation d'une politique conjoncturelle pour les pays signataires du pacte budgétaire européen, également appelé traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), et en particulier en zone euro, sera cependant quasiment interdite tant que l'endettement est supérieur à 60 %. Entré en vigueur en 2013, le TSCG est un outil intergouvernemental qui s'ajoute au pacte de stabilité et de croissance. Trois États membres de l'Union européenne n'y font pas partie : la Croatie, la République tchèque et le Royaume-Uni. Cependant, le gouvernement de République tchèque a approuvé, le , l'adhésion au pacte, sans s'engager à le ratifier[2]. De plus, certains États non-membres de la zone euro mais membres de l'Union européenne sont engagées sur certaines dispositions du traité, mais pas sa totalité[3].
La croissance tendancielle sur la période 2000-2010 a été en zone euro de 1 %[4], et le pacte impose de réduire d'un vingtième par an l'excès de dette, en déléguant à la Commission européenne la surveillance du niveau de déficit budgétaire. L'article 3 du pacte budgétaire européen prenant en compte le cycle économique est en effet ne s'applique pas quand l'endettement est supérieur à 60 % conformément à l'article 4[5]. Les États membres gardent toutefois une possibilité de veto, à la majorité qualifiée inversée, à l'encontre des propositions ou recommandations formulées par la Commission européenne.
Selon les instruments
Les politiques conjoncturelles sont d'abord déterminées par les outils dont dispose le gouvernement.
Politique budgétaire
Il peut en premier lieu utiliser l'outil budgétaire, c'est-à-dire jouer sur ses recettes (donc la fiscalité des différents acteurs économiques) ainsi que sur l'utilisation des ressources de l'État.
Par exemple si le gouvernement d'un pays décide de diminuer les impôts, cela permettra normalement d'augmenter le pouvoir d'achat des ménages et donc la demande tout en diminuant la charge imposée aux entreprises, leur permettant ainsi de produire plus et d'embaucher. Ainsi l'offre pourra répondre à la demande et il y aura croissance économique. Si ce même gouvernement décide au contraire d'augmenter les impôts, cela permettra par exemple de calmer la demande et donc l'inflation, d'augmenter ses recettes… L'État pourra ainsi soit diminuer le déficit public, soit augmenter ses dépenses et ainsi augmenter l'offre de services publics (utilisation des fonds supplémentaires pour la construction de nouvelles infrastructures, pour la hausse des prestations sociales…).
Il pourra même provoquer un déficit volontaire afin d'enclencher le processus du multiplicateur keynésien.
Cependant cet outil a ses limites : un déficit de l'État élevé augmente la dette publique et les changements dans le budget de l'État peuvent entraîner des contestations de certaines professions et catégories socioprofessionnelles.
Politique de revenus
Le gouvernement peut également appliquer une politique de revenus, c'est-à-dire jouer avec les salaires afin d'augmenter ou non la croissance économique.
Il peut par exemple jouer sur les traitements des fonctionnaires ou des salaires des salariés des entreprises nationalisées, mais surtout il peut jouer sur les minima sociaux (SMIC, RMI, minimum vieillesse…).
Ainsi en augmentant les plus bas salaires, l'État fait augmenter la demande du pays, d'autant plus que ces populations ont une propension à consommer proche de 100 %.
Cependant, en augmentant les salaires ou ne serait-ce que les salaires d'une partie de la population active, on augmente la charge financière qui pèse déjà sur les entreprises, ce qui peut les amener à augmenter leurs prix, créant ainsi de l'inflation. Par ailleurs, cela réduira leur compétitivité et réduira les embauches.
De plus, en augmentant trop les revenus de transfert, on peut entraîner un découragement du travail de la part des personnes qui les touchent qui, après avoir fait un rapide calcul coût-avantages, peuvent se rendre compte qu'il vaut mieux ne pas travailler et toucher les revenus de transfert, plutôt que de travailler, étant donné la proximité des deux revenus (trappe à l'inactivité).
Politique de l'offre
Enfin, l'État peut appliquer une politique de l'offre, c'est-à-dire jouer sur les choix des entreprises à embaucher par exemple, ou encore à innover, à investir, via des mesures incitatives telles que des défiscalisations, une diminution de l'Impôt sur les sociétés…
Politique monétaire
Le deuxième outil disponible est la politique monétaire, souvent aux mains de la banque centrale.
Une baisse des taux directeur de la banque centrale peut entraîner une baisse des taux d'intérêt d’emprunt et donc une hausse de la demande de la part des ménages, puisqu'il diminue ainsi le coût des emprunts et donc augmente les achats à crédit des ménages, tout en assurant aux entreprises des possibilités d'investissement à bas coûts leur permettant ainsi de répondre à cette accélération de la demande. En revanche, cette baisse des taux directeurs peut entrainer l'inflation.
En les augmentant, la banque centrale contribuera à freiner la demande, car les emprunts deviendront plus coûteux et les achats à crédits plus rares.
Ce deuxième outil permet de limiter l'inflation, élément perturbateur dans l'économie.
Pour les pays utilisant l'euro, la politique monétaire est nécessairement unique pour toute cette zone monétaire ; elle est confiée à la BCE, qui détermine la politique monétaire optimale en fonction de la situation conjoncturelle moyenne dans la zone euro.
Critiques
Les politiques conjoncturelles ont été attaquées, en particulier sur la possibilité de les mettre en œuvre. Le Prix Nobel d'économie Milton Friedman en particulier en formula une critique dans son essai de 1951, Effects of a Full-Employment Policy on Economic Stability, repris dans son recueil Essays in Positive Economics, publié en 1953. Pour Friedman, une politique conjoncturelle est impossible à mener car l'action étatique souffre de nombreux délais (lags) : entre le moment où la crise est à son sommet et le moment où les effets de telles politiques se font sentir, il peut s'écouler deux ans. Au délai avant la prise de conscience du problème s'ajoute le délai de la prise de la décision et celui de sa mise en œuvre pratique. Ces délais ont des conséquences très négatives selon Milton Friedman, qui estime que les politiques conjoncturelles, loin de lisser les cycles économiques ne font que les amplifier, les politiques contracycliques devenant en fait procycliques[6]. Robert Lucas ira encore plus loin à la suite de la publication de son célèbre article La critique de Lucas où il reprend à John Muth le concept d'anticipation rationnelle pour prouver l'inefficacité de politiques discrétionnaires.
Historique
France
Les politiques conjoncturelles ont été utilisées abondamment jusqu'à une période récente, et en particulier pendant les Trente Glorieuses. Ainsi on peut distinguer:
- 1952: Période de consolidation Antoine Pinay.
- 1953-56: Relance Edgar Faure
- 1957: Stabilisation Felix Gaillard
- 1958-60: Stabilisation Antoine Pinay
- 1961-62: Période de relance Michel Debré
- 1963-67: Période de stabilisation Giscard d'Estaing
- 1967-68: Relance Michel Debré
- 1969: Stabilisation Giscard d'Estaing
- 1974-1975: Stabilisation Jean-Pierre Fourcade
- 1975: Relance Chirac. Représentant 2,8 points de PIB a été « un succès mitigé : croissance de + 4,4 % en 1976, forte inflation (+11 %) et un gros déficit du commerce extérieur ». Il fut suivi par une politique de rigueur[7].
- 1976-80: Plans successifs de stabilisation des Gouvernements Raymond Barre.
- 1981: Relance Mauroy. Représentant « 1,7 point sur deux ans »[8]. Lancé alors que les partenaires extérieurs de la France adoptaient des politiques restrictives, il a provoqué une dégradation des comptes extérieurs et le gouvernement a dû adopter assez rapidement une politique de rigueur.
- 2008: plan de relance Nicolas Sarkozy de 1,3 % du Pib en 2009[9],[10].
- 2012: plan de relance François Hollande. À l'issue du conseil européen du , un " redéploiement de fonds structurels déjà programmés", à hauteur de 55 Milliards pour la zone Euro[11] a été décidé. Il est prévu que 45 Milliards soient ensuite empruntés par effet de levier à partir, des 55 premiers Milliards alloués. Les fonds seront débloqués sur une période de trois ans. À l'échelle de la France[12], il s'agit donc d'une relance de l'ordre de 55/2000*0,195/3=0,18 % du Pib, sur une durée de trois ans.
Notes et références
- Recent developments in macroeconomic analysis: reviving the case for stabilisation policies, Jean-Philippe Cotis, Économie internationale, 2004
- « Angela Merkel à Prague : les Tchèques ne veulent rien entendre sur les quotas », sur Radio Prague, (consulté le )
- Pacte budgétaire européen, "Mise en place du pacte"
- « Ue, page 3, Graphique 1, EXAMEN ANNUEL DE LA CROISSANCE »
- "Cahiers Lassaire, Ombres et périls du traité Merkel-Sarkozy: P34"
- Effects of a Full-Employment Policy on Economic Stability, in Essays in Positive Economics, 1953, University of Chicago Press
- Clerc, 2009, p 10
- Clerc, 209, p.10
- "Journal le Monde, 2008: Sarkozy veut investir pour aller chercher la croissance"
- "DailyMmotion, Nicolas Sarkozy, plan de relance 2009"
- "la finance pour tous: Aggravation de la crise en Europe, conseil européen des 28 et 29 juin 2012."
- "Insee, part de la France dans la zone Euro"
- "Wilipedia, Relances new Deal"
- "Wikipedia, New deal: réformes structurelles"
Bibliographie
- Denis Clerc, « Quelques relances historiques », Alternatives économiques, .
Voir aussi
Articles connexes
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