Pierre Rosanvallon

Pierre Rosanvallon, né à Blois le , est un historien et sociologue français.

Ses travaux portent principalement sur l'histoire de la démocratie et du modèle politique français, et sur le rôle de l'État et la question de la justice sociale dans les sociétés contemporaines.

Il occupe depuis 2001 la chaire d'histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France tout en demeurant directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Biographie

Études

Pierre Rosanvallon est diplômé de l'École des hautes études commerciales (HEC) en 1969. Il publie en 1979 une thèse de 3e cycle à l'École des hautes études en sciences sociales en histoire avec Claude Lefort : Le Capitalisme utopique. Histoire de l'idée de marché et prépare avec lui également un doctorat d’État en lettres et sciences humaines : Le Moment Guizot en 1985[1].

Carrière

Au cours de son service militaire, il fait paraître sous le pseudonyme Pierre Ranval, Hiérarchie des salaires et lutte des classes (1972).

De retour à la vie civile, il a été successivement permanent syndical de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), où il était conseiller économique de la confédération puis conseiller politique d'Edmond Maire, et rédacteur en chef de La CFDT aujourd'hui. Il théorisa notamment, pour la CFDT recentrée, comment l'autogestion pouvait servir de concept-relais avec une forme de libéralisme[2]. Il fut ensuite membre du Parti socialiste unifié (PSU) puis du Parti socialiste.

Il est un temps chroniqueur économique à Libération[3]. Didier Eribon, sociologue engagé à gauche, avance pour sa part que « quand Libération recruta Pierre Rosanvallon comme chroniqueur puis comme responsable de sa rubrique « Idées » en 1982-1983, ce fut explicitement (j’insiste sur ce point) pour se débarrasser de l’influence des intellectuels critiques (Foucault et Bourdieu) et se donner les moyens d’être en phase avec le nouveau personnel politique qui occupait les ministères »[4].

Il participe alors au séminaire de François Furet, qui constitua la base de la création du centre Raymond-Aron. Il y croise notamment Claude Lefort, Cornelius Castoriadis, Pierre Manent, Marcel Gauchet ou Vincent Descombes[5].

En 1982, il crée la fondation Saint-Simon avec F. Furet[6]. Pour Denis Souchon, la fondation Saint-Simon « joua un rôle central dans la conversion de la gauche de gouvernement au libéralisme »[3].

Il soutient en 1995 la position de la CFDT à propos de la partie de la réforme de la sécurité sociale portant sur l'assurance maladie et présentée par le gouvernement Juppé en 1995, signant notamment une pétition parue dans Le Monde en sa faveur[7].

Il occupe depuis 2001 la chaire d'histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France[8]. Peu de temps après, il devient « éditorialiste associé » au Monde[3].

Il est membre depuis 2002 du conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France[9], et depuis 2004 du conseil scientifique de l'École normale supérieure[10], mais il démissionne de la présidence en 2005 pour protester contre la nomination de Monique Canto-Sperber[11] à la direction de l'école de la rue d'Ulm[12].

Il crée en 2002, avec le soutien financier de grandes entreprises (Altadis, Lafarge, AGF, EDF, Air France…), La République des idées, un « atelier intellectuel » qu'il préside[13]. Son ambition est de « refonder une nouvelle critique sociale », détachée de ce qu'il nomme l'« archéoradicalisme » ou l’« idéologie radicale-nostalgique »[14]. Ce groupe édite une revue, La Vie des idées, ainsi qu'une collection de livres aux éditions du Seuil, et organise en 2006 le forum de Grenoble sur la « nouvelle critique sociale ».

À partir d', il dirige le site internet laviedesidees.fr[15], qui publie des chroniques et essais contribuant au débat d'idées dans de nombreuses disciplines.

En , dans le cadre de la « République des idées », il organise de nouveau un forum à la maison de la Culture de Grenoble, « Réinventer la démocratie »[16].

Il est membre du club Le Siècle, qui réunit des représentants des milieux dirigeants de la France[17].

Idées

Il est l'un des principaux théoriciens de l'autogestion associée à la CFDT[18]. Dans son livre, L'Âge de l'autogestion, il défend un héritage philosophique savant, venu à la fois de Marx et de Tocqueville, et annonce une « réhabilitation du politique » par la voie de l'autogestion.

Distinctions

Œuvres

Les ouvrages de Pierre Rosanvallon ont été traduits en 22 langues (allemand, anglais, arabe, chinois, espagnol, finnois, grec, hongrois, italien, japonais, polonais, portugais, roumain, russe, slovène, suédois, turc, ukrainien) et édités dans 26 pays (Source : Catalogue de la Bibliothèque générale du Collège de France, 2014).

  • Hiérarchie des salaires et lutte des classes, Cerf, 1972. Publié sous le pseudonyme Pierre Ranval pour échapper à l'interdiction d'écriture pendant son service militaire[20].
  • L’Âge de l’autogestion, Le Seuil, coll. Points politique, 1976, 246 p.
  • Pour une nouvelle culture politique (avec Patrick Viveret), Le Seuil, coll. Intervention, 1977.
  • Le Capitalisme utopique : Histoire de l'idée de marché, Le Seuil, coll. Sociologie politique, 1979 ; coll. Points Politique, no 134, 1989 (sous le titre Le Libéralisme économique) ; nouvelle édition sous le titre initial, Points Essais, no 385, 1999.
  • La Crise de l’État-providence, Le Seuil, 1981 ; Coll. Points Politique, 1984 ; Points Essais, no 243, 1992.
  • Misère de l’économie, Le Seuil, 1983.
  • Le Moment Guizot, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, 1985, prix Marie-Eugène Simon-Henri-Martin de l’Académie française.
  • La Question syndicale : Histoire et avenir d'une forme sociale, Calmann-Lévy, coll. Liberté de l'esprit, 1988 ; Nouvelle édition, coll. Pluriel, 1990 et 1998.
  • La République du centre : La Fin de l’exception française, avec François Furet et Jacques Julliard, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l’esprit », 1988, 1994, 182 pp., (ISBN 270211752X) ; nouvelle édition, Hachette, « Pluriel », 1989, 224 pp., (ISBN 978-2-01-015380-8).
  • L’État en France de 1789 à nos jours, Le Seuil, L'Univers historique, 1990 ; coll. Points Histoire, 1993 et 1998.
  • Le Sacre du citoyen : Histoire du suffrage universel en France, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 1992 ; Folio-Histoire, 2001.
  • La Monarchie impossible : Histoire des Chartes de 1814 et 1830, Fayard, Histoire des constitutions de la France, 1994.
  • Le Nouvel Âge des inégalités (avec Jean-Paul Fitoussi), Le Seuil, 1996 ; Points Essais, no 376, 1998.
  • La Nouvelle Question sociale : Repenser l’État-providence, Le Seuil, 1995. Coll. Points essais, 1998 (2 éditions), (ISBN 2-02-022030-X)
  • Le Peuple introuvable : Histoire de la représentation démocratique en France, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 1998 ; Folio-Histoire, 2002.
  • La Démocratie inachevée : Histoire de la souveraineté du peuple en France, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 2000, Folio Histoire 2003
  • Pour une histoire conceptuelle du politique, Le Seuil, 2003
  • Le Modèle politique français : La Société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Le Seuil, 2004 ; Points-Histoire, no 354, 2006.
  • La Contre-démocratie : La Politique à l'âge de la défiance, Seuil, 2006 ; Points-Essais, no 598, 2008. (ISBN 978-2-02-088443-3)"
  • La Légitimité démocratique : Impartialité, réflexivité, proximité, Le Seuil, 2008 ; Points Essais (ISBN 978-2-7578-1788-9)
  • La Société des égaux, Le Seuil, 2011.
  • Refaire société, Collectif, préface par Pierre Rosanvallon, avec Christian Baudelot, Magali Bessone, Robert Castel, François Dubet, Armand Hatchuel, Blanche Segrestin, Cécile Van de Velde, Seuil, La République des idées, 2011 (ISBN 978-2-0210-5431-6)[21].
  • Le Parlement des invisibles (manifeste pour « raconter la vie »), Le Seuil 2014 (ISBN 2370210168)
  • Le Bon Gouvernement, Le Seuil, 2015 (ISBN 978-2-02-122422-1)[3]
  • Notre Histoire intellectuelle et politique, 1968-2018, Le Seuil, 2018 (ISBN 978-2-02-135126-2)
  • Le Siècle du populisme : Histoire, théorie, critique, Le Seuil, 2020 (ISBN 978-2-02-140192-9)
  • Les épreuves de la vie : Comprendre autrement les Français, Le Seuil, 2021 (ISBN 9782021486438)

Références

  1. « Biographie de Pierre Rosanvallon », sur Le Collège de France (consulté le )
  2. CFDT, l’identité en question - Frank Georgi, par le laboratoire d'Histoire Sociale CHS, page web et film
  3. « Pierre Rosanvallon, un évangéliste du marché omniprésent dans les médias », Denis Souchon, acrimed.org, .
  4. Didier Eribon, D’une révolution conservatrice, Léo Scheer, 2007, p. 69.
  5. « Pierre Manent, grammairien de l’action », Le Monde des livres, .
  6. « Ces architectes en France du social-libéralisme », Manière de voir, no 72, « Le nouveau capitalisme », décembre 2003 - janvier 2004.
  7. Voir Le Décembre des intellectuels français, Raisons d'agir, Paris, 1997.
  8. Décret du 5 décembre 2001 portant nomination et titularisation.
  9. Arrêté du 11 janvier 2002 portant nomination au conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France
  10. Arrêté du 17 septembre 2004 portant nomination au conseil scientifique de l'École normale supérieure.
  11. « Monique Canto-Sperber doit partir, par un collectif », Le Monde, .
  12. Monique Canto-Sperber, « La femme à abattre », Le Monde, .
  13. L’Expansion, .
  14. Cité in Le Monde, 21 novembre 2005.
  15. « Équipe », sur laviedesidees.fr (consulté le ).
  16. « Réinventer la démocratie », Cahier du « Monde » no 19987, , 8 p.
  17. Jean-Claude Michéa, « Michéa face à la stratégie Godwin », marianne.net, .
  18. L’autogestion, utopie libertaire ou utopie libérale ?, Frank Georgi, OpenEdition, 2010 (Consulté le 11/12/2020)
  19. Décret du 13 juillet 2010 portant promotion et nomination
  20. Entretien radiophonique aux Matins de France Culture, le 15 mai 2013, à 1 h 15 min 50 s
  21. « Refaire société », sur www.refairesociete.fr (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • « Itinéraires intellectuels des années 1970 : Pierre Rosanvallon », Revue française d’histoire des idées politiques, no 2, 1995.
  • « Faire l’histoire du politique » (Entretien avec Pierre Rosanvallon), Esprit, no 209, , p. 25-42.
  • « Sur quelques chemins de traverse de la pensée du politique en France », Entretien avec Pierre Rosanvallon, Raisons Politiques, no 1, février–, p. 50.
  • Geneviève Verdo, « Pierre Rosanvallon, archéologue de la démocratie », Revue historique, no 623, 2002, p. 693-720.
  • Jean-Claude Monod, « Les recompositions du modèle politique français. Le jacobinisme amendé selon Pierre Rosanvallon », Esprit, .
  • Christophe Gaubert, « Révolution culturelle et production d’un "intellectuel de proposition" (Pierre Rosanvallon) », dans Sylvie Tissot (sous la dir. de), Reconversions militantes, Presses universitaires de Limoges, 2005.
  • (en) « Intellectual History and Democracy » (entretien avec Pierre Rosanvallon par Javier Fernández Sebastián), Journal of the History of Ideas, vol. 68, no 4, 2007.
  • « Démocratie ou contre-démocratie ? » (Deux lectures de Pierre Rosanvallon par Nadia Urbinati et Thierry Ménissier), Critique, no 731, .
  • Olivier Dumoulin, « Rosanvallon (Pierre) », dans Jacques Julliard et Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français : les personnes, les lieux, les moments, Paris, Le Seuil, (ISBN 978-2-02-099205-3), p. 1224-1225.

Liens externes

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