Pénates
Les Pénates sont des divinités romaines. Ils sont chargés de la garde du foyer et plus particulièrement des biens, du feu servant à faire la cuisine et du garde-manger. À partir du IIIe siècle av. J.-C., ils passent du culte privé au culte public.
Pour la propriété, voir Repino#Les Pénates.
Étymologie
Le mot « Pénates[1] » est masculin (il est employé rarement au féminin, ainsi qu'au singulier[2] mais aussi pour des objets). Pénate est dérivé de penus qui signifie le « garde-manger »[3].
Les Pénates sont ainsi les dieux du « garde-manger » penus ou de l'intérieur de la maison penes « chez » de *pen- « nourrir »[4]. Leur nom n'est qu'un adjectif qui requiert devant lui le substantif « dieux ». Leur personnalité se confond avec leur localisation[5].
Coutumes
Les peuples, dans leurs migrations, n'oubliaient pas d'apporter avec eux, non seulement le culte de leur pays d'origine, mais surtout les statues antiques, vénérées par leurs ancêtres. Ces idoles devenaient une sorte de talisman dans les nouveaux États ou les nouvelles cités, et c'est ce qu'on appelait les dieux Pénates. Les petites bourgades, les simples hameaux, les humbles maisons avaient les leurs, comme les grandes villes et les vastes États. Troie eut son Palladion, statue d'Athéna (Minerve dans l'Empire romain), la protectrice et gardienne de ses destinées ; Rome eut ses Pénates.
Culte des Pénates privés
Les Pénates demeurèrent longtemps les dieux du « garde-manger » avant que les Romains n'incluent dans ceux-ci tous les dieux, masculins ou féminins, honorés dans la maison pour quelque raison que ce fût. Puis, le maître de maison se sentit libre de choisir dans le panthéon des divinités qui il voulait pour di penates, « le titre ne désignant plus qu'une fonction ouverte aux candidats les plus divers - y compris les plus distingués, Jupiter, Vénus, Fortuna »[5].
Ainsi, les familles se choisissaient librement leurs Pénates, parmi les grands dieux ou les grands hommes déifiés (généralement au nombre de deux, l'un pour la nourriture, l'autre pour la boisson). Ces dieux, qu'il importe de ne pas confondre avec les dieux Lares, se transmettaient comme un héritage, de père en fils. Dans chaque habitation, on leur réservait une place, au moins un réduit, souvent un autel et parfois un sanctuaire (nommé laraire). Les Pénates sont toujours invoqués collectivement ; ils sont attachés à la famille et la suivent dans ses déplacements (au contraire des Lares qui sont attachés au lieu).
Culte des Pénates publics de Rome
Les Pénates ont sûrement été promus du culte privé au culte public, où, pendant les temps républicains, ils ne jouent pas un grand rôle[5].
Les Pénates de l'État sont à l'origine, selon Annie Dubourdieu, ceux du roi. Ainsi, le temple des Pénates sur la Velia est situé à l'emplacement de la maison de Tullus Hostilius ou près d'elle. Le sanctuaire de Vesta où sont aussi gardés les Pénates du peuple romain, est intégré dans un complexe architectural qui comprend la maison du roi, la Regia, liée à Numa[6].
Tacite atteste de leur présence dans le temple de Vesta jusqu'à l'incendie de Rome qui le détruit sous Néron[6]. Par la suite, ils auront une aedes sur la Velia où ils sont représentés par deux jeunes hommes assis portant une lance, probablement une représentation des Jumeaux divins[7]. Plusieurs pièces de monnaie du premier siècle portent ainsi des têtes de Dioscures avec l'inscription D(i) P(enates) P(ublici)[5].
Enfin, les Romains rendaient officiellement un culte, une sorte de procession annuelle comprenant les plus hauts magistrats de Rome, aux Pénates de Lavinium au sud-est de Rome. Les Romains considéraient ces Pénates comme les leurs propres. Ce culte était étroitement lié à la légende des origines troyennes de Rome. Les Romains se voyant comme les descendants d'Énée vénéraient les Pénates de Lavinium, à ce que l'on supposait, apportés par ce dernier[6].
Légendes attachées aux Pénates publics de Rome
Le culte de ces dieux est donné par certains auteurs anciens comme originaire de Phrygie et de Samothrace[8]. Tarquin l'Ancien, instruit dans la religion des Cabires, éleva un temple unique à trois divinités samothraciennes qui plus tard s'appelèrent les Pénates des Romains[9].
Denys d'Halicarnasse les nomme « dieux troyens ». Ils ont, en effet, été captés par la légende troyenne[5]. Selon celle-ci, les Pénates originels proviendraient de Troie. C'est Énée qui, en s'enfuyant avec son père Anchise sur le dos et son fils Iule à la main, les aurait emportés. À Troie, ils avaient, semble-t-il, le même rôle que celui qui leur fut dévolu à Rome. Le grand savant romain Nigidius et le théologien romain Cornélius Labéon s'interrogent si les dieux Poséidon et Apollon, ceux qui construisent le mur de Troie pour le roi Laomédon, ne préfigurent pas les Pénates[10].
Dans l’Énéide, Virgile en dit :
« À ces questions Énée soupire, et tirant sa voix du fond de sa poitrine :
" Ô déesse, dit-il, si je remontais jusqu'à l'origine première de mes maux, et que tu eusses le loisir d'en écouter l'histoire, Vesper, avant la fin de mon récit, aurait fermé les portes de l'Olympe et du jour. Partis de l'antique Troie (si le nom de Troie est venu jusqu'à vos oreilles) et errant de mer en mer, la tempête par hasard nous a poussés sur les côtes de Libye. Je suis le pieux Énée qui transporte avec moi sur ma flotte les Pénates dérobés à l'ennemi, Énée dont le renom est allé jusqu'au haut de l'éther. Je cherche l'Italie, terre de mes pères, qui descendent du grand Jupiter »
— Virgile, Énéide, I, 371 et suiv. (trad. M. Rat)
« Toi père, prends dans tes mains les objets sacrés, les Pénates de nos ancêtres; moi qui sors à peine d'une guerre si rude et de ses carnages je ne peux les toucher avant de m'être purifié dans une eau vive »
— Virgile, Énéide, II, 717 et suiv. (trad. J. Perret)
Des objets mystérieux réputés associés à la légende troyenne étaient conservés à Lavinium ; à l'époque classique, alors que le mythe romulien était bien consolidé avec une filiation Lavinium/Albe/Rome, il fallut bien trouver une explication à cette étrangeté : Denys d'Halicarnasse rapporte une histoire selon laquelle ces objets, emportés par Ascagne lors de la fondation d'Albe, auraient à deux reprises manifesté de façon miraculeuse leur refus d'être déplacés. Ascagne se serait résigné à les laisser à Lavinium[11].
Bibliographie
- Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome (Collection de l'École française de Rome, 118), Rome, École française de Rome ; Paris, diff. de Boccard, 1989, X-566 p. (ISBN 2-7283-0162-X) lire en ligne
- Georges Dumézil, La religion romaine archaïque, 2e édition revue et corrigée, Paris : éditions Payot, 1987
Notes et références
- Définitions lexicographiques et étymologiques de « pénates » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
- par exemple Pénate est le nom du chien de la peintre du XVIIIe siècle Charlotte Eustache Sophie de Fuligny-Damas dont le décès est commémoré par un poème qui invoque le chirurgien Alexis Boyer : Essais de poésies : La Penatéide, poème sur le petit chien de Mme la marquise de Grollier, Paris, imp. de Jean-Baptiste Pinard, (lire en ligne)
- Encyclopédie Universalis
- Jean Haudry, Le feu dans la tradition indo-européenne, Archè, Milan, 2016 (ISBN 978-8872523438), p.228
- Georges Dumézil, La religion romaine archaïque, 2e édition revue et corrigée, Paris : éditions Payot, 1987, p. 358 et suiv.
- Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des Pénates à Rome, Publications de l'École française de Rome, Année 1989, 118
- Jean Haudry, 2016, p.228
- Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, livre I, 68; Denys s'appuie sur l'autorité de trois auteurs très mal identifiés, un Callistratus, un certain Satyrus, et un certain Arctinus
- cette affirmation semble une lecture complètement erronée d'un passage de Macrobe dont nous n'avons pas pu retrouver à l'instant la référence qui dit de manière complètement séparée que Tarquin était 1-instruit des cultes de Samothrace et 2- avait fondé le temple capitolin avec sa triade Jupiter/Junon/Minerve; ce passage est à corriger avec une référence claire
- Rapporté par Macrobe, Saturnales [lire en ligne], III.4.
- Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, livre I,67
Voir aussi
Liens externes
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