Patriarcat orthodoxe de Jérusalem

Le patriarcat orthodoxe grec de Jérusalem est une juridiction canonique autocéphale de l'Église orthodoxe pour Israël, la Palestine, la Jordanie et le Sinaï, aussi appelée Église orthodoxe de Jérusalem. Le chef de l'Église, actuellement Théophile III[1] (depuis le ), porte le titre de Patriarche, avec résidence à Jérusalem, à la « petite Galilée ».

Patriarcat orthodoxe grec de Jérusalem
(el) Ελληνορθόδοξο Πατριαρχείο Ιεροσολύμων
Fondateur(s) Jacques le Juste
Autocéphalie ou autonomie
déclarée en 451
Reconnaissance en 451
Primat actuel Théophile III
Siège Jérusalem
Territoire primaire Israël, Palestine, Jordanie
Extension territoriale Exarchats du Saint-Sépulcre (le patriarche sacre aussi l'archevêque du Sinaï)
Rite Byzantin
Langue(s) liturgique(s) Grec
Tradition musicale Byzantine
Calendrier Julien
Population estimée Environ 500 000

L'Église orthodoxe de Jérusalem n'a plus beaucoup de fidèles de nos jours, mais tient toujours une place importante au sein de l'Église orthodoxe du fait de son rôle de gardienne des lieux saints de Jérusalem et parce que sa liturgie a influencé celle de Constantinople et est ainsi l'une des sources essentielles de la liturgie orthodoxe[2].

Nom

La titulature officielle est : Patriarcat de la Sainte Cité de Jérusalem et de toute la Palestine, la Syrie, l'Arabie Pétrée, le Jourdain, Cana de Galilée et la sainte Sion. Elle est héritée de la période byzantine (395-630). Comme les autres Églises orthodoxes du Proche-Orient, elle est familièrement nommée « roumie », c'est-à-dire « romaine » ou byzantine : cette dénomination arabe est souvent improprement traduite par « grecque-orthodoxe », ce qui ne se justifie guère, car si le patriarche orthodoxe de Jérusalem est traditionnellement et fréquemment un grec, la majorité du clergé et des fidèles sont d'origine et de langue arabe.

Histoire

Judéo-chrétiens et Église primitive

Jusqu'en 134, au début de la seconde révolte juive contre Rome, les chrétiens de la Judée qui vivaient dans la région de la Palestine sont majoritairement juifs et représentent encore le noyau central de l'Église primitive. Leur qehila a une structure de type collégial : la liste des 15 premiers évêques de Jérusalem donnée par Eusèbe de Césarée semble en effet se référer à des "épiscopes" ayant siégé en commun à Jérusalem[3]. L'échec de la révolte de Bar-Kokhba entraîne l'expulsion des juifs de Jérusalem par l'empereur Hadrien et la destruction d'une grande partie de la ville sainte. Une population encore païenne, de langue araméenne et d'origine syrienne vraisemblablement, vient s'installer dans une ville désormais reconstruite sous le nom d'Ælia Capitolina. Depuis lors les évêques sont en majorité d'origine non juive (on parle de "pagano-chrétiens" par distinction des "judéo-chrétiens")[4], même si les communautés judéo-chrétiennes restent présentes dans le pays. Le Contra Haereses d'Épiphane de Salamine fait allusion à plusieurs de ces communautés, que l'on peut également voir à l'œuvre, en la personne de Jacques notamment, dans certaines couches anciennes des Écrits pseudo-clémentins[5]. Si elles sont qualifiées d'« hérétiques » à partir du IVe siècle, l'influence de certaines d'entre elles (du nazoréisme par exemple sur la formation du christianisme en Palestine et de là dans le reste de l'empire) ne doit pas être sous-estimée. Les sources liturgiques en particulier permettent de retracer le rôle important qu'a joué le judéo-christianisme, au plan des formules comme des rites liturgiques, dans l'histoire du christianisme d'Empire[6].

Patriarcat de Jérusalem

Au Concile de Chalcédoine en 451, les trois provinces de la Palestine sont détachées du patriarcat d'Antioche pour constituer un patriarcat autonome. L'Église chrétienne est ensuite organisée en cinq patriarcats (Alexandrie, Antioche, Constantinople, Jérusalem et Rome) jusqu'à ce que les évolutions ultérieures (multiplication des patriarcats autocéphales, séparation des Églises d'Orient et d'Occident) en modifient le nombre. L'Église de Jérusalem a utilisé son rite liturgique propre dont la transposition monastique est la liturgie de Mar Saba jusqu'à l'époque des croisades (XIIe siècle)[7].

Histoire récente

À partir du milieu du XIXe siècle, alors que l'Empire ottoman adoptait une politique plus libérale à l'égard des Églises et que le développement des transports modernes permit l'accroissement des flux de pèlerins, le Patriarcat orthodoxe ainsi que les autres Églises de Terre sainte, acquirent de nombreuses terres dans la région de Jérusalem, dont la zone urbanisée était alors cantonnée à la vieille ville. Avec le développement moderne de la ville, ces terrains et immeubles ont acquis de plus en plus de valeur[8].

L'actuel patriarche de Jérusalem, Théophile III Giannopoulos a été élu le , reconnu la même année par l'Autorité palestinienne et la Jordanie, puis par Israël le .

Organisation

Territoire canonique

Le territoire canonique du patriarcat orthodoxe de Jérusalem comprend Israël, la Palestine, la Jordanie et la péninsule égyptienne du Sinaï.

Juridictions

Nota bene : cette liste, dressée à titre indicatif et provisoire, reprend des éléments de différentes sources qui ne se recoupent pas entièrement.

  • Archevêché patriarcal de Jérusalem
  • Archevêché de Tibériade
  • Archevêché de Gaza
  • Archevêché de Constantinis
  • Archevêché de Kiriakoupolis
  • Archevêché de Sébaste
  • Archevêché du Mont-Thabor
  • Archevêché de Diocésarée
  • Archevêché de Philadelphie
  • Archevêché de Hiéropolis et de la Jordanie orientale (Amman)
  • Archevêché du Sinaï
  • Métropole de Pétra
  • Métropole de Neapolis (Naplouse)
  • Métropole d'Ascalon
  • Métropole de Scythopolis (Nazareth)
  • Métropole de Jaffa
  • Métropole d'Éleuthéropolis
  • Métropole de Ptolemais (Acre)
  • Métropole de Bostra

Représentations en dehors du territoire canonique

Le signe « Tau Phi » ("TΦ").

Le patriarcat a des représentants en dehors de son territoire primaire qui portent le titre d' « exarques du Saint-Sépulcre ».

Il dispose d'une quinzaine de paroisses aux États-Unis, notamment en Californie.

La paroisse orthodoxe de Doha au Qatar est également une métoque du patriarcat de Jérusalem (le patriarche Théophile III fut représentant du patriarcat au Qatar)[9].

Le patriarcat de Jérusalem parraine en outre la « Confrérie du Saint Sépulcre » dont l'emblème est le Tau-Phi, signifiant taphos (tombe), apposé sur ses dépendances et ses métoques.

Patrimoine immobilier

L'Église orthodoxe de Jérusalem est le second propriétaire foncier et le premier propriétaire foncier privé d'Israël[10],[11]. Elle possède de nombreuses propriétés et d'immenses terrains hérités de l'histoire ou acquis au cours des siècles[12]. Le Patriarcat de Jérusalem tire l'essentiel de ses revenus de ce patrimoine[8].

Avec le développement de l'Aliyah, le Patriarcat loue de nombreuses terres à la population juive, à Jérusalem comme à Haïfa, Lod, et Jaffa ou Ramla. En 1955, un accord est trouvé entre le Fonds national juif et le Patriarcat. Un bail est signé, le Patriarcat conserve la propriété des terres qu'il loue au FNJ pour une durée de 99 ans[8].

À Jérusalem, le patriarcat est propriétaire de 20 % de la Vieille ville mais aussi de quartiers entiers dont Réhavia et Talbiyeh, Nayot, d'une grande partie de Katamon et de Rassco. Le patriarchat possède aussi la vallée de la Croix, le terrain de l'Hôtel King David, la Knesset, la résidence du Chef de l'État[13], la Grande synagogue sont aussi construites sur des terrains appartenant au Patriarcat[8].

La gestion de cet immense patrimoine est un enjeu non seulement économique mais aussi politique. Dans ce contexte, le Patriarche Irénée Ier a été déposé en mai 2005 à la suite d'un scandale lié à des opérations immobilières à Jérusalem: il fut accusé d'avoir vendu et d'avoir laissé vendre sans concertation des terrains et immeubles à des investisseurs israéliens qui en ont profité pour expulser les palestiniens chrétiens qui y vivaient[14].

Relations avec les autres Églises

L'Église est membre du Conseil œcuménique des Églises ainsi que du Conseil des Églises du Moyen-Orient.

Notes et références

  1. « Orthodox Research Institute », sur Orthodox Research Institute (consulté le ).
  2. Walter Bauer, Orthodoxy and Heresy in Earliest Christianity, éd. Sigler Press, 1996 (ISBN 978-0-9623642-7-3) (rééd.); Traduction originale en anglais (1934) en ligne
  3. Y. Lederman, (en) « The Jewish Bishops of Jerusalem », Revue biblique n° 104 (1997), pp.211-222
  4. Selon François Blanchetière,Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien les concepts de pagano-chrétiens et de judeo-chrétiens sont dépassés même s'ils restent commodes d'usage.
  5. Les Écrits pseudo-clémentins ne doivent pas être pris au mot comme de l'histoire, si l'on suit Blanchetière op. cit., et plus encore Daniel Boyarin, Mourir pour Dieu, Bayard
  6. Éléments dans S. Verhelst, « Les traditions judéo-chrétiennes dans la liturgie de Jérusalem, spécialement la Liturgie de saint Jacques frère de Dieu » dans Textes et études liturgiques, Studies in Liturgy n° 18, Louvain (Leuven) 2003. Par ailleurs, les juifs proprement dits restent eux aussi présents dans les campagnes et les ports : il s'agit de Mizraïtes et de Romaniotes pour la plupart, qui suivent encore, à cette époque, le Talmud de Jérusalem.
  7. Adolf von Harnack (trad. Eugène Choisy, postface Kurt Kowak), Histoire des dogmes, Paris, Cerf, coll. « Patrimoines. Christianisme », , 2e éd., 495 p. (ISBN 978-2-204-04956-6, OCLC 409065439, notice BnF no FRBNF35616019)
  8. Carl Hoffman, « A qui appartient la Ville sainte ? - Edition française - Jerusalem Post », sur www.jpost.com, Jerusalem Post (consulté le )
  9. St. Isaac and St. George Greek Orthodox Church of Qatar
  10. « À Jérusalem, la vente de biens de l’Église grecque-orthodoxe provoque de fortes tensions », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  11. Claire Bastier, « Les affaires opaques de l’Eglise orthodoxe en Israël », Le monde, (lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Itamar Katz et Ruth Kark, « The Church and Landed Property: The Greek Orthodox Patriarchate of Jerusalem », Middle Eastern Studies, vol. 43, no 3, , p. 383–408 (ISSN 0026-3206, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Ami Pedahzur, The Triumph of Israel's Radical Right, Oxford University Press, (ISBN 9780199908820, lire en ligne), p. 187
  14. René Guitton, Ces chrétiens qu'on assassine, Flammarion, (ISBN 9782081238817, lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Ignace Dick, Les Melkites, Brepols (col. Fils d'Abraham), Turnhout, 1994
  • Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des Chrétiens d'Orient, Fayard, Paris, 1994 (ISBN 2213030642)

Articles connexes

Liens externes

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