Partages de la Pologne

Le terme partages de la Pologne (en polonais rozbiory Polski) désigne les annexions successives du territoire de la Pologne-Lituanie au XVIIIe siècle (1772, 1793 et 1795) par l'empire de Russie, le royaume de Prusse et l'empire d'Autriche.

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Partitions successives de la Pologne.

Affaiblie à l'intérieur par l'anarchie nobiliaire, conséquence du liberum veto, proie facile pour ses voisins qui attisent ses divisions internes, la république des Deux Nations ne parvient pas à sauver son indépendance malgré les réformes entreprises dans l'esprit des Lumières par la Grande Diète sous la houlette du roi Stanislas II.

En 1795, conséquence tout autant de la voracité de ses voisins que d'un siècle d'affaiblissement politique et économique, la Pologne disparaît de la carte de l'Europe.

Affaiblissement politique et économique

La Pologne en 1772.

L’union de Lublin entre le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie signée le a fait de la République des Deux Nations l’une des principales puissances européennes, dont le territoire s’est étendu à son apogée sur près d’un million de kilomètres carrés au cœur de l’Europe centrale ; ses frontières méridionales bordant l’Empire ottoman et ses frontières orientales se trouvant à 400 kilomètres seulement de Moscou. Mais son système politique, unique pour le temps qui avait fait sa fortune, fera également son malheur. En effet, le régime repose sur un parlement composé de nobles qui représentent 15 % de la population totale et qui élisent le roi. Ces nobles ont, au cours des années, accumulé de telles garanties que le roi ne possède aucun moyen de se défaire de leur emprise. En élisant des souverains étrangers pour éviter que des rois polonais puissent être tentés de changer les choses, les nobles ont exposé la République à des conflits d’intérêts qui se résoudront par des interventions militaires fatales à l’Union.

La république des Deux Nations aborde le XVIIIe siècle épuisée. Les invasions russes et surtout l'invasion suédoise passée dans les mémoires comme Déluge suédois ont sabordé l’économie du pays qui n'a plus les moyens de résister face à l’ingérence des monarchies absolues qui se sont constituées à ses frontières. La fin du siècle oscillera entre déclin de la noblesse corrompue, qui se réfugiera dans un mysticisme des origines de la nation polonaise (sarmatisme), et une ouverture au siècle des Lumières, avec l’aide du dernier roi de Pologne Stanislas Auguste Poniatowski.

Le démembrement de la République des Deux Nations

Premier partage (1772)

République des Deux Nations après le premier partage comme un protectorat de l'Empire russe 1773-1789.

En 1764, les troupes russes entrent en Pologne et imposent le couronnement de Stanisław August Poniatowski, un ancien amant et favori de Catherine II, impératrice de Russie. Le , profitant du fait que les Ottomans déclarent la guerre à la Russie, un groupe d'aristocrates réformateurs polonais noue la Confédération de Bar. Ils s'opposent au roi Stanisław, qu'ils considèrent comme un dirigeant faible, sans volonté d'indépendance et de lutte contre l'influence russe en Pologne. Les Confédérés s'emparent de plusieurs forteresses et villes remettant en cause l'autorité du monarque mais leur cause ne fait pas l'unanimité. Les autres aristocrates polonais demandent le soutien financier et militaire de la Russie et de la Prusse, tandis que les Confédérés demandent l'aide de l'Autriche. Cela donne à tous ces pays voisins un prétexte « légitime » pour une intervention militaire. La guerre civile durera jusqu'en 1772.

Le , le traité de partage est conclu à Saint-Pétersbourg entre la Russie, l'Autriche et la Prusse. La Pologne passe alors de 733 000 à 522 000 km2, perdant 4 500 000 habitants sur un total initial de 11 400 000.

Le traité, qui ampute la Pologne-Lituanie d'un tiers de sa population et 30 % de son territoire, est ratifié le par la Diète :

Deuxième partage (1793)

Deuxième partage.

L'humiliation du partage a pourtant une conséquence positive : la prise de conscience que la Pologne se trouve au bord d’un gouffre et engendre un important mouvement de renouveau intellectuel. Les années suivantes voient la création du premier ministère de l’Éducation dans le monde (Commission de l’ Éducation Nationale), alors qu'en 1788, la Grande Diète entame des travaux consacrés à une refonte de l’État, dont la Constitution du 3 mai adoptée en 1791 est un aboutissement. C'est une tentative unique d’introduction de formes d’un État moderne, alliant la démocratie nobiliaire à un fort pouvoir central et à une monarchie héréditaire. La Constitution accorde des droits à la bourgeoisie et la protection de l’État à la paysannerie. C'est le deuxième texte fondamental en Europe après les Statuts de Saint-Marin (et le troisième dans le monde après la Constitution américaine)[1].

Mais cette innovation a surtout pour effet l'opposition de la grande aristocratie, soucieuse de protéger ses privilèges. Les Confédérés de Targowica, qui signent leur alliance le , réclament une nouvelle intervention de la Russie et de la Prusse. Les deux puissances n'hésitent pas et procèdent en 1793 à un deuxième partage de la Pologne. Elle est maintenant réduite à un peu plus de 200 000 km2 et à environ 3 millions d'habitants. L'Autriche, étant à ce moment-là en guerre avec la France, n'y participe pas.

Disparition de la Pologne (1795)

Troisième partage.

L'échec d'une insurrection nationale qui éclate en 1794 sous le commandement de Tadeusz Kościuszko, déjà héros de la guerre d'indépendance des États-Unis, conduit au dépeçage final de la Pologne, scellé le .

Les Polonais n’abandonnent pas pour autant l’idée d’un retour à l’indépendance. Ils placent des espoirs particuliers en la France napoléonienne, ennemie de tous les pays qui ont pris part aux partages. En 1797, des Légions polonaises, dirigées par le général Jan Henryk Dąbrowski, sont créées en Italie. Leur chant, La Marche de Dąbrowski est d'ailleurs devenu l’hymne national polonais.

Malgré la fondation du Duché de Varsovie par Napoléon en 1807, le partage de la Pologne-Lituanie est confirmé après la chute de l'empereur par le Congrès de Vienne (1814-1815). La partie administrée par la Russie est agrandie. Elle s'appelle désormais le Royaume de Pologne (ou « Royaume du Congrès »). Le congrès crée aussi le Grand-duché de Posen (qui deviendra une simple province prussienne en 1849, alors que la ville libre de Cracovie est placée sous la protection des trois puissances (elle sera finalement annexée par l’Autriche en 1846).

Malgré des soulèvements successifs en 1830, 1848, 1863 et 1905, la Pologne et la Lituanie ne retrouveront leur indépendance qu'à l'issue de la Première Guerre mondiale, et redeviendront alors deux états séparés.

Suites

Renaissance de l'État polonais et lituanien à l'issue de la Première Guerre mondiale

À la fin de la Première Guerre mondiale, le traité de Versailles confirme la renaissance de la Pologne ainsi que la restitution de la plupart des territoires qui lui avaient été enlevés au XVIIIe siècle. La Lituanie reconquiert aussi son indépendance.

À l'issue de la Guerre soviéto-polonaise (1919-1921), des guerres d'indépendance lituaniennes, et de la guerre polono-lituanienne de 1920, la Pologne inclut des territoires anciennement lituaniens, y compris la capitale lituanienne Vilnius (Wilno en polonais). La Lituanie prend alors pour capitale provisoire sa seconde ville, Kaunas. Les deux pays, longtemps unis, voient alors leurs relations diplomatiques gelées par ce différend.

« Quatrième partage » (1939)

En a lieu un nouveau partage de la Pologne selon les termes du Pacte germano-soviétique, signé le par Ribbentrop et Molotov, les ministres des Affaires étrangères respectifs du Troisième Reich et de l'Union soviétique. La Pologne est de nouveau envahie et démembrée par ses voisins. Le Reich annexe les territoires de l'Ouest de la Pologne et crée en complément un État provisoire dénommé « Gouvernement général de Pologne » (constituant les « territoires polonais occupés » non annexés). L'URSS s'attribue l’ensemble des territoires de l'Est.

À l'issue de la Seconde Guerre mondiale

Lors de la conférence de Potsdam en , les frontières de la Pologne sont redéfinies par les Alliés selon les souhaits de Staline. Ils prennent la ligne Curzon comme frontière orientale et la ligne Oder-Neisse comme frontière occidentale. L'URSS annexe toute la partie orientale du pays. La Pologne perd 40 % de son territoire à l'est et « glisse » vers l'ouest, sur d'anciens territoires allemands. Ce déplacement de plus de 200 km vers l'ouest est accompagné du plus grand transfert de populations jamais vu en Europe.

Notes et références

  1. Jerzy Lukowski et Hubert Zawadzki, Histoire de la Pologne, Perrin, , p. 161.

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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Bibliographie

  • Jerzy Lukowski, Hubert Zawadzki, Histoire de la Pologne, Perrin, 2010, (ISBN 978-2262028886)
  • Norman Davies, Denise Meunier, Histoire de la Pologne, Fayard, 1986, (ISBN 978-2213016948)
  • Jean Fabre, Stanislas-Auguste Poniatowski et l'Europe des Lumières, Ophrys, Paris 1984
  • Ambroise Jobert, Magnats polonais et physiocrates français, Dijon, 1941.
  • Ambroise Jobert, La Commission d'Éducation Nationale en Pologne, Dijon, 1941.
  • Jean-Jacques Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne et sur sa réformation projetée (1770-1771)
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