Panégyriques latins

Les Panégyriques latins sont une collection de onze discours d'apparat adressés à l'Empereur par des orateurs gaulois, qui nous ont été légués par l'Antiquité latine[1]. Ces discours ont été prononcés entre 289, époque de Dioclétien et Maximien et 389, époque de Théodose.

Ces discours officiels ont des sujets divers : éloges, remerciements, suppliques. Bien qu'à proprement parler il ne fassent pas partie du corpus des panégyriques, on les fait usuellement précéder du discours d'éloges adressé par Pline le Jeune à Trajan ; ce discours sert de modèle à tous ceux qui ont suivi.

Description

Les occasions étaient communes, à l'époque impériale, que des panégyriques soient adressés à l'Empereur[2] ou prononcés à son intention devant des hauts fonctionnaires impériaux. Un recueil des discours d'orateurs gaulois les plus remarquables fut constitué dès le IIIe siècle et progressivement enrichi. Ce corpus, tel qu'il nous est parvenu comporte onze discours[note 1] :

  •  : Panégyrique de Maximien, prononcé par Mamertin à Trèves pour louer ses victoires contre les Germains ;
  • (?) 291 : Panégyrique, dit Genethliacus, de Maximien, prononcé par Mamertin à Trèves ; discours d'anniversaire qui reprend pour l'essentiel les thèmes du discours précédent de Mamertin ;
  •  : Panégyrique de Constance prononcé par un orateur inconnu à Trèves en l'honneur de ses victoires en Bretagne, contre les attaques des Angles. Autrefois attribué à Eumène, la fausseté de cette attribution a été démontrée par Emil Baehrens ;
  • Printemps 298 : Supplique prononcée par Eumène devant le Préfet de la Lyonnaise au forum d'Augustodunum (actuelle Autun) pour la restauration des écoles méniennes d'Augustodunum[note 2], après le sac dont la ville a été l'objet en 269 ;
  •  : Épithalame à Constantin à l'occasion de son mariage avec Fausta, fille de Maximien, prononcé à Trèves par un auteur inconnu ;
  •  : Panégyrique de Constantin, prononcé à Trèves devant l'Empereur par un orateur inconnu pour retracer la fin tragique de Maximien, beau-père de Constantin. L'auteur y évoque la vision de Constantin de la Victoire au sanctuaire d'Apollon Grannus et la prophétie de trente ans de règne[3] ;
  •  : Discours de louange adressé à Trèves par un édile inconnu d'Autun à l'empereur Constantin pour le remercier des dégrèvements d'impôts et des bienfaits accordés à sa ville et pour l'inviter à la visiter ;
  • Été-Automne 313 : Discours de congratulations prononcé à Trèves devant Constantin par un orateur éduen inconnu pour le féliciter de sa victoire sur Maxence et de son heureuse campagne contre les Francs ;
  •  : Discours prononcé à Rome par l'orateur gaulois Nazarius en l'honneur des quinze ans de gouvernement de l'empereur Constantin et des quinquennalia des Césars ;
  •  : Discours prononcé à Constantinople par Claude Mamertin à Julien pour le remercier de l'avoir nommé consul ;
  • juin- : Panégyrique de l'empereur Théodose prononcé à Rome par l'orateur gaulois Pacatus pour le féliciter de sa victoire sur l'usurpateur Maxime.

Constitution du recueil

On a présenté ci-dessus les panégyriques dans l'ordre chronologique. Toutefois, le recueil des panégyriques latins qui nous est parvenu par les manuscrits anciens ne range pas du tout ceux-ci dans l'ordre de composition. Le recueil a été constitué au fil du temps par les interventions de copistes ou de rédacteurs successifs qui y ont ajouté les pièces qui leur semblaient les plus remarquables sans souci chronologique[4].

Un premier recueil fut rassemblé vers 312, probablement à Autun, réunissant les discours de 297, 298, 307, 310 et 312. Ces discours, exaltant les succès de Constantin, marquaient aussi les efforts d'Autun pour renaître de sa ruine. On y adjoignit les deux discours de Mamertin provenant d'un recueil du même genre constitué à Trèves. Ainsi fut constitué un premier recueil de sept discours qui forment ce que les philologues nomment les panegyrici diversorum. Deux remanieurs intervinrent ensuite. Le premier ajouta le discours à Constantin de 313 ; le second adjoignit les discours de Pacatus à Théodose, de Claude Mamertin à Julien et de Nazarius à Constantin.

Le recueil des panégyriques est l'œuvre du IVe siècle finissant, mais il est impossible de discerner qui y mit la dernière main et à quelle époque précise.

Sources manuscrites

L'histoire de la découverte des Panégyriques latins est liée au Concile de Bâle réuni en 1431. Dans l'esprit de la Renaissance, des prélats et leur suite recherchaient, à l'occasion de leur déplacement en Europe, de nouvelles sources de connaissances sur l'Antiquité dans les diverses bibliothèques qu'ils visitaient. C'est ainsi que Giovanni Aurispa, dans la suite de l'évêque de Ferrare, visita Cologne et Mayence ; c'est là que, dans la bibliothèque de la cathédrale Saint-Martin, il découvrit en 1433 le manuscrit des douze panégyriques (les onze panégyriques listés ci-dessus ainsi que le panégyrique « modèle » de Trajan par Pline le Jeune). De ce manuscrit, appelé Magentinus, Aurispa fit copie en quelques exemplaires destinés à ses amis. En 1458, une autre copie du Magentinus fut prise par le théologien allemand Johannes Hergot ; celle-ci, après divers avatars aboutit à la bibliothèque de l'université d'Uppsala. Une troisième copie faite un peu plus tard aboutit au British Museum au XVIIIe siècle. Quant au manuscrit original, le Magentinus, il a disparu. De ces trois copies furent établies des « copies de copie » et des « copies de copie de copie ». Quatre de ces copies sont en Allemagne, deux en Autriche, une en Belgique, une en Espagne, six en France et douze en Italie.

C'est aux philologues Emil Baehrens[5] et à son fils Wilhelm Baehrens[6] qu'il appartint de démêler les relations entre ces divers manuscrits, de les dater et d'établir leur histoire.

Trèves et Autun

Les deux cités d'Augusta Treverorum (Trèves) et d'Augustodunum (Autun) constituent le décor ou le sujet les plus présents des panégyriques.

La plupart des discours constituant le recueil des panégyriques ont été prononcés à Trèves[7]. Cette ville était devenue capitale impériale au IIIe siècle en raison de la proximité de la frontière avec les tribus germaniques ; cette frontière menacée de l'Empire exigeait la présence fréquente de l'Empereur, chef des armées. Trèves fut ornée au siècle suivant de nombreux monuments dont les ruines imposantes sont encore visibles, entre autres la Porte noire et la basilique de Constantin.

Depuis la fin du IIe siècle, Autun était devenue une capitale « universitaire » de l'Empire à l'Ouest. Cette cité accueillait les écoles les plus prestigieuses pour la formation des légistes, des avocats et des hauts fonctionnaires de l'Empire. En 269, lors de l'épisode de l'Empire gaulois, s'étant prononcée en faveur l'empereur de Rome, elle fut prise par l'empereur gaulois Victorin, et fut victime d'un sac dont elle eut du mal à se relever[8] : ses meilleurs professeurs, dont Eumène, plaidèrent pour la ville auprès de l'Empereur et Constantin agit beaucoup en faveur de celle-ci. Néanmoins, la prééminence de l'École autunoise décrut progressivement au profit de l'École de Bordeaux, grâce notamment au poète bordelais Ausone.

Notes et références

Notes

  1. Les dates indiquées sont les plus probables parmi les diverses hypothèses des historiens et des philologues. Il convient à ce sujet de se reporter à la bibliographie.
  2. Intitulé du discours : Oratio pro restaurandis scholis Augustodunumis.

Références

  1. Édouard Galletier, Professeur à la Sorbonne, Préface ; Panégyriques latins, vol. I ; Éditions Les Belles Lettres ; Paris, 2003 ; (ISBN 2-251-01133-1).
  2. Pour l'anniversaire de la fondation de la ville (Rome (voir Ab Urbe Condita) ou Trèves. Camille Jullian, Histoire de la Gaule, t. VIII, 1926, p. 278.
  3. Paul Petit, Histoire générale de l’Empire romain, Seuil, 1974, (ISBN 2020026775), p. 573
  4. Mais beaucoup d'autres ont dû être laissé de côté. Éd. Galletier, op. cit., t. 1, p. XVI.
  5. Dans la préface de son édition des panégyriques en 1874 : Emil Bährens, Panegyrici latini ; Teubner, Leipzig, 1874.
  6. Panegyrici latini XII, Teubner, Leipzig, 1911.
  7. Camille Jullian, Histoire de la Gaule, t. VII, pp. 56 sq.
  8. Xavier Loriot et Daniel Nony, La crise de l'Empire romain, 235–285, Paris, Armand Colin, 1997, pp. 79-80 ; (ISBN 2-200-21677-7).

Annexes

Éditions et traductions

Les panégyriques latins sont publiés en version bilingue latin-français par les éditions Les Belles Lettres, Paris en trois volumes, préfaces, traduction et notes par Édouard Galletier  :

  • Panégyriques latins I-V ; première édition : 1949 ; (ISBN 2-251-01133-1)
  • Panégyriques latins VI-X ; première édition : 1952 ; (ISBN 2-251-01134-X)
  • Panégyriques latins XI-XII, première édition : 1955 ; (ISBN 2-251-01135-8)
  • Raoul Verdière, présentation de l'édition de Édouard Galletier des Panégyriques Latins, Tome III (ΧΙ-ΧΙI) ; Revue belge de philologie et d'histoire, 1956, vol. 34, n° 1, pp. 103-105 (Consultable sur Persée).

Bibliographie

  • Édouard Galletier, « Sur le Limes rhénan : Évocations littéraires (I) », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, vol. 1, no 2, , p. 21–29 (ISSN 0004-5527, DOI 10.3406/bude.1946.4788, lire en ligne)
  • Marie-Claude L'Huillier, « L'empire des mots. Orateurs gaulois et empereurs romains aux IIIe et IVe siècles », Les Belles Lettres, Annales littéraires de l'université de Besançon, Paris, vol. 114, (lire en ligne).
  • René Pichon, « L'origine du recueil des « Panegyrici latini » », Revue des Études Anciennes, t. 8, no 3, , p. 229-249 (lire en ligne).
  • Sur le panégyrique de 297 : Michel Christol, « Panégyriques et revers monétaires : l'Empereur, Rome et les provinciaux à la fin du IIIe siècle », Dialogues d'histoire ancienne, vol. 2, , p. 421-434 (lire en ligne).
  • Sur les panégyriques adressés à Constantin : René Pichon, « La politique de Constantin d'après les Panegyrici Latini », Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 50e année, no 5, 1906 pages = 289-297 (lire en ligne).

Articles connexes

Liens externes

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