Office des biens et intérêts privés

L'Office des biens et intérêts privés (par abréviation OBIP) est un organisme public français du ministère des Affaires étrangères chargé de recueillir les réclamations de particuliers et de collectivités ayant subis des dommages de guerre et dont les biens ont été réquisitionnés, spoliés ou détruits par les forces allemandes en France au cours de la Première ou de la Seconde Guerre mondiale[1].

Histoire

Création

Durant la Grande Guerre, le décret du instaure un dispositif permettant aux personnes physiques et morales de déclarer la possession ou la perte de biens et d’intérêts dans les pays ennemis la France ou dans les régions occupées par ceux-ci : sont concernés les propriétaires français de terrains fortement bombardés, de biens immobiliers détruits dans les combats sur le Front de l’Ouest ou encore de matériels saisis par les forces des Empires centraux entre et . Créé par le décret du et la loi du , l’Office des biens et intérêts privés doit recueillir ces déclarations et mettre en œuvre les clauses économiques du Traité de Versailles relatives à la réparation des préjudices et au règlement des créances dues à des ressortissants de pays vaincus[2].

Durant l’entre-deux-guerres, la plupart des missions relatives aux biens privés à caractère économique, financier ou politique lui sont confiées. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, l’OBIP est rétabli par le décret-loi du afin d’organiser le recensement des biens, droits et intérêts français en Allemagne et dans les pays qu’elle occupe comme la Pologne. À la suite de la défaite de la France en , l’organisme quitte Paris et la zone occupée pour s’établir à Périgueux et y recueille dès le mois d’août les déclarations des biens abandonnés par les Alsaciens et Lorrains expulsés des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle annexés de facto par le Reich allemand[3]. Durant l’Occupation, les autorités allemandes commettent de nombreux pillages à travers le territoire français par l’entremise de l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR) ou même de l’ambassade d’Allemagne à Paris[4].

À la Libération, de nouveaux textes précisent les missions de l’organisme retrouvant son siège à Paris après quatre années d’occupation : le décret du et l’arrêté du encadrent le recensement des déclarations de biens spoliés par le régime nazi en France. Sous la double autorité du ministère des Affaires étrangères et de celui des Finances, l’OBIP est désormais chargé d’identifier les propriétaires ayant subis les spoliations en vue de leur restituer leurs possessions retrouvées à travers le continent européen[3].

Fonctionnement

La structure de l’Office des biens et intérêts privés se compose de deux services, celui des biens préexistants et celui des spoliations : le premier gère les dossiers concernant les propriétés françaises possédées dans les pays de l’Axe avant , le second est chargé des déclarations des biens spoliés ainsi que des restitutions. L’OBIP comprend 665 agents en [5].

Dans la gestion de ces biens retrouvés à l’étranger, l’OBIP coopère avec le service des Réparations-Restitutions du Haut-Commissariat de la République française dans les zones occupées en Allemagne et Autriche[6]. L’organisme français dispose également d’antennes dans les pays qui ont été occupés par l’Axe, ainsi que dans les départements français annexés de facto par l’Allemagne nazie : des bureaux de l’OBIP sont ouverts à Metz et Strasbourg en raison de l’ampleur des spoliations découvertes en Alsace-Moselle à la Libération.

Le bureau de l'OBIP à Strasbourg est supervisé par Édith Bernardin[7], alors bibliothécaire à la Bibliothèque nationale et universitaire qui accueille le service dans ses locaux de la place de la République avec un dépôt situé dans le bâtiment des Archives départementales du Bas-Rhin pour rassembler les livres spoliés en vue de retrouver leurs propriétaires légitimes : 37 000 volumes sont restitués dès et plus de 200 000 livres ont été traités par l’OBIP de Strasbourg en  : 125 857 volumes ont été resitués et 56 300 sont attribués à des ayants-droit[8]. Le service est plusieurs fois menacé de suppression pour des raisons budgétaires : Édith Bernardin se dit « harcelée pour mettre fin aux opérations de restitution » au plus vite[9]. Le tri de ces documents se poursuit jusqu’à la fermeture du bureau local de l’OBIP le [10].

Dissolution

À l’issue de ses activités, l’OBIP a enregistré 100 000 déclarations portant sur la revendication de biens privés spoliés dont des matériels industriels, des automobiles, des meubles, des œuvres d’art, des livres, des manuscrits ou encore des Purs-sangs. Parmi ces déclarations d’une valeur globale de 80 milliards de francs, beaucoup n’aboutissent pas à une restitution. Concernant les biens retrouvés et non réclamés, l’organisme les remet à l’administration des Domaines pour qu’ils soient vendus selon le décret du .

Le , l’OBIP succède à la commission de récupération artistique (CRA) avec laquelle il a coopéré pour la gestion des objets d’art, manuscrits et livres spoliés durant le conflit[11]. Il dépose auprès de la direction des Musées nationaux de France et de la direction des bibliothèques du ministère de l’Éducation nationale les œuvres spoliées non réclamées qui ont été sélectionnées par les « commissions de choix » : il s’agit de les soustraire de l’administration des Domaines en vue de les intégrer dans les fonds d’institutions publiques. Ces biens se trouvent alors inscrits sur des inventaires spécifiques et portent la mention « Musées Nationaux Récupération » (MNR).

L’OBIP est dissout le et se retrouve remplacé par le Service des biens et intérêts privés (SBIP) en 1955[12]. Celui-ci est placé sous la tutelle directe du ministère des Affaires étrangères[13]. Les archives de l’organisme sont conservées par le service des archives diplomatiques du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères à La Courneuve[14].

Références

  1. Poulain 2008, p. 370
  2. Lorentz 1998, p. 115
  3. Lorentz 1998, p. 116
  4. Liskenne 2012, p. 314
  5. Lorentz 1998, p. 117
  6. Lorentz 1998, p. 242
  7. Poulain 2019, p. 180
  8. Poulain 2008, p. 383
  9. Poulain 2008, p. 391
  10. Dreyfus 2012, p. 248
  11. Liskenne 2012, p. 320
  12. Poulain 2019, p. 211
  13. Lorentz 1998, p. 118
  14. Liskenne 2012, p. 313

Annexes

Bibliographie

  • Anne Liskenne, « Autour des restitutions des biens culturels de 1944 à nos jours », dans Alexandre Sumpf et Vincent Laniol, Saisies, spoliations et restitutions : archives et bibliothèques au XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-1996-1, lire en ligne), p. 313-325 ;
  • Jean-Marc Dreyfus, « Le pillage des bibliothèques – et particulièrement des bibliothèques juives – en Alsace annexée, 1940-1945 », dans Alexandre Sumpf et Vincent Laniol (dir.), Saisies, spoliations et restitutions : archives et bibliothèques au XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-1996-1), p. 241-250 ;
  • Claude Lorentz, La France et les restitutions allemandes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : 1943-1954, [Paris], Direction des archives et de la documentation - Ministère des Affaires étrangères, , XXI-348 p. (ISBN 2-11-089157-2) ;
  • Martine Poulain, Livres pillés, lectures surveillées : les bibliothèques françaises sous l'Occupation, Paris, Gallimard, , 587 p. (ISBN 978-2-0701-2295-0)
  • Martine Poulain, Où sont les bibliothèques spoliées par les nazis ?, Villeurbanne, École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, , 231 p. (ISBN 978-2-37546-106-8) ;

Articles connexes

Liens externes

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