Commission de récupération artistique

La commission de récupération artistique (par abréviation CRA) est un organisme public français du ministère de l’Éducation nationale créé le afin de traiter et de restituer les œuvres d’art et les livres que le régime nazi a spolié en France durant l’Occupation et que les Alliés ont retrouvé à la fin de la Seconde Guerre mondiale à travers le continent européen.

Histoire

Origines

Durant la Seconde Guerre mondiale, une importante confiscation de biens culturels est réalisée par les autorités nazies, notamment l’'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), dans les territoires occupés par la Wehrmacht. En France, le nombre d’œuvres et d’objets d’art spoliés par les forces allemandes durant l’Occupation est estimé à environ 100 000 pièces [1]. Il s’agit notamment de tableaux, sculptures, bijoux et meubles principalement volés à des familles juives, cibles des lois raciales.

À la Libération, 60 000 œuvres sont retrouvées en Allemagne désormais occupée par les Alliés, grâce notamment au travail effectué durant la guerre par Rose Valland, attachée de conservation au musée du Jeu de Paume occupé par l’ERR. Les œuvres spoliées sont rassemblées dans les collecting points, à savoir des dépôts provisoires situés à Düsseldorf, Baden-Baden, Munich et Wiesbaden. Les objets redécouverts par les services de récupérations d’œuvres d’art des armées américaine, britannique et française en Allemagne sont transférés à Paris lorsqu’ils ont été spoliés en France[2]. À ces pièces s’ajoute un volume considérable de livres, d’archives et de manuscrits découverts dans plusieurs dépôts en France et dans les autres territoires occupés par le Reich. Entre 1,1 et 2 millions d’ouvrages spoliés ont été retrouvés bien que le nombre total de ces livres en France soit évalué à 20 millions dès le lendemain de la guerre[3].

Des historiens, historiens de l’art, bibliothécaires et experts se rendent en Allemagne pour examiner les collections afin de les renvoyer dans leurs pays d’origine. Afin de traiter les œuvres revenues en France, le gouvernement provisoire de la République met en place un organisme dédié : la CRA est alors créée le par un arrêté du ministre de l’Éducation nationale René Capitant à la demande de Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux de France[4].

Fonctionnement

Présidée par le collectionneur d'art Albert Henraux, président de la Société des amis du Louvre et vice-président du Conseil supérieur des musées, la CRA comprend alors dix-sept membres pouvant être assistés d’experts désignés par le ministère de l’Éducation nationale. Le nombre de membres s’élève à trente quelques années plus tard[5] : parmi eux, se trouvent notamment Jacques Jaujard, René Huygh et Rose Valland[6]. Jusqu’en , l’organisme est installé dans les locaux du musée du Jeu de Paume à Paris, siège de l’ERR durant la guerre, avant de déménager avenue Rapp et rue de Montessuy dans des annexes du Musée du Louvre. La CRA se compose de deux services[7] :

Les services de la CRA sont en relations directes avec d’autres instances françaises : l’Office des biens et intérêts privés (OBIP) du ministère des Affaires étrangères pour les biens spoliés et retrouvés à l’étranger ou en Alsace-Moselle, et avec le service des restitutions du ministère des Finances pour ceux retrouvés dans le reste de la France. Le rôle de la CRA est d’apporter son expertise pour compléter les déclarations de spoliations faites par les victimes auprès de l’OBIP, seule administration amenée à réceptionner les dossiers[5].

Lorsque ces dossiers portent sur des biens culturels, ils sont transmis à la CRA qui estime alors la valeur en francs du bien déclaré spolié puis croise les informations pour tenter de le localiser parmi les collections qui ont été retrouvées[7]. La sous-commission des livres est directement en charge des restitutions des documents bien qu’elle rend compte à l’OBIP[8]. La CRA publie deux catalogues d’expositions qu’elle a organisées pour présenter les biens retrouvés : en , Les chefs-d’œuvre des collections privées françaises retrouvés en Allemagne, puis en Manuscrits et livres précieux retrouvés en Allemagne.

Dissolution

Alors que les opérations d’identification et de restitutions ne sont pas terminées, un décret du prévoit la suppression de la CRA au [9]. L’OBIP reprend ses attributions et quatre « commissions de choix » lui sont rattachées et sont chargées de traiter les collections non restituées.

Pour examiner les ouvrages précieux, une « commission de choix » pour les livres rares et manuscrits est créée par un arrêté du . De nombreux documents ont été attribués à la direction des bibliothèques du ministère de l’Éducation nationale et à l’administration des Domaines qui procèdent à leur affectation ou à leur dépôt dans des bibliothèques publiques ou des établissements universitaires[10] : quelque 13 800 livres spoliés déposés à l’issue des opérations de restitution aux propriétaires dans une quarantaine de bibliothèques françaises entre et [11].

Parmi les 61 233 objets retrouvés à la fin du conflit[12], 45 441 sont restitués avant à leurs propriétaires ou à des ayants-droit. De nombreux propriétaires n’ayant pas pu être identifiés, 12 463 œuvres sont vendues par l’administration des Domaines tandis que 2 143 autres sont déposées auprès des Musées nationaux ou d'autres musées après avoir été présentées au public au château de Compiègne de à  : ces œuvres sont depuis considérées comme Musées nationaux récupération et désignées par le sigle « MNR »[13].

Notes et références

  1. Sprang 2017
  2. Poulain 2019, p. 12
  3. Poulain 2015, p. 178
  4. Lorentz 1998, p. 225
  5. Lorentz 1998, p. 226
  6. Poulain 2008, p. 370
  7. Lorentz 1998, p. 227
  8. Poulain 2008, p. 370-371
  9. Poulain 2008, p. 391
  10. Delsaux 1976, p. 46
  11. Poulain 2019, p. 13
  12. Liskenne 2012, p. 313
  13. « Qu'est-ce qu'un MNR ? », sur musees.angers.fr (consulté le )

Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Jenny Delsaux, La sous-commission des livres à la récupération artistique : 1944-1950, Paris, [éditeur inconnu], , 63 p.  ;
  • Ophélie Jouan, Rose Valland : une vie à l'œuvre, Paris, Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère, Maison des Droits de l'Homme, , édition revue et augmentée éd., 95 p. (ISBN 978-2-35567-139-5) ;
  • Anne Liskenne, « Autour des restitutions des biens culturels de 1944 à nos jours », dans Alexandre Sumpf et Vincent Laniol, Saisies, spoliations et restitutions : archives et bibliothèques au XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-1996-1, lire en ligne), p. 313-325.  ;
  • Claude Lorentz, La France et les restitutions allemandes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : 1943-1954, [Paris], Direction des archives et de la documentation - Ministère des Affaires étrangères, , XXI-348 p. (ISBN 2-11-089157-2).  ;
  • Martine Poulain, Livres pillés, lectures surveillées : les bibliothèques françaises sous l'Occupation, Paris, Gallimard, , édition revue et augmentée éd., 753 p. (ISBN 978-2-07-045397-9).  ;
  • Martine Poulain, «  De mémoire de livres : des livres spoliés durant la Seconde Guerre mondiale déposés dans les bibliothèques, une histoire à connaître et à honorer  », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), no 4, , p. 176-190 (ISSN 1292-8399, lire en ligne, consulté le ).  ;
  • Martine Poulain, Où sont les bibliothèques spoliées par les nazis ?, Villeurbanne, École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, , 231 p. (ISBN 978-2-37546-106-8).  ;
  • Philippe Sprang, « Enquête intégrale : à la recherche des manuscrits spoliés par les Nazis », L’Obs, (ISSN 0029-4713, lire en ligne, consulté le ). .

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de l’histoire de l’art
  • Sciences de l’information et bibliothèques
  • Portail du droit
  • Portail de la Seconde Guerre mondiale
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.