Nomogramme
Un nomogramme est un outil graphique de calcul constitué de courbes graduées entre lesquelles on place une règle. Le résultat de l'opération se lit au croisement de la règle et de l'une des courbes représentées en rouge dans les exemples ci-dessous. Le terme a été créé par Maurice d'Ocagne qui fut le principal promoteur de cette technique au début du XXe siècle. L'art de créer des nomogrammes est la nomographie.
Exemple
La parabole ci-contre est doublement cotée, ce qui signifie qu’on considère comme séparées les deux moitiés de celle-ci, graduées respectivement en bleu et en cyan. L'axe de la parabole, en rouge, est également gradué, mais les graduations ne vont plus jusqu'à 10 comme sur les deux branches latérales, mais jusqu'à 100.
Pour effectuer le produit de 6 par 8, il suffit de tirer un trait entre la graduation 6 de la branche bleue et la graduation 8 de la branche cyan. Ci-contre le trait est en marron, et on voit qu'il coupe l'axe rouge sur la graduation 48, ce qui confirme que : cette parabole est une machine à multiplier. Promue comme telle par Clark, elle semble inspirée par des recherches de paraboles dans la table de multiplication par August Ferdinand Möbius en 1841[1].
On peut manipuler ce nomogramme en ligne sur le site de l’IREM de l'université de La Réunion[2].
Remarque historique
Plusieurs auteurs récents[3],[4] attribuent ce procédé de calcul à Yuri Matiyasevich, ce qui est impossible du point de vue chronologique (Matiyasevich a publié la recette du nomogramme en 1971[5]). Il est très possible qu'à l'époque il ait ignoré les travaux de Clark, vu le peu de renommée de ceux-ci.
Multiplication
L'utilisation de deux courbes pour les deux opérandes et une troisième pour le résultat peut se généraliser à toutes les opérations de deux variables du type . Il suffit pour cela de graduer les deux courbes bleue et cyan selon et respectivement. Ce qui permet, entre autres, de calculer la puissance électrique dans une résistance , l'énergie donnée par la masse par la relation d'Einstein E=mc2, la loi de Snell, etc.
Il est d'ailleurs parfaitement possible d'effectuer des divisions avec le nomogramme ci-dessus, en permutant les rôles des points d'intersection.
Les exemples ci-dessous montrent donc tous des multiplications.
Autres exemples
Nomogramme à droites parallèles
Le premier nomogramme publié par Maurice d'Ocagne[6] est formé de droites parallèles.
Le principe de son utilisation est simple : on repère sur les droites extrêmes les deux facteurs à multiplier (graduations respectivement bleue et cyan) et on tire entre les deux, un trait rectiligne.
Les graduations utilisent une échelle logarithmique et le principe du nomogramme est basé sur la conservation du milieu par projection.
On peut manipuler ce nomogramme en ligne sur le site de l’IREM de La Réunion[7].
Un nomogramme de ce type permet de calculer, à partir de la température de couleur de deux sources, en kelvins, leur écart en mireds 1/K1-1/K2[8]. C'est aussi sur ce principe que se fonde le nomogramme de Fagan pour la lecture des tests médicaux.
Nomogrammes de Clark
En 1907 et 1908, J. Clark, de l'école polytechnique du Caire, publia[9] une série d'articles où il expose l'utilisation par ses collègues de nomogrammes nouveaux. Il ébauche une théorie unificatrice de ces nomogrammes, qui utilisent des cubiques. En particulier, comme la parabole unie à son axe est une courbe cubique, la théorie de Clark explique le fonctionnement du nomogramme parabolique. Il l'étend à l'utilisation d'autres coniques.
Nomogramme circulaire
Le cercle est une conique, ce qui donne lieu à ce nomogramme de multiplication. Comme précédemment, les facteurs se lisent sur les graduations bleue et cyan, entre lesquelles on trace (virtuellement) un trait, et on lit le produit sur la graduation rouge qui est alignée avec ces deux graduations.
On peut manipuler ce nomogramme en ligne sur le site de l’IREM de La Réunion[10].
Folium
Le folium est aussi une courbe cubique, ce qui a permis à Clark de construire une courbe à multiplier unique, où la même courbe porte les graduations des facteurs et celles du produit. Ce nomogramme fut présenté au congrès de Cherbourg en 1905, où il bénéficia d'un franc succès.
On peut manipuler ce nomogramme en ligne sur le site de l’IREM de La Réunion[11].
Abaques
Il est constitué d’un réseau de courbes correspondant chacune à un paramètre et permettant de trouver une valeur numérique sans calcul explicite mais graphiquement. Par exemple :
- la règle à calcul
- les abaques professionnels : ce sont des graphiques à lecture directe facilitant les calculs numériques. Graphiques servant à déterminer spontanément des résultats obtenus par des calculs dans un système de lignes prédéfinies et préparées d’avance. Le nom actuel serait nomogramme au sens étymologique du mot (de nomos : loi, division). Constitué sur la base de graphiques à échelles diverses établis par le tracé de nombre de droites, souvent parallèles, rarement concourantes. Les abaques s’exploitent par une lecture directe, sans avoir à effectuer de tracés complémentaires soit en lisant directement les données se situant à l’intersection des droites correspondante par la lecture du point concourant en relation avec les besoins de l’intervenant.
- abaque de Smith pour les calculs de câbles électriques
- abaque de Black dans le plan de Nichols en automatique
- abaque des marées au SHOM
- abaque de dépouillement, de Hull et Davay en cristallographie
- le canevas de Wulff permet de travailler diverses questions de géométrie des directions en trois dimensions. Par exemple, il est possible de déterminer si une famille de plans partage une direction commune, si une famille de droites définit un plan unique, si une droite mesurée ou donnée est située dans un plan particulier ; ce nomogramme permet de déterminer la direction d'un plan (de sa normale en fait) à partir d'une série de mesures de directions de droites prises dans ce plan ; il permet de calculer l'angle entre deux plans, ou de déterminer la position d'un plan ou d'une droite après rotation du système qui porte ce plan ou cette droite, d'un angle donné autour d'une direction donnée. C'est notamment un outil indispensable pour le géologue sur le terrain étudiant la déformation d'une couverture sédimentaire (géologie structurale), ou pour le tectonicien pour relever des données d'orientation de failles et de stries dans les plans de glissements de ces failles, afin de préciser ou déterminer le tenseur des contraintes lithosphériques responsables de ces failles et stries.
- abaque de magnitude en sismologie
- abaque de lecture en microbiologie pour la constitution d’antibiogrammes
- abaques de A. Lafay pour la résolution des triangles
- abaque de conversion franc/euros, Celsius/Fahrenheit
- abaque d'Heldio Lenz César en cartographie pour traiter le problème de la variation de surface d'un figuré ponctuel ou d'une forme géométrique
- Nomogramme de Henssge en médecine légale pour la datation des cadavres
Notes et références
- August Ferdinand Möbius, Geometrische EigenSchaften einer FactorenTafel, J. reine angew. Math., 1841
- « Multiplicateur de Möbius - IREM de la Réunion », sur univ-reunion.fr (consulté le ).
- Terracher, Maths Terminale S spécialité, 2000
- Maths 2nde, collection , 2010, page 103
- Voir le journal de Yuri Matiyasevich:
- M. d'Ocagne, Nomographie. Les calculs usuels effectués au moyen d'abaques, 1891.
- « Nomogramme à droites parallèles - IREM de la Réunion », sur univ-reunion.fr (consulté le ).
- Publié dans le catalogue des filtres optiques Wratten (Kodak-Pathé, Filtres Kodak : pour usages scientifiques et techniques, , p. 21
- Théorie générale des abaques d'alignement de tout ordre, Journal de mécanique 21 et 22
- « Nomogramme circulaire de Clark - IREM de la Réunion », sur univ-reunion.fr (consulté le ).
- « Nomogramme de Clark basé sur le folium - IREM de la Réunion », sur univ-reunion.fr (consulté le ).
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Une utilisation pédagogique de la parabole de Möbius en classe de 3e
- Rubrique de l'IREM de La Réunion sur les nomogrammes, avec les nomogrammes en ligne : Alain Busser et Dominique Tournès, « Abaques et nomogrammes » ; il y a aussi d'autres nomogrammes, notamment pour la résolution des équations du second degré.
- Une étude de cas, où l'on calcule graphiquement un indice de masse corporelle ; la moitié des outils sont des nomogrammes.
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