Datation des cadavres

La datation des cadavres est une des thématiques de la médecine légale. De telles méthodes de datation se basant sur les signes biologiques de la mort ne peuvent qu'estimer la date à partir de laquelle la décomposition d'un corps a commencé.

Pour les articles homonymes, voir Datation.

Définition médico-légale de la mort

L’état de la mort semble ne pas avoir été très bien cerné par la législation. Si tout le monde reconnaît que la mort se caractérise par une décomposition du corps, il est des états menant irrémédiablement à cette décomposition sans que la décomposition soit installée ; c'est par exemple le cas de la mort cérébrale, l'activité cardiaque étant présente. Se posent alors des questions morales, voire religieuses : une personne dans cet état doit-elle être considérée comme morte, ce qui permet par exemple le prélèvement d'organe, ou bien doit-elle être considérée comme vivante, donc maintenue en vie de manière artificielle ?

La datation d'un cadavre ne peut estimer que la date à partir de laquelle la décomposition commence.

En France, la médecine légale a donné une définition de la mort permettant de trancher la question. Cette définition est d’une part une définition basée sur la constatation de l'absence des fonctions vitales : un individu est mort s’il ne présente pas de signes de vie apparents comme la respiration, la circulation sanguine, l’activité cérébrale. C'est l'arrêt des fonctions vitales. D’autre part on trouve une définition qui complète la précédente, basée sur la constatation de signes de morbidité : un individu est mort s’il possède au niveau de son phénotype macroscopique des signes dit positifs de la mort. Ces signes sont tardifs, mais leur présence atteste d’une manière irréfutable la mort.

Le sujet est tout autant délicat que la mort ne survient pas de manière généralisée sur l’ensemble du corps. Tous les organes ne meurent pas en même temps et tout dépend du « type de décès » : lors d’un arrêt cardiaque, les organes ne meurent pas dans le même ordre que dans le cas d’un accident de voiture ayant entraîné un traumatisme crânien irréversible. Il est important de préciser que l’on distingue plusieurs types de mort : la mort cérébrale, la mort cellulaire, la mort de l’organe, la mort de l’organisme. Toutefois la constatation du décès d’un individu n’est parfois pas suffisante. On pense notamment à la constatation de décès dans le cadre d’une enquête policière. Il est nécessaire de savoir estimer l'heure du décès de la victime pour pouvoir apporter des preuves de la mise en cause ou de l’innocence du suspect. La police criminelle et la médecine légale collaborent ainsi entre elles. L’objectif de cet article sera de définir comment on peut dater le décès alors que le passage à un état létal n’est pas clairement défini. On étudiera les différentes méthodes de datation selon une chronologie en deux étapes :

  • La phase post mortem précoce (jusqu'à quelques jours après le décès).
  • La phase post mortem moyenne (jusqu'à un mois)

Technique de datation d'un cadavre en phase post-mortem précoce

Estimation du délai post-mortem par des méthodes thermométriques

Après le décès, l’arrêt des phénomènes d’homéothermie entraîne une égalisation progressive de la température du corps avec celle de son environnement (dans les pays tempérés il s’agira donc le plus souvent d’un refroidissement). Bien que ce phénomène soit connu de longue date, son intérêt potentiel dans le champ de la médecine légale n’a été identifié que vers le milieu du XIXe siècle. Le principal intérêt du refroidissement en tant que marqueur du délai post-mortem est qu’il s’agit d’un phénomène aisément quantifiable, à la différence des autres marqueurs cadavériques.

Modélisation du refroidissement

Sous les climats tempérés, la température de la peau rejoint celle du milieu environnant en 8 à 12 heures en moyenne mais la température centrale du cadavre nécessite pour ce faire un délai deux à trois fois plus important. Ces constatations ont mené à un certain nombre de simplifications abusives selon lesquelles :

  • La température s’égaliserait avec celle du milieu ambiant en 24 heures.
  • La vitesse de refroidissement serait de 1 °C par heure pendant les 24 premières heures.

Ces simplifications reposaient sur l’idée que le refroidissement cadavérique pouvait être une fonction linéaire du temps. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien.

Une deuxième approche consiste à utiliser les lois de la conduction thermique et de supposer que le flux thermique est proportionnel à la différence de température entre le corps et l'air ambiant. Cette approche permet alors de modéliser la baisse de température par une fonction exponentielle :

Cependant cette modélisation n'apparait pas satisfaisante confrontée à la réalité de l'expérience. En effet, on note, sans pouvoir l'expliquer, que la baisse de température s'effectue en trois phases :

Évolution de la température rectale en fonction du temps exprimé en heures.
  • Une phase dite de plateau thermique initial (durée de 0,5 à 3 heures, avec d’importantes variations interindividuelles) : pendant cette période et pour des raisons encore mal connues, la température du cadavre décroît très peu ; il en résulte une première limitation de la méthode thermométrique, car celle-ci se révèle inopérante pour dater un décès récent remontant à moins de trois heures.
  • Une phase intermédiaire de décroissance rapide, semi-linéaire, qui est celle où la méthode thermométrique se révèle la plus pertinente pour dater la mort.
  • Une phase terminale de décroissance lente où la température du corps finit par s’égaliser très progressivement avec celle du milieu ambiant. À partir de cette phase, la méthode thermométrique n'est plus utilisable.

Le docteur Claus Henssge, professeur de médecine légale à l'université de Essen (Allemagne) a cherché à modéliser la décroissance thermique sous la forme d'une fonction de sommes d'exponentielle variable selon le poids de l'individu. Il propose alors la modélisation suivante :

où k est un paramètre dépendant de la masse M (en kg) de l'individu :

L'observation de ces deux fonctions permet de remarquer que

  • la dérivée au temps t = 0 de la température est nulle, ce qui permet bien de modéliser le palier initial.
  • La décroissance est d'autant plus lente que la masse de l'individu est élevée.
Nomogramme de Henssge

Comme un médecin légiste n'a pas toujours sous la main une calculatrice scientifique pour déterminer t en fonction de T, Claus Hengsse a créé un système d'abaque permettant de déterminer, en fonction de la température du corps, de la température ambiante et de la masse de l'individu, le temps probable de la mort. C'est le Nomogramme de Henssge.

À la valeur trouvée par le Nomogramme de Henssge, il faudra appliquer des facteurs correctifs en tenant compte du fait que l’évolution de la température dépend de nombreux facteurs tels que :

  • Des caractéristiques propres au corps : température initiale, âge, éventuellement présence de vêtements…
  • Des conditions dépendant du milieu extérieur : présence de vent ou de courants d'air, présence d'humidité, variabilité de la température extérieure.

Utilisation pratique

Sur le lieu d'un décès, il est essentiel de mesurer la température centrale du cadavre aussi bien que celle de l’environnement (c’est-à-dire la température de l’air ambiant). Les deux mesures doivent être réalisées au même moment avec le même instrument, et l’heure de la mesure doit être notée avec précision. Presque toujours, la température du cadavre sera mesurée au niveau rectal tout en sachant que ce site anatomique peut présenter des problèmes lorsque la victime a pu faire l’objet de violences sexuelles. La prise de température ne doit jamais être effectuée avec un thermomètre médical, car sa gamme de températures est trop restreinte, l’instrument de référence étant le thermomètre électronique à thermocouple, de grande précision et équipé d’une sonde de pénétration souple ou rigide. Cette dernière doit être introduite d’au moins 10 à 15 cm dans le rectum du cadavre pour obtenir une bonne estimation de la température centrale. Lorsqu'elle est mesurée dans des conditions appropriées, la température du corps doit être considérée comme l’un des meilleurs estimateurs du délai post mortem pendant les 24 premières heures.

Cette technique présente cependant un certain nombre de limitations :

  • Elle n’est valide que pendant la phase intermédiaire de l'évolution du refroidissement, c'est-à-dire entre 3 et 18 heures.
  • La méthode thermométrique suppose que la température corporelle au moment du décès se trouvait dans les limites physiologiques (entre 36,8 et 37,6 °C) ; une hyperthermie (rencontrée par exemple dans le cas d'un décès dans un contexte infectieux) ou une hypothermie ante-mortem (par exemple quelqu'un retrouvé mort de froid) peuvent fausser considérablement les estimations, et doivent donc être étudiées chaque fois que des renseignements sur les circonstances de la mort seront disponibles.
  • Les équations du refroidissement supposent également que la température environnementale est restée sensiblement constante pendant toute la période post-mortem. Cela peut être le cas lorsque le décès survient dans des bâtiments chauffés ou climatisés, néanmoins des problèmes se posent dans le cas de corps retrouvés dans le milieu extérieur.

La détermination du délai post-mortem par la méthode thermométrique peut d’autre part être biaisée par un certain nombre de facteurs interférents d’origine endogène (cadavérique) ou exogène (environnementale). Les principaux de ces facteurs sont :

  • les mouvements de l’air, qui accélèrent les pertes thermiques par convection. Pour cette raison, il est important de noter si le temps est venteux lorsque la scène de décès se situe en extérieur, ou s’il existe des courants d’air lorsque celle-ci se situe à l’intérieur d'une habitation ;
  • l'humidité de l’air : les pertes thermiques sont d’autant plus importantes que le degré hygrométrique de l’air est élevé ;
  • la présence de vêtements : les vêtements jouent le rôle d’isolant thermique et le refroidissement du corps sera d’autant plus retardé que leur épaisseur sera importante (même remarque pour tout autre « enrobage » du corps : draps, couette…) ;
  • cas d'un corps immergé : la déperdition thermique du cadavre est beaucoup plus rapide dans l’eau que dans l’air, et se voit encore accélérée lorsque le corps se trouve plongé en eau courante.

La méthode la plus pratique pour estimer un délai post-mortem par la méthode thermométrique consiste à utiliser le Nomogramme de Henssge. Mais la modélisation précédente ne joue que pour un corps nu dans un air calme. Il est donc souvent nécessaire de faire intervenir des éléments de corrections qui réduisent ou accélèrent le refroidissement d'un facteur « Cf ». Si « Cf » est supérieur à 1, le corps se refroidit plus lentement. Un facteur Cf inférieur à 1 indique que le corps se refroidira plus vite.

  • Corps nu, air calme : Cf = 1,0
  • Corps peu habillé, air calme : Cf = 1,1
  • Corps habillé modérément, air calme : Cf = 1,2
  • Corps habillé chaudement (plus de 4 couches de vêtements), air calme : Cf = 1,4
  • Corps très habillé, très couvert, lit : Cf = 2 à 2,4
  • Corps nu, air en mouvement : Cf = 0,75
  • Corps peu habillé, air en mouvement : Cf = 0,9
  • Corps habillé modérément, air en mouvement : Cf = 1,2
  • Corps habillé chaudement, air en mouvement : Cf = 1,4
  • Corps nu et mouillé, air calme : Cf = 0,5
  • Corps peu habillé et vêtements humides, air calme : Cf = 0,8
  • Corps habillé modérément et vêtements humides, air calme : Cf = 1,2
  • Corps habillé chaudement et vêtements humides, air calme : Cf = 1,2
  • Corps nu et mouillé, air en mouvement : Cf = 0,7
  • Corps peu habillé et vêtements humides, air en mouvement : Cf = 0,7
  • Corps habillé modérément et vêtements humides, air en mouvement : Cf = 0,9
  • Corps habillé chaudement et vêtements humides, air en mouvement : Cf = 0,9
  • Corps nu dans l'eau stagnante : Cf = 0,5
  • Corps peu habillé dans l'eau stagnante : Cf = 0,7
  • Corps habillé modérément dans l'eau stagnante : Cf = 0,9
  • Corps habillé chaudement dans l'eau stagnante : Cf = 1,0
  • Corps nu dans l'eau courante : Cf = 0,35
  • Corps peu habillé dans l'eau courante : Cf = 0,5
  • Corps habillé modérément dans l'eau courante : Cf = 0,8
  • Corps habillé chaudement dans l'eau courante : Cf = 1,0

Il faut cependant prendre conscience que ce calcul ne peut être qu'une estimation. le Nomogramme de Hengsse ne propose pas une durée fixe mais une fourchette d'estimation.

De nombreux auteurs ont proposé des solutions alternatives pour améliorer la précision de cette technique :

  • Mesure répétée ou continue de la température post-mortem pendant plusieurs heures.
  • Mesure de la température centrale par des moyens invasifs (introduction de sondes au niveau intra-hépatique, intra-cérébral, etc.).

Ces méthodes ont en commun d'être difficiles à mettre en œuvre en routine sur une scène de décès ; en outre aucune d'entre elles n'a véritablement fait la preuve de sa supériorité par rapport à la méthode thermométrique de référence.

Exemple

On retrouve un corps dans une mare. Celui-ci pèse 80 kg et sa température rectale est de 20 °C. À l'aide de données météorologiques, on détermine la température moyenne des quinze derniers jours : on obtient, pour la température de l'eau, . Sur le Nomogramme, on lit 22.5 heures pour l'estimation, puis on applique le facteur correctif : étant donné que le corps a été retrouvé dans de l'eau stagnante, il faut multiplier le délai estimé par 0,5.

On obtient donc heures. La fourchette de fiabilité à 95 % est, dans ce cas précis, de + ou - 4,5 heures. ce qui place la date de la mort entre 6.75 heures et 15,75 heures plus tôt.

Rigidité cadavérique : un outil dans l'estimation du délai post-mortem précoce

La rigidité cadavérique (ou rigor mortis) est un raidissement progressif de la musculature causé par des transformations biochimiques irréversibles affectant les fibres musculaires au cours de la phase post-mortem précoce. Cet état disparaît habituellement lorsqu'apparaît la putréfaction, c'est-à-dire au bout de deux à quatre jours selon les circonstances.

Explication de la rigidité cadavérique

Schéma d'une fibre musculaire

La rigidité se caractérise par une perte d'élasticité des tissus, et notamment des muscles, causée par la coagulation de la myosine, une protéine qui y est présente.

Plus précisément, elle est due à l’arrêt des pompes ATPasiques (donc de l'approvisionnement des cellules en énergie) qui entraîne une accumulation des ions calcium Ca2+ dans le réticulum endoplasmique des cellules musculaires; ce dernier étant appelé réticulum sarcoplasmique. Par le biais de cette altération et par la perte de l’étanchéité du réticulum endoplasmique, la concentration cytoplasmique du Ca2+ augmente. Sous l'action de cet ion, des ponts entre les filaments d’actine et de myosine se forment ce qui entraîne l'immobilisation du muscle.

La disparition de la rigidité est en rapport avec l’autolyse et la putréfaction qui détruisent la structure des filaments d’actine et de myosine ainsi que les liaisons qui les unissent.

Utilisation pratique

La rigidité cadavérique affecte l’ensemble des muscles de l’organisme : elle débute à la nuque puis suit une marche descendante vers les membres inférieurs, comme l'indique la loi de Nysten. En effet, elle touche d’abord les petits muscles situés en haut du corps puis les muscles plus importants (en particulier les membres inférieurs), où elle prédomine, ce qui explique cette marche descendante.

  • La rigidité débute entre 3 et 4 heures après le décès, presque toujours au niveau de l’extrémité cervico-céphalique (nuque et muscles mastiquateurs).
  • Elle atteint son intensité maximale à 24 heures post mortem.
  • Elle se maintient ensuite entre 12 et 36 heures.
  • Puis elle disparaît progressivement en deux ou trois jours, lorsque la putréfaction apparaît.

En cas de rupture artificielle, par exemple un déplacement du cadavre, intervenant moins de 8 à 12 heures après la mort, la rigidité peut réapparaître ; ce n’est pas le cas lorsque la rupture intervient au-delà de ce délai (associée à d'autres méthodes de datation, cette considération permet par exemple de constater que le cadavre a été déplacé). Cette chronologie n’est qu’indicative et en réalité on observe des variations interindividuelles considérables en fonction de la température ambiante (comme tous les phénomènes cadavériques, la rigidité est d’autant plus rapide que la température ambiante est élevée et inversement), d’une éventuelle activité musculaire intense avant la mort, de l’importance de la musculature du sujet et de la cause de la mort :

La rigidité cadavérique présente d'autres limitations :

  • Elle peut varier en intensité : ainsi, elle est très peu importante chez le sujet âgé ou émacié ou lors d’agonies prolongées (dans ce cas, il faut veiller à ne pas la confondre avec la raideur due au froid).
  • Il n’existe pas d’instrument ou de technique permettant de la quantifier de manière précise.

Pour ces différentes raisons, la rigidité cadavérique ne doit jamais être utilisée isolément pour tenter de déterminer le délai post-mortem mais doit être exploitée à la lumière d'autres méthodes de datation.

Lividités cadavériques

Les lividités cadavériques (ou livor mortis) sont une coloration rouge à violacée de la peau liée à un déplacement passif de la masse sanguine vers les parties déclives du cadavre, qui débute dès l'arrêt de l'écoulement du sang.

Explication des lividités cadavériques

Le processus d'apparition des lividités cadavériques débute dès la mort de l'individu. En effet :

  • La pompe cardiaque fait mouvoir le sang dans l’organisme et son arrêt en entraîne la stagnation.
  • Après la mort, des ouvertures se forment dans la paroi des vaisseaux sanguins, constituées de cellules endothéliales.
  • Des globules rouges s'échappent alors des vaisseaux, leur densité d = 1,095 étant supérieure à celle du plasma sanguin et des autres cellules sanguines, comprises entre 1,070 et 1,085.
  • Le sang, en s’accumulant, devient visible par translucidité de la peau, d'où une modification de sa teinte qui caractérise les lividités cadavériques.

Utilisation pratique

Les lividités cadavériques se répartissent de manière caractéristique sur le cadavre :

  • Elles apparaissent d’abord sur le cou et s’étendent ensuite à d’autres régions de l’organisme vers la quinzième heure après le décès.
  • Elles épargnent les points de pression : ainsi, sous l’effet de la gravitation, le sang d’une victime allongée s’accumule, s’immobilise et deviendra persistant sous la peau non comprimée des parties les plus basses.

La vitesse de formation des lividités est variable. De manière générale :

  • Elles sont visibles à partir de la deuxième heure après la mort.
  • Elles deviennent ensuite progressivement de plus en plus marquées pour atteindre le maximum de leur intensité à la douzième heure.

Par ailleurs, la mobilité des lividités est également intéressante :

  • Elles sont dans un premier temps effaçables à la pression : un appui appliqué sur une zone de lividité chasse le sang des vaisseaux et la peau prend une teinte plus pâle par rapport aux zones avoisinantes.
  • À la douzième heure, et à la suite de la perte d'étanchéité des parois vasculaires, le sang imbibe le tissu interstitiel et l'appui appliqué sur une zone de lividité ne peut plus déplacer le sang. À ce stade, les lividités sont dites fixes.

Dans les affaires criminelles, les lividités peuvent donc indiquer un éventuel changement de position du cadavre, si leur emplacement constaté ne correspond pas à celui attendu. La teinte des lividités cadavériques peut donner des renseignements sur la cause de la mort. Des lividités de teinte rouge-carmin sont typiques d’une intoxication au monoxyde de carbone (), alors que des lividités cyanosées orientent généralement vers une cause asphyxique ou vers un décès secondaire dû à une pathologie cardiaque ou pulmonaire.

Dosage du potassium dans l’humeur vitrée de l'œil

Coupe sagittale de l'œil
Prélèvement de l'humeur vitrée contenue dans un œil de bœuf

L’utilisation du dosage du potassium contenu dans l’humeur vitrée de l'œil date de plus de 25 ans. C’est une méthode utile mais qui, à elle seule, n’est guère plus précise que les signes cliniques. Cette méthode repose sur le principe suivant : lorsque l'organisme cesse son activité, les cellules de la paroi perdent leur semi-perméabilité et par conséquent libèrent une partie des ions qu'elles contiennent (notamment le potassium). Et plus le temps s'écoule plus la teneur en potassium augmente. Il ne peut pas y avoir de contamination possible par l'humeur vitrée, car celle-ci pour être translucide ne doit contenir que très peu d'ions. L'avantage essentiel de cette méthode est qu’elle est utilisable pendant quelques jours (jusqu'à une semaine) alors que les méthodes non biologiques ne le sont que pendant 24 à 48 heures maximum.

  • Prélèvement : le prélèvement se fait au moyen d'une seringue munie d'une aiguille intramusculaire, dans l’angle externe de l’œil, par aspiration douce afin d’éviter toute contamination sanguine ou rétinienne. Il doit être effectué le plus précocement possible c'est-à-dire lors de la découverte du corps, avant sa mise en réfrigération.
  • Dosage : par un laboratoire habitué (électrodes sélectives) après agitation et homogénéisation.
  • Conservation : la technique reposant sur un dosage total d’ions dans un liquide biologique, les conditions de conservation n’ont pratiquement aucune influence sur les résultats.

Les scientifiques ont pu établir, la formule suivante basée sur plus de 200 étalonnages :

entre 18 et 20 °C,

étant le délai post-mortem exprimé en heures et la concentration de potassium dans l'humeur vitrée en . Cette formule est relativement imprécise, puisque son écart type atteint 9 heures. Cependant elle est assez simple à appliquer puisqu'il s'agit d'une fonction affine de la concentration en potassium. Il est préférable de disposer des résultats d'un étalonnage effectué en laboratoire, afin d'avoir une estimation du délai post-mortem plus précise que celle donnée par la formule. Dans des conditions expérimentales, l’écart type est plus faible. Le potassium provenant de la lyse cellulaire n’a pas un accroissement linéaire. La température est un facteur très important puisque le froid ralentit considérablement l’augmentation de la quantité de potassium présente dans l'humeur vitrée.

Technique de datation d'un cadavre en phase post-mortem moyenne

Putréfaction

La putréfaction est la décomposition des tissus organiques sous l’influence prépondérante des bactéries hébergées par l’individu, surtout celles de la flore intestinale, ensuite des mycètes saprophytes et des bactéries minéralisantes qui envahissent le cadavre.

La putréfaction débute par :

  • l'apparition d'une tache verte abdominale au niveau de la fosse iliaque droite ;
  • l'apparition d'une tache verte abdominale au niveau de la fosse iliaque gauche ;
  • l'extension de ces deux taches qui finissent par gagner progressivement toute la partie inférieure de l’abdomen.

Les divers mycètes se succèdent en groupes déterminés et cette flore se modifie suivant les altérations progressives du substrat qui constitue ainsi, à une époque donnée, un habitat d’élection pour certaines espèces de mycètes et pas pour d’autres. Il existe trois vagues successives :

  • au premier stade de la putréfaction colicative et gazeuse, lors de la première escouade on trouve seulement des diptères : les Calliphoridae ou mouches à viande et les Muscidae dites mouches domestiques. Ces insectes arrivent directement après la mort, avant qu’il y ait l’odeur de décomposition. Ils arrivent parfois même à l’agonie, juste avant la mort. Ils pondent des larves qui réduisent les tissus en bouillie, d'un bleu sombre brillant, puis aspirent les liquides produits par la transformation des tissus organiques.
  • à une période plus avancée de la transformation des graisses, se succèdent les insectes de la deuxième escouade. Elle est composée de sarcophagiens qui sont attirés par l'odeur de la mort. Ils arrivent dès que le corps dégage des odeurs cadavériques, trois mois après la mort.
  • enfin, au stade de la réduction squelettique, se développe la troisième escouade. Elle apparaît entre le 3e et le 9e mois du décès. Elle est constituée de petits coléoptères et parfois de lépidoptères, qui sont attirés par l’odeur de graisse rance.

La putréfaction du cadavre due aux bactéries et aux mycètes saprophytes accentue l’altération amorcée par l’autolyse des déchets que les bactéries minéralisantes feront rentrer dans le cycle des déchets de la biosphère. Toutes ces modifications post-mortem et leur succession sont accélérées ou retardées par de nombreux facteurs :

  • le volume du cadavre est important à considérer, l’altération est plus rapide pour un petit cadavre par exemple ;
  • l’âge du cadavre ;
  • les causes de la mort ;
  • le lieu de dépôt ;
  • les facteurs extérieurs : saisons, conditions météorologiques notamment la température et le degré hygrométrique, l'aération…, sont autant de points à considérer.

Entomologie médico-légale

L'examen du cadavre seul ne permet que trop rarement une datation précise. C'est pourquoi l'étude des insectes nécrophages s'est avérée indispensable à la résolution de certaines affaires. En effet, ces insectes arrivent par « vagues », faciles à représenter sur échelle de temps, qu'a très bien décrites le vétérinaire Jean Pierre Mégnin (1828-1905), qui publia en 1894 La faune des cadavres. Dans cet ouvrage, il décrit les huit vagues d’insectes qui se succèdent sur les cadavres en décomposition et dont l’étude permet de dater précisément la mort[1].

Notes et références

  1. Pierre Mégnin, La faune des cadavres: application de l'entomologie à la médecine légale, G. Masson, (OCLC 492376690)

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

  • Portail de la médecine
  • Portail de la mort
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.