Mouna
La mouna, ou mona[1], est une brioche en forme de dôme ou de couronne[2] de la cuisine pied-noir et algérienne[3], originaire d'Oranie (en Algérie) et particulièrement d'Oran, qui est traditionnellement confectionnée pour les fêtes de Pâques.
Pour les articles homonymes, voir Mouna (homonymie).
Mouna | |
Présentation d'une Mouna oranaise. | |
Lieu d’origine | Oran |
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Place dans le service | Dessert |
Ingrédients | 1 kg de farine 1 cube de levure fraîche 1 pincée de sel 5 œufs 250 g de beurre ou Astra 1 zeste de citron 1 zeste d'orange le jus de l'orange 1 cuillère à soupe de grains d'anis 250 g de sucre 1 jaune d'oeuf sucre en grains ou concassé |
Accompagnement | Café Thé |
Origine du nom
La mouna, ou mona, étant semblable à la mona de Pascua espagnole, il est souvent affirmé que cette pâtisserie a été amenée par les Valenciens en Oranie.
Une autre hypothèse rapproche le nom du gâteau de celui du fort construit par le premier gouverneur espagnol, don Diego, marquis de Comarez, à l'endroit même du débarquement ; ce fort fut appelé Castillo de la Mona (château de la Guenon, devenu fort de la Moune, puis Fort Lamoune), car, dit-on, l'endroit entièrement boisé était habité par des bandes de singes[4] (mona en espagnol). Pour la fête de Pâques, les familles auraient fait passer aux prisonniers du fort des gâteaux, piqués sur de longues perches, qui auraient pris le nom du lieu.
Une troisième hypothèse avance que le gâteau porterait ce nom parce que les Oranais avaient l'habitude d'aller piqueniquer[5] près de ce fort, à Pâques.
Henri Chemouilli, quant à lui, rapproche mouna de mimouna, probablement issu de l'arabe imoun (« heureux »), qui est le nom du dernier jour de la Pâque juive[6].
Selon André Lanly[7], mouna vient du valencien mona (avec un o fermé), qui dériverait de l'adjectif latin munda dans l'expression munda annona, qui désignait le pain de luxe dans l'armée romaine. Il s'appuie sur le fait qu'en valencien, comme en catalan, la dentale du groupe nd s'efface. Dans le parler populaire d'Algérie, mouna désignait aussi un coup porté sur la joue : « Il lui a mis une mouna comme ça[8] ! »
Claude Arrieu, dans un essai sur les fêtes religieuses d'Algérie avant 1962, pense également que la mouna est issue de la brioche pascale catalane, la mona. En effet, les Valenciens, Mallorquins et Catalans auraient apporté à Oran un savoir-faire vieux de plus de trois cents ans. Selon les documents historiques étudiés par Arrieu, ce gâteau de Pâques né dans la province d'Alicante, est rattaché à une légende. Une vieille femme surnommée La Mouna pétrissant un pain avec la plus blanche des farines et des œufs les plus frais aurait guéri une reine frappée d’un mal mystérieux. Ce « sein de la sultane » brun, arrondi, lisse et luisant émut le roi qui donna le nom de Mona à ce gâteau[9].
Pierre Mannoni[10] signale en tout cas que, quelle que soit la forme de la mouna, l'important réside dans la tradition du pique-nique où on la déguste et que cette coutume, qui se retrouve partout en Algérie, constitue une célébration du printemps, un « rite plus païen que chrétien sans doute ». Il rejoint Joëlle Hureau pour qui « faire la mouna, c'est sacrifier à un rite[11] ».
Fabrication
Il s'agit d'une pâte levée faite de farine, eau, lait, levure de boulanger, à laquelle on adjoint de l’huile, le jus et le zeste d’oranges (ou de la fleur d'oranger) et une tisane d’anis ou du rhum. La pâte est fractionnée en petites boules que l'on badigeonne de jaune d'œuf battu avec un peu de lait, et dont on recouvre le sommet de morceaux de sucre concassé. Certaines peuvent être garnies d'un œuf frais de poule. Les boules, posées sur un grand plateau en tôle, sont ensuite cuites au four[12].
Tradition
La mouna se préparait traditionnellement par la mère de famille, avec l'aide des enfants ; elle pouvait être cuite à la maison, ou dans le four du boulanger. On la mangeait le jour de Pâques et le lundi lors de l'excursion traditionnelle[13]. Ce gâteau ne s'achetait pas, il était offert aux personnes présentes lors des réunions familiales ou d'amis[14].
L'importance de la mouna était telle que Marc Baroli a écrit : « Pâques est seulement la veille de la mouna[15] » et que « faire la mouna » est devenu synonyme de « piqueniquer à Pâques[16] ».
La dégustation de la mouna est entrée dans le Midi de la France, dans les années 1960, avec le rapatriement des Pieds-Noirs[17].
Notes et références
- Ambroise Queffélec, Yacine Derradji, Valéry Debov, Dalila Smaali-Dekdouk et Yasmina Cherrad-Benchefra, Le Français en Algérie. Lexique et dynamique des langues, Duculot, 2002, 590 p. (ISBN 2-8011-1294-1), p. 427, entrée « Mouna, mona ».
- Pierre Mannoni, Les Français d'Algérie. Vie, mœurs, mentalités. Histoire et perspectives méditerranéennes, L'Harmattan, 1993, 288 p. (ISBN 2-7384-1377-3), p. 39.
- Livres des recettes algériennes.
- Henri-Léon Fey, Histoire d'Oran avant, pendant et après la domination espagnole, Typ. Adolphe Perrier, Oran, 1858, 348 p., p. 76.
- Cet article respecte les recommandations orthographiques de la réforme de 1990.
- Henri Chemouilli, Une diaspora méconnue. Les Juifs d'Algérie, Imp. Publications, Paris, 1976, p. 88.
- André Lanly, Le français d'Afrique du Nord. Étude linguistique, Bordas, Paris-Montréal, 1970, 367 p., p. 124.
- André Lanly, op. cit., p. 134.
- « origine de la Mouna », sur Le Petit Monde de Joe, (consulté le ).
- Pierre Mannoni, Les Français d'Algérie. Vie, mœurs, mentalités…, op. cit., p. 39 et 40.
- Joëlle Hureau, La Mémoire des Pieds-Noirs, Perrin, 2002, 279 p. (ISBN 2-262-01841-3), p. 218.
- Souvenir de fabrication familiale.
- Excursion du lundi de Pâques.
- Christian Galvez, Un de là-bas, Le Manuscrit, Paris, 2005, 128 p. (ISBN 2-7481-5024-4), p. 60 et 61.
- Marc Baroli, Algérie, terre d'espérances. Colons et immigrants (1830-1914), L'Harmattan, 1992, 286 p. (ISBN 2-7384-1615-2), p. 230.
- Nicolle Morand, Algérienne, je suis, L'Harmattan, 2007, 350 p. (ISBN 978-2-296-04864-5), p. 87.
- François Pugnière, Les Cultures politiques à Nîmes et dans le Bas-Languedoc oriental, L'Harmattan, 2008, 403 p. (ISBN 978-2-296-05855-2), p. 384.