Moaï

Les moaï, ou moai, localement mo'ai, sont les statues monumentales de l’île de Pâques (île appartenant au Chili située en Polynésie), datées chronologiquement des XIIIe et XVe siècles[1]. La majorité de ces monolithes sont sculptés dans du tuf issu principalement de la carrière du volcan Rano Raraku. Quelques-uns ont cependant été sculptés dans d’autres roches volcaniques de l’île (basalte, trachyte ou tuf volcanique[2]). Leur taille varie de 2,5 à 9 mètres. Selon Jo Anne Van Tilburg, le nombre de moaï sur l’ensemble de l’île s’élève à 887 avec un poids moyen de 13,78 tonnes, mais les plus grosses atteignent 80 tonnes. Toutes ne sont pas visibles, certaines étant fragmentées ou ayant été récupérées pour construire d’autres monuments[3].

Ensemble de moaï sur le Ahu Tongariki.
Un moaï restauré.

Les moaï ont été dressés et installés en rang sur les ahu, plateformes cérémonielles construites à cet effet, par les matamua les premiers » en maori), anciens habitants de l’île qui s’identifiaient comme descendants du découvreur polynésien Hotu Matu'a, venu, selon leur tradition orale, de « Hiva », peut-être Hiva Oa ou Nuku Hiva. Achevés, ces monolithes possédaient des yeux blancs faits de corail blanc et des iris noirs en obsidienne ou rouges en tuf volcanique. Ils étaient tournés vers l’intérieur de l’île, à l’exception de l’ahu Akivi où ils regardent l’océan. Tous portaient une sorte de coiffe, le pukao, fait de tuf rouge, issu de la carrière de Puna Pau, et pouvant lui-même peser plusieurs tonnes.

Lorsque les Européens découvrent les moaï, bien des séismes, tsunamis et troubles sociaux se sont succédé entre les XVe et XVIIIe siècles : beaucoup de statues sont inachevées, et la plupart de celles des ahu sont à terre, les yeux brisés et dispersés, les pukao ayant roulé plus loin, les sédiments les ayant en partie, voire totalement recouverts[4]. L’île est en effet un édifice volcanique situé aux marges de la plaque de Nazca, à la croisée de la dorsale est-Pacifique et de celle du Chili. On pense qu’au XVIIe siècle l’extraction de ces effigies a cessé en raison du remplacement du culte des ancêtres par celui du dieu Make-make et du Tangata manu, l'« homme-oiseau », aux XVIe – XVIIe siècles[5]. Les ahu sont alors devenus des nécropoles regroupant des tombes secondaires pour la réinhumation de squelettes apportés d’ailleurs[6]. Depuis le XXe siècle, ahu et moaïs ont été l’objet de nombreuses études, livres et films documentaires. Devenus emblématiques de l’île, ils constituent un enjeu économique majeur grâce au tourisme. Plusieurs ahu ont été partiellement restaurés, avec leurs moaï redressés, ayant retrouvé leurs yeux et leurs pukao.

Histoire de la découverte des moaï

Jakob Roggeveen mesurant une statue de Moaï, gravure du XVIIIe siècle.

Avant le XIXe siècle, Roggeveen mentionne la présence de grandes statues qui lui semblent faites d'argile, ainsi que la présence de terres fertiles[7]. Cook décrit l'île comme « très aride et très déserte » et signale qu'il y des statues qui « tombent en ruine »[8]. En revanche, au XIXe siècle et au XXe siècle l’équipage allemand de la canonnière S.M.S. Hyäne, Catherine Routledge, Alfred Métraux et Thor Heyerdahl trouvent l’île dépourvue d’arbres et les moaï renversés de leurs ahu. Que s’est-il passé entre-temps ? La tradition orale parle de guerres internes, les paléoenvironnementalistes évoquent des sécheresses, des séismes et des tsunamis, les historiens et les économistes décrivent l’appropriation de l’île par les éleveurs de moutons et l’action des missionnaires. Ces causes, bien sûr, ne sont pas exclusives les unes des autres[5].

Déjà au XIXe siècle, on connaissait trois types de positions pour les moaï : ceux qui avaient été mis à bas et gisaient de tout leur long (certains ont été redressés depuis et restaurés sur leurs ahu) ; ceux, dressés sur les flancs du Rano Raraku, dont seule la tête dépassait du sol, et ceux, inachevés, figés en position horizontale dans la carrière du même rano (volcan). La majorité des archéologues pensent[5] que les moaï dont la tête dépasse étaient au stade de la finition : glissés à bas du Rano Raraku, ils étaient fichés dans un trou pour les redresser, achever leurs sculptures (notamment dans le dos, inaccessible au moment de leur excavation de la roche). Peut-être remplissait-on le trou pour accéder aux parties hautes du moaï, à mesure que les parties basses étaient terminées. Après que la production des moaï a été interrompue lors de l’abandon du culte des ancêtres, le temps et l’érosion les ont ensevelis jusqu’au haut du torse ou jusqu’au cou. Dès 1916, Catherine Routledge écrit que la partie visible n’est que le haut de statues plus grandes[9], elle est la première à effectuer une excavation permettant de mettre au jour le corps enfoui d’un moaï. En 1936, les travaux de l’expédition franco-belge d’Alfred Métraux[10] confirment que comme les tikis polynésiens, les moaï ont tous un corps pourvu de bras et de mains. Chez les statues représentant une femme, souvent au ventre gonflé, les mains sont ramenées en avant de part et d’autre du nombril ; le dos des statues présente des pétroglyphes de tailles et aux formes diverses, représentant, peut-être, des tatouages. En 2010 et 2011, une équipe d’archéologues et de bénévoles codirigée par Jo Anne Van Tilburg et Cristián Arévalo Pakarati entreprend d’excaver 90 de ces statues afin d’étudier et comparer leur partie enterrée[11].

Rôle et datation

On ne sait à peu près rien des raisons qui ont poussé les matamua, les premiers habitants de l’île de Pâques, à augmenter la taille de leurs statues : il peut aussi bien s’agir d’une sorte de compétition de prestige entre clans, que d’un acte sacré raffermissant la cohésion de toute la population. Les théoriciens de l’effondrement de la civilisation matamua comme Jared Diamond (théorie d’ailleurs contestée) supposent que cette industrie a épuisé une partie importante des ressources de l’île mais pour leurs contradicteurs, comme Benny Peiser s’appuyant sur les anciennes descriptions de l’île avant 1860, celle-ci était florissante et ce sont les animaux domestiques introduits par les Européens qui ont fait disparaître les forêts et ravagé les sols.

Les méthodes de datation permettent de dater la roche mais pas la période à laquelle elle a été taillée. Il semble que les premiers moaï sculptés au XIIIe siècle étaient de taille et de morphologie humaine, comme ailleurs en Polynésie, pour évoluer vers des morphologies plus imposantes telles que nous les connaissons aujourd’hui. Ce culte prit fin au XVIIe siècle et des auteurs comme Jared Diamond ont supposé que c’est parce que les habitants de l’île auraient anéanti leurs ressources en bois. La tradition orale n’en dit rien, mais fait état de guerres entre clans, ou peut-être entre classes sociales, si les « longues-oreilles » qu’elle évoque sont non pas un clan, mais la caste des prêtres et leurs guerriers. Toujours est-il qu’un changement religieux était en cours et qu’un culte nouveau, celui de Make-make, se mettait en place quand l’île fut découverte le par un marin hollandais, Jacob Roggeveen[5].

En 2019, une étude découvre un lien entre l'emplacement des moaï et les points d'eau de l'île[12],[13].

Enfin, une théorie scientifique encore plus récente estime que la construction des célèbres statues géantes aurait permis de favoriser la fertilité des sols et l'agriculture[14].

Diffusion à travers le monde

La quasi-extermination de la population d’origine matamua par les esclavagistes péruviens en 1862 et son remplacement par des polynésiens évangélisés, amenés de Rapa par les missionnaires et planteurs français, fit disparaître toute trace des anciens cultes, de sorte que la plupart des souvenirs de cette civilisation furent perdus. Néanmoins, les moaï, par leur côté spectaculaire (et longtemps mystérieux) sont profondément ancrés dans la culture des Pascuans, et au-delà, à travers le monde : dix moaïs sont expatriés à Paris, Londres, Bruxelles, Washington, Viña del Mar, La Serena et Santiago-du-Chili. L’un d’eux est particulier : c’est celui surnommé Hoa Hakananai'a (l’« ami dérobé » en maori de l’île de Pâques), retiré du lieu de cérémonie d’Orongo le par l’équipage britannique du navire HMS Topaze, ramené à Portsmouth le et exposé depuis au British Museum de Londres. Il s’agit d’un moaï dont le dos est sculpté de pétroglyphes représentant le Tangata manu homme-oiseau », un rituel relié au culte de Make-make), qui était caché dans une grotte et toujours vénéré au XIXe siècle ; c’est peut-être pour cette raison que le missionnaire chrétien Eugène Eyraud, soucieux d’éradiquer ce qu'il tenait pour une « idolâtrie païenne », suggéra à l’équipage du Topaze d’emmener Hoa Hakananai'a hors de l’île.

La France, pour sa part, possède trois têtes de moaï :

Les habitants de Rapa-Nui, par l'intermédiaire de leurs élus, avec l'appui du gouvernement chilien, veulent récupérer auprès du British Museum de Londres un moai, offert à la reine d’Angleterre par un explorateur britannique, au milieu du XIXe siècle. L'officier de marine qui a rapporté ce moai en 1868 l'avait troqué contre d’autres objets à des locaux. Une « vente » remise en question aujourd'hui par les autorités de l’île de Pâques qui n'étaient à l’époque pas en mesure de négocier cette vente[15].

Marseille possède aussi son moaï dans le 10e arrondissement ; ce serait une copie réalisée par un sculpteur ardéchois[16]. En 2010, un projet d'exposition temporaire d'un grand moaï au jardin des Tuileries est rejeté par référendum.

Édification

Carte de l'île avec la localisation d'une partie des ahu, plates-formes cérémonielles accueillant les moaï.

Excavation et sculpture des moaï et des pukao

La quasi-totalité des moaï de l’île a été excavée de la carrière de tuf de Rano Raraku, dans la partie Est de l’île, proche du plateau de Poike. Cette carrière montre bon nombre de moaï inachevés, qui sont autant d’exemples permettant d’avoir une idée de la façon dont les statues étaient excavées, d’autant que les outils (toki) sont encore là. Vraisemblablement, les tailleurs de pierre taillaient d’abord le bloc dans la masse du roc, sans détacher le dos de la paroi. Le bloc était dégrossi sur la face avant, puis suivait la sculpture des détails morphologiques (sauf les yeux, qui sont taillés lors de l'édification). Après quoi, le bloc était détaché de la paroi en taillant le dos de la statue. Le moaï, en position horizontale, glissait alors sur un traîneau en forme de radeau roulant sur des pierres rondes jusqu’à un trou aux pieds du volcan, où il était dressé à l’aide de pierres accumulées (souvent encore là) et de leviers. Là, les pétroglyphes de son dos, peut-être conformes aux tatouages de l’ancêtre divinisé, étaient sculptés à leur tour, puis la statue recevait son pukao, coiffure de tuf rouge provenant de la carrière de Puna Pau[4].

Cependant des recherches récentes montrent une autre possibilité ; l'archéologue Nicolas Cauwe explique que les blocs n'étaient sculptés qu'une fois arrivés à l'emplacement où ils devaient être dressés, et non avant. Trop fragiles, il était trop risqué de les sculpter à l'avance. Il fait une analogie avec Michael Ange qui ne sculptait pas ses œuvres dans les carrières de Carrare[17]. Dans les années 1950, Thor Heyerdhal et une équipe de six personnes commencèrent à tailler un moaï avec des outils de l’époque. Même s’ils s’arrêtèrent avant d’avoir terminé l’excavation de leur statue, Heyerdhal calcula qu’il faudrait environ 12 à 15 mois pour extraire un moaï de taille moyenne[18].

Transport et édification

Ahu Tonga Riki sur Rapa Nui

Différentes expériences d’archéologie expérimentale ont tenté de retrouver les techniques mises en œuvre pour le transport et l’édification des Moaï. Lors des essais de Jo Anne Van Tilburg, les statues ont été déplacées sur des traîneaux en bois attachés par des cordes et positionnés sur des rails à pirogue constitués de rondins de bois maintenus par des traverses. Cet essai a permis de montrer qu’entre 50 à 70 personnes tractant le traîneau en synchronisation pouvaient déplacer un moaï de près de 12 tonnes, sur une distance de 14,5 km, en moins d’une semaine (à raison de 5 heures/jour, et de pas de m)[4].

En 2011, Terry Hunt et Carl Lipo, deux professeurs américains en anthropologie (Université Arizona Honnors College), voulurent vérifier les récits de la tradition orale selon lesquels, une fois détachés de la carrière et glissés au bas du volcan, les moaï auraient été dressés dans des trous à l’aide de perches, coiffés de leur pukao en tuf rouge, puis auraient « marché » jusqu’à leur ahu où ils auraient été installés puis « réveillés » c’est-à-dire pourvus de leurs « yeux » en corail et obsidienne. Leurs essais ont montré que cela est possible selon la « technique du frigo »[19], « possible » ne signifiant pas « certain »[20].

Pour redresser les moaï, Thor Heyerdhal demanda aux Rapanuis de trouver un moyen, et ceux-ci érigèrent une rampe de pierres en pente douce pour tirer la statue la base en avant. Puis ils soulevèrent la tête de la statue de quelques centimètres grâce à des leviers de rondins. Dans l’espace créé, les ouvriers glissèrent des pierres, qui maintenait la tête de la statue. De degrés en degrés, la statue fut ainsi élevée jusqu’à sa position verticale. Il semble que les moaï surmontés de leur pukao étaient érigés en une fois, c’est-à-dire que le pukao était déjà assemblé à son moaï dans sa position couchée, l’ensemble maintenu par un châssis[4], plutôt que d’être élevé sur la tête de son moaï, une fois celui-ci debout.

Après avoir été installé sur son ahu, le moaï était paré de ses « yeux » en corail, obsidienne ou tuf. En 1979, deux scientifiques, Sonia Haoa et Sergio Rapu, découvrent un œil complet de moaï, constitué d'un demi-globe en corail blanc et d’un iris en tuf rouge, au pied d'un ahu.

Origine du culte des Moaï

Dessin européen de moai, tiré d'une carte espagnole de 1770 de l'île de Pâques; les cartes manuscrites originales de l'expédition espagnole se trouvent au Musée naval de Madrid et dans la collection Jack Daulton, USA.

Le culte des ancêtres existe dans de nombreuses cultures, dont les austronésiennes et les amérindiennes, mais la taille des effigies est rarement aussi impressionnante que celle des moaï. La culture pascuane ancienne, celle des matamua les premiers ») ne nous est accessible qu’au travers de traditions orales largement influencées par les questions des Européens[21] et l’on ignore tout des rites jadis pratiqués autour des moaï. Selon les archéologues et les ethnologues, les moaï sur leurs ahus sont la version locale des tikis polynésiens sur leurs maraes, ayant le même rôle symbolique, rituel et social et probablement polychromes à l’origine[10].

Selon la plupart des auteurs, les matamua affirmaient descendre du premier roi mythique, Hotu Matu'a : c’étaient les habitants d’origine de l’île avant la catastrophe démographique de 1861 et avant les immigrations qui ont suivi. Les Polynésiens matamua ont été à 90% enlevés puis tués en 1861 par les esclavagistes péruviens qui les ont emmenés aux îles Chincha pour les y vendre aux exploitants de guano : cela mit fin à au moins six siècles de continuité démographique, un temps largement suffisant pour l’évolution stylistique des tikis en moaïs, dont la taille augmenta progressivement tant que les lois de la physique et les ressources de l’île le permirent[22]. Après la catastrophe démographique de 1861, qui a fait perdre une bonne partie de la mémoire collective, la population pascuane se reconstitua à partir des matamua survivants et des ouvriers agricoles venus de Polynésie française depuis 1864 pour travailler dans les plantations et les élevages des colons européens comme Dutroux-Bornier. Les marins rapanais ayant appelé l’île Rapanui (la « grande Rapa »), les polynésiens de l’île de Pâques adoptèrent aussi ce nom dans leur langue.

La taille et le poids des moaï ont suscité de très nombreuses théories qui ont toutes en commun de considérer que les matamua auraient été incapables de parvenir à les concevoir, réaliser, transporter et ériger sans influence extérieure. La théorie de l’influence extérieure remonte au missionnaire allemand Sebastian Englert qui la publia en 1948, peu avant l’expédition de Thor Heyerdahl à l’île de Pâques, mais les racines en sont antérieures et font état de migrations trans-océaniques très anciennes de « peuples civilisateurs » (qu’Heyerdahl tenta aussi de démontrer) de l’Égypte antique à la méso-Amérique, de celle-ci à l’Amérique du Sud, et de là vers la Polynésie[23]. Ainsi, dans l’île de Pâques, ce seraient donc les Incas qui auraient importé leur expertise poussée en architecture monumentale, que les Polynésiens issus de Hotu Matua auraient ignorée auparavant. Dans cette théorie, une ségrégation se serait maintenue entre les indigènes et les hanau eepe hommes forts ») instigateurs de la construction des différents monuments de pierre élaborés et des moaï, qui seraient des effigies des Incas dont ils auraient les traits caractéristiques : long nez effilé, lèvres minces et le menton proéminent. Le pukao des moaï représenterait le llautu, turban sacré de l’Inca Tupac Yupanqui et de sa garde d’élite, arrivés vers 1465 sur leur flotte[24],[25].

Cette thèse affirme que la tradition orale qui mentionne sur l’île des « courtes oreilles » et des « longues oreilles » (aux lobes distendus par de lourds pendentifs) ne distinguerait pas, comme ailleurs en Polynésie, les hanau momoko hommes ordinaires ») des ariki nui grands guerriers ») ou hanau eepe hommes forts »), mais les plébéiens polynésiens des aristocrates incas[24],[25]. Elle rapproche l’ahu Vinapu, une plate-forme de pierres parfaitement taillées, situé au sud-est de l’île et ayant supporté plusieurs moaï, d’un monument funéraire en particulier, appelé Chullpa, encore visible près du lac Titicaca sur le plateau andin[26]. Les moaï auraient été descendus du sommet de la carrière du volcan Rano Raraku à l’aide de cordes et d’un système de treuils d’inspiration inca, dont les vestiges seraient encore visibles au sommet du cratère de l’ancien volcan[27].

Les archéologues Claudio Cristino et Edmundo Edwards ayant découvert sur l’îlot Motu Nui de grosses pierres de hare paenga, taillées dans du keho, un basalte provenant du volcan Rano Kau, ainsi que des débris de tuf volcanique provenant du Rano Raraku, la journaliste Georgia Lee en déduisit, comme Sebastian Englert avant elle, que des pierres taillées massives ont été transportées par mer sur une distance de 3 km à partir de l’île principale[28] d’autant que certains moaï enlevés de l’île pour être emmenés dans des musées européens, ont bien été transportés sur des barges jusqu’aux navires[29]. Ce mode de transport a été intégré à la théorie de l’influence inca[30]

Toutefois, selon Nicolas Cauwe, compte tenu des ressources en bois et des conditions de navigation et d’abordage de l’île, l’archéologie expérimentale ne permet pas de corroborer cette supposition, car pour que les matamua puissent tenter de tels transports maritimes, il eût fallu que d’épaisses forêts de cocotiers à croissance rapide tapissent l’île, et dans tous les cas, les fonds marins devraient regorger de moaï et de mégalithes perdus en raison des grandes lames de fond qui frappent presque en permanence la côte, où seule la plage d’Anakena permettrait d’embarquer ou débarquer de lourdes charges, et pas sans danger[31].

En fait les données archéologiques montrent que peu avant la découverte de l’île par les Européens, la production de moaï cessa parce que le culte des ancêtres fut remplacé par celui de Make-make avec le rituel du Tangata manu, mais les causes de ce changement sont discutées et probablement multiples : problèmes climatiques, disette, guerre civile (si l’on suit la tradition orale), séisme et tsunami ayant renversé des statues (si l’on suit les traces de charriage), ces causes ne s’excluent pas l’une l’autre[5] ; quoi qu’il en soit, sur les dessins de Gaspard Duché de Vancy, membre de l’expédition de La Pérouse, les moaï sont encore debout sur leurs ahu, et toujours coiffés de leurs pukao en avril 1786[32].

Galerie comparative

Autres sculptures de l'Île de Pâques

Dans la culture populaire

Couverture du magazine Amazing Stories en May 1963

Rapa Nui

Dans le film américain Rapa Nui, réalisé en 1994 par Kevin Reynolds et produit par Kevin Costner, de nombreuses scènes présentent de façon plus ou moins fantaisiste la civilisation pascuane, plusieurs séquences suivent l'élaboration des moaïs. Immergé par 22 mètres de fond depuis 1997, un faux moai est souvent présenté comme issu du tournage du film Rapa Nui, produit par Kevin Costner mais il s'agit d'une légende urbaine, ce moai a été fabriqué pour les besoins d’une série télévisée chilienne dénommée Iorana[35].

Autres films

  • L'île de Pâques et ses moaïs jouent un rôle important dans l'intrigue de Dakota Harris (1986).
  • Dans le film Mars Attacks! (1996), les moaïs de l'île de Pâques sont détruits au moyen d'une immense boule de bowling.
  • Dans la série de film La Nuit au musée, un moaï apparaît régulièrement.

À la télévision

  • Iorana (en) (1998) est une série télévisée chilienne qui se déroule dans l'Ile de Pâques. Le tournage est à l'origine d'une fausse statue immergée dans le Pacifique[36].
  • Blake et Mortimer (série télévisée d'animation de 1997-1998) : Le Secret de l’île de Pâques (scénario propre à la série télévisée), diffusée sur Canal+ et produite par Dargaud Films[37].

Dans la littérature

  • Pierre Loti : L'Ile de Pâques : Journal d'un aspirant de La Flore précédé du Journal intime (3-8 janvier 1872), éditions Magellan (ISBN 9782350742502)
  • Henri Vernes : Les géants de Mu, éditions Ananké, 2007 (ISBN 978-2874181474).

Dans la bande dessinée

  • Dans la série Blast par Manu Larcenet, Polza Mancini et Roland Oudinot partagent une fascination pour les statues monumentales Moaï.
  • Les Voyages d'Anna relate les aventures dAnna, jeune Vénitienne, embarque en 1885 avec le peintre fictif Jules Toulet et entame un tour du monde et durant lequel elle découvre les mystérieuses statues de l'Île de Pâques.
  • Les aventures de Nicolas Hulot est une BD qui relate les aventures fictives du fameux journaliste et animateur de télévision. Le tome 1 Le trésor des Moaï se déroule en grande partie autour des célèbres statues (ISBN 9782723473996).

Dans la musique

  • Moai (Song of Ancient Giants) de Michael Sweeney[38].

Hommages

Maison des Moais à Saint-Martin-le-Vinoux (Isère) en 2021
  • La « Maison des Moais »
La maison des Moaïs de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux dans l'Isère (France) est dédiée aux célèbres statues dont trois reproductions sont exposées à l'entrée. Il s'agit d'un espace dédié à un foyer d'arts et de loisirs et à la à la programmation culturelle avec des salles de réunions et d'exposition. À proximité immédiate de la Maison des Moaïs se trouve le Parc des Moaïs et ses gradins, permettant l’accueil des spectateurs venus profiter des évènements proposés[39].

Références

  1. The island at the end of the world, , 304 p. (ISBN 978-1-86189-282-9 et 1-86189-282-9)
  2. Jo Anne Van Tilburg, (en) Easter Island: Archaeology, Ecology and Culture, Smithsonian Institution Press, Washington D.C. 1994, page 24.
  3. (en) Jan J. Boersema, The Survival of Easter Island, Cambridge University Press, , p. 283
  4. Crépuscule sur l'île de Pâques, dans Effondrement de Jared Diamond
  5. Nicolas Cauwe (dir.), Île de Pâques, faux mystères et vraies énigmes, éd. du Cedarc, 2008 et Île de Pâques, le grand tabou : dix années de fouilles reconstruisent son histoire, éd. Versant Sud, Louvain-la-Neuve 2011.
  6. Gilles Van Grasdorff, Secrets & mystères de l'île de Pâques, Presses du Châtelet, , p. 221
  7. « Journal de Jacob Roggeven », sur ile-de-paques.com (consulté le )
  8. James Cook, Les trois voyages du capitaine Cook autour du monde racontés par lui-même : Le capitaine Cook ; ouvrage réduit par Maurice Dreyfous., M. Dreyfous (Paris), 332 p. (lire en ligne), Pages 193 et suivantes
  9. Van Tilburg, Jo Anne : Among Stone Giants: The Life of Katherine Routledge and Her Remarkable Expedition to Easter Island, (ISBN 0-7432-4480-X)
  10. Alfred Métraux : Introduction à la connaissance de l'Ile de Pâques, éditions du Muséum national d'histoire naturelle, Paris 1935, relatant les résultats de l'expédition franco-belge de Charles Watelin en 1934.
  11. http://www.eisp.org/.
  12. (en) Robert J. DiNapoli, Carl P. Lipo, Tanya Brosnan et Terry L. Hunt, « Rapa Nui (Easter Island) monument (ahu) locations explained by freshwater sources », PLOS ONE, vol. 14, no 1, , e0210409 (ISSN 1932-6203, PMID 30629645, PMCID PMC6328247, DOI 10.1371/journal.pone.0210409, lire en ligne, consulté le ).
  13. Futura, « Fin du mystère des statues de l’île de Pâques ? », sur Futura (consulté le ).
  14. Emeline Férard, « Les statues de l'île de Pâques ont-elles enfin révélé leur secret ? », sur Geo.fr, (consulté le )
  15. Site francetvinfo.fr, article "Au Chili, les habitants de l'île de Pâques réclament au British Museum la restitution d'une de leurs statues", consulté le 26 janvier 2021.
  16. Le mystérieux moaï du boulevard Schloesing. Tourisme Marseille.
  17. Les mystères de l'île de Pâques, France Inter "Le temps d'un bivouac"
  18. Easter Island: Giant Stone Statues Tell of a Rich and Tragic Past, Caroline Arnold, p. 27
  19. Cristian Moreno Pakarati, Terry Hunt et Carl Lipo, The statues what walked (Les statues qui marchent), Free Press 2011, (ISBN 1439150311) et films sur et
  20. "La Recherche" no 470, décembre 2012, p. 22 : et article du 2 juillet 2012 de Sciences et Avenir sur
  21. Thor Heyerdahl, Aku-Aku, Albin Michel, Paris 1958, page. 100
  22. (en) Thomas S. Barthel, The Eighth Land: The Polynesian Settlement of Easter Island, Honolulu University of Hawaii, 1978
  23. R. T. Carroll, article Pseudohistory in The Skeptic’s Dictionary, 2001, sur [SkepDic.com/pseudohs.html]
  24. Jean Hervé Daude, Île de Pâques : Le transport et l'édification des moai, Canada, 2013.
  25. Denise Wenger, Charles-Edouard Duflon, L'île de Pâques est ailleurs, éd. Frédéric Dawance, 2011, p. 80.
  26. Jean Hervé Daude, Île de Pâques : L'empreinte des Incas, Canada, JHD, , 297 p. (ISBN 978-2-9810449-7-6, lire en ligne), pp. 105-132
  27. Jean Hervé Daude, Île de Pâques : Le transport et l'édification des moai, Canada, 2013 - , .
  28. (en) Georgia Lee, « Motu Nui revisited », Rapa Nui Journal, vol. 5, no. 1, pp. 6-7,  ; Sebastian Englert affirmait que les moaï de l'ahu Rikiriki, situés à flanc de falaise près du village d'Orongo auraient été apportés par mer et hissés jusqu'à l'ahu.
  29. « Le transport de moai par la mer », sur youtube.com, (consulté le )
  30. Jean Hervé Daude, Île de Pâques : Le transport et l'édification des moai déjà cité et Île de Pâques : l'énigme des moai élucidée par la tradition orale, Canada 2017.
  31. Conditions de navigation que Thor Heyerdahl évoque dans Aku-Aku et qui, à Anakena même, coûtèrent des vies, dont celle de l’instituteur de l’île, durant son expédition (pages 108-111 de l'édition française de 1958).
  32. Tiré de : Dr Stephen-Chauvet, 1935, fig. no 99, collection Morice en 1935, H 38 inches. "Les crêtes en relief sont destinées à représenter, très stylisé, le faciès humain". Notice extraite du livre indiqué en source : Traduction anglaise en ligne de Ann Altman.
  33. Dr Stephen-Chauvet, 1935. Planches XXXIX et XL, fig. 106, 107, 108.
  34. Site ultramarina.com, page "Les sites de plongée de l'Île de Pâques", consulté le 26 janvier 2021.
  35. Site repositorio.uchile.cl, consulté le 26 janvier 2021.
  36. « Fiche de la production », sur Dargaud Media (consulté le )
  37. Site stantons.com, page "Moai (Song of Ancient Giants)", consulté le 26 janvier 2021.
  38. Site saint-martin-le-vinoux.fr, page "Maison et Parc des Moaïs", consulté le 26 janvier 2021.

Annexes

Bibliographie

  • Henri Lavachery, Île de Pâques. Une expédition belge en 1934, Grasset 1935, (ASIN B0000DQVUV).
  • Alfred Métraux, Ethnologie de l'Île de Pâques 1935 et L'Île de Pâques, Gallimard, Collection idées 1941.
  • Jean Hervé Daude, Île de Pâques - L'énigme des moai élucidée par la tradition orale, Canada 2017 (lire en ligne : http://rapanui-research.com), et La signification et la fonction des statuettes et des grands mannequins de Rapanui confectionnés en étoffe d’écorce de mahute, Paris 2017, et Île de Pâques - L'empreinte des Incas, Les monuments, Canada 2016, et Île de Pâques - Niuhi, la redoutable créature marine, Canada 2014, et Île de Pâques - L'empreinte des Incas, Canada 2013, et Île de Pâques - Le transport et l'édification des moai, Canada 2013, et Île de Pâques - Le mythe des sept explorateurs de l'ahu Akivi, Canada 2013, et Île de Pâques - Guerre de clans et chute des moai, Canada 2012, et Île de Pâques - La forêt disparue, Canada 2012, et Île de Pâques - Mystérieux Moko, Canada 2011 (tous à lire en ligne : http://rapanui-research.com).

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de l’archéologie
  • Portail de l'île de Pâques
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.