Alfred Métraux

Alfred Métraux, né le à Lausanne et mort le [1] dans une forêt de la vallée de Chevreuse, est un anthropologue d'origine suisse, formé à Paris, et de nationalité américaine à partir de 1941.

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Spécialiste des peuples d'Amérique latine, d'Haïti et de l'île de Pâques, son œuvre touche de nombreux domaines : histoire, archéologie et ethnographie.

Biographie

Enfant, Alfred Métraux accompagne ses parents en Argentine, dans la région de Mendoza, où son père est médecin, puis retourne à Lausanne, où il est né, pour suivre ses études. Il s'inscrit ensuite à l'École nationale des chartes, à Paris[2], où il rencontre Georges Bataille et Michel Leiris. Il suit aussi les cours de l'École des langues orientales et de l'École pratique des hautes études dans la section des sciences religieuses. Mais c'est à la Sorbonne, où il a comme professeurs Marcel Mauss et Paul Rivet, qu'il soutient en 1928 une thèse ès lettres sur les Tupinambas.

Ses voyages le ramènent en Argentine, où il crée en 1928 l'Institut d'ethnologie de l’université nationale de Tucumán, qu'il dirige jusqu'en 1934. Il visite le Chaco et les hauts plateaux boliviens, se consacrant à l'étude de plusieurs groupes ethniques, comme les Calchaquís, les Guaranis, les Chiriguano, les Toba et les Wichís, puis les Uros-Chipaya. Il collabore avec des anthropologues américains à la rédaction du Handbook of South American Indians, contribuant notamment sur les thèmes de la religion et la mythologie. Après quelques années marquées par des difficultés financières, il tente sans succès de rentrer en Europe.

Le docteur Paul Rivet lui confie la direction de la mission française à l'île de Pâques en 1934-1935 où il étudie la langue et les mythes locaux[3].

En 1938, il est nommé chercheur au Bishop Museum d'Honolulu, puis part enseigner aux États-Unis, à Berkeley et à Yale. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, il s'active pour obtenir que ses collègues français menacés par les nazis, comme Claude Lévi-Strauss, le rejoignent[4].

En 1941, il prend la nationalité américaine et participe en 1945 à la mission sur les bombardements alliés en Allemagne. Il devient l'année suivante responsable de la recherche du département des affaires économiques et sociales de l'ONU à New York[4]. Chercheur à la Smithsonian Institution et membre permanent du département des sciences sociales de l'Unesco, il dirige entre 1948 et 1950 une enquête à Haïti, à laquelle participe Michel Leiris, qui fournira la matière de son livre Le Vaudou haïtien. À la fin de la décennie, il épouse Fernande Schulmann, jeune chercheuse de vingt ans sa cadette.

Entre 1959 et jusqu'à sa mort, il est directeur d'étude à la VIe section de l'École pratique des hautes études, à Paris, et dirige le séminaire « Ethnologie et sociologie des populations indigènes d'Amérique du Sud ». Il se suicide le , quelques heures après un rendez-vous avec Maurice Godelier[5].

Cependant, son corps n'est retrouvé que le . Il a succombé à l'absorption de barbituriques et a enregistré sur un carnet les étapes de son intoxication[3]. Sa mort fait écho a un article qu'il a rédigé et qui a été publié par le Courrier de l'UNESCO quelques jours avant son suicide. Intitulé La vie finit-elle a 60 ans?, il y déplore le sort réservé aux personnes âgées en Occident, bien plus barbare selon lui que tout ce qu'il a pu voir dans d'autres sociétés considérées comme "primitives"[6].

Travaux

Alfred Métraux s'est spécialisé dans l'étude des peuples d'Amérique du Sud et des Caraïbes, notamment dans l'étude la paysannerie haïtienne et les cultes afro-américains. Ses travaux sur le vaudou haïtien et sur le chamanisme font d'ailleurs toujours référence aujourd'hui en anthropologie religieuse.

Sa riche expérience et son érudition sur les populations autochtones d'Amérique du Sud expliquent sa forte contribution au monumental ouvrage Handbook of south american Indians publié par Steward en 1949.

Son passage à l'Unesco fut l'occasion pour lui de promouvoir de nombreux programmes d'anthropologie appliquée, particulièrement en Amazonie, dans les Andes et en Haïti. De plus, il lutta activement contre le racisme en coordonnant le projet interdisciplinaire à l'origine de la publication de la revue Le Racisme devant la Science (publiée à partir de 1951).

Alfred Métraux reste aujourd'hui dans la mémoire des anthropologues comme un scientifique hors pair, ayant eu une éthique d'autant plus exemplaire qu'il a mis ses travaux au service des droits de l'homme, et possédant une connaissance d'une rare finesse des cultures dont il s'est fait le spécialiste.

Il a notamment pensé la possession comme comédie rituelle[7].

Ouvrages

La bibliographie d'Alfred Métraux comporte plus de deux cents articles et ouvrages, en voici les titres les plus importants :

  • La Civilisation matérielle des tribus Tupi-Guarani, Paris, Paul Geuthner, 1928.
  • Ethnologie de l'Île de Pâques, 1935.
  • Mythes et contes des Indiens Matako, 1939.
  • Le vaudou haïtien, Paris, Gallimard, 1958.
  • Les Incas, Paris, Le Seuil, 1962.
  • Religions et magies indiennes d'Amérique du Sud, Paris, Gallimard, 1967.
  • Les Indiens de l'Amérique du Sud, Paris, Métaillé, 1991.
  • Le Pied à l'étrier, avec Pierre Verger, Paris, Éditions Jean-Michel Place, 1997.

Références

  1. Un vendredi saint, avant-veille de Pâques.
  2. « Chronique », Bibliothèque de l'École des chartes, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 82, no 1, , p. 444–446 (lire en ligne, consulté le ).
  3. Voir sur persee.fr.
  4. Voir sur persee.fr.
  5. « La parenté et l'histoire », Afrique & Histoire, vol. 4, no 2, , p. 257 (lire en ligne).
  6. Alfred Métraux, « La vie finit-elle à 60 ans? », Le Courrier de l'UNESCO, (lire en ligne)
  7. Alfred Métraux, « La comédie rituelle de la possession », Diogène, no 11, , p. 26-49 (ISSN 0419-1633)

Voir aussi

Bibliographie

  • Michel Leiris, « Regard vers Alfred Métraux », dans L'Homme, t. IV, no 2, 1964, p. 11-14
  • Hubert Comte, Yucatán, éd. Volets verts, 1996 (ISBN 978-2910090-08-1) La rencontre entre Alfred Métraux et les Indiens Lacandons au temple de Bonampak (Mexique) – À Paris, l'amitié entre l'auteur et l'ethnologue – La disparition de ce dernier.
  • Yves Chemla, « Il avait les yeux comme noyés de peine… », in Conjonction,
  • Christine Laurière, « Fictions d'une mission. Île de Pâques 1934-1935 », dans L'Homme, no 175-176, 2005, p. 321-344
  • Christine Laurière, L’Odyssée pascuane : mission Métraux-Lavachery, Île de Pâques, 1934-1935, Paris, Lahic/DPRPS-Direction des patrimoines, 2014, 198 p. ; en ligne
  • Etienne Barilier, Alfred Métraux ou la Terre sans Mal, coll. Savoir suisse, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne 2019, 168 p.

Filmographie

  • Sur la trace des Indiens disparus. Les Indiens d’Alfred Métraux, documentaire de Pierre-André Thiébaud, PCT Production, 2002

Exposition

Article connexe

Liens externes

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