Méhémet Ali
Méhémet Ali (en arabe : محمد على باشا)[1], également orthographié Muḥammad ou MeḥmedʿAlī, né à la fin des années 1760 (la date exacte est débattue)[2] à Kavala en Macédoine orientale (alors dans l'Empire ottoman) et mort le à Alexandrie en Égypte, est un officier ottoman d'origine albanaise[3],[4], vice-roi d'Égypte de 1804 à 1849 et généralement considéré comme le fondateur de l'Égypte moderne[5],[6].
Pour les articles homonymes, voir Mohammed Ali.
Méhémet Ali | |
Portrait de Méhémet Ali par Louis-Charles-Auguste Couder (1840). | |
Titre | |
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Wali d'Égypte, Soudan, Syrie, Hedjaz, Morée, Thasos et Crète | |
– (42 ans, 9 mois et 14 jours) |
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Prédécesseur | Khursit Pacha (gouverneur) |
Successeur | Ibrahim Pacha |
Biographie | |
Dynastie | Dynastie de Méhémet Ali |
Date de naissance | fin des années 1760 |
Lieu de naissance | Kavala, Macédoine, Bulgarie ottomane Empire ottoman |
Date de décès | |
Lieu de décès | Palais de Ras el Tin, Alexandrie, Égypte ottomane Empire ottoman |
Père | Ibrahim Agha |
Mère | Zeinab |
Enfants | Ibrahim Pacha Mohamed Saïd Pacha |
Religion | Islam (hanafisme) |
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Monarques d'Égypte | |
Biographie
Origines familiales et jeunesse
Méhémet Ali est né dans le port macédonien de Kavala, dans le pachalik de Roumélie (appartenant alors à l'Empire ottoman, actuellement à la Grèce)[7].
Il est le fils d'Ibrahim Agha, commandant du contingent local d'irréguliers et marchand de tabac d'origine albanaise, et de Zainab, la fille du gouverneur de la ville Husain Agha.
Lorsqu'il perdit son père durant son enfance, Méhémet Ali fut élevé par son oncle et ses cousins. En récompense de son travail acharné, son oncle lui attribua le rang de Bölükbaşı (en) afin qu'il puisse collecter les impôts dans sa ville de Kavala. Il s'acquitta de cette tâche avec succès et s'éleva au rang de second commandant sous les ordres de son cousin Sarachesme Halil Agha dans le contingent des volontaires de Kavala qui furent envoyés afin de réoccuper l'Égypte après le retrait de Bonaparte.
Il épousa la fille du riche Ali Agha, Emine Nosratli, veuve d'Ali Bey (sultan mamelouk d'Égypte de 1760 à 1772). L'expédition arriva à Aboukir au printemps 1801.
Les débuts en Égypte (1801-1811)
Le retrait français avait laissé la province ottomane sans dirigeant. Le pouvoir des mamelouks affaibli n'avait pas été anéanti, les Ottomans profitant alors de cette faiblesse pour rétablir leur contrôle sur la région. Au cours de cette période d'anarchie, Méhémet Ali utilisa ses troupes albanaises sur deux fronts, le premier afin de conquérir le pouvoir et le second pour son prestige personnel. En 1805, le peuple lassé par l'instabilité chronique se révolte, dirigé par les oulémas. Un groupe de notables égyptiens demanda la démission du wāli (gouverneur), Ahmad Kurshid Pacha, et la prise du pouvoir par Méhémet Ali.
Le sultan ottoman Selim III n'étant pas en mesure de s'opposer à l'ascension de Méhémet Ali, consolida la position de ce dernier. Pendant les combats entre les mamelouks et les Ottomans entre 1801 et 1805, Méhémet Ali veilla à ne jamais perdre le soutien populaire qui l'avait mené là. En se positionnant comme le protecteur du peuple, Méhémet Ali réussit à contenir l'opposition populaire jusqu'à l'affermissement de son pouvoir.
Malgré leurs défaites, les mamelouks, qui avaient contrôlé l'Égypte durant plus de 600 ans, menaçaient le pouvoir de Méhémet Ali et planifiaient à terme son assassinat. C'est alors qu'en 1811, il invite les dirigeants mamelouks à un festin à la citadelle du Caire en l'honneur de son fils Toussoun Pacha (en) (père d'Abbas Ier Hilmi), qui devait être nommé dans une expédition en Arabie. Lors du repas les mamelouks sont emprisonnés et assassinés, laissant à Méhémet Ali le gouvernement de l'Égypte.
Par la suite Méhémet Ali transforma l'Égypte en une puissance régionale qu'il voyait comme le successeur naturel de l'Empire ottoman en décomposition. Méhémet Ali résuma sa vision de l'Égypte comme suit :
« Je suis bien conscient que l'Empire ottoman va chaque jour vers sa destruction […]. Sur ses ruines, je vais fonder un vaste royaume […] jusqu'à l'Euphrate et au Tigre. »
La modernisation de l'Égypte
Le vice-roi introduisit de vastes réformes en Égypte : il mit sur pied une armée de conscription à base de paysans égyptiens, qu'il utilisa ensuite pour repousser les frontières de l'Égypte. Il engagea d'importants travaux d'infrastructure, tels que des routes et des canaux en mobilisant plus de 300 000 cultivateurs, hommes, femmes, enfants, arrachés de leurs foyers et au prix de nombreuses vies volées par les maladies, les privations et les mauvais traitements. Il envisagea également la construction d'une voie ferrée du Caire à Suez ainsi que le creusement d'un canal reliant la mer Méditerranée à la mer Rouge, deux projets qu'il n'aura pas le temps de réaliser mais qui seront menés à bien par ses successeurs. Il fit du pays l'un des principaux producteurs mondiaux de coton. Il se signala aussi par des réformes sociales, et la création d'écoles modernes.
Il utilisa l’État pour mettre en œuvre une révolution industrielle. Il constitua des monopoles d’État, acheta des machines textiles modernes en Europe, fit construire des hauts fourneaux et des aciéries, confisqua les terres des propriétaires mamelouks et y fit cultiver des denrées destinées à l'exportation. En 1830, l'Égypte occupait le cinquième rang mondial pour les broches à filer le coton par têtes d’habitant[8].
Une politique d'autonomie vis-à-vis du sultan
Il demeura officiellement pendant son règne un vassal du sultan ottoman, mais en réalité n'hésita pas à mener une politique indépendante. Il réprima pour le compte de celui-ci une révolte des wahhabites en Arabie, de 1811 à 1818, puis lui vint en aide dans la guerre d'indépendance grecque entre 1824 et 1828, en échange de divers territoires ; cette dernière opération provoqua la destruction de sa flotte à la bataille de Navarin. Il obtient peu après que ses fils lui succèdent à son poste.
Par ailleurs, en vue d'accaparer les ressources[réf. nécessaire] mythiques[pas clair] de l'Afrique (ivoire, or…), Méhémet Ali conquiert la Nubie et le bassin supérieur du Nil. Il fonde à la pointe du Nil Blanc et du Nil Bleu une ville dénommée Ras el-Khartoum. Là va s'établir le gouverneur de la nouvelle colonie égyptienne, dénommée Soudan (en arabe, le « pays des Noirs »).
Il se brouilla avec le sultan et entra en guerre contre lui en 1831. Sous la direction de son fils Ibrahim Pacha, les armées de Méhémet Ali s'emparèrent de la Palestine et de la Syrie, et s'approchèrent jusqu'à quelques jours de marche de Constantinople. Le , une armée égyptienne de 15 000 hommes vainquit l'armée turque de 100 000 hommes durant la bataille de Konya. Une intervention diplomatique franco-britannique conduisit à une solution négociée en 1833, la convention de Kütahya laissait le contrôle de la Syrie et de la Palestine à l'Égypte.
En 1839, le sultan Mahmoud II reprit la guerre, mais subit une défaite décisive aux mains d'Ibrahim à Nisibe le . Il mourut peu après et les armées égyptiennes se rapprochèrent une nouvelle fois dangereusement de Constantinople.
La Grande-Bretagne envoya sa flotte de guerre pour aider le sultan ottoman à rétablir son autorité sur l'Égypte, bombardant les ports libanais contrôlés par les Égyptiens et faisant débarquer des troupes en Syrie. En 1841, Méhémet Ali et Ibrahim durent céder le contrôle de la Syrie par le traité de Londres. L’Égypte fut également contrainte de licencier son armée, démanteler ses monopoles et accepter une politique de libre-échange imposée par les Britanniques. Lord Palmerston admettait avec un certain cynisme : « La soumission de Mohammed Ali à l'Angleterre [...] pourrait paraitre injuste et partiale, mais nous sommes partiaux ; et les intérêts supérieurs de l'Europe requièrent que nous le soyons[8]. »
Dernières années (1848-1849)
Méhémet Ali est déposé en sous prétexte d'incapacité mentale. Il abdique le 1er septembre et meurt en .
Deux de ses fils, Ibrahim et Abbas, lui succèdent mais sont contraints d'accepter la tutelle de l'Empire britannique.
Descendance
Il eut au moins quatre fils dont deux lui succédèrent à la tête de l'Égypte, Ibrahim (en 1848) et Saïd (de 1854 à 1863) :
- Ibrahim (1789-1848) ;
- Toussoun (1794-1816), père d'Abbas Ier Hilmi (1813-1854) ;
- Saïd (1822-1863) ;
- Halim (1831-1894)[9].
Parmi ses gendres figurent :
- Hussein Bey, commandant militaire ayant participé aux opérations de la guerre d'indépendance grecque (reconquête de la Crète, prise de Kassos, invasion du Péloponnèse), mort au combat en avril 1826 au cours du siège de Missolonghi ;
- Moharrem Bey, amiral de la flotte égyptienne notamment à Navarin.
Arbre généalogique de la dynastie (en gras, personnes ayant effectivement régné) :
- Méhémet Ali (1769-1849), wāli (1805-48)
- Ibrahim Pacha (1789-1848), wāli (1848)
- Ismaïl Pacha (1830-95), wāli puis khédive (1863-79)
- Tawfiq Pacha (1852-92), khédive (1879-92)
- Abbas II (1874-1944), khédive (1892-1914)
- Mohammad Abdel Moneim (1899-1979), héritier présomptif (1899-1914), régent (1952-53)
- Mohammed Ali Tawfiq (1875-1955), héritier présomptif (1892-99 et 1936-52)
- Abbas II (1874-1944), khédive (1892-1914)
- Hussein Kamal Pacha (1853-1917), sultan (1914-17)
- Fouad Ier (1868-1936), sultan puis roi (1917-36)
- Farouk (1920-65), roi (1936-52)
- Fouad II (né en 1952), roi (1952-53)
- Mohamed Ali (né en 1979), prince du Saïd (1979)
- Fouad (né en 2017)
- Mohamed Ali (né en 1979), prince du Saïd (1979)
- Fouad II (né en 1952), roi (1952-53)
- Faouzia Fouad (1921-2013), reine d'Iran (1941-48)
- Farouk (1920-65), roi (1936-52)
- Tawfiq Pacha (1852-92), khédive (1879-92)
- Moustapha Fazl Pacha (1830-1875), ministre de l'Enseignement (1862), ministre des Finances (1864, 1869) et ministre de la Justice (1871-72)
- Ismaïl Pacha (1830-95), wāli puis khédive (1863-79)
- Toussoun Pacha (1794-1816)
- Abbas Ier (1813-54), wāli (1848-54)
- Mohamed Saïd Pacha (1822-63), wāli (1854-63)
- Ibrahim Pacha (1789-1848), wāli (1848)
Décorations
- Grand-croix de l’ordre impérial de Léopold (Monarchie austro-hongroise)
- Grand-croix de la Légion d'honneur (France)
- Grand-cordon de l'ordre de l'Osmaniye (Empire ottoman)
- Grand-cordon de l'ordre du Médjidié (Empire ottoman)
Bibliographie
- Guy Fargette, Méhémet Ali : le fondateur de l'Égypte moderne, éditions L'Harmattan, Paris, 1996, 231 p. (ISBN 978-2-7384-4064-8).
- Gilbert Sinoué, Le Dernier Pharaon : Méhémet-Ali, 1770-1849 (avec une présentation de Christiane Desroches Noblecourt) :
- Caroline Gaultier-Kurhan, Mehemet Ali et la France : histoire singulière du Napoléon de l'Orient, éditions Maisonneuve & Larose, Paris, 2005, 267 p. (ISBN 978-2-7068-1910-0).
- Prince Osman Ibrahim, Caroline (Gaultier-Kurhan) et Ali Kurhan, Méhémet Ali le grand : mémoires intimes d'une dynastie, éditions Maisonneuve & Larose, Paris, 2005, 127 p. (ISBN 2-7068-1858-1).
- Louis Toucheboeuf-Clermont, Mille et unième calomnies de la contemporaine, 1834.
- L'Univers illustré no 2, daté du samedi .
- Alfred Schlicht, « Les chrétiens en Égypte sous Mehemmet Ali », dans Le Monde Copte, p. 44-51, 6/1979.
- Olivier Lebleu, Les Avatars de Zarafa, éditions Arléa, Paris, 2006 [lire en ligne].
Notes et références
- « Méhémet-Ali », encyclopédie Larousse en ligne.
- E.R. Toledano, s.v., Encyclopaedia of Islam, vol. VII, 1993, p. 423.
- Alfred Nicolas Rambaud et Ernest Lavisse, Histoire générale du IVe siècle à nos jours, A. Colin, 1897, v. 9, p. 691.
- Grand Larousse encyclopédique, Librairie Larousse, 1963, v. 7, p. 226.
- « l'officier ottoman d'origine albanaise qu'était Méhémet-Ali et que l'on considère à juste titre comme le fondateur de l'Égypte moderne », Dominique Sourdel, Histoire des Arabes, P.U.F., 1976, p. 109.
- « Beaucoup d'historiens pensent qu'il était d'origine albanaise […] on peut le considérer comme le fondateur de l'Égypte moderne », Encyclopédie Larousse, Librairie Larousse, 1978, T. 17, Renan-Science, p. 7829.
- « MUḤAMMAD ʿALĪ PAS̲H̲A », sur Encyclopédie de l’Islam (consulté le )
- Chris Harman, Une histoire populaire de l'humanité, La Découverte, 2015, page 399
- « Halim Pacha », notice biographique sur Halim Pacha.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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