Lucien Léger
Lucien Léger, né à Paris le et mort à Laon en [1], est un criminel français, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre d'un enfant en 1964[2],[3]. Il fut le plus ancien détenu de France avant d'être libéré le après 41 ans d'emprisonnement, ce qui constitue l'une des détentions les plus longues en Europe (elle n'égale cependant pas celle du tueur en série John Straffen (en) qui fut détenu pendant 55 ans au Royaume-Uni).
Pour les articles homonymes, voir Léger.
Lucien Léger | |
Criminel | |
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Information | |
Nom de naissance | Eugène Lucien Léger |
Naissance | Paris 14e (France) |
Décès | Laon (Aisne, France) |
Cause du décès | Mort naturelle |
Nationalité | français |
Surnom | L'étrangleur |
Condamnation | |
Sentence | Réclusion criminelle à perpétuité (cour d'assises de la Seine-et-Oise) |
Actions criminelles | Meurtre |
Victimes | 1 |
Pays | France |
Arrestation | |
Il fut surnommé l'étrangleur par la presse en raison de la signature « L'étrangleur no 1 » apposée au bas des lettres anonymes envoyées à la police[3].
Biographie
Jeunesse
Eugène Lucien Léger naît le dans le 14e arrondissement de Paris, dans une famille modeste de sept enfants, originaire de Château-Regnault dans les Ardennes. Son père était tourneur sur métaux chez Renault. Incorporé au camp de Mourmelon, il effectue son service militaire en Algérie. En , il épouse à Charleville-Mézières Solange, sœur d'un ami de régiment. Léger travaille d'abord comme magasinier aux Éditions Denoël. Sa femme est internée à plusieurs reprises. Léger devient élève infirmier à l'hôpital psychiatrique de Villejuif[4].
Crime
Le , en fin d'après-midi, Luc Taron, né le [5], disparaît après avoir été grondé par sa mère Suzanne Taron pour lui avoir volé 15 francs. Ses parents croient tout d'abord à une fugue et ne préviennent pas immédiatement la police. Le , vers 5 heures du matin, Jules Beudard, alors qu'il se promène dans les bois de Verrières-le-Buisson, dans l'Essonne, avant d'aller pointer à l'usine, découvre le corps de l'enfant, mutilé et étranglé[6], au lieu-dit « Le Salvart »[7]. Le soir même de la découverte, à 23h50, le meurtrier téléphone à Europe 1 et indique où trouver un message sur le pare-brise d'une voiture[8]. Le texte manuscrit décrivant le crime, et qui annonce d'autres rapts si une rançon par anticipation ne lui est pas versée, est signé L’étrangleur no 1. La presse ne rapporte que le sobriquet d'« étrangleur », omettant le no 1 et vexant apparemment l'assassin : dans le mois qui suit, cinquante-cinq lettres anonymes sont envoyées à la presse, à la police, au père de la victime et au ministre de l’Intérieur, revendiquant être l'auteur du crime et en annonçant d’autres, et réclamant « 50 millions » de francs[4].
Le , Lucien Léger signale au commissariat des Invalides le vol de sa 2 CV. Quatre jours plus tard, il se présente à nouveau au commissariat et déclare avoir retrouvé son véhicule sur un parking à la suite d'un coup de téléphone de L’étrangleur. Il signale également que l'intérieur de la voiture est maculée de taches de sang humain[9]. Le 2 juillet, la cinquante-sixième lettre signée l'étrangleur arrive à la police. Le criminel y écrit qu'il s'est servi de la 2 CV pour emmener un truand de Pigalle et le tuer. Convoqué le 4 juillet, Lucien Léger est désormais le principal suspect, d'autant que la perquisition de sa chambre d'hôtel montre qu'il conserve des journaux se rapportant à l'affaire et un projet de roman intitulé Journal d'un assassin. Son écriture le confond et il est arrêté le lendemain[4], puis incarcéré. Lucien Léger avoue puis se rétracte par la suite, lors d'une reconstitution en [10].
Procès
Le procès de Lucien Léger se déroule du 3 au à la cour d'assises de la Seine-et-Oise, qui siège à Versailles, dans une atmosphère de grande tension. Les parents de l'enfant réclament la peine de mort. Défendu par Me Albert Naud, Lucien Léger, qui avait initialement reconnu le crime durant l'instruction, clame à présent son innocence : selon lui, le véritable meurtrier, un certain « Monsieur Henri », lui aurait expliqué les circonstances du meurtre ; ce serait un ennemi du père de l'enfant. Les jurés ont finalement pitié de la « folie » de Léger (comme il souffre d'un ostéome au niveau du front, son avocat invoque la folie de son client) et le condamnent non pas à la peine de mort mais à la réclusion criminelle à perpétuité[4], avec une durée d'épreuve de quinze ans (la période de sûreté n’existant pas encore à l’époque). Lucien Léger est alors âgé de 29 ans. Son avocat, Jean-Jacques de Felice, déclarera plus tard que Lucien Léger serait sorti bien plus tôt de prison s'il avait avoué le meurtre[réf. nécessaire].
Détention
Lors de sa détention, Lucien Léger continue de clamer régulièrement son innocence et observe sept grèves de la faim. Il refuse tout examen psychologique en vue d'une libération conditionnelle, sous prétexte de cette innocence. En prison, il étudie le droit puis se met à la philosophie. Détenu modèle, il aide de nombreux prisonniers à reprendre courage et à tenir[11].
La durée de son emprisonnement suscite la création de comités de soutien. Il est incarcéré dans une quinzaine d'établissements pénitentiaires pour finir par la prison de Bapaume, dans le Pas-de-Calais. Sa femme Solange meurt en 1970.
Lucien Léger est libérable à partir de : ses treize demandes de libération conditionnelle, et trois demandes de grâces présidentielles sont toutes rejetées. Yves Taron, père de la victime et fondateur de la Ligue nationale contre le crime et pour l'application de la peine de mort, avait affirmé en 1980 : « Je le tuerai. Pas tout de suite, juste le temps de lui faire éprouver l'angoisse que ma femme et moi avons connue[12]. » La libération de Lucien Léger est d'ailleurs intervenue après la mort d'Yves Taron. La mère du petit Luc Taron, devenue veuve, fait simplement la demande que Lucien Léger ne publie jamais de livre sur l'affaire. En 2004, Lucien Léger déclare à un journaliste : « Si je sors, je sors intact [13]. » Narcissique, mythomane et manipulateur, d'après les psychiatres[14], il parle régulièrement de lui à la troisième personne[15] et se targue d'une jurisprudence le concernant.
Libération et mort
Lucien Léger est libéré le , à l'âge de 68 ans. Il élit domicile à Landas dans le Nord chez un ami, boulanger en retraite. Il travaille à la Croix-Rouge de Douai pour distribuer des vêtements et de la nourriture aux plus démunis[16].
En 2006, il saisit la Cour européenne des droits de l'homme contre l’État français en invoquant la violation des articles 5 § 1 a) et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le , une chambre de la Cour conclut par cinq voix contre deux à la non-violation de ces deux articles[17],[18]. L'affaire est ensuite renvoyée en appel devant la Grande chambre.
Lucien Léger meurt à son domicile de Laon début [19], son corps n'ayant été découvert que le 18 juillet[20]. À la suite de son décès, la poursuite de la procédure n'étant pas demandée par une personne justifiant de sa qualité d'héritier ou de parent proche, ou de l'existence d'un intérêt légitime, et compte tenu de l'évolution de la législation française ainsi que du fait que la CEDH avait résolu des questions similaires dans d'autres affaires, la Grande chambre radie l'affaire Léger c. France[21].
En 2012, les journalistes Jean-Louis Ivani et Stéphane Troplain publient un livre qui met en doute sa culpabilité, l'enfant n'ayant pas été étranglé contrairement aux aveux de Lucien Léger qui se serait accusé dans un désir pathologique de reconnaissance[22].
En 2021, Philippe Jaenada publie Au printemps des monstres (Mialet-Barrault éditeurs), consacré à l'affaire Luc Taron.
Notes et références
- Mort de Lucien Léger, ancien plus vieux prisonnier de France
- L'Express : Le cas Lucien Léger
- Affaires-criminelles.com
- Les Grands crimes du XXe siècle : Lucien Léger, France-Soir, 29 juillet 2009
- Pierre Bellemare, Jean-François Nahmias, Kidnappings, Albin Michel, , p. 87
- L'autopsie montrera qu'il est mort de suffocation et non de strangulation, son cou révélant des marques non de prise de strangulation mais de prise de maîtrise.
- Yves Bonnet, La cour des miracles. Que font les juges ?, Flammarion, , p. 349
- Pierre Bellemare, Jean-François Nahmias, Kidnappings, Albin Michel, , p. 86
- Jean-Pierre Van Geirt, La Crim'. Les grandes affaires de la Brigade criminelle, Editions n° 1, , p. 124-128
- « L’affaire Lucien Léger - Le récit », sur Europe 1 (consulté le )
- Sylvain Larue, Les grandes affaires criminelles de France, de Borée, , p. 121
- Jacques Expert, Scènes de crime, Place des Éditeurs, , p. 177
- Léger juge la France « inhumaine », Le Journal du dimanche, 29 avril 2008
- Le plus vieux détenu de France en appelle à l'Europe, Lci.fr, 26 avril 2005
- « L'Étrangleur » poursuit la presse, Libération, 9 décembre 2000
- « Lucien Léger, une vie à l'ombre », sur lejdd.fr, .
- CEDH, Léger c./France, 11 avril 2006, requête no 19324/02
- Décès de Lucien Léger, ex-plus ancien détenu de France, AFP, 18 juillet 2008
- Mort de Lucien Léger, ex-plus ancien détenu de France, L'Express, 18 juillet 2008
- Léger c./France, 30 mars 2009, requête no 19324/02
- Jean-Louis Ivani, Stéphane Troplain, Le voleur de crimes. Affaire Léger - 1964, Éditions du ravin bleu, 2012, 800 p.
Annexes
Bibliographie
- Philippe Jaenada, Au printemps des monstres, Mialet-Barrault éditeurs, 2021 (ISBN 978-2080238184), 752 p.
Audiographie
- Christophe Hondelatte, « Lucien Léger, 41 ans passés en prison », Europe 1, .
- Affaires sensibles, Le cas Lucien Léger, la perpète, France Inter, .
Article connexe
Liens externes
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