Louis Tronson

Louis Tronson[1], né à Paris le , mort le , est un prêtre catholique français, élu le troisième supérieur général de la Compagnie de Saint-Sulpice après Jean-Jacques Olier et Alexandre Le Ragois de Bretonvilliers.

Biographie

Il était fils de Louis Tronson, conseiller d'État, intendant des finances, secrétaire du Cabinet du Roi († 1643)[2], et de Claude de Sève, fille de Guillaume de Sève, seigneur de Saint-Julien, conseiller du roi en son Conseil d'État et en son Conseil privé[3]. Le couple eut six fils[4] et une fille connus.

Il fut baptisé le lendemain de sa naissance en l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, et reçut la confirmation et la tonsure cléricale à l'archevêché de Paris le , âgé seulement de dix ans. Il fit ses études secondaires au collège des Grassins, où il eut pour professeur de philosophie le janséniste Jean Guillebert[5]. Il fut ensuite licencié en droit canonique, et fut ordonné prêtre en 1647. Il prêcha avec succès dans plusieurs églises de Paris, mais s'attacha plus particulièrement à la paroisse Saint-Sulpice, dont le curé Jean-Jacques Olier était ami de son oncle Antoine de Sève et directeur spirituel de sa mère. En 1654, il obtint un brevet d'aumônier du roi, et prêta serment en cette qualité le . Le , il entra dans la Compagnie de Saint-Sulpice de M. Olier, qui, très diminué à cette époque, fit chanter pour l'occasion un Te Deum dans la chapelle du séminaire.

Il fut d'abord chargé du noviciat (la Solitude), situé alors à Vaugirard (séminaire Saint-Sulpice). M. Olier étant mort (), Bretonvilliers, déjà curé de Saint-Sulpice, fut élu son successeur comme supérieur général de la Compagnie, qui possédait à cette date deux autres séminaires en province (Le Puy et Clermont-Ferrand) et un à Montréal[6]. Le poste de directeur du séminaire parisien fut alors créé, et Louis Tronson en fut le premier titulaire. Après la mort de Bretonvilliers (), il fut élu supérieur général (1er juillet). Il le resta jusqu'à sa mort, bien qu'à partir de 1687 son état de santé ne lui permît pratiquement plus de quitter sa chambre. Sous son mandat, le nombre des séminaires de la Compagnie passa de six à dix, avec l'agrégation du séminaire de Bourges en 1679, de celui d'Autun en 1680, de celui d'Angers en 1695 et de celui de Tulle en 1697.

Il est notamment connu dans l'histoire pour la part qu'il prit dans la querelle du quiétisme. Il avait été le directeur spirituel du jeune Fénelon (élève au séminaire à partir de 1672) et était resté lié d'amitié avec lui. En 1694, il fut choisi comme arbitre dans la controverse autour des écrits de Madame Guyon; les entretiens doctrinaux entre Fénelon, Bossuet et Louis Antoine de Noailles (alors encore évêque de Châlons-en-Champagne) eurent lieu dans le bâtiment d'Issy du séminaire Saint-Sulpice, où résidait Tronson, qui ne pouvait plus se déplacer (ce sont les « entretiens d'Issy »). Les réunions commencèrent en juillet 1694, Madame Guyon vint elle-même en novembre-décembre, un texte de trente articles, inspiré par Bossuet, fut adopté du 9 au . Tronson lui-même, affectivement proche de Fénelon, mais théologiquement plutôt du côté de Bossuet, joua le rôle de conciliateur[7].

Mais sa participation aux « entretiens d'Issy » ne fut pas son rôle principal dans l'histoire de l'Église catholique. Il a surtout exercé une profonde influence dans ce qui fut l'objet essentiel de son activité : la formation des prêtres. Il a beaucoup écrit dans ce domaine, et a été beaucoup lu dans les séminaires sulpiciens (en France, mais aussi au Canada et aux États-Unis) jusque dans les années 1950. Parmi ses textes édités plusieurs fois au XIXe siècle, on peut citer : le Traité de l'obéissance, le Manuel du séminariste, ou Entretiens sur la manière de sanctifier ses principales actions, les Entretiens et méditations ecclésiastiques, les Examens particuliers (sur les examens de conscience). Le Traité des saints ordres, longtemps attribué au seul Jean-Jacques Olier, a été édité par lui presque vingt ans après la mort d'Olier. Il a été accusé d'avoir infléchi l'enseignement du fondateur de la Compagnie de Saint-Sulpice dans un sens plus étroitement clérical et cultuel. Il a fortement contribué à forger l'image du prêtre catholique classique d'avant le concile Vatican II.

Bibliographie

  • Correspondance de M. Louis Tronson, troisième supérieur de la Compagnie de Saint-Sulpice, lettres choisies, annotées et publiées par Louis Bertrand, Paris, V. Lecoffre, 1904 (3 volumes).
  • Le Traité des saints ordres, comparé aux écrits authentiques de Jean-Jacques Olier († 1657), éd. Gilles Chaillot, Paul Cochois, Irénée Noye, Procure de la Compagnie de Saint-Sulpice, Paris, 1984.
  • Émile Goichot, Les Examens particuliers de M. Tronson, essais sur la formation du prêtre classique et autres textes (édition posthume, par René Heyer, d'une thèse de 3e cycle soutenue en 1971, Recherches sur M. Tronson et le XVIIe siècle religieux), Presses Universitaires de Strasbourg, 2006.
  • David Gilbert, « Le grand secret de la vocation ». Louis Tronson (1622-1700), Paris, Honoré Champion, Bibliothèque d'études des mondes chrétiens, 12, 2018 (ISBN 978-2-7453-4716-9).

Notes et références

  1. Le nom se rencontre aussi orthographié « Tronçon ».
  2. Famille de vieille bourgeoisie parisienne : le grand-père de Louis Tronson père, Jean Tronson, fut prévôt des marchands de Paris en 1534 ; sa mère, Marie de L'Estoile, était la sœur de Pierre de L'Estoile. Louis Tronson père fut disgracié en 1626 au moment de la purge qui suivit la conspiration du comte de Chalais.
  3. Parmi les trois frères connus de Claude de Sève, donc oncles maternels du sulpicien Louis Tronson, on relève Antoine de Sève, prieur de Champdieu et d'Ulnon, abbé commendataire de Lisle-en-Barrois, aumônier du roi († 1662), ami de Jean-Jacques Olier et propriétaire du domaine d'Issy que lui racheta le Père Le Ragois de Bretonvilliers en 1655 (l'actuel séminaire Saint-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux).
  4. Dont Charles Tronson, conseiller au Parlement de Paris en 1644, et Guillaume Tronson, seigneur du Coudray, qui a laissé des Mémoires sur les troubles de Paris au commencement de l'année 1649 (éd. Orest et Patricia M. Ranum, Société de l'Histoire de France, Paris, Librairie Honoré Champion, 2003). La famille Tronson du Coudray (dont Guillaume Alexandre Tronson du Coudray, l'avocat de la reine Marie-Antoinette) descend de lui.
  5. Jean Guillebert, natif de Caen (1605-1666), curé titulaire de Rouville, ami d'Antoine Arnauld, de l'abbé de Saint-Cyran, puis de Blaise Pascal. Sur lui, Jérôme Besoigne, Histoire de l'abbaye de Port-Royal, Cologne, 1752, t. IV, p. 376-383.
  6. Le séminaire de Lyon fut fondé en 1659, celui de Limoges agrégé à la Compagnie en 1666.
  7. Louis Cognet, Crépuscule des mystiques. Le conflit Fénelon-Bossuet (Histoire de la spiritualité), Paris, Desclée, 1958.
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