Livre de Tobie

Le Livre de Tobie, parfois appelé Livre de Tobit (Tobie étant le fils de Tobit dans la Septante[1]), est un livre deutérocanonique de l'Ancien Testament. Il raconte l'histoire d'un Israélite de la tribu de Nephthali nommé Tobie (le texte latin de la Vulgate donne le même nom au père et au fils, Tobias). Déporté à Ninive, il devient aveugle après avoir reçu de la fiente d'oiseau dans les yeux et envoie son fils Tobie recouvrer une dette en Médie auprès de leur parent Gabaël.

Histoire de Tobie par le Maître du fils prodigue (Anvers, seconde moitié du XVIe siècle) au musée Dobrée de Nantes.

Le texte est écrit en grec et figure dans la Septante. Rédigé sans doute initialement en hébreu ou en araméen, l'original a été perdu, mais un fragment en araméen avec un texte correspondant en grec a été retrouvé dans les années 1950, dans la grotte no 4 près des ruines de Qumrân parmi les manuscrits de la mer Morte. Ce livre ne figure pas au canon des Écritures hébraïques et ne se trouve donc pas dans le Tanakh. Il est déclaré canonique par l'Église au concile de Carthage III en 397, mais il était déjà largement utilisé par les différentes communautés chrétiennes. Il figure donc dans le canon deutérocanonique de l'Église catholique tout comme dans celui de l'Église orthodoxe.

Il est repris par la Vulgate. Clément d'Alexandrie le reconnaît comme partie de la Sainte Écriture et Ambroise de Milan le qualifie de liber propheticus.

Le Livre de Tobie est le seul de la Bible où la Terre promise est qualifiée de « Terre d'Abraham »[2].

Récit biblique

L'ange Raphaël — désigné ultérieurement comme l'archange Raphaël par l'Église catholique et les Églises orthodoxes — conduit Tobie à Ecbatane, où il pêche un poisson dont il extrait le cœur, le foie et le fiel.

Il rencontre sa future femme, Sara, que tourmente un démon, Asmodée, qui a fait périr successivement ses sept maris pendant leur nuit de noces.

L'ange Raphaël, qui avait expliqué précédemment à Tobie qu'il devait prendre cette femme pour épouse, lui indique comment la délivrer du démon. Sara, de son côté, prie le Seigneur pour être guérie.

Avec le fiel d'un poisson, comme le lui indique l'archange, qui l'accompagne, Tobie retourne à la maison paternelle et guérit la cécité de son père.

Canonicité du livre

Ce livre affirme l'existence de Raphaël, le troisième archange reconnu par l'Église, dont il est le seul à parler. Et de fait, quoiqu'il s'agisse sans doute d'un récit dont la datation exacte n'est pas prouvée, il laisse supposer que les Hébreux de l'époque de la rédaction du livre croyaient à l'existence de Raphaël.

Toutefois, ce livre est sujet à controverse pour les protestants du fait qu'il est un écrit deutérocanonique et qu'il est exclu du canon hébraïque. Il est donc exclu de la Bible protestante. En revanche, il est pleinement reconnu par l'Église catholique et les Églises orthodoxes.

La période que couvre la vie de Tobie va de la révolte des tribus du Nord, qui est fixée traditionnellement dans les années 990 av. J.-C., après la mort du roi Salomon (Tobie 1:4,5), à la déportation à Ninive de la tribu de Tobie en 740 av. J.-C., soit 257 ans. Pourtant, Tobie 14:1-3 parle de la mort de Tobie à l'âge de 103 ans. Toutefois, le comput des années est lui-même sujet à controverse. Ce qui prime dans le livre, c'est avant tout la leçon spirituelle, qui consiste dans la fidélité au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, la foi de Tobie, alors que le royaume d'Israël, dont il est originaire, aurait largement succombé au polythéisme des peuples environnants, contrairement au royaume de Juda qui, pour sa part, serait resté largement fidèle à cette foi.

Composition

Datation

L'histoire que raconte le livre de Tobie est placée au VIIIe siècle av. J.-C., et on a pensé traditionnellement qu'il avait été écrit à cette époque[3]. Cependant, un certain nombre d'erreurs historiques excluent une création contemporaine[4], et aujourd’hui la plupart des érudits préfèrent situer la composition de Tobie entre 225 et 175 av. J.-C.[5]. La citation directe du Livre d'Amos dans Tobie 2:6 (« Vos fêtes seront changées en deuil, et tous vos rires en lamentations »[6]) indique que non seulement les livres prophétiques avaient été fixés, mais qu’ils faisaient autorité, ce qui indique une date post-exilique[7] Par ailleurs, la référence au Livre de Moïse (6:13, 7:11-13) et à la «Loi de Moïse" (7:13) renvoient une phraséologie identique à celle des Livres des Chroniques, dont certains croient qu’ils ont été composés après le IVe siècle av. J.-C.[8]. Si l’on se fonde sur le contexte, renvoyer la composition de Tobie après 175 av. J.-C. pose problème, du fait que l'auteur ne semble rien savoir des tentatives des Séleucides pour helléniser la Judée (à partir de 175 av. J.-C.) ni de la Révolte des Maccabées contre les Séleucides (165 av. J.-C.), et qu’il n’épouse pas les attentes apocalyptiques ou messianiques qui sous-tendent les écritures plus tardives[9]. Et pourtant certains spécialistes adoptent une date ultérieure pour la composition d'au moins certaines parties de Tobie[10].

Localisation

Tobie et l'Ange. Sur ce carreau de faïence allemande, Tobie après avoir pêché le poisson, retourne chez lui avec Raphaël (2e tiers du XVIIIe siècle) Kunstgewerbemuseum Berlin, Inv. Nr. 1988,133.

Il n'existe pas de consensus scientifique sur le lieu de la composition, et « presque toutes les régions du monde antique semblent pouvoir être candidates »[11]. Une origine mésopotamienne semblerait logique du fait que l'histoire se déroule en Assyrie et en Perse, de même que l'invocation du démon persan « aeshma daeva » (divinité de la colère dans la tradition des Perses), dont Tobie fait « Asmodée »[11]. Mais des erreurs importantes dans les détails géographiques (comme la distance d’Ecbatane à Ragès et la topographie des deux villes) rendent douteuse une telle origine[12]. Il existe aussi des arguments pour et contre une composition en Israël ou en Égypte[13].

Iconographie

Jacob Grimmer
Tobie et l'Ange (vers 1567)
Shipley Art Gallery (Gateshead)

On retrouve Tobie dans différentes représentations de l'Ange dans l'art et dans l'article Tobie et l'Ange qui répertorie les différents tableaux illustrant ce sujet.

Gianantonio Guardi a illustré l'Histoire de Tobie dans trois tableaux en 1750-1755, sur le parapet de l'orgue de l'Église dell'Angelo Raffaele : Le Départ de Tobie, Le Mariage de Tobie et de Sarah et Tobie guérit son père[14].

Références

  1. Article d'Encyclopædia Unversalis.
  2. Codex Sinaiticus, Тов. 14:7: τῇ γῇ Αβρααμ μετὰ ἀσφαλείας.
  3. Miller, p. 10.
  4. Miller, p. 11.
  5. Fitzmyer, p. 51.
  6. Tobie 2:5-7 & Amos 8:10.
  7. Fitzmeyer, p. 51.
  8. Fitzmyer, p. 51 ; Miller, p. 11.
  9. Fitzmyer, p. 51-52 ; Miller, p. 11-12.
  10. Fitzmyer, p. 52.
  11. Miller, p. 12-13.
  12. Miller, p. 13.
  13. Miller, p. 12-15.
  14. Giovanna Nepi Sciré, La Peinture dans les Musées de Venise, Editions Place des Victoires, , 605 p. (ISBN 978-2-8099-0019-4), p. 414-416

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

  • Portail du catholicisme
  • Portail de la Bible
  • Portail du christianisme orthodoxe
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.