Le Mépris (film)

Le Mépris est un film franco-italien réalisé par Jean-Luc Godard, sorti en 1963. Mettant en scène Michel Piccoli et Brigitte Bardot, c'est une adaptation du roman Le Mépris (1954) d'Alberto Moravia.

Pour les articles homonymes, voir Mépris.

Le Mépris
Réalisation Jean-Luc Godard
Scénario Jean-Luc Godard
d'après le roman de Alberto Moravia
Acteurs principaux

Brigitte Bardot (Camille)
Michel Piccoli (Paul)
Jack Palance (Prokosch)
Fritz Lang (lui-même)

Sociétés de production Compagnia Cinematografica Champion (Italie)
Les Films Concordia (France)
Rome Paris Films (France)
Pays d’origine France
Italie
Genre Drame
Durée 103 min
Sortie 1963


Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

Le scénariste parisien Paul et son épouse Camille rejoignent le réalisateur Fritz Lang en tournage pour le compte du producteur de cinéma américain Jeremy Prokosch, sur le plateau du film Ulysse (une adaptation de l’Odyssée) en chantier à la villa Malaparte à Capri en Italie.

Il est proposé à Paul Javal de reprendre et de terminer le scénario du film, ce qu'il accepte, pour des raisons économiques. Durant le séjour, Paul Javal laisse le riche producteur seul avec Camille et encourage celle-ci à demeurer avec lui, alors qu'elle, intimidée, insiste pour rester auprès de Paul. Camille pense que son mari la laisse à la merci de Prokosch par faiblesse et pour ne pas froisser ce nouvel employeur. De là naissent des malentendus, la déchirure, le mépris, et la désagrégation du couple.

Fiche technique

Distribution

Tournage

Le tournage débute le dans les studios de Cinecittà à Rome puis dans la villa Malaparte à l'est de Capri, et dure 32 jours, « ce qui est supérieur aux habitudes godardiennes mais exceptionnellement modeste pour une production de cette envergure[3] ».

Godard, parce que Bardot refuse de mettre une jupe au dessous du genou, la cadre plus près et la fait tourner en peignoir. Il négocie l'aplatissement de sa coiffure alors "choucroutée", s'il marche sur les mains[4].

La première version du film présentée en n'a pas du tout plu aux producteurs Carlo Ponti et Joe Levine ; en effet, la présence de Brigitte Bardot étant un atout majeur pour la production américaine, il était dès lors incompréhensible et inacceptable que le montage définitif de Godard ne comprît pas de scènes de nu de l'actrice française. Les producteurs exigent ainsi des scènes supplémentaires au début du film et au milieu, montrant Bardot et Piccoli faisant l'amour, puis vers la fin, entre Bardot et Palance.

Raoul Coutard, directeur de la photographie[5] :

« Ça a été un drame parce que Jean-Luc a été obligé de retourner un certain nombre de plans pour que les Américains finissent de payer le dernier versement et c'est Alain Levent qui les a tournés parce que moi j'étais sur un autre film à ce moment-là. Cela s'est passé complètement à la fin, c'est-à-dire qu'on avait fait l'étalonnage du film. On avait envoyé le film à Sam Levine et ensuite il a dit : “Non, non, ça ne va pas, je veux voir le cul de Bardot”. »

Godard détourne la commande par le tournage en de la plus célèbre séquence du film (« Tu les aimes, mes fesses… Mes seins… Mes pieds… ? ») en masquant le corps de l'actrice par des filtres colorés (rouge, blanc et bleu, couleurs primaires qui reviendront sans cesse)[6].

Deux courts métrages documentaires intitulés Paparazzi et Le Parti des choses ont été réalisés par Jacques Rozier lors du tournage du film.

Réception

Accueil critique

Jean-Louis Bory écrit[7] :

« Le véritable Et Dieu… créa la femme, c'est Godard qui l'a tourné, et cela s'appelle Le Mépris. Je ne cherche pas à démêler — et peu m'importe — si Godard a respecté ou non le roman de Moravia, ou si Losey eût fabriqué un film plus moravien que Godard. Le Mépris que nous voyons, c'est du pur Godard, et, je m'empresse de le dire, de l'excellent Godard. Le prétexte, l'objet du film, plus que le roman italien, c'est BB. Ce que Vadim a imaginé dans son premier film, mais n'a plus été capable de réaliser, ce que Louis Malle a raté dans Vie privée, Godard l'a réussi. Le Mépris est le film de Bardot, parce qu'il est le film de la femme telle que Godard la conçoit et telle que Bardot l'incarne. Si le phénomène Bardot doit représenter plus tard quelque chose dans l'histoire du cinéma, au même titre que Garbo ou Dietrich, c'est dans Le Mépris qu'on le trouvera. Je ne sais dans quelles conditions le tournage a eu lieu ni si Bardot et Godard se sont bien entendus. Le résultat est là : il y a rarement eu entente aussi profonde (consciente ou non — consciente, je suppose, chez Godard) entre une actrice et son metteur en scène. »

Box-office

En dix semaines d'exploitation, Le Mépris reçoit un total de 235 000 spectateurs dans les salles françaises, se classant septième au box-office des films français de 1963[8], ce qui est un succès pour un film de Godard mais un échec commercial pour un film ayant en tête d'affiche Bardot, dont le cachet atteint 250 millions de francs[9]. Aux États-Unis, il bénéficie de ressorties régulières, notamment en 1997 (528 428 $ de recettes cumulées) et en 2008 (153 141 $)[10].

Autour du film

  • Jean-Luc Godard commande la musique du film à Georges Delerue en 1963, dont le célèbre thème de Camille[11]
  • En épigraphe du film, Jean-Luc Godard attribue à André Bazin la citation suivante : « Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs. » Cette citation vient en fait d'un article de Michel Mourlet intitulé « Sur un art ignoré » paru dans les Cahiers du cinéma en 1959.
    La citation exacte est : « Le cinéma est un regard qui se substitue au nôtre pour nous donner un monde accordé à nos désirs[12],[13]. »
  • Contrairement à une idée couramment répandue, ce n'est pas Jean-Luc Godard qui dit le générique en voix off au début du film[14].
  • Le film comprend des dialogues en français, anglais, italien et allemand.
  • Georges Delerue signe ici une de ses partitions les plus connues, citée ou reprise dans plusieurs autres films, notamment Casino de Martin Scorsese.
  • Pour l'Italie, la bande originale, totalement différente, est interprétée par Piero Piccioni, un des plus grands jazzmen italiens.
  • Le Mépris est un exemple de film contenant un film.
  • Lors de sa sortie, Le Mépris était interdit aux moins de dix-huit ans.
  • La version du Mépris diffusée sur Arte le , à 20 h 50[15], omet une phrase importante du film. Lors de la séquence du visionnage des rushs (à 12 minutes 47 secondes), Fritz Lang, dans son propre rôle, s'adressant à Jack Palance, dans celui du producteur, dit : « Jerry, don't forget. The gods have not created men. Man has created gods. » La traduction française, telle qu'elle est prononcée en voix off par Giorgia Moll, dans le rôle de Francesca, l’assistante du producteur, alors que le plan fixe d'un buste en bronze d'Homère est à l'image, a tout simplement été supprimée : « Ce n'est pas les dieux qui ont créé les hommes, mais les hommes qui ont créé les dieux. » Dans ce nouveau montage, ne subsistent de ces quelques secondes du plan fixe de la statue d'Homère, sur fond d'un ciel bleu, que les paroles prononcées juste avant celles de Francesca par Michel Piccoli (dans le rôle de Paul, le scénariste du film) : « Tiens, Homère. »
  • Initialement les deux rôles principaux étaient proposés[16] à Frank Sinatra et Kim Novak. Après le désistement de Sinatra, l’un des producteurs du Mépris, l’Italien Carlo Ponti, proposa Marcello Mastroianni pour le remplacer, avec Sophia Loren – qui était son épouse. Godard et Georges de Beauregard, le producteur français du film, retinrent finalement Michel Piccoli et Brigitte Bardot.

Le manuscrit du scénario

  • Le , le manuscrit autographe du scénario du film est vendu aux enchères au prix de 144 300 [17]. Il est acquis par la société Aristophil[18] et présenté au Musée des lettres et manuscrits à Paris[19].
  • En , à l'occasion des cinquante ans de la sortie du film, les Éditions des Saints Pères publient la reproduction de ce manuscrit à seulement 1 000 exemplaires. On y découvre une écriture lisible et régulière, à l'encre bleue, portant peu de ratures[20].

Notes et références

  1. Alain Bergala, Godard au travail : les années 60, Cahiers du cinéma, , p. 147.
  2. Jacques Siclier, Le cinéma français, Ramsay, , p. 275.
  3. Alain Bergala, Godard au travail : les années 60, Cahiers du cinéma, , p. 161.
  4. INA
  5. Extrait de son interview figurant parmi les bonus du double DVD Le Mépris (Contempt), Éditions The Criterium Collection, 2002.
  6. René Prédal, Le Cinéma au miroir du cinéma, Corlet, , p. 128.
  7. Extrait de l'essai Des yeux pour voir de Jean-Louis Bory, Éditions 10/18, coll. « Ramsay Poche Cinéma », Paris, 1971 (ISBN 2-85956-949-9)
  8. « Le Mépris. Un succès public », sur allocine.fr (consulté le ).
  9. Laurent Creton, Histoire économique du cinéma français, CNRS Éditions, , p. 68.
  10. (en) Le Mépris sur l’Internet Movie Database
  11. Georges Delerue - Le Mépris - Thème de Camille
  12. Michel Mourlet, « Sur un art ignoré », Cahiers du cinéma, no 98,
  13. Michel Mourlet, « Sur un art ignoré », dans Michel Mourlet, Sur un art ignoré : La mise en scène comme langage, Ramsay, coll. « Ramsay Poche Cinéma », , p. 34
  14. Interview du effectuée par Alain Bergala pour Les Cahiers du Cinéma.
  15. Rediffusé sur Arte le 11 avril 2014 à 13 h 45.
  16. « Sortie du film "Le Mépris" de Jean-Luc Godard en version restaurée », FIPradio, (lire en ligne)
  17. Voir sur jeanmarcmorandini.com.
  18. Acquisition du manuscrit du Mépris de Godard par Aristophil. Lien inaccessible.
  19. Le manuscrit du scénario du Mépris exposé au Musée des lettres et manuscrits de Paris. Lien inaccessible.
  20. Voir sur lessaintsperes.fr.

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Luc Godard, Le Mépris : manuscrit original, Cambremer, édition des Saints Pères, (ISBN 978-2-9542687-3-6)
  • Marc Cerisuelo, Le Mépris, Les Éditions de La Transparence, coll. « Cinéphilie », , 92 p. (ISBN 978-2-35051-015-6)

Filmographie

Revue de presse

Sortie DVD

  • EDV 1392-302 349-8 StudioCanal 2007

Liens externes

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