Épigraphe (littérature)
En littérature, une épigraphe est une citation placée au bord d'un livre ou d'une partie d'un livre pour en élucider le contenu et éclairer les intentions de l'auteur.
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Par métonymie, l'épigraphe est souvent appelée « exergue» (étymologiquement, « ce qui est hors de l’œuvre ») mais cet emploi est généralement considéré comme abusif[1],[2].
Si l'on se rapporte au classement établi par Gérard Genette, théoricien de la littérature, l'épigraphe appartient au péritexte, c'est-à-dire à l'ensemble des textes "autour du texte", qui accompagnent l’œuvre et en font pourtant partie intégrante, comme le nom d'auteur, les titres, les préfaces ou les postfaces[3] (le péritexte fait lui-même partie du paratexte).
Définition
L'épigraphe est généralement placée en tête d'un livre ou d'une partie de ce livre. Plus rarement, elle est située sur la bande du livre, ou à la fin du livre, ce qui change son rôle : plutôt que de donner des indications allusives sur la lecture à venir, elle représente alors une conclusion autoritaire sur la lecture advenue. C'est notamment le cas du roman Un roi sans divertissement de Jean Giono, qui se conclut sur une épigraphe faisant office de moralité : « Qui a dit : Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ? »
L'épigraphe est une citation qui peut être extraite d'une œuvre d'un autre auteur, ou de sa propre œuvre.
Il s'agit le plus souvent de texte, même si Gérard Genette donne pour contre-exemple le paraphe à la canne du caporal Trim de Tristram Shandy placé en exergue de La Peau de chagrin.
Histoire
Historiquement, l'épigraphe trouve ses origines dans la devise d'auteur.
La première épigraphe française recensée par Gérard Genette est celle des Maximes de La Rochefoucauld : « Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés. » L'utilisation de l'épigraphe se répand à partir du XVIIIe siècle pour les textes d'idée, puis au XIXe siècle pour les romans et autres fictions, sous l'influence de l'écrivain écossais Walter Scott.
La pratique de l'épigraphe varie au cours de l'histoire, et fait l'objet de modes relatives à sa présence ou son absence, au nombre de citations, ou encore à l'identité des auteurs choisis. Les écrivains romantiques, par exemple, multipliaient les épigraphes, souvent tirées de Shakespeare, Walter Scott ou Byron.
Fonctions
Gérard Genette distingue 4 fonctions principales de l'épigraphe :
- Le commentaire du titre
- Le commentaire du texte
- La caution. Plus que le contenu de la citation, c'est souvent le nom de l'auteur cité qui importe : il représente une caution indirecte de la valeur de l’œuvre et du talent de l'auteur, qui s'inscrit dans son héritage sans avoir besoin de demander sa permission. L'épigraphe
- La catégorisation, ou l'"effet-épigraphe" : par sa présence ou son absence, par ses caractéristiques (choix de l'auteur, longueur, mise en page) il marque l'appartenance à une époque, à un genre littéraire, voire à un mouvement littéraire.
L'épigraphe introduit un jeu entre l'auteur et le lecteur, sur le principe de l'allusion : il s'agit de retrouver l’œuvre dont elle est extraite, et surtout de comprendre pourquoi elle a été choisie et placée à cet endroit-là. Victor Hugo, dans la préface de Han d'Islande, mentionne par exemple ces « épigraphes étranges et mystérieuses, qui ajoutent singulièrement à l’intérêt et donnent plus de physionomie à chaque partie de la composition. »
Exemples
- Le Rouge et le Noir de Stendhal porte en épigraphe cette parole de Danton : « La vérité, l'âpre vérité. »
- La Nausée de Jean-Paul Sartre porte en épigraphe cet extrait de L'Église de Louis-Ferdinand Céline : « C'est un garçon sans importance collective. C'est tout juste un individu. »
- Le chapitre VI le temps spectaculaire de La Société du Spectacle de Guy Debord porte en épigraphe cet extrait de L'Homme de cour de Baltasar Gracian : « Nous n'avons rien que le temps, dont jouissent ceux mêmes qui n'ont point de demeure. »
- Point de lendemain de Vivant Denon porte en épigraphe provenant de la Bible (2 Corinthiens 3:6) :« La lettre tue, et l'esprit vivifie. »
- Le poème Vers dorés de Nerval porte en épigraphe une citation de Pythagore : « Eh quoi, tout est sensible ! »
- Carmen de Prosper Mérimée porte en épigraphe une citation en grec de Palladas, que Mérimée traduisait par « Toute femme est (amère) comme le fiel ; mais elle a deux bons moments, un au lit, l’autre à sa mort. » »
- Gatsby le Magnifique (The Great Gatsby) de F. Scott Fitzgerald s'ouvre sur un poème prétendument écrit par un certain "Thomas Parke d'Invilliers", qui est en réalité un personnage du premier roman de Fitzgerald lui-même, L'Envers du Paradis (This Side of Paradise).
Notes et références
- Le Grand Robert, article « exergue » : « Ce sens est critiqué; on préfère parfois épigraphe. »
- Définitions lexicographiques et étymologiques de « exergue » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
- Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil,
Voir aussi
Liens externes
- Une collection d'épigraphes françaises : Gilles G. Jobin, « Épigraphe » (consulté le )
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