Lac Tchad
Le lac Tchad est un grand lac peu profond d'Afrique dont les eaux sont douces, ce qui est rare pour un lac endoréique, c'est-à-dire dont les eaux ne rejoignent pas l'océan[1]. Son rôle économique est très important, car il doit fournir l'eau à plus de 40 millions de personnes des quatre pays limitrophes : le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigeria[2].
Lac Tchad | |
Administration | |
---|---|
Pays | Cameroun, Niger, Nigeria, Tchad |
Statut | Site Ramsar, liste indicative du patrimoine mondial (d), liste indicative du patrimoine mondial (d) et liste indicative du patrimoine mondial (d) |
Géographie | |
Coordonnées | 13° N, 14° E |
Type | endoréique |
Superficie · Maximale |
1 540 km2 26 000 km2 |
Périmètre | 650 km |
Altitude | 280 m |
Profondeur · Maximale · Moyenne |
10,5 m 4,11 m |
Volume | 72 km3 |
Hydrographie | |
Bassin versant | 2 381 635 km2 |
Alimentation | Chari, Logone |
Émissaire(s) | aucun |
Géographie
Le bassin hydrographique du lac a une surface de 2 380 000 km2 , couvrant 7,8 % de la surface du continent. Le bassin actif a une surface de 967 000 km2.
Le principal apport en eau provient à 90 % du fleuve Chari et de son affluent, le Logone, tous deux ayant leur source dans les montagnes de la République centrafricaine. Le Komadougou Yobé, issu du Nigeria, est a un débit amoindri par la présence de deux barrages qui ont fait chuter son débit de 7 km3 à 0,45 km3 par an. Bien qu'il ne participe que pour 10 % aux eaux du lac, c'est la séparation provoquée en deux bassins, nord et sud, qui rendit précaire l'alimentation du nord. La perte hydrique en aval des barrages a de plus été accentuée par un captage accru des puits[3].
Jadis l'un des plus grands lacs du monde, le lac s'est réduit considérablement pendant les quatre dernières décennies. Dans les années 1960, il couvrait un secteur de plus de 26 000 km2. En 2000, il était tombé à moins de 1 500 km2[réf. nécessaire]. Le déficit de pluviosité combiné à une plus grande utilisation des eaux du lac et des rivières pour l'irrigation – la population du bassin a doublé dans l'intervalle, et l'irrigation a quadruplé entre 1983 et 1994 – expliquent ce recul. Sa faible profondeur, qui est au maximum de 7 mètres, le rend fragile et très dépendant des fluctuations saisonnières. La navigation y est désormais impossible.
À la suite du recul du lac dans les années 1970-1980, les nouvelles terres émergées, encore humides, ont permis d'entreprendre des cultures très productives surtout au sud du lac, côté tchadien. Les terres irriguées représentent 135 000 hectares, dont 100 000 ha au Nigeria[3].
Même s'il demeure encore l'un des plus grands lac d'Afrique, le lac Tchad est dix fois plus petit qu'il y a cinquante ans : 25 000 km2 en 1964 contre 2 500 km2 en 2004[4]. Un projet de grande envergure, dénommé Transaqua, regroupant le Cameroun, le Nigeria, le Niger, le Tchad, la République centrafricaine et la Libye, doit opérer un transfert des eaux de l'Oubangui, qui prend sa source en République démocratique du Congo, vers le lac, via les fleuves Chari et son affluent Logone. L'opération nécessiterait le creusement d'un canal de 1 350 kilomètres en République centrafricaine. L'opération est loin de faire l'unanimité. Certains craignent ses impacts négatifs sur la biodiversité de l'Oubangui et du bassin du Congo. Par ailleurs, le mauvais état de l'Oubangui dont les eaux baissent dangereusement, plaide en faveur des opposants à Transaqua[5].
La NASA a financé une étude sur le lac Tchad dans le cadre de son système d'observation de la Terre. Les variations sont suivies par satellite artificiel, afin de prévenir les riverains des modifications attendues. L'agence américaine, qui a mené une étude de simulation climatique sur la région, prédit la disparition du lac à plus ou moins brève échéance[6].
Faune et flore
Le bassin versant du lac compte 179 espèces de poissons, le lac lui-même en compte 85.
Il y a de nombreuses îles flottantes sur le lac abritant une grande diversité d'espèces. Parmi ces espèces, se trouvent notamment des éléphants, des hippopotames, des crocodiles ainsi qu'une grande communauté d'oiseaux migrateurs comprenant des combattants variés et de nombreuses espèces de canards. Deux espèces d'oiseaux sont presque endémiques à la région, la prinia aquatique et l'alouette rousse[7].
La végétation bordant le bassin du sud est majoritairement composée de papyrus, de Phragmites mauritianus et de Vossia cuspidata. Le bassin du nord, légèrement plus salé est bordé de roseau commun et de Typha australis[7].
Évolution
Durant les périodes postglaciaires, le Sahara bénéficia de conditions climatiques beaucoup plus clémentes qu'actuellement et le désert réel était très restreint. Le Sahara était en majeure partie couvert d'une végétation boisée de type méditerranéenne, particulièrement dans les massifs centraux avec autour d'eux de nombreux lacs et des prairies sèches, situation favorable à une faune giboyeuse.
Le lac Tchad est le reste d'une mer intérieure, le paléo-lac Tchad (ou paléo-Tchad). « Le maximum de l’extension du lac Tchad aurait été enregistré entre 7 000 et 4 500 ans BP[8]. », il fut ainsi le plus grand des quatre paléo-lacs africains, plus grand que l'actuelle mer Caspienne et s'étendait probablement au nord jusqu'à une centaine de kilomètres de Faya-Largeau[9]. À ce moment, la rivière Mayo Kébi était l'exutoire du paléo-lac, le reliant au Niger et à l'océan Atlantique[10]. La présence de lamentins d'Afrique dans les affluents du lac témoigne de cette histoire.
La récente diminution massive de la superficie du lac est principalement due à des pluies de plus en plus rares, des sécheresses dramatiques (1973, 1984, 2008) et le déboisement. Beaucoup de riverains sont défavorables à sa remise en eau, l'assèchement ayant mis à nu des terres fertiles dont ils tirent de bons revenus.
Climat
Le climat autour du lac est chaud et sec, avec des précipitations très variables – de 94 à 565 mm annuels dont 90 % tombent entre juin et septembre. La rive sud est plus humide que le nord. Bien que l'évaporation soit importante, surtout durant la saison sèche, la salinité du lac n'augmente guère, les eaux les plus chargées en sel quittant le lac par le sous-sol[3].
Perspectives
La salinité du bassin nord pourrait augmenter si l'apport hydrique vers ce dernier reste faible, ce qui pourrait causer la disparition de nombreuses espèces végétales et animales, augmentant l'érosion par la suite. La pêche, qui est déjà passée de 243 000 tonnes de 1970-1977 à 56 000 tonnes en 1986-1989, pourrait encore diminuer, privant les riverains d'un revenu substantiel alors que les États du nord du Cameroun et du Nigeria comptent déjà parmi les plus pauvres de leurs pays respectifs. La raréfaction de l'eau potable pourrait enfin augmenter les cas de diarrhée, de choléra et de fièvre typhoïde[3]. Toutefois, la perspective d'un classement du lac Tchad au patrimoine mondial de l'UNESCO[13] pourrait permettre la mise en œuvre d'une politique de préservation par l'ensemble des pays riverains.
Le lac Tchad est reconnu au titre de site Ramsar en 2001 dans ses parties nigérienne[14] et tchadienne[15], et en 2008 dans ses parties nigériane[16] et camerounaise[17].
Projet de transfert d'eau depuis le bassin du Congo
Pour sauver le lac Tchad, un ancien projet a été réactualisé au début du XXIe siècle, celui du Transaqua. Il s'agit d'un projet de transfert d'eau interbassins, au départ de certains affluents du fleuve Congo vers le lac Tchad, et ce par un gigantesque canal qui utiliserait la vallée du fleuve Chari[18].
Projet des années 1930
Face au risque d'assèchement du lac dès l'entre-deux-guerres, les autorités coloniales avaient commencé à échafauder un projet de raccordement depuis le Congo, projet baptisé à l'époque « Atlantropa ». Ce projet a finalement été abandonné après la seconde guerre mondiale et les décolonisations[18].
Projet des années 1980
Au début des années 1980, c'est une société italienne (Bonifica) qui propose un projet de transfert des eaux des fleuves Congo et Oubangui, par un canal de 2 400 km : le projet est baptisé « Transaqua »[18]. Le projet, titanesque et peu fédérateur, ne verra finalement jamais le jour.
Projet des années 1990
Le projet d'origine formalisé au début des années 1990 prévoyait de barrer les cours de plusieurs rivières importantes du nord-est de la République démocratique du Congo au moyen de barrages de régulation, et de soustraire une partie de leurs débits pour les amener vers un lac artificiel construit sur l'Oubangui en amont de Bangui. De là un canal conduirait ces eaux vers la ligne de partage des eaux entre bassins du Congo et bassin du Chari, à environ 600 mètres d'altitude. Une fois franchi ce seuil, les débits seraient acheminés, toujours par canal, dans le lit du Chari, et finiraient par alimenter le lac Tchad et toute sa région. La longueur totale du canal aurait été d'environ 2 400 kilomètres dont à peu près la moitié dans le bassin du Chari. L'ensemble constituerait en outre une voie navigable internationale importante.
Le volume de prélèvement prévu dans ce premier projet était de l'ordre de 100 milliards de mètres cubes d'eau annuellement, c'est-à-dire environ 3 150 m3 par seconde.
Les travaux prévoyaient de barrer les tributaires de l'Oubangui, de l'Aruwimi, du Lindi et du Lowa, tous affluents de droite du Congo dans le quart nord-est du Congo-Kinshasa et le Sud de la Centrafrique.
État actuel du projet
Deux projets différents sont actuellement discutés, tous deux prévoyant le transfert d'une partie des eaux de l'Oubangui par un canal de 1 350 kilomètres.
Ces projets nécessitent en préalable l'accord de la République démocratique du Congo et de la République du Congo ; le cours d'eau à détourner (l'Oubangui) prenant sa source en République démocratique du Congo puis formant frontière avec la Centrafrique puis avec la République du Congo. La République du Congo donne son accord en 2005. En revanche, la République démocratique du Congo ne s'est pas encore prononcée officiellement en termes d'accord ou de désaccord vis-à-vis du projet puisque aucune demande officielle ne lui a été formulée concernant le transfert des eaux de l'Oubangui vers le lac Tchad ; elle n'a adhéré au projet qu'en tant qu'observateur en 1994 et en 2007[19].
En mars 2008, le Nigeria, le Niger et le Tchad ont engagé le financement des études pour transférer une partie des eaux de l'Oubangui[20],[21]. L'étude de faisabilité, débutée en 2009, nécessite des moyens importants et le Nigeria, puissance pétrolière donc financière de la région, est prêt à y affecter cinq millions de dollars. Les quatre autres pays membre de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), à savoir le Cameroun, la République centrafricaine, le Niger et le Tchad, contribueront ensemble à hauteur d'un million supplémentaire.
En 2010, un cabinet canadien est commandité par la Commission du bassin du lac Tchad pour réaliser une étude (jamais publiée) sur un scénario moins ambitieux d’un transfert de 6 km3 d’eau par an (contre 100 km3/an pour Transaqua). Le coût évalué demeure exorbitant : 11 milliards d’euros, pour des bénéfices incertains[18].
En 2014, Romano Prodi, envoyé spécial de l’Organisation des Nations unies pour le Sahel en 2012 et 2013, appelle les membres CBLT à ne plus attendre de nouvelles études. Les 4 et 5 avril 2014 à la conférence de Bologne pour le financement du sauvetage du lac Tchad, les acteurs se sont engagés à la création d'un comité de suivi et d'un comité de scientifique mondial[22].
Entretemps, des voix se sont élevées contre ce projet qui pourrait comporter des risques environnementaux et surtout sociaux, une population importante vivant désormais dans le lit de l'ancien lac[18].
Annexes
Bibliographie
- Henri Jacques-Félix, « La vie et la mort du lac Tchad : rapports avec l'agriculture et l'élevage », in Bulletin agronomique, no 3, 1947
- Moustapha Abakar Malloumi, La Coopération sous-régionale et la gestion durable des eaux du lac Tchad.
- Michel Alain Roche, Traçage naturel salin et isotopique des eaux du système hydrologique du lac Tchad.
- Jean-Paul Lebeuf, Carte archéologique des abords du lac Tchad : Cameroun, Nigeria, Tchad.
- (en) Carmouze J.-P., Durand J.-R. & Lévêque C., Ed, 1983, Lake Chad, Ecology and productivity of a shallow tropical ecosystem. La Haye, Dr W. Junk, Monographiae Biologicae vol. 53, 575 p.
- Marina Bertoncin et Andrea Pase, Autour du lac Tchad. Enjeux et conflits pour le contrôle de l'eau, L'Harmattan, Paris, 2012, 360 p. (ISBN 9782296990579)
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Site de la Commission d'Études, de la CBLT et du Forum Mondial du DD consacré au lac Tchad
- Site en anglais des États riverains et du World Forum for Sustainable Development- Chad Lake
- Site Internet de l'UNESCO, article consacré au lac Tchad dans la partie Cameroun
- FAO - Données sur les principales eaux intérieures d'Afrique
- Le lac Tchad n’est pas la mer d’Aral
- Laurence Caramel et Joan Tilouine, « Le projet de remplir le lac Tchad refait surface », sur Le Monde, .
Notes et références
- ambatchad-paris.org, « Le Lac Tchad », sur ambatchad-paris.org (consulté le ).
- hunza, « Le lac Tchad, une particularité géographique - Géopolitis21 », sur Géopolitis21, (consulté le ).
- PNUE, Afrika's Lakes, Atlas of Our Changing Environment, p. 22 ss.
- « Histoire du Bassin du Lac Tchad | La Commission du Bassin du Lac Tchad », sur www.cblt.org (consulté le ).
- GEO no 403 de septembre 2012 p. 73.
- Joël Ignasse, « Peut-on encore sauver le lac Tchad ? », Sciences et Avenir, (lire en ligne, consulté le ).
- Lake Chad flooded savanna World Wildlife.org.
- Florence Sylvestre, « Variabilité paléo-hydrologique et changement climatique », dans jacques Lemoalle (dir.) et alii, Le développement du Lac Tchad : situation actuelle et futurs possibles, IRD, (lire en ligne), p. 84
- (en) Nick Drake et Charlie Bristow, « Shorelines in the Sahara: geomorphological evidence for an enhanced monsoon from palaeolake Megachad », The Holocene, vol. 16, no 6, , p. 901–911 (DOI 10.1191/0959683606hol981rr)
- (en) Leblanc et al., « Reconstruction of megalake Chad using shuttle radar topographic mission data », Palaeogeography, palaeoclimatology, palaeoecology, no 239, , p. 16–27
- J. Maley, Études palynologiques dans le bassin du Tchad et paléoclimatologie de l’Afrique nord-tropicale de 30 000 ans à l’époque actuelle, Travaux & documents ORSTOM, no 129, 586 p.
- Le plan B : pour un pacte écologique mondial, Lester R. Brown Calmann-Lévy/ Souffle Court Éditions - 2007
- Le Lac Tchad, source de conflits (décembre 2010)
- (en) « Lac Tchad », sur Service d'information sur les Sites Ramsar (consulté le )
- (en) « Partie tchadienne du lac Tchad », sur Service d’information sur les Sites Ramsar (consulté le )
- (en) « Lake Chad Wetlands in Nigeria », sur Service d’information sur les Sites Ramsar (consulté le )
- (en) « Partie Camerounaise du Lac Tchad », sur Service d’information sur les Sites Ramsar (consulté le )
- Laurence Caramel et Joan Tilouine, « Le projet de remplir le lac Tchad refait surface », sur Le Monde, .
- Groupe l'Avenir (17 avril 2014), Irrigation et transfèrement des eaux de l’Oubangui vers le lac Tchad Bavon. Samputu apaise la colère des députés nationaux
- « Voice of America : African leaders team up to rescue Lake Chad (mars 2008) »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (en)
- « Tribune de Genève : Un projet pharaonique mais vital pour 22 millions de personnes »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), novembre 2008.
- Romano Prodi, « Sauvetage du lac Tchad, un espoir de paix : Une ressource dont dépendent trente millions de personnes », Le Monde diplomatique, (lire en ligne)
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