Justin Massicault

Justin Massicault, né le à Ourouer-les-Bourdelins (Cher) et décédé le à Tunis, est un journaliste, puis préfet français avant de finir diplomate et fonctionnaire de l'administration coloniale. Résident général de France en Tunisie de 1886 à 1892, il met en place les institutions administratives et économiques du protectorat français de Tunisie.

Justin Massicault

Portrait de Justin Massicault
Fonctions
Résident général de France en Tunisie
Prédécesseur Paul Cambon
Successeur Charles Rouvier
Préfet du Rhône
Préfet de la Somme
Préfet de la Haute-Vienne
Biographie
Nom de naissance Justin Théophile Athanase Massicault
Date de naissance
Lieu de naissance Ourouer-les-Bourdelins, France
Date de décès
Lieu de décès Tunis, Tunisie
Nationalité française
Profession Diplomate
Journaliste

Débuts dans la carrière préfectorale

Né à Ourouer-les-Bourdelins dans le Cher, il est d'abord professeur libre, puis devient journaliste au quotidien Le Progrès de Lyon et, à partir de 1862, à La Gironde, quotidien de Bordeaux, où les fondateurs le recrutent en compagnie de son collègue Jules Chapon. Il succède au poste de rédacteur en chef à André Lavertujon, puis cède sa place à Chapon.

Nommé préfet de la Haute-Vienne en 1870, il démissionne le et fonde successivement plusieurs journaux : L'Indépendance à Bordeaux, La Charente à Angoulême puis L'Avenir de la Vienne à Poitiers[1] avant de devenir rédacteur en chef du journal La Presse. De à , on le retrouve journaliste au Siècle qu’il quitte pour intégrer le ministère de l’Intérieur, où il dirige le service de la presse.

Le , il retrouve la préfecture de Haute-Vienne qu’il quitte en 1881 pour rejoindre la préfecture de la Somme, avant de devenir préfet du Rhône en 1883. Il y laisse un bon souvenir puisque, mettant fin aux attentats anarchistes, il obtient une hausse des salaires, une baisse du chômage ainsi qu’un « modus vivendi » avec le milieu patronal. C’est pourquoi on pense à lui lorsqu’il faut trouver un successeur au résident général de France en Tunisie, Paul Cambon. Ce dernier doit en effet quitter son poste à la suite des démêlés qu’il a eus avec le général Boulanger[2],[3].

Résident général de France en Tunisie

Contexte

Cinq ans après la conquête de la Tunisie par la France, les institutions du pays sont en pleine construction. Les débats font rage à propos de la forme que doit prendre la direction du pays entre les partisans du protectorat et les partisans de l’annexion. De plus, depuis la conquête, l’armée française est en conflit avec le pouvoir civil représenté par le résident général qui tente de transférer les attributions des « bureaux des Affaires Indigènes » tenus par les militaires aux contrôles civils nouvellement créés. Ce désaccord a d’ailleurs coûté sa place au prédécesseur de Massicault.

Réalisations administratives

Le décret du a renforcé les pouvoirs du résident général en plaçant sous ses ordres les commandants des troupes de terre et de mer et tous les services administratifs. Massicault peut continuer les réformes entamées par Cambon.

La réorganisation financière de la régence est la tâche prioritaire : la faillite du pays avait d'ailleurs été l’une des causes de l’intervention française. On tente alors de développer le commerce en favorisant les échanges commerciaux avec la France. C’est chose faite grâce à la réforme douanière du qui supprime les taxes sur la plupart des produits alimentaires tunisiens exportés vers les ports français[4]. De plus, pour renforcer l’union économique avec la métropole, la piastre tunisienne est remplacée par le franc tunisien par le décret du [5]. Toutes ces réformes ont permis de redresser les comptes de l’administration et de renégocier les intérêts de la dette qui sont abaissés de 3,5 % à 3 %, ce qui libère des fonds pour les travaux d’infrastructures dont le pays à besoin[6].

La réorganisation administrative est également poursuivie : de nouveaux contrôles civils sont créés, prenant le relais des administrations militaires. En 1887, ces dernières ne conservent que les régions de Gafsa, Fériana, Aïn Draham et les territoires du Sud[7]. De nouvelles municipalités sont également créées : Gabès, Mahdia, Monastir, Kairouan, Béja, Nabeul, Djerba, Souk El Arba, Tozeur, Tebourba, Gafsa et Zaghouan[8].

Mais la principale réforme administrative réalisée par Justin Massicault est sans doute la création de la Conférence consultative tunisienne en . Ayant pour but de prendre connaissance des avis des représentants de la population française, cette assemblée devient vite une caisse de résonance de leurs exigences[9]. Jusqu’à la fin du protectorat, sa composition et ses attributions en font un enjeu du mouvement national tunisien.

Réalisations d’infrastructures

La construction du port de Tunis avait été concédée avant l’arrivée de Massicault mais c’est lui qui voit le début du chantier en 1888, même si son décès l’empêchera d’en voir l’aboutissement. Par contre, il prend une part active dans la construction du port de Bizerte dont la concession est signée le . Il poursuit également l’effort de construction des phares qui doit permettre de sécuriser la navigation maritime. Beaucoup sont inaugurés durant son résidanat, ce qui permet d’achever le programme d’éclairage des côtes tunisiennes dès 1895[10].

Le réseau routier est en constante progression : 200 kilomètres de routes et 600 kilomètres de pistes sont tracées entre 1886 et 1892 ; deux cents ponts sont édifiés, en particulier sur la Medjerda, l’oued Mellègue et l’oued Miliane[11].

L’effort en faveur de la scolarisation est poursuivi : le nombre d’élèves est triplé entre 1886 et 1892, passant de 4 000 à 12 000. Un lycée est ouvert lorsque le gouvernement rachète le collège Saint-Charles le pour en faire le lycée de Tunisie ; il sera renommé lycée Carnot en 1894.

Pour la première fois, le secteur médical est règlementé par le décret beylical du [12] qui réserve l’exercice de la médecine et de la pharmacie à des praticiens diplômés. Devant le manque de lits d’hôpitaux, Massicault réunit en une commission chargée d’établir le projet d’un hôpital civil français à Tunis[13] ; le projet n'est concrétisé qu’en 1898.

De par sa carrière journalistique, Justin Massicault se sent très concerné par l’essor de la presse qui est alors embryonnaire en Tunisie, et bridée par l’établissement d’un cautionnement depuis le décret du . Celui-ci est supprimé le , ce qui permet la parution de nombreux journaux parmi lesquels La Dépêche tunisienne dont le premier numéro paraît le à l’instigation du résident général, qui veut en faire l’organe officiel du protectorat. Mais d’autres journaux opposés à la politique menée dans le pays profitent également de la libéralisation du secteur. Ainsi, le , Victor de Carnières, farouche opposant à la formule du protectorat, fonde l’hebdomadaire La Tunisie qui change de nom en 1892 pour devenir L’Annexion puis, quatre semaines plus tard, La Tunisie française[14].

Décès

Diabétique, la santé du résident général se dégrade au fil des années. À son retour d’une nouvelle cure à Vichy, il doit s’aliter le et meurt d’un coma diabétique le 5 novembre suivant. Son corps est rapatrié en France pour être inhumé au cimetière du Père-Lachaise le 16 novembre[15]. Il restera le seul résident à décéder à son poste.

Distinctions

Justin Massicault est promu chevalier de la Légion d'honneur le , élevé au grade d’officier le avant de devenir finalement commandeur le [3].

Vie privée

Il est marié et a deux enfants : Solange et Jean Ali Bey. Ce dernier, né à Tunis, est ainsi prénommé en hommage à Ali III Bey qui en est le parrain[16].

Références

  1. Francis Masgnaud, Loges et francs-maçons de la Haute-Vienne : de l'Ancien Régime à la Cinquième République, éd. Lucien Souny, Saint-Paul, 2000[réf. incomplète]
  2. François Arnoulet, Résidents généraux de France en Tunisie... ces mal aimés, éd. Narration éditions, Marseille, 1995, p. 19 (ISBN 2909825086)
  3. Dossier de la Légion d’honneur sur la base Léonore
  4. François Arnoulet, op. cit., p. 22
  5. Ahmed Kassab, Histoire générale de la Tunisie, vol. IV. « L’Époque contemporaine (1881-1956) », éd. Sud Éditions, Tunis, 2010, p. 344 (ISBN 9789938010220)
  6. François Arnoulet, op. cit., p. 24
  7. Élisabeth Mouilleau, Fonctionnaires de la République et artisans de l’empire. Le cas des contrôleurs civils en Tunisie (1881-1956), éd. L’Harmattan, Paris, 2000, p. 64 (ISBN 2738497691)
  8. Arfaoui Khémais, Les élections politiques en Tunisie de 1881 à 1956, éd. L’Harmattan, Paris, 2011, p. 138-139 (ISBN 9782296542587)
  9. Arfaoui Khemais, op. cit., p. 17
  10. [PDF] Jean-Christophe Fichou, « La signalisation maritime en Tunisie (1881-1920) ou les phares de la présence coloniale », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n°28, décembre 1910, p. 252
  11. François Arnoulet, op. cit., p. 28
  12. [PDF] Paul Zeys, Code annoté de la Tunisie, éd. Imprimerie Berger-Levrault et Cie, Nancy, 1901, p. 590
  13. François Arnoulet, op. cit., p. 32
  14. [PDF] Béchir Turki, Éclairage sur les recoins sombres de l’ère bourguibienne, éd. Clairefontaine, Tunis, 2011, p. 35
  15. François Arnoulet, op. cit., p. 39
  16. François Arnoulet, op. cit., p. 21
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