Jean Laloy

Jean Laloy, diplomate français, est né à Meudon-Bellevue (Hauts-de-Seine) le et y meurt le .

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Biographie

Fils de Louis Laloy, secrétaire général de l’Opéra, et de Suzanne Babaian, pianiste de concert, il est le filleul de Claude Debussy. En 1937, il épouse Karen Gjestland (Oslo, 1915-Meudon-Bellevue, 1995), avec qui il a sept enfants.

Licencié ès lettres, diplômé de russe de l’École des langues orientales et de l'École libre des sciences politiques, il est, à partir de 1937, attaché de consulat à Tallinn (Estonie), attaché d’ambassade à Moscou, en poste à Wiesbaden, consul à Genève, puis il appartient à la délégation des Mouvements unis de résistance et à la délégation du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) en Suisse[1] ; il se lie avec Henri Frenay.

Fin 1944, il est l’interprète du général de Gaulle lors de la signature, avec Staline, du pacte franco-soviétique[2] ; dans ses Mémoires de guerre, le général relève que « Laloy parlait bien le russe »[3]. Il fait ensuite partie de la délégation française à la plupart des grandes conférences internationales, dont celle de San Francisco en 1945. René Dabernat a écrit que « son nom est associé à la construction de l’Europe, à la naissance du Pacte atlantique, à la Conférence de Berlin de 1954, où Molotov le tenait pour son adversaire personnel. Il est considéré comme l’un des meilleurs experts des affaires soviétiques et communistes »[4].

Nommé ministre plénipotentiaire en 1954, à 42 ans, et, l’année suivante, conseiller au cabinet d’Edgar Faure, qui, dans ses Mémoires évoque « la valeur personnelle de ce grand diplomate, européen de grande obédience, dans le style de Jean Monnet »[5]. Directeur adjoint du cabinet d’Antoine Pinay, il est ministre-conseiller de l’ambassade de France à Moscou en 1955-1956. Directeur d’Europe du ministère des Affaires étrangères de 1956 à 1961, il est l’un des négociateurs du traité de Rome et contribue au rapprochement franco-allemand. De 1961 à 1964, il est directeur adjoint des Affaires politiques, c’est-à-dire le n°3 du Quai d’Orsay, où il doit affronter la grave crise de Berlin de 1961 conduisant à la construction du Mur, dont il était déjà l’un des experts à celle de 1959 : « Son influence, écrit L’Express, sur les négociations l’a fait surnommer par les journalistes occidentaux : le nouveau Dulles »[6], du nom de John Foster Dulles, chef de la diplomatie américaine. Lord Gladwyn écrit dans ses mémoires que, lorsqu’il était ambassadeur à Paris, il rencontrait deux interlocuteurs : Pierre Mendès France et Jean Laloy : « J’avais pour son jugement un très grand respect »[7]. De 1964 à 1968, il est nommé ambassadeur, conseiller diplomatique du gouvernement. Réticent à l’égard de l’ouverture à l’Est et de la politique anti-européenne, il dirige, jusqu’à 1974, les Archives diplomatiques. Il manque alors l’ambassade auprès du Saint-Siège, refuse celle de Bonn pour prendre la seule direction générale du Quai d’Orsay, celle des Relations culturelles, qu’il quitte, en 1977, pour la présidence de la Commission interministérielle franco-allemande.

Dans le même temps, il forme toute une génération à l’Institut d’études politiques comme à l’Ecole nationale d’administration, dont il préside le jury en 1974.

En 1975, il est élu au premier tour à l’Académie des sciences morales et politiques, au fauteuil de l’ancien ministre Paul Bastid. Attentif au sort des dissidents soviétiques, c'est sur sa proposition qu'il y fait élire, en juin 1980, Andreï Sakharov, le prix Nobel russe, en qualité d'associé étranger ; celui-ci est ensuite élu en février 1981, à l'Académie des sciences. Dans le cadre d'une séance commune aux deux académies, le 28 mai 1984, Jean Laloy rend un hommage au grand savant sous le titre «Andrei Sakharov et le monde d’aujourd’hui»[8]. Auparavant il lui avait consacré un article inititulé «Hommage à Soljenitsyne, Sakharov et leurs compagnons»[9]. Ses entretiens avec Soljenitsyne ont fait l'objet d'un récit dans la revue Commentaire[10].

Ce « diplomate chrétien tout en pudeur et en finesse »[11], dont « l’intelligence déplaisait aux médiocres »[12], était proche de Raymond Aron, avec qui il fonde la revue Commentaire, et du philosophe Jacques Maritain, ami et voisin, à Meudon, de son père. Grand interprète de piano, il compose plusieurs œuvres, restées inédites. Dans ses mémoires, l’ambassadeur Henri Froment-Meurice note que « personne ne dira jamais assez ce que la diplomatie française doit à l’une de ses plus fermes et lumineuses intelligences »[13]. Le Canard enchaîné du 12 juin 1974 le qualifie de « la plus grosse tête du Quai d'Orsay ». Il est commandeur de la Légion d’honneur et grand officier de l'ordre national du Mérite.

Il repose au cimetière à Rahon (Jura), auprès de son père Louis Laloy[14] qui fut maire de ce village entre 1935 et 1940.

Œuvres

  • La Politique extérieure de l'U.R.S.S., 1960
  • Entre guerres et paix, 1945-1965, 1966
  • Le Socialisme de Lénine, 1967
  • Yalta : hier, aujourd'hui, demain, 1988 (traduit en néerlandais, allemand, américain, 1989-1990)
Traductions
  • Vladimir Soloviev : Conscience de la Russie, la vocation de la Russie, la Chine et l'Europe, récit sur l'Antéchrist, textes choisis et présentés par Jean Gauvain [pseudonyme de Jean Laloy], 1950
  • Anonyme : Récits d'un pèlerin russe, traduits et présentés par Jean Laloy, 1966 ; 1978 ; 1999
  • Alexandre Blok : Les Scythes et autres poèmes, traduits par Eliane Bickert et Jean Laloy, 1967

Bibliographie

  • Claude Dulong, Notice sur la vie et les travaux de Jean Laloy (1912-1994), Palais de l'Institut, Gauthier-Villars, Paris, 1996

Références

  1. Dictionnaire de biographie française, Paris, Letouzey-et-Ané, fasc. CX, p. 448-449
  2. Jean Laloy, « A Moscou entre Staline et de Gaulle, décembre 1944 », Revue des études slaves, , p. 137-152
  3. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, le Salut, Plon, , p. 60, 73
  4. Paris presse,
  5. Edgar Faure, Mémoires, Plon, , t. 1, p. 669
  6. L'Express, 23 juillet 1959
  7. Lord Gladwyn, Memoirs, Londres, Weidenfeld & Nicolson, , p. 2
  8. Palais de l'Institut, 1984, 13 p.
  9. Commentaire, automne 1978, p. 287-289
  10. Commentaire, été 2017, p. 297-298
  11. Laurent Greilsamer, Hubert Beuve-Méry, Fayard, , p. 279
  12. Jean-Claude Casanova, Commentaire, automne 1994, p.762
  13. Henri Froment-Meurice, Vu du Quai, Fayard, , p. 69
  14. « Il [Louis Laloy] meurt en 1944 et repose au cimetière de Rahon, avec auprès de lui son fils, Jean, grand serviteur de l’État. » sur la page de Louis Laloy, du site des Auteurs Comtois.

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