Jean-Luc Bastien

Jean-Luc Bastien (né Jean-Luc Tétreault le à Saint-Luc en Montérégie), est un homme de théâtre québécois, comédien, metteur en scène, directeur de compagnie, professeur et directeur d’une école de théâtre.

Enfance, formation et vie privée

Jean-Luc Bastien, fils cadet de Denis Tétreault (1900-1947) et de Thérèse Payant dit St-Onge (1903-1977), nait le à Saint-Luc, d'où son prénom d'ailleurs. Il entame sa formation théâtrale par des cours d’expression corporelle avec Suzanne Rivest (1957-1959), d’art dramatique avec Jean Doat (1958-1960) et de danse moderne avec Françoise Riopelle (1959-1960)[1], puis de théâtre à l’École nationale de théâtre du Canada (1960-1963), alors nouvellement créée et dont il est le premier finissant en interprétation[2]. Tel qu’il en est encore fréquemment usage à l’époque, il adopte alors un nom de scène : Jean-Luc Bastien.

Il poursuit sa formation en interprétation et en diction à Paris (1963-1964), notamment auprès de René Simon, Raymond Rouleau et Françoise Rosay, et il effectue un stage dans les Troupes d’État en France entre autres au Théâtre national populaire dirigé par Georges Wilson ainsi qu’auprès de Roger Planchon[3].

Il a eu pour compagne de vie l'ethnolinguiste et auteure José Mailhot entre 1968 et 1993.

Vie professionnelle

C’est comme acteur à la scène et occasionnellement à la télévision où il tient divers petits rôles que Jean-Luc Bastien commence sa carrière. Il interprète notamment Genaple fils dans la télésérie  D’Iberville, réalisé par Roland Guay et Pierre Gauvreau, et le Roi africain dans l'émission pour enfants La Ribouldingue, toutes deux présentées à Radio-Canada à la fin des années 1960.

Pour ses débuts à la scène, entre 1956 et 1968, il est dirigé notamment par Georges Groulx, Gabriel Gascon, Jean-Pierre Ronfard, Paul Buissonneau à la Roulotte et Pierre Dagenais dans des pièces de Molière, Marivaux, Feydeau, Camus, Lorca, Cocteau, Ghelderode, Beaumarchais et Shakespeare.

Il n’a pas trente ans lorsqu’on le nomme directeur adjoint de la Division des spectacles à Terre des Hommes (1968). En cette ère d’émergence d’une dramaturgie nationale et de remise en question de l’institution théâtrale[4], il participe avec Louisette Dussault, Odette Gagnon, Jean-Claude Germain, Nicole Leblanc, Gilles Renaud et Monique Rioux à la fondation du Théâtre du même nom (TMN)[5] qui marquera les mémoires.

Implication dans le milieu théâtral québécois

Au début des années 1970, il est membre de l’exécutif de l’Association québécoise du jeune théâtre (1970-1972)[6],[7] et du Centre des auteurs dramatiques (1970-1974)[8],[9]. En 1975, une bourse du Conseil des arts du Canada, dont il est le plus jeune récipiendaire [10], l'amène à se familiariser avec le fonctionnement de diverses compagnies théâtrales en pays socialistes : Allemagne de l’Est, Bulgarie, Hongrie, Pologne, Russie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, ainsi qu’au Japon. À cette époque, les contacts des gens de théâtre du Québec à l'étranger se portent essentiellement vers la France[11].

En 1978, il accompagne le processus de transition à la scène d’un texte poétique de Denise Boucher, dont il signe la mise en scène. Les fées ont soif avant même sa création se voit propulsé au premier rang de l'actualité. Ce spectacle divisera l'opinion publique ainsi que les pouvoirs politiques et cléricaux[12],[13] en remettant en question l'ordre établi et le rôle historique des femmes dans une théâtralisation consciemment provocatrice[14]. Le fait que le spectacle soit produit par le Théâtre du Nouveau Monde lui permet d’être présenté devant de larges auditoires. De fait, Les fées ont soif est vu par une assistance record [15] et connaît d'importants prolongements publics et médiatiques[16] alors que sa présentation même est contestée, en vain, devant les tribunaux par des groupes religieux [17],[18]. Dans l'histoire contemporaine du Québec, pratiquement seules Les Belles-sœurs de Michel Tremblay auront atteint un statut comparable. À l’instar de la dramaturgie de Tremblay, ce spectacle aura contribué, à sa manière, à l'avancement des idées et des mentalités au Québec[19]

De 1978 à 1989, Jean-Luc Bastien préside aux destinées de la Nouvelle compagnie théâtrale, d'abord à titre d'administrateur (et, de 1978 à 1982, comme directeur de la Salle Fred-Barry, laquelle se destine à la création québécoise[20]), puis, de 1982 à 1989, en tant que directeur général et artistique[21],[22] où il succède à Gilles Pelletier. Il est co-auteur de l'ouvrage La Nouvelle Compagnie théâtrale. En scène depuis 25 ans[23] qui obtient, en 1989, le Prix Ann Saddlemyer de l'Association canadienne de la recherche théâtrale[24].

Jean-Luc Bastien participe aux travaux de l’Association des directeurs de théâtre (1982-1984)[25],[26], et des Théâtres associés (1984-1989)[27].  Lors de la fondation du Conseil québécois du théâtre, il en est le tout premier président (1983-1986)[28], et s’implique dans de nombreux comités, dont celui sur la formation en art dramatique[29]. Durant la décennie suivante, il œuvre activement au sein du Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal (CACUM) dont il devient le vice-président de 1990 à 1997[1] et où il milite pour une meilleure reconnaissance des compagnies de création. Membre de l’Académie québécoise du théâtre dès sa fondation en 1993, il participe à de nombreux jurys et en assume la direction générale de 2002 à 2004. En 2012, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) crée le fonds Jean-Luc Bastien, eu égard à l’importance de son apport à la création de la dramaturgie québécoise[30].

Selon Claire Dé, Jean-Luc Bastien est « à l'aise dans le répertoire tant classique que contemporain, aussi efficace dans l'intime que dans les scènes de groupe, doté d'un sixième sens festif, il a su allier dans son art rigueur et fantaisie[31] ».

Enseignement

Comme praticien, il réalise un important travail d'animation en région (avec l'Association québécoise du jeune théâtre, puis avec le Théâtre populaire d'Alma[32], le Festival du théâtre étudiant du Québec au Lac‐Mégantic et enfin avec le Théâtre populaire du Québec). Cette dimension pédagogique trouve ensuite son accomplissement le plus significatif au Collège Lionel-Groulx, où il enseigne durant trente et un ans à l’Option-Théâtre[33], recruté en 1969 par son fondateur, Jean-Robert Rémillard. D'un statut marginal à sa fondation, l'Option-Théâtre acquiert une importance grandissante au fil des ans[34]. Lorsqu'il en quitte la direction, en 1995, elle est devenue le plus important secteur d'activités de ce cégep auquel s'ajoute le théâtre musical en 2002. Il dirige  la Section interprétation (1971-1972), puis le Département théâtre (1972-1995), où il fait une large place à la commande d’œuvres originales auprès d’auteurs québécois. Il se retire de l'enseignement en 2000. Sous son directorat, des centaines d'étudiants et d'étudiantes en interprétation et en production sont formés et font carrière[35].

Jeu

Mise en scène

Productions de divers théâtres
  • 1969 : Évolution 1 et Évolution 2 (créations collectives), Jeune Théâtre de Chicoutimi, Festival Carrefour Acta ’69 à Vaudreuil.
  • 1969 : L’Arme au poing ou Larme à l’œil de Dominique de Pasquale, Théâtre populaire d’Alma, festival carrefour Acta ’69 à Vaudreuil et festival Mondial du Théâtre Amateur à Monaco [37].
  • 1970 : Le Mariage de Witold Gombrowicz, Théâtre populaire d’Alma et Festival Carrefour Acta ‘70 à Vaudreuil.
  • 1971 : Le monde est une machine qui marche bien de Denis St-Denys, Jeunes Théâtres du Centre national des Arts, Ottawa.
  • 1971: Quatre quatre quatre (création collective), La Boite à Clémence, Montréal.
  • 1971 : Panneaux réclames de Michèle Lalonde, Festival Québec ’71, Toronto.
  • 1971 : Les vacances c’est rien qu’dans tête (huit pièces en un acte de Jean Barbeau, Sophie Clément, Raôul Duguay, Michel Garneau, Robert Gurik, Alain Pontaut, Jacques Thisdale, Michel Tremblay), Théâtre populaire du Québec en tournée.
  • 1971 : Les Péripéties du sous-marin Ouankankoukan de Monique Rioux, Théâtre populaire du Québec en tournée.
  • 1972 : Sur le matelas[38] de Michel Garneau, Théâtre du Galendor, Île d’Orléans.
  • 1972 : Elle s’appelait Création (création collective, écriture Odette Gagnon), Festival du Théâtre étudiant du Québec au Lac-Mégantic.
  • 1974 : Salut Galarneau ! de Jacques Godbout, adaptation Denis Chouinard, Théâtre du Trident, Québec.
  • 1978 : Encore un peu de Serge Mercier, Théâtre de Sherbrooke.
  • 1981 : Coup de sang de Jean Daigle, Théâtre du Trident, Québec.
  • 1981 : Les Dernières Chaleurs et Transport en commun de Louise Roy et Michel Chevrier, Théâtre des Voyagements, Montréal et Théâtre du Chenal-du-Moine, Sorel.
  • 1981 : Vingt-sept remorques pleines de coton de Tennessee Williams, Café-Théâtre Nelligan, Montréal.
  • 1990 : On ne badine pas avec Musset (d’après Alfred de Musset), Théâtre de l’Opsis, Maison de la culture Frontenac, Montréal.
  • 1997 : Les Repentirs (Extraits d'auteurs), Théâtre de l’Opsis, Théâtre de la Bibliothèque, Montréal.

Productions du Théâtre du Nouveau Monde

1978 : Les fées ont soif de Denise Boucher, création au Théâtre du Nouveau Monde suivie d'une tournée avec les Productions Frank Furtado.

1980 : Victor ou les Enfants au pouvoir 35 de Roger Vitrac.

1982 : Fêtes d’automne de Normand Chaurette.

Productions de la Nouvelle compagnie théâtrale -Théâtre Denise-Pelletier
Productions de l'Atelier de Théâtre et de l'Option-Théâtre du Collège Lionel-Groulx
Mise en lecture de pièces québécoises
  • 1969 : Le Lotus des bouches cousues de Louise Larose, Théâtre du Gésu, Montréal.
  • 1971 : Les Maquerelles de Gaby Déziel-Huppé, Centre national des Arts, Ottawa et Salle St-Sulpice, Montréal.
Tournées de lectures de pièces québécoises du Centre [d’essai] des auteurs dramatiques en France et en Suisse

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Luc Bastien et Pierre MacDuffLa Nouvelle Compagnie théâtrale : En scène depuis 25 ans. Montréal: VLB Éditeur, 1988, 315 p. ill.

Fonds

Fonds Jean-Luc Bastien à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec portant sur sa vie professionnelle et plus particulièrement sur les étapes de production de pièces de théâtre. Le fonds compte cinq séries : l'homme, le comédien et animateur, le metteur en scène, l'enseignant, le conférencier. Le fonds a été remis par Jean-Luc Bastien en [30].

Entrevue

50 ans de jeunesse - Entrevue avec Jean-Luc Bastien, directeur artistique de la NCT (1982-1989), réalisée à l'automne 2014 à l'occasion du cinquantenaire de la Nouvelle Compagnie théâtrale / Théâtre Denise-Pelletier https://vimeo.com/89922630

Notes et références

  1. Cahiers de théâtre Jeu, Dictionnaire des artistes du théâtre québécois, Montréal (Québec), Québec-Amérique, 4e trimestre 2008, 422 p. (ISBN 978-2-7644-0621-2), p. 34.
  2. « École nationale de théâtre - Diplômés et finissants », sur École nationale de théâtre du Canada
  3. Hélène Beauchamp-Rank, Centre de recherches en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa, Le Théâtre canadien-français : Archives des lettres canadiennes, t. V, Montréal, Fides, , 1005 p. (ISBN 0-7755-0583-8), « Témoignages sur le théâtre québécois », p. 920.
  4. Michel Bélair, Le Nouveau Théâtre québécois, Les Éditions Leméac, , 205 p., pp. 28-32, 68-75.
  5. « Le TMN vieux liquider le "vieux stock" », La Presse, , p. 32 (lire en ligne)
  6. Martial Dassylva, « Programmes de l'AQJT et du Centre d'essai », La Presse, , E 3 (lire en ligne)
  7. Hélène Beauchamp, « Traces/1967-1972 », Cahiers de théâtre jeu, no 15, , p. 59-73. (ISSN 0382-0335)
  8. Martial Dassylva, « Oui, ça bouge au Centre d'essai ! », La Presse, , D 4 (lire en ligne)
  9. Martial Dassylva, « Au Centre d'essai, un nouveau président et des ateliers de création », La Presse, , A 13 (lire en ligne)
  10. Marie Josée Bourgeois, « Jean-Luc Bastien, né Jean-Luc Tétreault : fils de commerçant et homme de théâtre », Association des descendants de Louis Tetreau / Les Tétreau disent..., vol. 20, no 1, , p. 19
  11. Sylvain Schryburt, De l'acteur vedette au théâtre de Festival : Histoire des pratiques scéniques montréalaises 1940-1980, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 3e trimestre 2011, 400 p. (ISBN 978-2-7606-2240-1), p. 99-100
  12. Jules Béliveau, « Pour protester contre "Les fées ont soif" on récitera le chapelet aux abords du TNM », La Presse, , H 28 (lire en ligne)
  13. Jules Béliveau, « Le prélat dénonce les "Fées" / Les Fées ont soif: mépris et vulgarité, juge Mgr Grégoire », La Presse, , A1 et A3 (lire en ligne)
  14. Caroline Barrett et Denys Saint-Jacques, « Les Fées ont soif », Lettres québécoises : la revue de l'actualité littéraire, no 13, , p. 4-6.
  15. Martial Dassylva, « Théâtre / La semaine : Du côté du TNM », La Presse, (lire en ligne)
  16. « Les arts à l'index : Fées ou démons? », sur Radio-Canada,
  17. « Les fées ont soif et la censure », Tout le monde en parlait, sur Ici.tou.tv,
  18. « Déjà douze mille signatures contre "les Fées ont soif" », La Presse, , A 6 (lire en ligne)
  19. Denise Beaudoin, « "Les fées ont soif" », Cahiers de théâtre jeu, no 12, , p. 185-186. (ISSN 0382-0335)
  20. Diane Cotnoir et Pierre Rousseau, Fred-Barry : À propos d’une salle, Montréal, Les Cahiers de théâtre jeu (no 12), , 272 p. (ISSN 0382-0335), p. 118-123.
  21. Martial Dassylva, « Jean-Luc Bastien à la direction de la NCT Une succession sans remous », La Presse, , C 1 (lire en ligne)
  22. Dominique Lafon, Le Théâtre québécois, 1975-1995, t. 10, Fides, coll. « Archives des lettres canadiennes », , 523 p. (lire en ligne), p. 28.
  23. Jean-Luc Bastien et Pierre MacDuff, La Nouvelle Compagnie théâtrale : En scène depuis 25 ans., Montréal, VLB Éditeur, , 315 p. (ISBN 2-89005-321-0)
  24. « Ann Saddlemyer Award/ Le Prix Ann Saddlemyer », sur L'Association canadienne de la recherche théâtrale
  25. Martial Dassylva, « Directeurs de théâtre: Palomino réélue », La Presse, , B 7 (lire en ligne)
  26. Jean-Pierre Bonhomme, « Avec ou sans arbres: Worms livre la marchandise promise », La Presse, , C 2 (lire en ligne)
  27. Raymond Bernatchez, « Onze compagnies de théâtre se regroupent », La Presse, , B 2 (lire en ligne)
  28. « Le CQT souffle ses 25 bougies ! », sur Conseil québécois du théâtre,
  29. Propos recueillis par Lorraine Hébert, « Les écoles de théâtre au Québec, mûres pour une réforme?  Table ronde avec des formateurs », Cahiers de théâtre jeu, no 33, , p. 174-192 (ISSN 0382-0335)
  30. « Description du Fonds Jean-Luc Bastien », sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec,
  31. Michel Vaïs (dir.), Dictionnaire des artistes du théâtre québécois, Montréal, Québec Amérique, , 422 p. (ISBN 978-2-7644-0621-2 et 2764406215, OCLC 191759798, lire en ligne), p. 35
  32. « Théâtre populaire d'Alma », sur Société d'histoire du Lac-St-Jean
  33. Marie-Josée Lanoix, L'Option-théâtre du Cégep Lionel-Groulx, 1968-1998 : Les Enjeux d'une formation professionnelle dans le réseau public, Sainte-Thérèse, Presses collégiales, , 168. p., pp. 109-112.
  34. « Option-Théâtre, Présentation de l’École professionnelle de théâtre », sur Collège Lionel-Groulx
  35. « Option-Théâtre, les diplômés », sur Collège Lionel-Groulx
  36. « Cycle Tchékhov », sur Théâtre de l'Opsis
  37. Martial Dassylva, « Monaco 69 : bilan d'un festival "très de bon goût" », La Presse, , p. 38 (lire en ligne)
  38. Martial Dassylva, « "Sur le matelas" une pièce d'été jouée à l'automne », La Presse, , E 6 (lire en ligne)
  39. Martial Dassylva, « Introduction à la vie théâtrale pour mousses grouillants », La Presse, , D 10 (lire en ligne)
  40. Martial Dassylva, « Le Centre d'essai ira en France à la fin d octobre », La Presse, , B 9 (lire en ligne)
  41. Paul Lefebvre, « Ils étaient venus pour… : la tournée européenne du C.E.A.D. », Cahiers de théâtre jeu, , p. 71-83 (ISSN 0382-0335)
  42. Martial Dassylva, « En janvier prochain Lectures/spectacles du Centre d'essai des auteurs dramatiques en France et en Suisse », La Presse, , B 1 (lire en ligne)
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