Institut Momentum
L'Institut Momentum est un laboratoire d’idées et de prospective français créé en 2011 sous la forme juridique d'une association à l'initiative d'Agnès Sinaï. Il est consacré aux problématiques relatives à l'Anthropocène, aux politiques de décroissance, au risque d'effondrement et à la collapsologie. Après avoir été présidé de 2014 à 2021 par Yves Cochet, ancien ministre de l'environnement, député français et député européen[1], Agnès Sinaï est élue présidente en 2021.
Histoire
L'institut est fondé en par Agnès Sinaï, une journaliste environnementale, enseignante à Sciences Po Paris. Elle est notamment directrice des ouvrages Penser la décroissance: politiques de l'anthropocène[2], Economie de l'après croissance (2015) et Gouverner la décroissance (2017) co-dirigé par Mathilde Szuba, soit les trois tomes des Politiques de l'anthropocène publiés par les Presses de Sciences Po. Ces ouvrages résultent des séminaires organisés par l'Institut Momentum depuis ses débuts. Ce dernier réunit des chercheurs, des journalistes, des ingénieurs et des acteurs associatifs et d'un noyau dur de co-fondateurs composés de personnalités telles qu'Yves Cochet (ancien ministre de l'environnement) et Philippe Bihouix[3]. L'institut se constitue comme association loi de 1901 avec un conseil d'administration de 10 personnes et un bureau de 4 personnes[1].
Thèmes de travail
L'Institut se consacre aux problématiques relatives à l'anthropocène, aux politiques de décroissance et à la collapsologie, et en particulier au thème de l'effondrement de la civilisation thermo-industrielle et à ses antidotes. Cet « effondrement » est défini par Yves Cochet comme : « le processus à l'issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi[4]. »
Comme l’indique son Manifeste rédigé en 2011 peu de temps après la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon[5], l’Institut Momentum cherche à construire et accompagner une compréhension scientifique et systémique mais aussi une représentation collective de l’« événement anthropocène ». Il se situe ainsi clairement dans la diversité des mouvements de la transition, sa spécificité consistant à explorer les conséquences concrètes de l’anthropocène dans ses dimensions économique, technologique, agricole, énergétique et psychologique.
Aux côtés d’autres structures françaises peut-être plus établies et institutionnelles, il a contribué depuis 2011, avec des moyens modestes, à créer une communauté de dialogue et de pensée autour des perspectives les plus catastrophiques de la trajectoire actuelle de nos sociétés thermo-industrielles en France. Ce focus a permis la constitution d’un véritable corpus transdisciplinaire qui peut aujourd’hui être mobilisé au service des autres acteurs de la transition.
Avec une approche de type catastrophisme éclairé[6], le think-tank cherche à explorer et préciser les champs de l'effondrement et de la collapsologie, qui ont été récemment portés à l'attention du grand-public francophone par Pablo Servigne (agronome, chercheur indépendant) et Raphaël Stevens (chercheur en résilience des systèmes socio-écologiques)[4] dans leur essai Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes (2015). L'institut porte et intègre la collapsologie, définie par Servigne comme : « un exercice transdisciplinaire faisant intervenir l’écologie, l’économie, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, la biophysique, la biogéographie, l’agriculture, la démographie, la politique, la géopolitique, l’archéologie, l’histoire, la futurologie, la santé, le droit et l’art. »[7]
L'Institut étudie dans le contexte de l'Anthropocène[8] les issues de la société industrielle et les transitions nécessaires (« vers un monde post-croissant, post-fossile et modifié par le climat »).
S'appuyant sur de nombreux travaux et rapport antérieurs (dont de A. Barnosky (2012)[9]) l'Institut étudie les solutions (disponibles ou à expérimenter) pour amortir les chocs que les sociétés post-carbone vont devoir affronter dont par exemple :
- famines induites par le manque de moyens de transport (dans un système alimentaire mondialisé et dépendant du fioul et de pesticides et engrais fabriqués à partir de pétrole) ; alors que les cultures alimentaires seront aussi confrontées aux sécheresses, inondations, maladies, espèces invasives, perte de diversité génétique, érosion, salinisation et autres dégradations des sols et régression des pollinisateurs.
- crise de la mobilité (sans énergies fossiles) alors qu'on se sera mal préparé à recherche des alternatives (traction animale, voile…)[10] ;
- crise de l'habitat, notamment mal préparé aux canicules, inondations, besoin d'agriculture urbaine, etc.[11] ;
- manque d'eau (potable ou non) dans un nombre croissant de régions[12] ;
- crises sanitaires[13] ;
- crise de la biodiversité et environnementale[14] ;
- crises socioculturelles et risques de conflits exacerbés par la fin du pétrole et la disparition des esclaves énergétiques ;
- flux croissants de réfugiés climatiques et économiques ;
… conduisant à un effondrement du monde thermo-industriel, c'est-à-dire le monde tel qu'il a été organisé autour des ressources fossiles — charbon, pétrole, gaz naturel puis l'uranium — et de la finance, un système qui a conduit à une double crise climatique et de la biodiversité[1]. Il cherche à identifier les freins et leviers des stratégies et politiques de résilience locales[15]. Les membres de l'Institut estiment que des seuils d'irréversibilité sont atteints en matière d'empreinte écologique et de surexploitation des ressources, et que l'humanité entière va en conséquence devoir faire face à une crise systémique. Cette crise sera majeure et inédite dans l'histoire de l'humanité, par son ampleur et sa durée, elle ne sera pas une crise passagère et ne permettra pas un retour à l'état antérieur. Cette crise systémique implique selon l'institut des mesures socio-économiques radicales et jamais tolérées auparavant, pouvant aboutir à un autre monde, mais devant faire abandonner l'espoir d’un retour à la normale une fois celle-ci passée, si l'humanité ne se fait pas disparaître elle-même avec de nombreuses autres espèces[16] (dans une planète-étuve par exemple).
La collapsologie introduite par Pablo Servigne et Raphaël Stevens en 2015 est une notion qui entre dans le champ des travaux de l'institut. Pablo Servigne a notamment publié avec Agnès Sinaï et Yves Cochet une tribune dans le journal Le Monde et se présente comme un membre de l'institut Momentum[17].
Pistes de recherche
Biorégionalisme de l'Institut Momentum
L'institut Momentum réfléchit à une organisation politique qui serait à la fois résiliente, démocratique et conviviale dans un monde qui ferait face à des grandes catastrophes. Ces travaux ont abouti à un scénario décrivant la situation de l'Île-de-France en 2050, organisée en biorégions, rédigé par Benoît Thévard, Agnès Sinaï et Yves Cochet[18],[19]. Commandé par le Forum Vie Mobile, ce rapport est adapté afin de paraître dans un ouvrage aux éditions Wildproject (Marseille) en septembre 2020[20]. Il a été discuté dans divers médias selon avec des approches très différentes : certains présentent avec intérêt le scénario tandis que d'autres le critiquent[18],[21],[22],[23],[24]. La réflexion sur le biorégionalisme continue au sein des séminaires mensuels[25].
Habitats autonomes
Plusieurs séminaires portent sur les modes de vie autonomes, résilients, bas-carbones, low tech et conviviaux[26]. Un travail approfondi a été fourni sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes qui semblerait fournir pour l'Institut un exemple à répliquer, ou du moins un cas d'étude très intéressant[11],[27].
Réparation du monde et préparation à l'effondrement
En 2020, l'institut Momentum a décidé de travailler sur « les voies réparation d’un monde dégradé et sur la préparation à l’effondrement »[28]. Pour cela, de nombreux séminaires sont organisés sur des sujets aussi variés que les infrastructures et institutions réparatrices, l'éthique de l'engagement, la sécurité, l'effondrement de la biodiversité et la théologie de l'effondrement[28],[29].
Publications
On retrouve sur le site de l'institut Momentum[29], les résumés substantiels de chacun des soixante-quinze séminaires et plus de recherche qui se sont tenus depuis neuf ans. Parmi les principales publications figurent les ouvrages coordonnés par Agnès Sinaï publiés aux Presses de Sciences Po :
- Agnès Sinaï (dir.), Penser la décroissance / Politiques de l'Anthopocène, Paris, 2013
- Agnès Sinaï (dir.), Économie de l'après-croissance / Politiques de l'Anthropocène II, Paris, 2015
- Agnès Sinaï et Mathide Szuba (dir.), Gouverner la décroissance / Politiques de l'Anthropocène III, Paris, 2017
Ainsi qu'un ouvrage destiné aux collectivités locales :
- Agnès Sinaï, Raphaël Stevens, Hugo Carton, Pablo Servigne, Petit traité de résilience locale, Éditions Charles Léopold Mayer, Paris, 2015
Et un rapport commandé par le laboratoire d'idées de la SNCF et son adaptation :
- Yves Cochet, Agnès Sinaï, Benoit Thévard, Biorégion Île-de-France 2050, Paris, 2019
- Yves Cochet, Agnès Sinaï, Benoit Thévard, Le Grand Paris après l'effondrement : piste pour la biorégion Île-de-France, Marseille, Wildproject, 2020.
Séminaires de personnalités
Ci-dessous, une liste non exhaustive de personnalités ayant tenu au moins un séminaire à l'Institut Momentum[29] :
Notes et références
- « Qui sommes-nous ? », sur Institut Momentum (consulté le ).
- Sinaï A (2013) Penser la décroissance: politiques de l'anthropocène. Presses de Sciences Po.
- « Institut Momentum – L'Anthropocène » (consulté le ).
- Beaudonnet L. (2018), article intitulé « La fin est proche : Qu'est-ce que la collapsologie, la “science” qui prédit l’effondrement du monde? APOCOLLAPSE NOW (1/7) » publié par le journal 20 Minutes, le .
- Sonya Faure, « Collapsologie [nom] : du latin, collapsus, “tombé d’un seul bloc” », Libération.fr, (lire en ligne).
- Catastrophisme éclairé : thème développé par Jean-Pierre Dupuy, selon lequel pour bien réagir psychologiquement et collectivement face à la crise planétaire annoncée par de nombreux rapports et prospectivistes, il faut refuser le déni et de se baser sur les faits et la science pour se préparer à vivre la catastrophe au mieux, puis y être résilient dans la mesure du possible.
- Pablo Servigne et Raphaël Stevens, « La collapsologie avance… », sur collapsologie.fr (consulté le ).
- Bonneuil C. (2014) « L’Anthropocène et ses lectures politiques », Les Possibles, 3, 1-7.
- Barnosky, A. & al. (2012) “Approaching a State Shift in Earth/’s Biosphere.”| Nature| 486 (7401): 52–58.
- « En charge ! Mirages et miracles de l'électro-mobilité », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- « A propos de la ZAD et de l'Etat, ou de l'urgente nécessité de vivre autrement, partout », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- « Résilience du système d'eau potable en cas de perturbation systémique », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- « La pandémie de covid-19 : une histoire de cloches, de marteaux et de clous », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- « Scénarios face aux effondrements du vivant », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- Carton H., Sinaï A. & Thévard B. (2012) « Freins et leviers des politiques de résilience locale en Europe ». Institut Momentum.
- Analyse commentée par Olivier Vermeulen de : Agnès Sinaï, Raphaël Stevens, Hugo Carton et Pablo Servigne (2016), Petit traité de résilience locale. Paris, Charles Léopold Mayer/ECLM, coll. « Momentum », 2015, 116 p. (ISBN 9782843771866).
- « « Face à l’effondrement, il faut mettre en œuvre une nouvelle organisation sociale et culturelle » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- « L'Île-de-France va s'effondrer... et la vie y sera belle », sur Reporterre, le quotidien de l'écologie (consulté le ).
- « Biorégion 2050. L'Ile-de-France après l'effondrement : le rapport intégral », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- « Le Grand Paris après l'effondrement. Pistes pour une Ile-de-France biorégionale », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- Marion Cocquet, « « Après l'effondrement » : quand la SNCF demande conseil aux collapsologues », sur Le Point, (consulté le ).
- « Biorégion 2050 : L’île-de-France après l’effondrement », sur Demain La Ville - Bouygues Immobilier, (consulté le ).
- Aude Massiot, « Ile-de-France 2050 : après l’effondrement, le nouveau visage de la capitale », sur liberation.fr, (consulté le ).
- « La décroissance : scénario pour une transition écologique réussie ? », sur France Culture, (consulté le ).
- « Gouvernement des biorégions : de l'hospitalité au temps des catastrophes », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- « Habiter l'effondrement. Les poétiques de l'autonomie », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- « Le rôle des attracteurs dans l’effondrement des systèmes complexes. Vers la radicalisation des formes de luttes (ZAD, Extinction Rebellion) », sur Institut Momentum, (consulté le ).
- « Agenda », sur Institut Momentum (consulté le ).
- « Les séminaires », sur Institut Momentum (consulté le ).
Voir aussi
Articles connexes
Lien externe
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