Dans l'antre du roi de la montagne
Dans l'antre du roi de la montagne (en norvégien : I Dovregubbens hall) est un extrait de la musique de scène, no 7 de l'op. 23, qu'Edvard Grieg composa en 1874 pour la pièce de théâtre Peer Gynt, écrite par l'auteur norvégien Henrik Ibsen en 1867, et jouée pour la première fois à Christiania (actuel Oslo) le [1]. Le compositeur sélectionnera plus tard cette pièce en si mineur, notée 4/4, Alla marcia e molto marcato (à la façon d'une marche et très martelé), puis più vivo (plus rapide) et enfin stringendo al fine (accélérer jusqu'à la fin), pour constituer le mouvement final de la première de deux suites, op. 46 pour orchestre symphonique assemblées en 1888 et en 1891.
Dans ses péripéties à travers le monde, Peer Gynt est un personnage à la recherche d'aventure et d'amour. Encore en Norvège, après avoir fui son village et ayant séduit l'une des filles du légendaire roi des montagnes de Dovre, il se retrouve dans un monde de gnomes, de trolls et de démons. Sa vie étant en danger, il est à nouveau forcé de s'enfuir. Dans l'antre du roi de la montagne, introduction avec chœur et danse de la sixième scène au milieu de l'acte deux, décrit musicalement pendant environ trois minutes cette situation.
Thème, structure et orchestration
Premières mesures, base thématique de toute l'œuvre (a1)
Écrit dans la tonalité de si mineur, l'unique thème est composé de trois phrases de huit mesures très semblables, elles-mêmes divisées en deux séquences de quatre mesures presque identiques subdivisées en deux mesures très proches. Cet ensemble de vingt-quatre mesures est répété deux fois in extenso, les variations se trouvant dans l'orchestration et l'accompagnement, particulièrement dans l'ornementation des contretemps. La coda qui suit est basée sur la formule cadencielle finale du thème.
Si la facture du thème et son agencement semblent simples — ce sont souvent les plus difficiles à réaliser — l'utilisation de l'orchestre symphonique par Grieg est redoutablement efficace et descriptive, semblant parfois marquer les pas précautionneux de Peer, les poursuites endiablées des gnomes et des trolls, et pour finir, la course effrénée et libératrice de Peer hors de la grotte.
Instrumentation de Dans l'antre du roi de la montagne |
Cordes |
premiers violons, seconds violons, altos, |
Bois |
1 piccolo, 2 flûtes,
2 hautbois, 2 clarinettes en la, 2 bassons |
Cuivres |
4 cors,
2 trompettes en mi, 2 trombones, 1 trombone basse, 1 tuba |
Percussions |
2 timbales, |
Les variations ne sont pas mélodiques, mais basées sur les changements :
- de nuances : tout au long de la pièce, l’intensité augmente progressivement sous forme d'un crescendo gigantesque du pianissimo initial au fortississimo final.
- de registres : le thème est joué d'abord par les instruments les plus graves (contrebasses, violoncelles et bassons), puis dans le médium (violons, petits bois) et enfin finir dans le registre aigu, voire suraigu pour les premiers violons.
- d'orchestration : l'entrée des instruments est progressive, seuls quelques-uns illustrent le thème au départ pour finir par un tutti d’orchestre large et généreux.
- de timbres : les couleurs sont données par les différentes sonorités instrumentales, leurs alternances ou leurs combinaisons (violoncelles et contrebasses en pizzicato/bassons ; violons/clarinettes et hautbois…)
- de tempo : le thème est joué accelerando, de plus en plus rapidement.
Après une tenue de la dominante (fa♯) jouée à l'octave par deux des quatre cors, la première exposition du thème (A1) commence dans les registres des instruments les plus graves de l'orchestre : d'abord les violoncelles et les contrebasses à l'octave inférieure en pizzicatos — a1 terminant dans la gamme relative (ré majeur) — puis par les deux bassons, toujours en jeu d'octave et en staccato (a'1). L'alternance violoncelles et contrebasses/bassons se poursuit (a2 et a'2), la mélodie se présentant en majeur dans la tonalité de la dominante (fa♯) et un chromatisme ascendant puis descendant. Retour de la première formule (a1), puis les bassons reprennent, mais terminent dans la tonalité principale (si mineur) (a3).
La deuxième exposition (A2) fait entendre elle aussi une alternance instrumentale, mais cette fois entre les premiers et les deuxièmes violons jouant à l'octave, et le premier hautbois et la première clarinette, jouant également à l'octave (tous les b). L'accompagnement s'enrichit de contretemps sur divers instruments, les altos les jouant ornés soit en mordants inférieurs (b1 et b2) soit en gruppettos (quintolet de doubles-croches) (b'1 et b'2) et repris par la suite par les violons et les violoncelles (b3).
Temps et contretemps à l'octave des violoncelles et contrebasses et, au-dessus,
Le thème de la dernière exposition est joué fortissimo uniquement par les deux voix de violons et les altos sur trois octaves et en trémolos de doubles-croches, les violoncelles/contrebasses scandant quatre croches descendantes de la tonique à la dominante des différentes tonalités abordées. Tous les bois (piccolo, flûtes, hautbois, clarinette et basson) sont en contretemps de mordants inférieurs, cuivres et percussions renforçant tantôt les temps, tantôt les contretemps et même parfois les trompettes et les cors doublant le thème des violons (fin de c2 et de c'2). Au début de cette dernière partie est indiqué un Più vivo (plus vite) (c1), le stringendo al fine (accélérer jusqu'à la fin) n'étant indiqué qu'à la reprise du premier motif (deuxième c1). Afin d'augmenter l'effet dramatique de cette pièce, beaucoup de chefs d'orchestre commencent cet accéléré très tôt dans la partition, souvent au début de la deuxième exposition (A2).
Pour terminer, la coda alterne les temps/contretemps empruntés à l'accompagnement, des silences lourds et pesants et la formule cadencielle finale du thème (c3).
Début de la Coda avec chœur d'hommes, psalmodiant « Tuez-le, tuez-le ! »
Dans la dernière exposition du thème (A2) et dans la coda, pour sa musique de scène, Grieg a ajouté un chœur d'hommes (basses et ténors) représentant « les trolls, les plus vieux chantant, les plus jeunes dansant, s'accompagnant de gestes menaçants envers Peer. » « Tuez-le, tuez-le ! » psalmodient-ils ensemble, certains proposant de le cuire à petit feu, d'autres de lui couper les doigts ou encore de le mordre à la cuisse.
Paroles de la chanson dans Peer Gynt
(Les troll-courtisans): |
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Utilisation dans la culture populaire
Dans l'antre du roi de la montagne est une des œuvres les plus reprises et les plus enregistrées dans tous les genres et dans tous les styles. Beaucoup d'orchestres classiques l'ont à leur répertoire et même dans leur discographie. Des créateurs de tous les domaines ont utilisé cette musique, au cinéma, dans des dessins animés, des jeux vidéo, des spectacles ou des publicités. Les transcriptions sont innombrables, allant de la simple adaptation pour le piano ou la guitare jusqu'aux arrangements pour toutes sortes de groupes : rock, pop ou metal.
Dans M le maudit réalisé par Fritz Lang en 1931, le tueur est reconnu par son sifflement de Dans l'antre du roi de la montagne d'Edvard Grieg (c'est Fritz Lang lui-même qui double l'acteur Peter Lorre dans la BO)[2].
En 2006, elle est utilisée dans une scène du film Poultrygeist: Night of the Chicken Dead, puis dans les bandes originales de Scoop de Woody Allen (2006) et Hanna de Joe Wright (2011).
Dans la série télévisée Arrow (Saison 3 - Épisode 1), Zytle siffle l'air juste avant de lancer une grenade dans le restaurant où Oliver et Felicity ont leur rendez-vous. Le titre de l'épisode 12 de la saison 2 de Mad Men est Dans l'antre du roi de la montagne (The Mountain King).
En 2010, David Fincher l'utilise durant une compétition de pagaie des frères Winklevoss pour le film The Social Network.
En 2012, on en trouve un remix électro par Christophe Van Huffel dans le film Les Mouvements du bassin d'HPG, intitulé Mixpeergynt.
En 2015, elle sert de sonnerie de téléphone à Vincent Lacoste dans le long métrage Lolo, et des variations sur cet air ponctuent ce même film.
En 2016, elle sert de base à la chanson Hair Up, dans le film Les Trolls.
En 2016, elle est utilisée dans le challenge final du jeu The Witness (jeu vidéo, 2016) créé par Jonathan Blow.
En 2018, elle est utilisée dans un spot vidéo visant à promouvoir l'extension Battle for Azeroth, du jeu World of Warcraft.
En 2021, le groupe « The Offspring » la reprend en version rock pour son album « Let the bad time roll »
On la retrouve également au début de l'épisode 6 de la saison 1 de Dirk Gently, détective holistique quand Zackariah Webb travaille dans son laboratoire.
On retrouve ce morceau aussi dans la serie Mad Men[réf. nécessaire].
Bibliographie
- Henrik Ibsen, Peer Gynt, Éditions théâtrales, 1997 (ISBN 2-84260-006-1)
Articles connexes
Références
- Texte intégral en français de Peer Gynt (PDF)
- M le maudit, commentaires par Mireille Kentzinger.
Liens externes
- Ressources relatives à la musique :
Partitions libres
- Peer Gynt, musique de scène, réduction pour piano, partitions libres sur l’International Music Score Library Project.
- Peer Gynt, Suite n°1, Op.46/4, partitions libres sur l’International Music Score Library Project.
- Peer Gynt, Suite n°2, Op.55/4, partitions libres sur l’International Music Score Library Project.
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