Histoire de la monnaie au Japon
L'histoire de la monnaie au Japon commence avec le premier système monétaire formel qu'est le Kōchōsen (皇朝銭), « monnaie impériale »), illustré par l'adoption du premier type de pièce officielle du Japon, le wadōkaichin[2]. Elle est frappée pour la première fois en 708 sur ordre de l'impératrice Gemmei, 43e empereur du Japon[2]. Wadōkaichin est la lecture des quatre caractères gravés sur la pièce et passe pour être composés du nom de l'ère Wadō (和銅, « cuivre japonais ») qui peut alternativement signifier « bonheur », et kaichin qui aurait un rapport avec « monnaie »[1]. Cette monnaie est inspirée par la monnaie Tang (唐銭) appelée kaigentsūhō (chinois 開元通宝, Kai Yuan Tong Bao), émise pour la première fois à Chang'an en 621[1]. Le wadōkaichin possède les mêmes spécifications que la pièce chinoise, avec un diamètre de 2,4 cm et un poids de 3,75 g[1].
Réforme de la monnaie (760)
Le wadōkaichin s'avilit bientôt tandis que le gouvernement émet rapidement des pièces avec une teneur métallique progressivement plus faible et que des imitations locales prospèrent[1]. En 760 est mise en œuvre une reforme par laquelle une nouvelle pièce de cuivre appelée mannentsūhō (万年通寶) vaut 10 fois la valeur de l'ancienne wadōkaichin, ainsi qu'une nouvelle pièce d'argent appelée taiheigenbō (大平元寶) d'une valeur de dix pièces de cuivre et enfin une nouvelle pièce d'or appelée kaikishōhō (開基勝寶) d'une valeur de dix pièces d'argent[1].
La frappe d'argent est vite abandonnée cependant mais la frappe de cuivre se poursuit tout au long de l'époque de Nara[2]. Divers types de pièces de monnaie sont connus, 12 types différents en tout, dont un type de pièce de monnaie en or[1].
Dernières émissions (958)
Le système monétaire japonais kōchōsen se déprécie fortement avec une baisse de son contenu métallique et de sa valeur. Vers le milieu du IXe siècle, la valeur en riz d'une pièce de monnaie tombe au 1/150e de sa valeur du début du VIIIe siècle.
À la fin du Xe siècle, la situation - aggravée par des faiblesses dans le système politique - entraîne l'abandon de la monnaie nationale, avec le retour au riz comme moyen de paiement[1]. La dernière émission de pièces de monnaie officielle japonaise a lieu en 958, avec des pièces de qualité très faibles appelées kangendaihō (乾元大寶) et qui tombent bientôt en désuétude[1].
Adoption de la monnaie chinoise (XIIe au XVIIe siècle)
Importation de monnaie chinoise
À partir du XIIe siècle, l'expansion du commerce et du troc souligne à nouveau la nécessité d'une monnaie unifiée. La monnaie chinoise en vient à être utilisée comme monnaie de référence du Japon pendant une période allant du XIIe au XVIIe siècle[1]. Les pièces sont obtenues de Chine par le commerce ou la piraterie wakō[1]. Les pièces sont aussi importées d'Annam (moderne Vietnam) et de Corée[1].
Imitations de la monnaie chinoise
Comme les pièces de monnaie chinoises ne sont pas en nombre suffisant alors que le commerce et l'économie se développent, des imitations locales japonaises de pièces chinoises sont frappées à partir du XIVe siècle, en particulier des imitations de pièces Ming, avec des noms inscrits identiques à ceux des pièces chinoises contemporaines[1]. Ces pièces sont considérées comme très faibles par rapport à la valeur des pièces de monnaie chinoises et plusieurs d'entre elles doivent être échangées pour une seule pièce de monnaie chinoise. Cette situation perdure jusqu'au début de l'époque d'Edo lorsqu'un nouveau système est mis en place.
- Seisō Genbō (聖宋元宝), imitation japonaise du type Song, XIVe au XVIIe siècle.
- Eiraku Tsūhō (永楽通宝); imitation japonaise du type Ming. XIVe au XVIIe siècle.
- Genpu Tsūhō (元富通宝); imitation japonaise. XIVe au XVIIe siècle.
Expérimentations locales (XVIe siècle)
La croissance de l'économie et du commerce signifie que la petite monnaie de cuivre devient insuffisante pour couvrir les montants échangés. Au cours de la période Sengoku, les caractéristiques du futur système de l'époque d'Edo commencent à apparaître. Les seigneurs locaux développent le commerce et abolissent les guildes monopolistiques, ce qui amène au besoin de grosses coupures de monnaie. Au XVIe siècle des expériences locales commencent à être réalisées avec des frappes de pièces de monnaie locales, parfois en or. Le clan Takeda de Kōshū en particulier frappe des pièces d'or qui sont ensuite adoptées par le shogunat Tokugawa[1].
Hideyoshi unifie le Japon et centralise en conséquence la plupart des émissions de grandes coupures de pièces de monnaie en argent et en or, mettant ainsi en place la base d'un système de monnaie unique. En 1588, Toyotomi développe la grande plaque ōban, également appelée « ōban Tenshō » (天正大判), prédécesseur de la monnaie en or Tokugawa[3].
Une pratique courante de cette période consiste également à fondre l'or dans des moules en cuivre pour plus de commodité, technique issue de la méthode de fabrication du sycee. Le résultat est appelé bundōkin (分銅金), dont il existe deux types, le petit kobundō (小分銅) et le grand ōbundō (大分銅). Un kobundō représente environ 373 g d'or[1].
- Kiritomoeban (桐巴判), XVIe siècle.
- Kobundō, « échelle de tortue paulownia » marque kiriki (亀甲桐), emblème nunome (布目).
- Kobundō, marque « fixée » Tei (定), emblème ishime (石目).
- Kobundō, marque kichi « bonheur » (吉), emblème nunome (布目).
- Un kobundō (小分銅), 95–97% d'or, « marque kiri paulownia » (桐), emblème kikubana (菊花), 373,11 g, Japan.
Monnaie des Tokugawa (XVIIe au XIXe siècle)
Le système monétaire Tokugawa est un système monétaire métallique unitaire et indépendant établi par le shogun Tokugawa Ieyasu en 1601 et qui reste en vigueur pendant toute l'ère Tokugawa, jusqu'à sa disparition en 1867[4].
À partir de 1601, la monnaie Tokugawa consiste en coupures d'or, d'argent et de bronze[4]. La valeur des coupures est fixe mais les taux fluctuent de fait sur le marché des changes[4]. Les Tokugawa commencent par frapper des pièces d'or et d'argent Keichō et les pièces de cuivre chinoises sont ensuite remplacées par les pièces kan’ei tsuho en 1670.
La matière première utilisée pour la monnaie provient des mines d'or et d'argent à travers le Japon. À cet effet, de nouvelles mines sont ouvertes et exploitées telles que la mine d'or de Sado et celle de Toi dans la péninsule d'Izu. En ce qui concerne les pièces de diamant, la pièce Kan'ei tsūhō (寛永通宝) remplace les pièces chinoises en circulation au Japon, ainsi que celles qui ont été frappées en privé, et devient le cours légal pour les petites coupures[1].
Les Yamada Hagaki, premiers billets du Japon, sont émis vers 1600 par des prêtres shinto travaillant aussi comme marchands au Ise-yamada (moderne préfecture de Mie), en échange d'argent[1]. Cette émission est antérieure aux premiers billets d'orfèvres émis en Angleterre vers 1640[1]. Le premier billet connu de l'ère féodale japonaise est émis par le clan Fukui en 1661. Au cours du XVIIe siècle, les domaines féodaux développent un système de billets féodaux, donnant valeur de monnaie aux billets émis par le seigneur du domaine en échange de la convertibilité en or, en argent ou en cuivre[1]. Le Japon combine ainsi les standards en or, en argent et en cuivre avec la circulation de papier monnaie[1].
La monnaie Tokugawa reste en usage durant toute la période d'isolement (sakoku), même si elle s'avilit progressivement avec les tentatives de résolution des déficits publics. La première dégradation de valeur est appelée « refonte Genroku » en 1695[1].
Monnaie du Bakumatsu (1854–1868)
Le système monétaire Tokugawa s'effondre à la suite de l'ouverture du Japon à l'Occident en 1854, tandis que les taux argent-or offrent d'énormes possibilités d'arbitrage aux étrangers, entraînant la perte de grandes quantités d'or à l'exportation.
L'arbitrage étranger conduit à un exode massif de l'or parce que celui-ci s'échange pour de l'argent au Japon avec un rapport de 1: 5 tandis que ce ratio est de 1:15 à l'étranger. En 1859, au cours de la période du bakumatsu, les dollars mexicains ont même le statut de monnaie au Japon en les frappant avec des marques en japonais et en officialisant leur taux de change à trois bu. Ils portent le nom Aratame Sanbu Sadame (改三分定, « Fixé à la valeur de trois bu »)[1].
Pendant ce temps, les gouvernements locaux émettent leur propre monnaie de façon anarchique de sorte que la masse monétaire de la nation s'accroît de 2 fois et demi entre 1859 et 1869, conduisant à l'effritement des valeurs monétaires et à une flambée des prix. Le système sera remplacé par un nouveau après la fin de la guerre de Boshin et avec l'apparition du gouvernement de Meiji en 1868[1].
Ère moderne : Yen japonais (1871 – présent)
Après 1868, un nouveau système de monnaie fondé sur le yen est progressivement établi sur le modèle occidental, système demeuré le système monétaire du Japon contemporain.
Immédiatement après la restauration de Meiji en 1868, la poursuite de la circulation des anciennes pièces d'or, argent et de cuivre ainsi que des billets féodaux est autorisée, conduisant à une grande confusion. En 1868, le gouvernement émet également des pièces de monnaie et des billets convertibles en or appelés daijōkansatsu (太政官札), libellés en ryō, ancienne unité monétaire de Yedo et des banques privées appelées Kawase Kaisha sont également autorisées à émettre leurs propres monnaies. Cette complexité et la contrefaçon généralisée de pièces d'or et de billets féodaux conduisent à une grande confusion[1].
Naissance du nouveau Yen : nouvelle loi sur la monnaie (1871)
Par la « Loi sur la nouvelle monnaie » de 1871, le Japon adopte l'étalon-or sur le modèle international, 1 yen correspondant à 1,5 g d'or pur. En 1872, le gouvernement de Meiji émet de nouveaux billets appelés Meiji Tsūhōsatsu (明治通宝札) imprimés en Allemagne[1].
Des pièces d'argent sont également frappées pour le commerce avec les pays asiatiques qui préfèrent l'argent comme monnaie, établissant ainsi de facto l'étalon-or[1].
Loi de la banque nationale (1872)
La loi sur la Banque nationale de 1872 conduit à la fondation de 4 banques entre 1873 et 1874, jusqu'à ce qu'il y ait plus de 153 bureaux ou agences à la fin de 1879. Les banques nationales émettent des billets convertibles de conception identique qui permettent le financement de l'industrie et remplacent progressivement les billets du gouvernement. En 1876, un amendement permet aux banques de rendre les billets pratiquement non convertibles. Ces billets nationaux imitent le dessin des billets de banque américains, bien que le nom de l'émetteur est différent pour chacun d'entre eux[1].
Une grave inflation se produit lors de la guerre civile de Seinan en 1877. la situation est contrôlé par la réduction des dépenses publiques et le retrait du papier-monnaie de la circulation. Pendant la guerre civile de Seinan, un type original de papier-monnaie est émis par le chef des rebelles, Saigō Takamori, afin de financer son effort de guerre[1].
En 1881, est émis le premier billet de banque japonais qui représente un portrait, celui de l'impératrice Jingū note (神功皇后札)[1].
Banque du Japon (1882)
Afin de régulariser l'émission de billets convertibles, une banque centrale, la Banque du Japon, est fondée en 1882. La banque stabilise la valeur de la monnaie en centralisant l'émission de billets convertibles. Les premiers billets de banque sont émis par la Banque du Japon en 1885. Appelés daikokusatsu (大黒札), ils sont convertibles en argent[1].
Après la dévaluation de l'argent et l'abandon de l'argent comme norme de devises par les puissances occidentales, le Japon adopte l'étalon-or par la « Loi sur la monnaie » de 1897. Le poids du yen est fixé à 0,75 g d'or pur et les billets de banque émis sont convertibles en or[1]. En 1899, les billets des banques nationales sont déclarés invalides, laissant la Banque du Japon seule émettrice de monnaie[1].
XXe siècle
Pendant la Première Guerre mondiale, le Japon interdit l'exportation de l'or en 1917 de même que de nombreux pays tels que les États-Unis. La convertibilité est de nouveau rétablie pour peu de temps en janvier 1930 puis abandonnée en 1931 lorsque la Grande-Bretagne abandonne l'étalon-or. La conversion des billets de banque en or est suspendue[1].
À partir de 1941, le Japon adopte officiellement un système de change dirigé et en 1942 la « Loi sur la Banque du Japon » supprime officiellement l'obligation de conversion[1].
En 1946, après la Seconde Guerre mondiale, le Japon annule l'ancienne monnaie (旧円券) et introduit le « Nouveau Yen » (新円券)[1]. Pendant ce temps, les forces d'occupation américaines utilisent un système parallèle appelé yen B de 1945 à 1958.
Depuis lors, avec l'expansion économique du Japon, le yen est devenu l'une des principales monnaies du monde[5].
Articles connexes
Notes et références
- , exposition permanente du musée de la monnaie de la banque du Japon (日本貨幣博物館)
- The Cambridge history of Japan: Heian Japan John Whitney Hall, Donald H. (Donald Howard) Shively, William H. McCullough p. 434
- The Cambridge History of Japan: Early modern Japan by John Whitney Hall p. 61
- Metzler p. 15
- The internationalization of currencies: an appraisal of the Japanese yen by George S. Tavlas, Yuzuru Ozeki p. 34
Bibliographie
- Mark Metzler, « Lever of empire: the international gold standard and the crisis of liberalism in prewar Japan », University of California Press, (ISBN 0-520-24420-6)
- Early Japanese Coins. David Hartill. (ISBN 978-0-7552-1365-8)
Source de la traduction
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Japanese currency » (voir la liste des auteurs).
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