Hérodiade

Hérodiade ou Hérodias (grec ancien: Ἡρῳδιάς) est une princesse juive, née dans les deux premières décennies avant notre ère.

Pour l'opéra de Massenet, voir Hérodiade (opéra).

Petite-fille d'Hérode le Grand par son père et descendante des Hasmonéens, elle est d'abord l'épouse d'un oncle appelé Hérode (mais que l'évangile selon Marc et l'évangile selon Matthieu appellent Philippe) avec lequel, suivant Flavius Josèphe, elle a pour enfant Salomé. Elle épouse ensuite Hérode Antipas, un autre de ses oncles, qui répudie la fille du roi de Pétra, Arétas IV, avec laquelle il était marié jusque-là. Les conditions de ce mariage provoquent un scandale parmi les Judéens et des tensions avec le royaume nabatéen, qui débouchent sur une déroute des armées d'Antipas (à proximité de Gamala), qui est considérée par la population comme une vengeance divine pour punir Antipas d'avoir exécuté Jean le Baptiste.

Selon les évangiles de Marc et Matthieu, c'est elle qui demande et obtient par l'intermédiaire de sa fille, qui n'est pas nommée, l'exécution par décapitation de Jean le Baptiste.

Déconsidéré auprès de Caligula par une machination d'Agrippa, Hérode Antipas est déchu, banni et exilé dans le sud des Gaules. Bien que l'empereur offre à Hérodiade la possibilité de retourner en Judée pour vivre à la cour de son frère, elle préfère accompagner son mari dans son exil, probablement à Lugdunum Convenarum (actuelle Saint-Bertrand-de-Comminges) en 39 ap. J.-C., où l'Histoire perd sa trace.

Éléments biographiques

Petite-fille d'Hérode le Grand par son père, Aristobule IV, et descendante des Hasmonéens, elle avait trois frères, Hérode de Chalcis, Hérode Agrippa Ier, qui vont tous deux être rois et Aristobule le Mineur[1]. Elle avait aussi une sœur Mariamme IV.

Hérode le Grand est un souverain considéré comme un usurpateur cruel par ses sujets mais dévoué à la cause impériale romaine qu'il favorise grandement dans son royaume[2]. Son règne est marqué par les intrigues familiales nombreuses  il a eu dix épouses  et sanglantes[3]. Ainsi, en 29 av. J.-C., le roi exécute son épouse la plus prestigieuse, Mariamne l'Hasmonéenne[4] par jalousie[2], et, l'année suivante, la mère de celle-ci[3], respectivement, grand-mère et arrière grand-mère d'Hérodiade. En 7 av. J.-C., alors qu'elle a moins de dix ans, Aristobule son père a été exécuté sur ordre de son grand-père Hérode le Grand[1]. Les intrigues de palais et notamment les propos d'Antipater, un autre fils qu'Hérode a eu avec Doris, ont convaincu le roi de Judée que les deux fils qu'il avait eus avec Mariamne l'Hasmonéenne complotaient contre lui. Il les fait jeter en prison, puis exécuter[1]. Le grand-père d'Hérodiade a donc fait tuer, son père, son oncle, sa grand-mère et son arrière grand-mère, mais aussi un grand nombre d'autres membres de la dynastie hasmonéenne, qui s'en trouve presque anéantie[2]. Le roi épargne cependant les enfants d'Aristobule, les garçons Agrippa, Hérode et Aristobule le Mineur ainsi que les filles Hérodiade et Mariamne[5].

Premier mariage

Cependant, Hérode le Grand s'est occupé de l'éducation des orphelins[1]. Il a notamment décidé qu'Hérodiade se marierait avec son demi-oncle Hérode  appelé également par les historiens modernes « Hérode Philippe Ier » ou « Hérode II, fils d'Hérode »[1]  alors inscrit sur le testament d'Hérode comme devant co-hériter de son royaume. De ce mariage est issue - au moins - une fille, Salomé[6].

Toutefois, l'identification du premier époux d'Hérodiade pose un problème[7]. En effet la mention dans les évangiles attribués à Marc et à Matthieu qu'Hérodiade est « la femme de Philippe », a longtemps fait confondre son mari avec le tétrarque Philippe[8], évoqué dans le second prologue de l'évangile selon Luc et qui chez Flavius Josèphe est celui qui vient de mourir lorsque Antipas propose le mariage à Hérodiade[9].

Hérodiade subit une immense déception peu après son mariage avec Hérode II. En effet, celui-ci un temps fait héritier d'une partie du royaume d'Hérode au côté d'Antipater, un autre fils d'Hérode le Grand, est totalement déshérité par ce dernier[10]. Par conséquent, Hérodiade et Hérode Boëthos vont vivre comme de « simples particuliers »[11].

Second mariage

Le partage du royaume d'Hérode Ier le Grand:

Après la mort de Philippe le Tétrarque[12] en 33-34[13],[Note 1], son re-mariage avec Hérode Antipas est conditionné par la répudiation de Phasaélis, la première épouse du tétrarque de Galilée, la fille d'Arétas IV, le roi de Pétra[P 1],[14],[15].

En effet, pour être nommé à la tête de la tétrarchie de Philippe par l'empereur, Antipas a imaginé conforter sa position en se mariant avec Hérodiade[16]. Celle-ci descend autant d'Hérode que des Hasmonéens, il est donc possible qu'Antipas ait été plus séduit par son rang que par son charme[12]. « Il se dit qu'un mariage avec Hérodiade pourrait renforcer sa prétention à obtenir un jour le titre royal de la part de l'empereur[17]. » « Partant pour Rome », Antipas passe proposer le mariage à Hérodiade, ce qu'elle s'empresse d'accepter[18],[12]. Cela implique qu'elle se sépare de son mari encore vivant[10]. Ils conviennent que leur projet doit pour l'instant rester secret mais qu'ils cohabiteraient dès qu'Antipas serait revenu de son voyage à Rome[12] et « qu'il répudierait la fille d'Arétas », avec laquelle il était marié[P 2],[14].

La manœuvre semble habile car Hérodiade est une descendante des Hasmonéens et la sœur du futur Hérode Agrippa Ier[1].

Fuite de Phasaelis

Toutefois, pendant le séjour d'Antipas à Rome, les informateurs, clients ou ambassadeurs d'Arétas IV, ont dû avoir vent du projet de mariage[10] qui brise l'alliance diplomatique probablement arrangée par l'empereur Auguste. Arétas a profité du fait que les Romains étaient engagés dans un combat contre les Parthes et leur roi Artaban III[19],[20],[21].

Lorsque Hérode Antipas rentre de Rome vers 34[19], tout est prêt. Phasaélis, sa femme, informée de « son accord avec Hérodiade[P 3] », lui demande « avant qu'il eût découvert qu'elle savait tout[P 3],[14] » de l'envoyer à Macheronte au sud de la Pérée, « sur les confins du territoire d'Arétas et de celui d'Antipas, sans rien dévoiler de ses intentions[P 2]. »[14]. Avec l'aide d'officiers au service de son père, elle parvient à gagner la Nabathée, pour ne pas subir le déshonneur d'être répudiée[P 3],[14],[15].

Neutralisation d'Agrippa Ier

Hérode Agrippa, un Hasmonéen, est en effet un possible obstacle aux ambitions royales d'Antipas et Hérodiade. Il a été élevé à Rome avec les enfants de la famille impériale dont le futur empereur, Claude, ainsi que Drusus, le jeune fils de Tibère, dont il devient l'ami intime[1]. Il a vécu très longtemps dans la capitale de l'empire, et il connaît personnellement presque tous les membres de la famille impériale[22]. Il est soutenu par Antonia Minor, la belle-sœur de Tibère et la mère du futur empereur Claude qui était l'ami et la protectrice de sa mère Bérénice, qui l'a accompagné à Rome et aussi par l'impératrice Livie, qui était l'amie de sa grand-mère[22].

Mais Agrippa s'est ruiné dans la vie luxueuse de Rome[23]. Rentré en Judée, « il se retira dans un fort à Malatha d'Idumée »[23] et pense même « à se tuer »[24],[P 4]. Toutefois, sa femme Cypros va s'entendre avec Hérodiade[23]. En bonne sœur, mais peut-être avec des arrière-pensées, Hérodiade va profiter de son influence sur Antipas, pour que celui-ci donne à Agrippa une fonction rémunérée[23].

« [Antipas et Hérodiade] firent venir Agrippa, lui assignèrent comme résidence Tibériade avec une somme limitée pour vivre et l'honorèrent des fonctions d'agoranome (inspecteur des marchés) de Tibériade[P 4],[25]. »

Le meurtre d'un opposant célèbre qui fait naître une forte coalition

Le projet de mariage est donc révélé et « Jean surnommé Baptiste » rassemble un grand nombre de gens autour de lui « qui sont très exaltés en l'entendant parler[P 5] ». Selon l'Évangile attribué à Marc, il disait à Hérode Antipas : « Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton frère[P 6] », marquant ainsi son opposition au mariage avec Hérodiade conçu pour renforcer la prétention d'Antipas à obtenir le titre royal[26]. Cette union choquait doublement « en raison de l'interdiction légale du mariage avec la femme de son frère (Lév. 18, 16; 20, 21), que Jean-Baptiste rappelait sans ménagement[27] » et en raison du viol de la règle qui interdisait à une femme juive de répudier son mari, ce que la loi romaine permettait[28].

« Hérode craignait qu'une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout, les conseils de cet homme. Il aima donc mieux s'emparer de lui avant que quelque trouble se fût produit à son sujet, que d'avoir à se repentir plus tard, si un mouvement avait lieu, de s'être exposé à des périls. À cause de ces soupçons d'Hérode, Jean fut envoyé à Machaero, la forteresse dont nous avons parlé plus haut, et y fut tué[P 5],[29]. »

Selon l'évangile de Marc et celui de Matthieu, c'est Hérodiade qui demande et obtient par l'intermédiaire de sa fille, dont le nom n'est pas précisé, l'exécution de Jean-Baptiste[30].

La mort de Jean le Baptiste d'après les évangiles attribués à Marc et Matthieu

Selon l'évangile attribué à Marc (VI:14-29), Hérode (dont on suppose qu'il s'agit d'Hérode Antipas, malgré le titre de « roi » que lui donne l'évangéliste[27]), excédé par les critiques au sujet de son mariage, fait arrêter Jean et « le fait lier en prison[P 7] ». Sa femme Hérodiade voulait faire tuer Jean mais Hérode Antipas le protégeait, car il le « tenait pour un homme juste et saint[P 8] » et « l'écoutait avec plaisir[P 8] ». Cependant lors de la fête donnée pour son anniversaire, la fille d'Hérodiade dansa et « elle plut à Hérode et à ses convives[P 9] ». « Le roi » lui dit : « Demande-moi ce que tu voudras… Ce que tu me demanderas, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume »[31]. La fille d'Hérodiade demanda pour sa mère la tête de Jean Baptiste présentée sur un plateau. Hérode, fort attristé, envoya cependant un garde décapiter Jean dans sa prison, placer sa tête sur un plateau et la présenter à la jeune danseuse qui l'offrit à sa mère Hérodiade[26]. Dans les évangiles, le nom de la fille d'Hérodiade qui se livre à la danse n'est pas précisé. La tradition retient le nom de Salomé[Note 2]. Chez les deux évangélistes, c'est Hérodiade qui est présentée comme la vraie coupable, à la fois de l'emprisonnement du Baptiste et de sa mise à mort, alors que Flavius Josèphe ne parle de rien de semblable, même s'il évoque l'influence qu'Hérodiade a sur son mari[30].

Rien dans cette anecdote des évangiles attribués à Marc et à Matthieu n'est historiquement impossible, mais elle est isolée, présente les traits d'une légende populaire et est inconnue de l'historien Flavius Josèphe. Pour plusieurs auteurs, cette « séquence évangélique », « n'est pas sans évoquer le livre d'Esther[P 10],[18]. » Pour Claudine Gauthier, « le récit évangélique emprunte à deux sortes de sources. Des sources vétérotestamentaires tout d’abord. Cette jeune fille à qui, parce qu’elle lui a plu au cours d’un banquet, un roi promet : « ce que tu me demanderas, je te le donnerai, jusqu’à la moitié de mon royaume » (Marc 6,23), n’est pas sans rappeler l’héroïne du livre d’Esther, à qui le roi Assuérus, séduit lui aussi au cours d’un banquet, fait mot pour mot la même promesse (Esther 5,3-6 ; 7,2). La première reçoit sur un plat la tête du Baptiste, la seconde obtient la mise à mort de Haman, le conseiller félon[32]. »

Conflit avec les Nabatéens

Ruines de la cité fortifiée de Gamala, enjeu de la guerre entre Arétas IV et Hérode Antipas.

Pour parer la menace que les puissants Nabatéens et leur roi Arétas IV font peser sur son royaume, Antipas a épousé la fille de ce dernier[33]. Les Nabatéens ont alors mis en sommeil leurs revendications territoriales au sujet de certains territoire de la tétrarchie de Philippe. Une fois celui-ci mort et la fille du roi nabatéen répudiée au profit d'Hérodiade, l'alliance entre Antipas et Arétas est brisée, celui-ci exploite le prétexte d'une contestation de frontières « du territoire de Gamala » et déclare la guerre à Antipas[19]. Arétas profite du fait que les Romains sont occupés dans un conflit avec les Parthes et s'engage dans une guerre contre Antipas vers 35-36. Selon Ilaria Ramelli ou Robert Eisenman, plusieurs sources en syriaque et en arménien mentionnent que le roi Abgar V d'Édesse envoie des auxiliaires pour se joindre aux forces du roi de Pétra[34],[35]. Arétas a profité du fait que les Romains étaient engagés dans un combat contre les Parthes et leur roi Artaban III[21].

Une bataille a alors lieu et « toute l'armée d'Hérode est taillée en pièces à cause de la trahison de transfuges qui, tout en appartenant à la tétrarchie de Philippe, étaient au service d'Hérode [Antipas][36]. » en 36[21].

Suivant Flavius Josèphe, cette défaite intervient « en juste vengeance de Jean surnommé Baptiste[36] ». La défaite d'Antipas est ainsi considérée au sein de la population juive comme une vengeance divine contre Antipas pour le punir d'avoir mis à mort Jean[10] et dont Arétas IV n'aurait été que l'instrument[10].

Hérode Agrippa le frère d'Hérodiade, devient roi

Pendant ce temps Agrippa, le frère d'Hérodiade, était parvenu à retrouver son indépendance et était attiré par Rome et les relations qu'il y avait tissées. Agrippa est bien décidé à se rendre à Rome, « pour accuser le tétrarque » Hérode Antipas auprès de Tibère, afin d'essayer de prendre son domaine[37]. Arrivé à Rome au printemps 36[38], Agrippa est au début bien accueilli par Tibère, mais il tombe une première fois en disgrâce[38]. C'est Antonia Minor, qui, par son entremise, lui permet d'être réhabilité. Agrippa devint aussi l’ami intime de Caïus Caligula, un des deux héritiers présomptifs[23],. Mais brutalement il fut jeté dans les fers, parce qu’un jour, voulant flatter Caligula, il lui échappa de dire : « Ah ! si Tibère s’en allait bientôt et laissait la couronne à plus digne que lui ! », ce qu'un de ses esclaves rapporte à Tibère[38],[23]. Pour Gilbert Picard, c'est parce qu'Agrippa avait été évincé de ses prétentions à obtenir la tétrarchie d'Antipas qu'il se serait mis à comploter contre Tibère[37]. Agrippa reste en prison jusqu’à la mort de Tibère, survenue six mois après[23] (16 mars 37).

L’avènement au trône de son ami Caligula relança la fortune d’Agrippa. Le nouvel empereur le tira de prison[39] et lui octroya, outre le titre de roi, les territoires de Philippe[38].

Destitution d'Antipas et exil en Gaule

Saint-Bertrand-de-Comminges : les ruines antiques (thermes du forum) et la cathédrale médiévale.

Agrippa rentre dans ses territoires en été 38. Jalouse de voir son frère élevé à la dignité royale, Hérodiade pousse son mari Hérode Antipas à demander à l'empereur Caligula qu'il lui accorde le titre de roi[39]. Mais Antipas se méfie en raison des excellents rapports qu'entretiennent Agrippa et Caligula. Il finit cependant par céder aux demandes insistantes de sa femme et part pour Rome en 39[39]. Informé de ce voyage, Agrippa dépêche à Rome son plus fidèle affranchi[Note 3], porteur d'une lettre pour Caligula[39]. Il y accuse Antipas de fomenter un complot avec les Parthes et d'avoir accumulé sans le dire à l'empereur des stocks d'armes[39] dans ses arsenaux de Tibériade. La seconde accusation est vraie, mais la première est probablement fausse[39]. Pour autant Caligula déchoit, bannit et exile Hérode Antipas dans le sud des Gaules (39 ap. J.-C.)[39]. Agrippa reçoit les territoires d'Antipas, la Galilée et la Pérée, ainsi que tous les biens confisqués au tétrarque et à son épouse[39].

Par respect pour son frère, l'empereur offre à Hérodiade la possibilité de retourner en Palestine pour vivre à la cour d'Agrippa[39], en y conservant sa fortune. Mais dans un ultime élan de noblesse ou d'orgueil[39], ou peut-être parce qu'elle n'a pas confiance en son frère, elle préfère accompagner son mari dans son exil[40]. Dans les Antiquités judaïques, Flavius Josèphe indique qu'Antipas fut banni à « Lugdunum »[P 11], mais dans la Guerre des Juifs, il situe ce bannissement en Hispanie[P 12]. Il est admis généralement qu'il s'agit alors de Lugdunum Convenarum (actuelle Saint-Bertrand-de-Comminges)[39], située près de la frontière espagnole (en Haute-Garonne) et pas l'actuelle ville de Lyon[41],[Note 4].

C'est là que l'histoire perd la trace d'Hérodiade.

Identification du premier mari d'Hérodiade

Selon Christian-Georges Schwentzel, l'identification du premier époux d'Hérodiade pose un problème[6]. En effet la mention dans les évangiles selon Marc et Matthieu qu'Hérodiade est « la femme de Philippe », a longtemps fait confondre son mari avec le tétrarque Philippe, évoqué dans un autre évangile  celui attribué à Luc , qui est en apparence le seul Hérodien de ce nom[8] et qui chez Flavius Josèphe est celui qui vient de mourir lorsque Antipas propose le mariage à Hérodiade[9],[27].

Toutefois, pour les évangiles, cette déduction n'intervient que parce que ces quatre évangiles là ont été regroupés en un seul livre  le Nouveau Testament  ce que leurs auteurs n'avaient jamais prévu. En effet, l'évangile selon Luc qui est le seul qui parle du tétrarque Philippe, ne contient pas la phrase qui dit que Hérodiade est « la femme de Philippe ». En revanche, les évangiles selon Marc et Matthieu qui contiennent cette mention ne parlent que d'un seul Philippe, celui qui est membre du groupe des douze, appelé traditionnellement les douze apôtres.

Le premier mari d'Hérodiade s'appelait-il Philippe ?

Hérode II, fils d'Hérode était le premier mari d'Hérodiade[6],[42],[43], et parce que les évangiles selon Marc et Matthieu précisent que Hérodiade a été mariée à Philippe, certains spécialistes estiment que son nom a effectivement été Hérode Philippe. Ceci est toutefois contesté par de nombreux chercheurs, qui pensent que l'évangéliste s'est simplement trompé[27], une hypothèse qui s’appuie sur le fait que l'Évangile selon Luc,  plus tardif et qui, selon l'avis le plus répandu, est basé sur une version de l'Évangile selon Marc  ne reprend pas ce nom de Philippe[42],[43],[44]. Pour Christian-Georges Schwentzel, les auteurs des évangiles ont pu confondre Hérode, fils de Mariamne II, et Philippe, d'autant plus facilement que si Flavius Josèphe a raison, ce dernier était l'époux de Salomé[6]. Pour Schwentzel le tétrarque Philippe est en apparence le seul Hérodien de ce nom[8]

D'autres auteurs, font remarquer qu'il pouvait très bien s'appeler aussi Philippe, mais que pour des commodités de rédaction, Flavius Josèphe ne l'appelle jamais de ce nom. Une question qui risque de ne jamais être tranchée. Selon Christian-Georges Schwentzel, c'est la raison pour laquelle « un certain nombre d'ouvrages et d'éditions du Nouveau Testament nomment arbitrairement le personnage « Hérode Philippe », précisant qu'il ne faut pas le confondre avec Philippe le tétrarque[8]. »

Parce qu'il était le petit-fils du grand prêtre Simon Boëthus, les historiens modernes l'appellent parfois Hérode Boëthus, mais il n'y a aucune preuve qu'il ait effectivement été appelé ainsi au cours de sa vie[45].

Le premier mari d'Hérodiade n'était pas le tétrarque Philippe

De nombreux auteurs, rapportant la tradition chrétienne ou influencés par elle, indiquent que le premier mari d'Hérodiade serait Hérode Philippe, le tétrarque de Trachonitide mort en 34. Cette affirmation semble soutenue par les mentions des évangiles selon Marc et Matthieu qui indiquent qu'Hérodiade est « la femme de Philippe »[9]. Toutefois selon Flavius Josèphe, celui qui se marie avec Hérodiade est un autre fils d'Hérode le Grand[27]. Par exemple au moment où Antipas va proposer le mariage à Hérodiade, Flavius Josèphe écrit:

« Partant pour Rome, il descendit chez Hérode, son frère, fils d'une autre mère, car il était né de la fille du grand pontife Simon[P 2]. »

Cet « Hérode, fils d'Hérode et de la fille du grand pontife Simon », qui n'est jamais appelé Hérode Philippe chez Flavius Josèphe, a été complètement déshérité par Hérode le Grand, un an environ avant de mourir[6],[42],[43],[27]. Chez Flavius Josèphe, le fils d'Hérode le Grand qui devient tétrarque de Batanée et de Trachonitide et qui se prénomme en effet Philippe, a pour mère la cinquième épouse d'Hérode : Cléopâtre de Jérusalem[46] et pas Mariamne II, fille de Boëthos. Il a pour épouse Salomé, la fille d'Hérodiade et non pas sa mère[27],[8]. De ce mariage aucun enfant ne naîtra, ce qui est cohérent avec la mention de Flavius Josèphe selon laquelle Philippe le tétrarque est « mort sans enfant ». Selon Christian-Georges Schwentzel, Salomé était peut-être trop jeune pour avoir des enfants, elle ne devait guère être âgée de plus de onze ou douze ans, à la mort de son premier époux[47]. Toutefois pour Étienne Trocmé, Salomé pourrait avoir vingt ans au moment des faits[48].

Pour Nikkos Kokkinos « l'obstination de nombreux théologiens, à se référer à Hérode II comme « Hérode Philippe » est sans valeur[9] », Selon lui:

  • « Hérode Philippe Ier » est mieux identifié par le nom « Hérode II » ou « Hérode, fils d'Hérode ».
  • « Hérode Philippe II » est mieux identifié sous le nom de « Philippe le tétrarque »[49].

Arbre généalogique

 
 
 
Hérode le Grand
 
 
 
Mariamne l'Hasmonéenne
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Bérénice, fille de Salomé, sœur d'Hérode le Grand
 
Aristobule IV
 
Alexandre
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Hérode de Chalcis
 
Hérode Agrippa Ier
 
Aristobule le Mineur
 
Mariamne
 
Hérodiade
  • L'ordre des enfants d'Aristobule IV et Bérénice est arbitraire.

Légendes et littérature médiévales

Au Moyen Âge en Europe, une croyance largement répandue tenait Hérodiade pour être le chef d'un culte surnaturel supposé de sorcières, synonyme de Diane, Holda et Abundia (en)[50] (voir Culte d'Hérodiade (en)). Selon Alexandre Najjar, elle serait « condamnée à errer chaque nuit dans les bois depuis minuit jusqu'au chant du coq[51]. »

Hérodiade apparaît dans diverses légendes pyrénéennes comme un personnage maléfique[52]. La localisation de ces légendes pourrait être en rapport avec son lieu d'exil qui est probablement Lugdunum Convenarum (actuelle Saint-Bertrand-de-Comminges). D’autres légendes situent au lac de Barbazan, proche de Saint-Bertrand-de-Comminges, la fin de sa fille Salomé.

Hérodiade dans les arts

Littérature

  • Hérodiade [Ouverture ancienne]. Les Noces d'Hérodiade, Mystère, fragments d'un poème inachevé et posthume de Stéphane Mallarmé.
  • La danseuse, une des Trois histoires de châtiments divins dans L'Hérésiarque de Guillaume Apollinaire.
Texte intégral

Musique

Cinéma

Astronomie

L'astéroïde (546) Herodias a été baptisé ainsi en référence à Hérodiade et (562) Salome en référence à sa fille[53].

Notes et références

Notes

  1. Flavius Josèphe situe la mort de Philippe le Tétrarque en 34 (cf. Schwentzel, op. cit., p. 215; Kokkinos, op. cit., p. 134). Des pièces de monnaies à l'effigie de Philippe datant de la 37e année de son règne (33) ont été retrouvées (cf. Schwentzel, op. cit., p. 212) ; « Les dernières monnaies de Philippe, datée de sa 37e année de règne, corroborent les données de Josèphe » cf. E. Mary Smallwood, op. cit., p. 186, note no 8. Les historiens estiment donc que Philippe est mort au plus tôt en 33 et donnent comme date de mort 33 ou 34.
  2. Pour certains spécialistes comme Étienne Trocmé ou V. Taylor, c'est l'identification même de Salomé qui pose un problème, puisqu'ils interprètent le texte en grec de l'évangile selon Marc comme parlant peut-être d'une fille portant le même nom que sa mère, Hérodiade. Cf. Étienne Trocmé, op. cit., p. 175 [lire sur Google livres] & (en) V. Taylor, The gospel according to St Mark, 1966 (2e édition), Londres, Macmillan, p. 310s.
  3. Flavius Josèphe appelle cet affranchi Fortunatus. Cf. Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 227.
  4. Eusèbe de Césarée donne comme lieu d'exil, la ville de Vienne. Cf. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, livre I, XI [lire en ligne].

Sources primaires

Références

  1. Christian-Georges Schwentzel, Hérode le Grand, Pygmalion, Paris, 2011 (ISBN 9782756404721), p. 225.
  2. Mimouni 2012, p. 225.
  3. Mimouni 2012, p. 395.
  4. Schwentzel 2011, p. 225.
  5. Schwartz 1990, p. 39.
  6. Schwentzel 2011, p. 219.
  7. Voir à ce propos Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 219, confirme qu'il s'agit d'Hérode, fils d'Hérode le Grand et de Mariamne II, la fille de Simon Boethos.
  8. Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 218.
  9. (en) Nikkos Kokkinos, The Herodian Dynasty: Origins, Role in Society and Eclipse, Sheffield Academic Press, Sheffield, coll. « Journal for the Study of the Pseudepigrapha Supplement Series », 1998 (ISBN 1850756902), p. 233.
  10. Christian-Georges Schwentzel, "Hérode le Grand", Pygmalion, Paris, 2011, p. 217.
  11. Merrill Chapin Tenney, Walter M. Dunnett, 'New Testament Survey', Pub. by Wm. B. Eerdmans Publishing (1985)
  12. Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 216.
  13. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère : Des prêtres aux rabbins, éd. P.u.f./Nouvelle Clio, 2012, p. 408 ; Christian-Georges Schwentzel, Hérode le Grand, Pygmalion, Paris, 2011, p. 215 ; Nikkos Kokkinos, in Jack Finegan, Chronos, kairos, Christos: nativity and chronological studies, éd. Jerry Vardaman & Edwin M. Yamauchi, 1989, p. 134; E. Mary Smallwood, The Jews under Roman Rule, p. 189. Durant l'hiver 33-34 selon (en) Lester L. Grabbe, Judaïsm from Cyrus to Hadrian, Vol. II, Fortress Press, Minneapolis, 1992, p. 426.
  14. Kokkinos 1989, p. 133.
  15. Kokkinos 1989, p. 146.
  16. (en) Nikkos Kokkinos, The Herodian Dynasty [...], op. cit., p. 267-268.
  17. Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 216-217.
  18. André Paul, « Hérodiade ou Hérodias (~17-39) », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ).
  19. Kokkinos 1989, p. 134.
  20. E. Mary Smallwood, The Jews [...], op. cit., p. 186.
  21. (en) Gerd Theissen, The Gospels in Context : Social and Political History in the Synoptic Tradition, éd. T&T Clark, 2004, p. 137.
  22. (en) E. Mary Smallwood, The Jews under Roman Rule, p. 187.
  23. Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 226.
  24. E. Mary Smallwood, The Jews under Roman Rule, p. 188.
  25. Voir aussi : Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 226.
  26. Schwentzel 2011, p. 220.
  27. Étienne Trocmé, L'évangile selon saint Marc, éd. Labor et Fides, Genève, 2000, p. 172 extrait en ligne
  28. (en) E. Mary Smallwood, The Jews [...], op. cit., p. 185.
  29. Voir aussi : Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 221.
  30. Schwentzel 2011, p. 221.
  31. Dominique Casajus, citant Claudine Gauthier, Saint Jean et Salomé. Anthropologie du banquet d’Hérode, Tours, Éditions Lume, octobre-décembre 2009 [Lire en ligne sur Archives de sciences sociales des religions, n° 148].
  32. Dominique Casajus, Au sujet du livre de Claudine Gauthier: Saint Jean et Salomé. Anthropologie du banquet d’Hérode, Archives de sciences sociales des religions, n° 148, octobre-décembre 2009.
  33. Simon Claude Mimouni, op. cit., p. 407.
  34. (en) Ilaria Ramelli, Possible Historical Traces in the Doctrina Addai, § n° 9.
  35. Robert Eisenman, James the Brother of Jesus and the Dead Sea Scrolls: The Historical James, Paul The Enemy, and Jesus' Brothers as Apostles, Tome I, éd. GDP, Nashville, 2012.
  36. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, [http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/juda18.htm#V Livre XVIII, V, 1. (118), cité par S. C. Mimouni, op. cit., 2012, p. 407
  37. Gilbert Picard, « La date de naissance de Jésus du point de vue romain », dans Comptes-rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 139 (3), 1995, p. 804 [lire sur Persée].
  38. (en) E. Mary Smallwood, The Jews [...], op. cit., p. 189.
  39. Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 227.
  40. Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 228.
  41. Voir (pl) J. Ciecieląg, Polityczne dziedzictwo Heroda Wielkiego, s. 113.
  42. Harold Hoehner (en), Herod Antipas: A Contemporary of Jesus Christ (Zondervan, 1983), page 132 - 134.
  43. Voir aussi, par exemple: E. Mary Smallwood, "Behind the New Testament", Greece & Rome, Second Series, Vol. 17, No. 1 (Apr., 1970), pp. 81-99
  44. Voir à ce sujet Nikkos Kokkinos, pour qui « l'obstination de nombreux théologiens, à se référer à Hérode II comme « Hérode Philippe » est sans valeur », cf. (en) Nikkos Kokkinos, The Herodian Dynasty [...], op. cit., p. 233.
  45. Florence Morgan Gillman, Herodias: at home in that fox's den (Liturgical Press, 2003) p. 16.
  46. Christian-Georges Schwentzel, op. cit., p. 213.
  47. Schwentzel 2011, p. 215.
  48. Étienne Trocmé, L'évangile selon Marc, éd. Labor et Fides, Genève, 2000, p. 175.
  49. (en) Nikkos Kokkinos, The Herodian Dynasty [...], op. cit., p. 236–240.
  50. (en) Carlo Ginzburg, Ecstasies : Deciphering the witches' sabbath, Londres, Hutchinson Radius, , 339 p. (ISBN 978-0-09-174024-5)
  51. Alexandre Najjar, Saint Jean-Baptiste, Pygmalion, coll. « Chemins d'éternité », p. 94, note n° 3.
  52. Alexandre Du Mège, Archéologie pyrénéenne, cité par Bernard Duhourcau, Guide des Pyrénées mystérieuses, Tchou, éd. 1985. p. 38
  53. (en) Lutz D. Schmadel, Dictionary of Minor Planet Names, vol. 1, éd. 2003, p. 57.

Bibliographie

Historiens

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

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  • (en) Nikkos Kokkinos, The Herodian Dynasty: Origins, Role in Society and Eclipse, Sheffield Academic Press, Sheffield, coll. « Journal for the Study of the Pseudepigrapha Supplement Series », 1998 (ISBN 1850756902).
  • (en) Nikos Kokkinos, Crucifixion in A.D. 36 : The Keystone for Dating the Birth of Jesus in Jack Finegan, Chronos, kairos, Christos: nativity and chronological studies, Jerry Vardaman & Edwin M. Yamauchi, (présentation en ligne).
  • Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère : des prêtres aux rabbins, Paris, puf, coll. « Nouvelle clio », , 968 p. (ISBN 978-2-13-056396-9, présentation en ligne).
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  • (en) Robert Eisenman, James the Brother of Jesus And The Dead Sea Scrolls, The Historical James, Paul as the Enemy, and Jesus' Brothers as Apostles, Vol. I, GDP, , 411 p. (ISBN 978-0-9855991-3-3).
  • (en) Robert Eisenman, James the Brother of Jesus And The Dead Sea Scrolls, The Damascus Code, the Tent of David, the New Convenant, and the Blood of Christ, Vol. II, GDP, , 443 p. (ISBN 978-0-9855991-6-4).
  • (pl) Jerzy Ciecieląg (pl), Polityczne dziedzictwo Heroda Wielkiego. Palestyna w epoce rzymsko-herodiańskiej, Cracovie, 2002.
  • Christian-Georges Schwentzel, Juifs et Nabatéens : les monarchies ethniques du Proche-Orient hellénistique et romain, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, , 305 p. (ISBN 978-2-7535-2229-9).
  • François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, Cerf, , 586 p. (ISBN 978-2-204-06215-2).
  • Jean-Pierre Lémonon, Ponce Pilate, Ivry-sur-Seine, Atelier, , 301 p. (ISBN 978-2-7082-3918-0, books.google.fr présentation en ligne).
  • (en) Lester L. Grabbe, Judaïsm from Cyrus to Hadrian, Vol. II, Fortress Press, , 722 p. (ISBN 0-8006-2621-4).
  • (en) E. Mary Smallwood, The Jews Under Roman Rule : From Pompey to Diocletian : A Study in Political Relations, Brill, .
  • Martin Goodman, Rome et Jérusalem, Paris, Perrin/Tempus, .
  • Heinrich Graetz, Histoire des Juifs, chapitre XV : « Les Hérodiens : Agrippa Ier ; Hérode II — (37-49) » [lire en ligne].

Sources primaires

Voir aussi

Articles connexes

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