Caligula

Caligula ( à Antium - à Rome) (latin : Caius Julius Caesar Augustus Germanicus) est le troisième empereur romain. Il régna de 37 à 41, succédant à l'empereur Tibère. Selon les principales sources concernant son règne, principalement les récits du biographe latin Suétone et de l'historien grec Dion Cassius, il eut tout d'abord un début de règne prometteur, durant lequel il connut une grande popularité auprès du peuple romain. Cependant il devint peu à peu un empereur autocratique, délaissant et assassinant tous ceux qui avaient soutenu son ascension, tout en nourrissant une profonde haine pour le Sénat. Dans la lignée des travaux de l'historien allemand H. Willrich[1], de nombreux historiens contemporains ont toutefois pris leurs distances vis-à-vis de ces témoignages[2]. Caligula meurt à Rome en 41, assassiné par un groupe de prétoriens. Claude lui succède.

Pour les articles homonymes, voir Caligula (homonymie).

Caligula
Empereur romain

Sculpture de Caligula (musée du Louvre).
Règne
-
(3 ans, 10 mois et 8 jours)
Période Julio-Claudiens
Précédé par Tibère
Suivi de Claude
Biographie
Nom de naissance Caius Julius Cæsar Germanicus
Naissance à Antium, Italie
Décès (28 ans) à Rome
Père Germanicus
Mère Agrippine l'Aînée
Fratrie Néron Caesar,
Drusus Julius Caesar,
Agrippine la Jeune,
Julia Drusilla,
Julia Livilla
Épouse (1) Junia Claudilla (3334),
(2) Livia Orestilla (37 ou 38),
(3) Lollia Paulina (38),
(4) Cæsonia Milonia (? – 41)
Descendance Julia Drusilla (de Milonia)
Empereur romain

Biographie

Famille et enfance

Caius Augustus Germanicus, Caligula (petite sandale en latin), est le fils du très populaire[3] Germanicus et d'Agrippine l'Aînée. Il est le petit neveu (et aussi le fils adoptif) de l'empereur Tibère. Caligula est aussi l'arrière-petit-fils en ligne directe d'Auguste par sa grand-mère maternelle Julie ; par sa grand-mère paternelle, Antonia, il est un arrière-petit-fils de Marc-Antoine. Il a cinq frères et sœurs : Nero Iulius Cæsar, Drusus III, Drusilla, Agrippine la Jeune et Julia Livilla. Caligula naît à Antium, une cité balnéaire à proximité de Rome, la veille des calendes de septembre en l'an 12, sous le consulat de son père et de Caius Fonteius Capito[4].

Portrait de Caligula. Gravure XVIIe

Selon Suétone, ce n'est que vers l'âge de deux ans qu'il fut envoyé en Germanie rejoindre sa famille[5]. Enfant, il accompagna sa mère qui suivait souvent son mari dans les camps militaires. Les bottines qu'il portait et qui étaient adaptées à ses petits pieds lui ont valu le surnom de « Caligula »[6] (diminutif de caliga), un surnom qu'il finit par détester[7].

En l’an 19, des troubles éclatèrent en Syrie. L’empereur Tibère envoya alors Germanicus, le père de Caligula, pacifier la région. Caligula accompagna son père durant son voyage. A la fin de l’été, la santé de Germanicus se dégrada rapidement puis il mourut sans que l’on puisse définir précisément l’origine de la maladie. Selon l’historienne Virginie Girod, la mère de Caligula, Agrippine l'Aînée, aurait alors fait répandre la rumeur que son mari avait été empoisonné sur ordre de l'empereur Tibère, avec la complicité du gouverneur de Syrie Pison[8].

Quoi qu’il en soit, Caligula rentra ensuite à Rome où il fut confié à sa mère. Néanmoins celle-ci le délaissa, préférant se concentrer sur l’éducation de ses deux frères, Nero et Drusus, dont elle espérait favoriser la carrière politique voire d’en faire des successeurs potentiels de Tibère. Les ambitions d’Agrippine auraient alors fortement irrité l’empereur Tibère. La percevant comme un danger, il la sépara de ses enfants et la plaça en résidence surveillée en Campanie[8].

Après l’arrestation de sa mère, Caligula fut confié à son arrière grand-mère Livie. En 29, à la mort de cette dernière, il prononça son éloge funèbre et fut recueilli avec ses deux sœurs, Livilla et Drusilla, par sa grand-mère Antonia. Néanmoins le jeune homme n'y resta que pendant quelques mois. Afin de l'éloigner de ses sœurs et peut-être pour préparer sa succession, l'empereur Tibère le fit venir en l'an 31 sur l'île de Capri où il s'était retiré[9],[8].

La succession de Tibère

Après la mort de Germanicus et l’arrestation d’Agrippine et de ses fils, Tibère pensait pouvoir léguer le pouvoir à son fils Drusus II, mais la mort de ce dernier en mai 23 remit en cause ses plans[10].

Ne souhaitant plus vivre à Rome où son impopularité était croissante, il s’isola sur l’île de Capri. Le vieil empereur avait alors soixante-dix-huit ans. Lorsque Caligula le rejoignit sur l’île, l’armée réclama que Tibère le désigne comme successeur, mais Tibère préféra temporiser. Les deux hommes se vouaient une haine farouche[11].

En attendant que Tibère veuille bien se résoudre à le désigner comme successeur et par souci pour sa propre vie, Caligula décida néanmoins de suivre les volontés du vieil empereur, du moins en apparence. Par stratégie, il forma par ailleurs une alliance avec le préfet du prétoire Macron, tout juste nommé après l’exécution de Séjan. Macron accepta de bonne guerre, espérant tirer profit de cette alliance, une fois que Caligula serait devenu empereur[11].

Le , Tibère rendit son dernier souffle. Les circonstances de sa mort sont incertaines. Selon Tacite, Macron aurait étouffé Tibère afin de plaire à Caligula[12]. Cette version d’un meurtre est également confirmée par Suétone dans sa biographie de Caligula. Néanmoins ce dernier laisse entendre que Caligula aurait pu porter lui-même le coup de grâce, en s’appuyant sur certaines rumeurs de l’époque[11].

Dans son testament, Tibère avait initialement assigné sa succession conjointement à son propre petit-fils Gemellus et à Caligula, mais ce dernier se fit seul reconnaître par le Sénat le 18 mars 37. Le nouvel empereur adopta d'abord Gemellus, avant de le faire exécuter en 37 ou 38 dans des circonstances qui demeurent mal élucidées.

« Lui succéda Caius, fils de Germanicus et d'Agrippine, que l'on nommait aussi Germanicus et Caligula. Tibère avait en fait laissé le pouvoir suprême à son petit-fils Gemellus ; mais Caius fit parvenir au Sénat les dispositions testamentaires par l'intermédiaire de Macron, les rendit caduques grâce à l'intervention des consuls et grâce à d'autres qu'il avait placés là à cet effet, invoquant la folie du testateur qui remettait les rênes à un enfant qui n'avait même pas encore le droit d'entrer dans la salle du Conseil. C'est ainsi que promptement, à cette époque, Caius lui enleva le pouvoir ; et plus tard, bien que l'ayant adopté, il le fit assassiner. »

 Dion Cassius, Histoire romaine, 59,1

Des débuts prometteurs

Caligula entra dans Rome le 28 mars 37 au milieu des acclamations de la foule. Après le règne austère de Tibère, le jeune empereur incarne alors aux yeux des romains un nouvel espoir, comme en témoigne les surnoms affectueux que les Romains lui attribuent : « notre astre », « notre petit » ou « notre poupon »[13].

D'après Suétone, trois mois de réjouissances publiques furent décrétés, durant lesquels plus de 160 000 animaux furent sacrifiés afin d'inaugurer le règne de Caligula[14].

Pendant les premiers mois de son règne, il mena une politique libérale, notamment marquée par l'abolition du crime de majesté, l'amnistie des prisonniers politiques, ainsi que la remise en circulation d'ouvrages interdits[15]. Pour ses premières actions, le Sénat lui décerne un bouclier honorifique en or, que, tous les ans, les collèges des pontifes devaient porter au Capitole, suivis du sénat et de la jeune noblesse qui chantait des hymnes à sa louange[16]. Le philosophe Philon d'Alexandrie décrit les sept premiers mois du règne de Caligula comme une période heureuse[17].

Hommages familiaux

Caligula déposant les cendres de sa mère et son frère dans le tombeau de ses ancêtres, par Eustache Le Sueur, 1647.

Durant les premiers mois de son règne, Caligula rendit un certain nombre d’hommages à sa famille, qu’il mit en scène de façon théâtrale[18].

Il organisa tout d’abord le retour des cendres de sa mère Agrippine et de son frère Nero. Il alla lui-même recueillir leurs cendres sur les îles de Pontia et de Pandataria, les plaça dans des urnes puis les porta lui-même jusqu’au port de Rome. Ce faisant, Caligula répétait le geste de sa mère qui avait elle-même ramené les cendres de son père Germanicus à la mort de ce dernier[18].

Le nouvel empereur ordonna par ailleurs que des monnaies soient frappées avec d’un côté son image et de l’autre côté l’image de sa mère, accompagnée de l’inscription « mère de Caius César Auguste »[18].

Il fit également construire de nombreuses statues représentant son père, fit frapper des monnaies de bronze afin de célébrer ses victoires militaires et rebaptisa le mois de septembre en son nom[19].

Réformes politiques

Durant l’année 38, Caligula se concentra sur la mise en œuvre de réformes politiques, notamment dans le secteur public. Il décida notamment d’abolir certaines taxes et accorda des aides financières à ceux qui ont perdu des biens à la suite d'un incendie[20].

Afin d’accroître sa popularité, il invita les familles de sénateurs à des somptueux banquets et organisa des combats de gladiateurs ainsi que différents spectacles pour divertir le peuple[21].

En matière judiciaire, il accorda plus de libertés aux magistrats, leur permettant de rendre des jugements sans avoir à l’informer. Se voulant magnanime, il autorise également tous ceux qui avaient été condamnés et exilés par Tibère à rentrer chez eux[21].

Au cours de la même année, le jeune empereur fut cependant critiqué après avoir exécuté certaines personnes sans aucune forme de procès et pour avoir forcé le préfet du prétoire, Macron, à se suicider. Il semble en effet que ce dernier soit tombé en disgrâce, après avoir tenté de s’allier à Gemellus lorsque Caligula tomba malade, pris d’une forte fièvre, à la fin de l’année 37[20].

Une maladie controversée

Selon les Anciens, son règne aurait ensuite basculé dans la démesure. Ce changement a parfois été mis sur le compte d'une grave maladie à l'automne 37, mais une analyse minutieuse montre qu'elle n'entraîne en réalité aucun changement politique significatif[22].

Selon les Anciens, il s'achemina dès lors, comme son grand-oncle Tibère (son prédécesseur), vers le despotisme, s'adonnant, selon certaines sources, à la débauche. On lui prête entre autres une longue liaison incestueuse avec sa sœur Drusilla[23]. Certains historiens modernes ont pensé que cette pratique pourrait trouver sa source dans la volonté d'imiter les mariages consanguins égyptiens et témoignerait de l'influence du despotisme oriental[24]. Le prince descendait d'Antoine, et l'on connaît la fascination qu'exerçait sur ce dernier la monarchie « à l'orientale ». Cette « hypothèse orientale » est toutefois fortement mise en doute par d'autres historiens, qui soulignent notamment que l'accusation d'inceste relève du lieu commun, fréquemment associé dans l'Antiquité à la figure du « mauvais empereur »[25].

Certains Modernes ont expliqué son comportement par la folie, une hypothèse défendue dès la fin du XIXe siècle par le futur prix Nobel de la paix Ludwig Quidde[26]. Dans Bubi ou l'histoire de Caligula, le Viennois Hanns Sachs, ami de Sigmund Freud, expliquait quant à lui les dérèglements que lui prêtent les Anciens par les traumatismes qui lui furent infligés dans l'enfance[27]. Nombre de psychiatres et de médecins se sont penchés sur son dossier, expliquant son comportement tantôt par l'épilepsie, tantôt par l'hyper-anxiété, l'hyperthyroïdie ou encore l'alcoolisme[28]. Les historiens contemporains ont toutefois régulièrement souligné que ces diagnostics a posteriori n'avaient que peu de valeur, a fortiori si l'on considère que nombre des accusations portées contre Caligula paraissent sans réels fondements. En effet, le règne de Caligula n'est connu pour l'essentiel que par des sources véhiculant une tradition sénatoriale qui lui était profondément hostile[29] ; une tradition qui s'ingénie à brosser de lui le portrait du parfait tyran, tel qu'il est déjà dépeint par Platon dans La République, un despote à la fois mégalomane, cruel et débauché, incapable de contrôler ses désirs et ses pulsions[30].

Famine et crise financière

Selon Dion Cassius, une crise financière éclata durant l’année 39[31]. Les dépenses de Caligula pour s’obtenir des soutiens politiques, sa politique financière généreuse et ses extravagances avaient en effet épuisé le trésor public de l’Empire. Les historiens antiques affirment que Caligula commença alors à imposer des amendes et même à tuer des individus dans le seul but de s'emparer de leurs propriétés[32].

Afin de remplir les caisses de l’Empire, Caligula aurait demandé au peuple de prêter de l'argent à l'État[33]. Il ordonna également une augmentation drastique des impôts[34], notamment en prélevant des taxes sur les procès, les mariages et la prostitution[35]. Il commença également à vendre aux enchères la vie des gladiateurs lors des jeux du cirque[32].

Il fit par ailleurs réinterpréter le testament de Tibère afin que certains objets lui soient légués et obligea les centurions qui s’étaient emparés d’objets militaires à la suite de pillages lors de campagnes militaires à en remettre une partie à l’État[36].

Selon Suétone, Caligula aurait, au cours de la première année de son règne, dilapidé 2,7 milliards de sesterces que Tibère avait amassés. Cependant, certains historiens restent sceptiques au sujet du montant énorme de sesterces avancé par Suétone et Dion Cassius. Selon Wilkinson, l'utilisation de métaux précieux par Caligula pour frapper des pièces de monnaie durant son mandat indique que le trésor n'a probablement jamais fait faillite[37]. Il souligne cependant qu'il est difficile de déterminer si la prétendue « richesse gaspillée» provenait uniquement du Trésor car le flou persiste entre ce qui appartenait à « la richesse privée de l'empereur et ses revenus en tant que chef de l'État »[37]. Dans la même lignée, Alston souligne que le successeur de Caligula, Claude, fit un don de 15 000 sesterces à chaque membre de la garde prétorienne en l’an 41, ce qui montrerait que le trésor romain n’était pas aussi vide contrairement à ce que les historiens antiques affirment[38] .

Une brève famine d’une ampleur inconnue se serait également produite. Il est possible qu’il s’agisse d’une conséquence de la crise financière. Cependant, l'écrivain romain Sénèque prétend, lui, que les importations de céréales ont été perturbées à la suite de la décision de Caligula de créer un pont flottant[39].

Opposition avec le Sénat

L'hostilité entre Caligula et le Sénat est patente à partir de 39, année qui voit l'empereur prononcer un violent discours contre les pères conscrits à la curie, rétablir la charge de maiestas et démettre, au début du mois de septembre 39, les consuls en exercice[40]. Les raisons de cette hostilité demeurent toutefois difficiles à déterminer, mais elles pourraient témoigner d'une inflexion du principat sous le règne de Caligula, désireux de mettre fin à la fiction instaurée par Auguste d'un pouvoir partagé entre l'empereur et le Sénat[41]. Cette inflexion semble notamment s'être manifestée dans le domaine religieux, avec un certain nombre de nouveautés tendant à renforcer l'exaltation divine du souverain et de sa famille. Les actes des frères arvales indiquent ainsi que son genius fut associé aux dévotions en l'honneur des divinités poliades de Rome[42] ; mais la principale nouveauté fut toutefois la divinisation de sa sœur, Drusilla, après la mort de celle-ci le 10 juin 38[43]. Sans doute ces mesures ont-elles alimenté les rumeurs véhiculées par Suétone et Dion Cassius prétendant que Caligula aurait songé être lui-même un dieu[44].

C'est sous son règne qu'eurent lieu les émeutes anti-juives d'Alexandrie (38-40), un épisode relaté par Philon d'Alexandrie dans Légation à Caius.

La chute

La fin du règne de Caligula est marquée par plusieurs conjurations, auxquelles sont notamment associées ses sœurs, Agrippine la Jeune et Julia Livilla, ainsi que son favori Marcus Æmilius Lepidus[45]. Ces complots sont cependant fort mal documentés. Une dernière conjuration eut enfin raison du princeps : le 24 janvier 41, après trois ans dix mois et huit jours de règne selon Suétone[46], il fut assassiné dans sa 29e année par les soldats de sa garde, menés par Cassius Chærea et Cornelius Sabinus, épisode décrit en détail par Flavius Josèphe. Des sénateurs étaient également mêlés au complot, peut-être Lucius Annius Vinicianus, mais, en l'état de la documentation, leur degré d'implication est indéterminé[47].

Inscription découverte à Caere (Étrurie), dédiée à Drusilla divinisée. Le nom de son frère est martelé CIL 11, 3598

Son successeur Claude refusa que l'on condamne sa mémoire (damnatio memoriae), mais le nom de Caius Augustus fut effacé de certaines inscriptions, comme en témoigne une inscription découverte à Caere.

Sur Caligula

Caligula et Agrippine mère.

Portrait

« Caligula avait la taille haute, le teint livide, le corps mal proportionné, le cou et les jambes tout à fait grêles, les yeux enfoncés et les tempes creuses, le front large et torve, les cheveux rares, le sommet de la tête chauve, le reste du corps velu ; aussi, lorsqu'il passait, était-ce un crime capital de regarder au loin et de haut ou simplement de prononcer le mot chèvre, pour quelque raison que ce fût.

Quant à son visage, naturellement affreux et repoussant, il s’efforçait de le rendre plus horrible encore, en étudiant devant son miroir tous les jeux de physionomie capables d’inspirer la terreur et l’effroi. »

 Suétone, Vie des douze Césars, Caligula 50

Cette description physique émise par Suétone au sujet de l'empereur Caligula est extrêmement riche et sombre : le polygraphe, dans son œuvre, le décrit pareil à une chèvre, monstrueux, afin d'accentuer l'horreur de ses actions commises durant son règne.

Cette description ne peut évidemment pas être prise au premier degré, c'est une caricature évidente. On connaît le portrait de Caligula grâce à des bustes de marbre ou grâce aux portraits monétaires.

Pour beaucoup, à l'instar de Néron mais bien plus que lui, Caligula restera dans l'Histoire comme l'archétype de l'empereur fou, à travers le portrait peu flatteur qu'en ont donné ses biographes, en particulier l'historien Suétone.

Pourtant, si on la détaille vraiment, cette folie, feinte ou réelle, s'apparente plus à une longue suite d'impertinences et de provocations :

  • son obsession de la décollation :
    • « si seulement le peuple romain n’avait qu’un seul cou[48] ! » ;
    • chaque fois qu’il embrassait le cou de son épouse ou d’une conquête passagère, il ajoutait de façon cynique : « une si jolie nuque sera tranchée dès que j’en donnerai l’ordre[49] ! » ;
    • lors d'un festin, il se mit à rire aux éclats et répondit aux deux consuls placés près de lui qui lui en demandaient avec ménagement la raison : « Quand je pense que sur un seul geste de moi vous pouvez être égorgés tous les deux à l’instant[50] ! »
  • Une folie nommée Incitatus (son cheval) :
    • À son cheval favori Incitatus, outre une écurie de marbre et une mangeoire en ivoire, il fit donner une troupe d’esclaves et du mobilier. On dit même qu’il projetait de le faire consul[51], mais qu'il voulût faire, vraiment, de son cheval favori un consul n'est certainement qu'une légende.

« La veille des jeux du cirque, il ordonnait à des soldats d'imposer silence à tout le voisinage pour que rien ne troublât le repos de son cheval Incitatus. Il lui fit faire une écurie de marbre, une crèche d'ivoire, des housses de pourpre et des licous garnis de pierres précieuses. Il lui donna un palais, des esclaves et un mobilier, afin que les personnes invitées en son nom fussent reçues plus magnifiquement. »

 Suétone, Vie de Caligula, Lettonie

Ce serait la veille de cette nomination supposée que sa garde prétorienne l'aurait assassiné.

Ses phrases restées célèbres

  • « Oderint, dum metuant » Qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent ! »)

Il s'agit là en fait d'une reprise par Caligula d'une phrase célèbre de son prédécesseur l'empereur Tibère, Oderint, dum probent , « Qu'ils me haïssent pourvu qu'ils m'approuvent » (la version de Caligula, avec metuant, est empruntée à la tragédie Atrée de Lucius Accius[52] ; Tibère en avait quelque peu atténué la violence). Cette phrase est également sa devise ;

  • « Le pouvoir donne ses chances à l'impossible. »

La phrase d'origine complète étant : « J'aime le pouvoir car il donne ses chances à l'impossible. »

  • « Plût aux dieux que le peuple n'eût qu'une seule tête. »

Noms et titres

Noms successifs

  • 12, né CAIUS•IULIUS•CÆSAR•GERMANICUS
  • 37, accède à la pourpre : CAIUS•CÆSAR•AUGUSTUS•GERMANICUS

Titres et magistratures

Titulature à sa mort

Quand il fut assassiné en 41, Caligula avait la titulature suivante :

CAIVS•CÆSAR•AVGVSTVS•GERMANICVS, PONTIFEX•MAXIMVS, TRIBVNICIA•POTESTATE IIII, CONSVL•IIII, PATER•PATRIÆ

Caius César Auguste Germanicus, pontife suprême, investi de la puissance tribunicienne pour la 4e fois, consul pour la 4e fois, père de la Patrie.

Généalogie

Ascendance

Famille

Œuvres artistiques inspirées de sa vie

  • Caligula, tragédie en cinq actes et en vers précédée d'un prologue d'Alexandre Dumas jouée pour la première fois à la Comédie française en 1837. L'action de la pièce est centrée autour de la fin du règne de Caligula et de son assassinat.
  • Albert Camus a écrit une pièce de théâtre, publiée en 1944, Caligula où l'on assiste à la réalisation d'un homme contre un monde qui ne lui offre aucun espoir. La mort de Drusilla, son amante et sa sœur, amène Caligula à la conscience de cette vérité  « les hommes meurent et ne sont pas heureux », et le jeune homme sensible qu'il était devient un monstre d'une insatiable cruauté. Camus aborde notamment dans cette œuvre le thème des limites de la liberté absolue, celle que confère le pouvoir le plus absolu qui soit. Caligula s'est proclamé dieu. Il n'y a aucune entrave à l'exercice de sa liberté, et il l'exerce pleinement, sans aucune mesure. Mais cette liberté entre en contradiction avec son être, avec sa vie même. Et cette contradiction, selon la promesse de Caligula, devra être résolue.
  • En 1979, sort Caligula, un film de Tinto Brass avec Malcolm McDowell dans le rôle-titre. Ce film fut produit par Bob Guccione, éditeur et propriétaire de Penthouse, aussi contient-il des scènes à caractère pornographique. On y retrouve également des acteurs « classiques » britanniques comme Peter O'Toole, John Gielgud ou Helen Mirren.
  • En 1984, Hubert Monteilhet a écrit un roman historique, Neropolis. Roman des temps néroniens, dont la première partie se déroule sous Caligula et dans lequel l'un des protagonistes a à souffrir du regard que l'Empereur a posé sur lui.
  • En 1985, le groupe de Speed Metal français ADX lui consacre la chanson de clôture de son premier album, Exécution.
  • En 2002, la journaliste Cristina Rodriguez et l'historiographe Domenico Carro ont publié il y a peu un roman historique, Le César aux pieds nus, retraçant la fin du règne de Tibère et la jeunesse de Caligula. Cet énorme ouvrage, preuves archéologiques et historiques à l'appui, montre Caligula sous un jour nouveau.
  • Nicolas Le Riche, danseur étoile à l'Opéra de Paris, a créé en 2005 un ballet en cinq actes inspiré de la vie de Caligula.
  • En 2009, sur l'album homonyme du groupe Them Crooked Vultures figure la chanson Caligulove, sur un prédateur sexuel en maraude[53].
  • En 2010, sort un album du groupe canadien de Death Metal Ex Deo nommé Caligvla contenant un titre du même nom racontant l'histoire de l'Empereur.
  • En 2017, sort un livre de Rick Riordan intitulé Les Travaux d'Apollon: Le Piège de Feu dont le principal antagoniste est Caligula.

Bibliographie

Sources antiques (traductions)

Études historiques

  • (en) John Percy Vyvian Dacre Balsdon, The Emperor Gaius, Oxford, Clarendon Press, 1934.
  • Anthony A. Barrett, Caligula, The Corruption of Power, Londres-New York, Routledge, 1989, (ISBN 0300046537).
  • Jean-Paul Faur, « La première conspiration contre Caligula », Revue belge de philologie et d'histoire, t. 51, no 1, , p. 13-50
  • Daniel Nony, Caligula, Paris, Fayard, 1986, 437 pages, (ISBN 2213014418).
  • Jean-Noël Castorio, Caligula, au cœur de l'imaginaire tyrannique, Paris, Ellipses, , 478 p. (ISBN 978-2-340-01596-8).
  • Pierre Renucci, Caligula, l'impudent, Gollion, infolio, 2007 (ISBN 978-2-88474-042-5).
  • Hanns Sachs, Bubi ou l'histoire de Caligula, Ed.: Grasset, 1930, ASIN B0000DTWJO.
  • La véritable histoire de Caligula, textes d'époque réunis et commentés par Jean Malye, Éditions les Belles Lettres, 2008 (ISBN 978-2-251-04000-4).
  • Régis Martin, Les douze Césars, du mythe à la réalité, Paris, Perrin, (1re éd. 1991), 478 p. (ISBN 978-2-262-02637-0).
  • Virginie Girod, La véritable histoire des douze Césars, Paris, Perrin, , 412 p. (ISBN 978-2-262-07438-8).

Divers

  • BD. Scénario: Bernard Swysen - Dessins: Fredman. Caligula (juin 2018). Préface de Pierre Renucci. Collection BD "Les Méchants de l'Histoire[54]" dirigée par Bernard Swysen aux éditions Dupuis.
  • Dans la série Les Travaux d'Apollon de Rick Riordan, Caligula est l'antagoniste principal du 3e tome : Le Piège de Feu

Voir aussi

Filmographie

Article connexe

Liens externes

Notes et références

  1. (de) H. Willrich, « Caligula », Klio, , p. 85-118 ; 288-317 ; 397-470.
  2. Castorio 2017.
  3. Suétone, Vie des douze Césars, Caligula, 7.
  4. Suétone, Caligula, 8
  5. Suétone, Caligula, 8.
  6. Suétone 1990, Caligula, p. 9.
  7. Sénèque, De la constance d'un sage 18,4 : « Caligula devint pour lui une injure et un outrage dès qu'il eut chaussé le cothurne ».
  8. Girod 2019, IV, p. 131-140.
  9. Suétone, Caligula, 10.
  10. Girod 2019, III, p. 119-120.
  11. Girod 2019, IV, p. 142-144.
  12. Tacite 1974-1978, VI, p. 50.
  13. Suétone 1990, Vie de Caligula, p. 13.
  14. Suétone 1990, Vie de Caligula, p. 14.
  15. Dion Cassius, Histoire romaine, LIX, 6, 2-3 ; Suétone, Caligula, XV, 6 ; XVI, 2.
  16. Suétone, Caligula, 16.
  17. (en) Philon d'Alexandrie (traduction de Charles Duke Yonge), On the Embassy to Gaius II, Londres, Henry George Bohn, 1854–1890, p. 13
  18. Girod 2019, IV, p. 148-151.
  19. Suétone 1990, Caligula, p. 15.
  20. Dion Cassius 1970-1987, Histoire romaine, p. 9–10.
  21. Girod 2019, IV, p. 153-154.
  22. Marcel Le Glay, Yann Le Bohec, Jean-Louis Voisin, Histoire romaine, PUF, 1991.
  23. Par exemple Suétone, Caligula, XXIV, 1-2.
  24. Par exemple G. W. Adams, The Roman Emperor Gaius 'Caligula' and his hellenistic Aspirations, Boca Raton, BrownWalker Press, 2007.
  25. Castorio 2017, p. 263-279.
  26. L. Quidde, Caligula, Eine Studie über römischen Cäsarenwahnsinn, Leipzig, Wilhelm Friedrich, 1894.
  27. H. Sachs, Bubi ou la vie de Caligula, Paris, Grasset, 1933.
  28. Entre autres R.S. Katz, « The Illness of Caligula », The Classical World 65, 1972, p. 223-225 ; Id., « Caligula's Illness again », The Classical World 70, 1977, p. 451 ; V. Massaro, L. Montgomery, « Gaius-Mad, Bad, Ill or All Three? », Latomus 37, 1978, p. 894-909 ; M. G. Morgan, « Caligula's Illness again », The Classical World 66, 1973, p. 327-329 ; Id., « Once again Caligula's Illness », The Classical World 70, 1977, p. 452-453. Également J. Lucas, « Un empereur psychopathe. Contribution à la psychologie du Caligula de Suétone », L'Antiquité classique 36, 1, 1967, p. 159-189 ; A. T. Sandison, « The Madness of the Emperor Caligula », Medical History 2, 1958, p. 202-209.
  29. « Les historiens [principalement Suétone et Dion Cassius] nous ont transmis des événements une version hautement fantaisiste : on dirait qu'ils ont recopié, avec le plus grand sérieux, les plaisanteries, et les plaisanteries seulement, d'un Canard Enchaîné d'obédience sénatoriale » (R. Auguet, Caligula ou le pouvoir à vingt ans, Paris, Payot, 1975, p. 164).
  30. Castorio 2017, p. 281-349.
  31. Dion Cassius 1970-1987, Histoire romaine, p. 10.
  32. Suétone 1990, Vie de Caligula, p. 38.
  33. Suétone 1990, Vie de Caligula, p. 41.
  34. Girod 2019, IV, p. 159.
  35. Suétone 1990, Vie de Caligula, p. 40.
  36. Dion Cassius 1970-1987, Histoire romaine, p. 15.
  37. (en) Sam Wilkinson, Caligula, London: Routledge, , 128 p. (ISBN 978-0-203-00372-5), p. 10.
  38. (en) Richard Alston, Aspects of Roman history, AD 14–117, London: Routledge, , 368 p. (ISBN 978-0-203-01187-4), p. 82.
  39. Sénèque, De la brièveté de la vie XVIII.5, lire en ligne
  40. Dion Cassius, Histoire romaine, LIX, 16, 1-8 ; 20, 1-3 ; Suétone, Caligula, XXIII, 2 ; XXVI, 3.
  41. Par exemple S. Wilkinson, Caligula, Londres-New York, Routledge, 2005, p. 80.
  42. https://www.college-de-france.fr/media/john-scheid/UPL18440_38.pdf.
  43. Suétone, Caligula, XXIV, 2 ; Dion Cassius, Histoire romaine, LIX, 11.
  44. Par exemple Dion Cassius, Histoire romaine, LIX, 26, 6-7 ; 9-10.
  45. I. Cogitore, La légitimité dynastique d'Auguste à Néron à l'épreuve des conspirations, Rome, École française de Rome, 2002, p. 63-78.
  46. Suétone, Caligula, 59.
  47. Voir principalement Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XIX, 17-157.
  48. Xavier Darcos, Dictionnaire amoureux de la Rome antique, .
  49. Suétone, Caligula, 33.
  50. Suétone, Caligula, 32.
  51. « Vie des douze Césars/Caligula - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le ).
  52. Suétone, Caligula.
  53. (en) Songfacts, « Caligulove by Them Crooked Vultures - Songfacts », sur www.songfacts.com (consulté le )
  54. «Les méchants de l'histoire», sur www.20minutes.fr (consulté le )
  55. (en) « Roman Empire Caligula The Mad Emperor Netflix release date, cast, trailer, plot », sur Express.co, (consulté le )
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