Gypse

Le gypse est une espèce minérale composée de sulfate dihydraté de calcium, de formule chimique CaSO4 · 2 H2O.

Cet article concerne le minéral. Pour la roche, voir Gypse (roche).

Gypse
Catégorie VII : sulfates, sélénates, tellurates, chromates, molybdates, tungstates[1]

Gypse et soufre (32 × 18 cm). Sicile.
Général
Numéro CAS 10101-41-4
Classe de Strunz
Classe de Dana
Formule chimique H4CaO6S CaSO4 · 2 H2O
Identification
Masse formulaire[2] 172,171 ± 0,011 uma
H 2,34 %, Ca 23,28 %, O 55,76 %, S 18,62 %,
Couleur incolore, mais aussi de blanc à gris pâle, grise parfois verdâtre, rougeâtre, jaune, jaune miel, jaunâtre, vert, orange, rosé, rouge rosé, rougeâtre, brun clair à brunâtre, la coloration ordinaire à teintes claires s'accroissant avec sa massivité
Classe cristalline et groupe d'espace prismatique ;
A2/a ou I2/a
Système cristallin monoclinique
Réseau de Bravais centré A ou I selon les auteurs
Macle communes sur {100}, macles en queue-d'aronde. Sur 110 ou {101}, macle en papillon ou fer de lance. Rare sur {209}. Macles cruciformes.
Clivage parfait à {010}, net à {100} et {011}
Cassure irrégulière, micacée, esquilleuse, parfois conchoïdale ou fibreuse
Habitus cristaux bien développés, tabulaires ou plats, allongés parfois au-delà du mètre, lenticulaires, prismatiques, souvent maclés, associés en rosettes ou roses... mais le plus souvent massif, lamellaire ou fibreux, en amas cristallin plus ou moins grossiers, plus ou moins fins, plus ou moins lités
Échelle de Mohs 1,5-2 (2 par définition)
Trait blanc
Éclat vitreux à soyeux, nacré à chatoyant, subvitreux à mat pour les variétés compactes, souvent perlé et nacré sur les faces ou surfaces du clivage, parfois fibreux pour les variétés fibreuses ou simplement terne et terreux.
Propriétés optiques
Indice de réfraction a=1,519-1,521,
b=1,522-1,523,
g=1,529-1,530
Pléochroïsme aucun
Biréfringence biaxial (+) ; 0,0090-0,100
2V = 58°
Fluorescence ultraviolet jaune, orangée, bleue ou verte sous U.V. longs ; phosphorescent blanc verdâtre sous UV. La fluorescence et phosphorescence sont plus marquées après chauffage.
Transparence transparent à translucide, translucide à opaque
Propriétés chimiques
Densité 2,31 - 2,33
Température de fusion Devient de l'hémihydrate de 125 à 130 °C ;
devient anhydre à 163 °C. °C
Fusibilité Assez difficilement fusible. Des feuillets se détachent à la calcination et fondent en libérant de l'eau. Formation de plâtre poudreux et opaque à partir de 120 °C, puis en général d'anhydrite au-delà de 200 °C.
Solubilité Se dissout dans HCl chaud,
2,04 g·L-1 dans l'eau à 20 °C et 1,8 g·L-1 à 80 °C.
Comportement chimique flexible, mais non élastique, à ténacité friable, sans réaction aux acides
Propriétés physiques
Magnétisme aucun
Radioactivité aucune

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Le même mot, gypse, désigne aussi une roche évaporite majeure, constituée principalement du minéral gypse[3].

Historique de la description et appellations

Étymologie

Le neutre gréco-latin gypsum, emprunté au grec γύψος (gypsos), désigne la pierre à plâtre, le gypse, voire la craie et le ciment en général, mais surtout le plâtre jusqu'à ses applications antiques, statue ou portrait en plâtre dès l'époque de Juvénal[4].

Une fausse étymologie hellénique prétend décomposer le grec gupsos en gê (la terre) et ipson (brûler). Ce serait ainsi la « Terre (pierre, élément terrestre) qui est grillée au feu ». Mais la racine du mot est probablement sémitique car la connaissance du gypse et l'art d'en obtenir des plâtres de diverses qualités est attestée en Égypte antique. Des plâtres mélangés avec du sable fin constituent la base du mortier employé pour la construction des pyramides et des tombeaux[5].

L'ancien français du début du XIIIe siècle connaît les termes gip, gif ou gist qui désignent autant le gypse que le plâtre[6]. Le latin médiéval a influencé la graphie gips, attestée en 1464 avant la réécriture humaniste qui a donné gypse en français[7]. L'anglais a gardé l'écriture savante gréco-latine gypsum. En allemand, der Gips ou le dialecte alsacien Gips entretiennent la même confusion que l'ancien français ou l'anglais entre plâtre (forme cuite réhumidifiée ou non) et le minéral ou la roche initiale. L'adjectif gypseux n'est attesté en français moderne qu'à partir de 1560.

Autrefois, les plâtriers désignaient le gypse naturel ou l'anhydrite comme la pierre de lune. Ils considéraient que la variété transparente fournissait l'image minérale de la lune. Il semble que cette tradition, supposant aussi une influence lunaire sur la formation des multiples variétés ou l'instabilité thermique du gypse, soit gréco-romaine, puisque le mot grec σεληνη (sélêné), connu dans tout l'Empire pour désigner la lune était un autre nom du gypse. La sélénite, terme de formation savante, issu de l'antique vocable gréco-latin sēlēnītes (masculin) ou sēlēnītis (féminin), pierre (lithos) de lune (sēlēna), désigne indistinctement les roches et les minéraux à base de sulfate de calcium, principalement gypse et anhydrite, au début du XVIIe siècle, bien avant de se spécialiser dans une grande forme cristalline spécifique.

Les ouvriers gypsiers ou les plâtriers distinguaient sans ambages la pierre gypseuse ou pierre à plâtre du plâtre cru. Le plâtre cru vient de prendre, le plâtre dur est durci et sec après la pose. Ils distinguaient aussi le plâtre vif ou le plâtre à raviver, soit la poudre fine de plâtre à pouvoir de prise, du plâtre mort, c'est-à-dire une poudre de plâtre, préalablement bien trop humidifié sans plus aucun pouvoir de prise.

L'hémihydrate et le dihydrate de sulfate de calcium, soient respectivement le plâtre et le gypse, l'anhydrite sont des espèces chimiques précisément dénommées d'après la nomenclature lavoisienne, par des chimistes français œuvrant à la compréhension chimique du plâtre de Paris depuis la fin du XVIIIe siècle.

Synonymes

Ambiguïté du terme sélénite

  • Pour les francophones, le terme « sélénite » est usité comme un simple synonyme du gypse minéral naturel[14].
  • Pour les chimistes, le terme sélénite (français) ou selenite (anglais) désigne un sel du sélénium, un élément chimique sans aucun rapport avec le gypse, même si on peut en trouver des traces sous forme d’impuretés dans le minerai naturel.
  • Pour l’association internationale de minéralogie, seul le gypse est reconnu, sous le terme Gypsum[15].

Toponymie et onomastique

Noms de lieu :

Caractéristiques physico-chimiques

Le minéral pur est léger, de densité 2,317. Ses faces cristallines ont un aspect vitreux translucide, nacré ou soyeux, bien observable lorsque le solide gypseux est incolore ou légèrement coloré. Tendre, rayable à l'ongle en laissant une trace blanche, il se fend et se délite aisément. Le minéral a servi d'étalon pour définir le degré de dureté 2 dans l'échelle de Mohs à l'origine.

Critères de détermination

Le gypse est légèrement soluble dans l'eau pure, soit une solubilité maximale de 2,5 g par litre dans les conditions normales de température et de pression. La solubilité du gypse, pour 100 g d'eau pure, n'est que 0,223 g à 0 °C (eau froide) et 0,257 g à 50 °C[17]. La solubilisation est plus efficace entre 30 et 40 °C. Le passage en solution ou dissolution est en général imperceptible à l'œil. L'eau qui a solubilisé du gypse était nommée par les anciens chimistes eau séléniteuse, ou autrefois « eau de lune » dans la tradition médiévale des plâtriers. Cette eau séléniteuse est impropre à la cuisson des aliments et au savonnage du linge[18]. Elle était autrefois détestée par les lavandières et les ménagères ou cuisinières, mais aussi par les forgerons et les tailleurs de pierre, car le gypse ou les composés de la famille des sulfates de calcium, anhydrites, plâtres, mirabilite... plus ou moins solubles, ou portés par les poussières après asséchement favorisent la rouille du fer, comme une altération plus précoce des pierres. La décomposition de l'eau séléniteuse, sous l'action de matières organiques en milieu anaérobie, est d'ailleurs pestilentielle, en dégageant du gaz hydrogène sulfuré H2S.

Le minéral gypse ne peut être caractérisé par une effervescence aux acides. L'eau chargée de dioxyde de carbone ou légèrement acide n'a aucun effet sur le minéral. Le gypse est toutefois soluble dans les acides forts, en particulier facilement l'acide chlorhydrique à chaud. Il est aussi soluble dans le glycérol, les solutions diluées d'acides, de sels d'ammonium, de peroxodisulfate de sodium, voire de chlorure de sodium et/ou de chlorure de magnésium. Toutes ces dernières solutions diluées favorisent la dissolution du gypse. Il est insoluble dans les alcalins et les solvants organiques courants.

Une lame transparente de gypse blanchit puis s'effrite lorsqu'elle est chauffée légèrement. Elle tombe en poudre après avoir généré un brouillard humide. Le test de chauffe, s'il est réalisé dans un tube à essai en verre suffisamment allongé, ne laisse au fond du tube qu'une petite masse poudreuse et une buée caractéristique, se condensant et se rassemblant en petites gouttelettes d'eau, sur les parois du tube les plus éloignées de la zone de chauffe.

Placé dans une flamme, le gypse décrépite, blanchit et s'exfolie.

Chauffé entre 120 et 130 °C, ce corps minéral se décompose en une poudre fine d'hémihydrate de sulfate de calcium, encore communément dénommée le plâtre ou correspondant en minéralogie à la bassanite[19].

CaSO4.2H2O solide cristalCaSO4. ½H2Opoudre ou masse solide plus ou moins pulvérulente + 3/2H2O vapeur d'eau

Dans les conditions normales de pression, la perte des trois demi-moles de la réaction ci-dessus est rapide à 128 °C. Mais la perte de deux moles d'eau peut être complète à 163 °C, avec la réaction suivante :

CaSO4. ½H2Opoudre ou masse solide → CaSO4poudre d'anhydrite ou masse anhydre + 1/2 H2O vapeur d'eau.

En pratique, les réactions présentées restent indicatives. De 60 °C à 200 °C, avec des cinétiques variables, différentes formes allotropiques métastables d'hémihydrates puis d'anhydrites apparaissent. Elles doivent être souvent réduites en poudre, car la plupart ne possèdent pas une consistance pulvérulente dès leurs formations.

Ajoutons sommairement que le gypse, comme l'anhydrite, est utilisé pour la fabrication industrielle du plâtre. Par chauffage, on obtient un sulfate hémihydraté qui, après broyage, forme un liant qui se réhydrate en gypse au contact de l'eau. La prise du plâtre peut s'expliquer par un feutrage d'aiguilles de gypse renaissant.

Le gypse possède des propriétés plastiques caractéristiques des minéraux d'évaporites, soumis à forte pression, il peut s'écouler et constituer une semelle de glissement, par effet de gravité ou de pression tangentielle. Les montagnes qui reposent sur des bancs de gypse sont susceptibles d'être glissées, versées ou coulissées au loin par des nappes de charriage.

Variétés

Le gypse cristallise selon des faciès très différents et possède ainsi, du fait des nombreux aspects de ses cristaux, des variétés extrêmement diverses. Les cinq premières variétés, parfois microcristallines ou à petits cristaux compacts ou enchevêtrés, sont surtout présentes dans la roche. Ce sont principalement des variétés d'habitus :

  • Le gypse lamelleux, commun dans les bancs d'évaporites, a des cristaux allongés ou tabulaires, à l'état de lamelle.
  • albâtre gypseux : variété grenue de gypse massif à grains fins à très fins ; elle est translucide à blanche. Les masses granulaires, d'aspect cireux, sont parfois veinées ou litées. À noter que le terme albâtre n'est pas propre au gypse et à sa roche mais s'étend aux calcaires ;
  • gypse fibreux : variété en couches à fibres parallèles, à éclat satiné, ou en concrétions à fibres courbées. On les trouve dans les fissures ou au contact de l'anhydrite. Elle correspond à la pierre à plâtre ou provient souvent de l'évolution de l'anhydride soluble naturelle ;
    • Le gypse « corne de bélier » est formée de longs et fins cristaux fibreux qui épousent ce motif courbe.
    • Le spath satiné se caractérise par les reflets soyeux de ses cristaux fibreux, assemblés en masse fibreuse nacrée et satinée.
  • gypse saccharoïde : variété de gypse en masses granulaires compactes et plus ou moins grossières, en particulier fort commune dans le bassin parisien où il constitue la roche gypseuse, à cassure brillante, analogue au sucre, dont le nom dérive du latin saccharum ou du grec sakkharon, sucre et du suffixe d'origine gréco-romaine -oïde, signifiant globalement « en forme de sucre ou de masse sucrée » ou « ayant l'aspect du sucre » ;
  • la pierre à plâtre commune ou du commerce, en masse cristalline compacte et faiblement calcareuse
  • ordite : variété qui est en fait une pseudomorphose de gypse d'un minéral non identifié, découverte à Orda, dans le kraï de Perm, en Russie ;
Gypse en forme de rose des sables trouvée en Tunisie.
  • gypse lenticulaire : plus rarement, le gypse se trouve sous forme de grands cristaux transparents, tabulaires ou maclés. Les cristaux du gypse sont bien connus des chimistes pour leur facilité à former des macles ou associations de faces cristallines. Ils peuvent être « en fer de lance », « en queue d'hirondelle » ou former des « roses des sables » :
    • le gypse en fer de lance est le résultat de la macle de deux grands cristaux lenticulaires. À la loupe ou à l'œil nu, un fer de lance est formé d'une macle ou union de deux cristaux géants suivant une ligne médiane bien visible qui représente le plan visible d'union ou macle ; La mine Case of Swords, à Naica, dans l'état désertique de Chihuahua, au Mexique, dévoile de gigantesques épées de gypse, dépassant souvent deux mètres. Cette mine de Naïca permet même de voir des cristaux géants de ce minéral dépassant 11 mètres de long.
    • il existe aussi des macles simples dites pieds d'alouette, en queue d'aronde (favorisant les cristaux prismatiques), en queue d'hirondelle… ;
    • les roses des sables sont des cristallisations lenticulaires de gypse dont la disposition rappelle les pétales de roses. Elles se forment principalement dans les sebkhas par évaporation d'eau infiltrée sur des grains de quartz ou de sables support qui peuvent en constituer parfois plus de la moitié de la masse. La rose des sables est ainsi le résultat de multiples associations maclées de gypse ou de l'enchevêtrement de cristaux lenticulaires dont les concrétions, en lentilles jaunâtres et saccharoïdes, forment des masses isolées, associant le plus souvent des sables de nature variée. Ces cristallisations se rencontrent dans des terrains tendres (sable, argile), principalement dans les déserts, mais peuvent aussi se rencontrer dans les zones tempérées, notamment en France. Les plus connues et plus belles proviennent des marges sahariennes du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) ou désertiques des États-Unis (Arizona, Nouveau-Mexique)[20].
    • Les masses cristallines de concrétion cristalline de gypse, zonées par l'arrangement ordonné des cristaux, donnent des onyx gypseux.

Cristallochimie

La structure cristalline du gypse apparaît simple, avec ses feuillets de [Ca(SO4)]0 électriquement neutres maintenus par des molécules d'eau (H20)0[21]. Les groupes de tétraèdres SO42-, contenant le soufre au centre d'un tétraèdre et les quatre oxygènes aux quatre sommets, sont indépendants et disposés sur deux plans parallèles. Ils sont liés chacun par un de leurs atomes d'oxygène à trois cations Ca2+. Les cations Ca2+ au tiers de l'épaisseur du feuillet sont situés entre trois groupes SO42-. Ils sont entourés de six oxygènes, en plus de deux molécules d'eau (H20)0 placées sur un plan externe au feuillet.

La cohésion interne au feuillet est bien supérieure à la cohésion entre feuillets, assurée uniquement par liaisons faibles de van der Waals entre les molécules d'eau homologues de deux feuillets voisins. Cette dernière est encore plus faible si l'ion Na+ s'y installe.

Cette architecture ionique permet d'expliquer les trois clivages du gypse, le premier qualifié de « facile et parfait », le second de « bon », et le troisième « fibreux ». Les chimistes peuvent aussi commencer à raisonner sur l'application industrielle majeure du gypse, la confection du plâtre. Remarquons que, généralement, le clivage microscopique des grands cristaux appartenant au système cristallin monoclinique, classe prismatique, est facile. Mais les feuillets se courbent sans avoir l'élasticité propre au mica.

Le gypse est le représentant d'un groupe isostructurel, le groupe du gypse :

  • ardéalite (it) Ca2(PO3OH)(SO4)·4H2O, Cc, m ;
  • brushite Ca(PO3OH)·2H2O, I2/a, 2/m ;
  • churchite-(Nd) Nd(PO4)·2H2O ;
  • churchite-(Dy) (Dy,Sm,Gd,Nd)(PO4)·2H2O ;
  • churchite-(Y) YPO4·2H2O, A2/a, 2/m ;
  • gypse CaSO4·2H2O, A2/a, 2/m ;
  • pharmacolite CaH(AsO4)·H2O.

Cristallographie

Cristaux de gypse avec des inclusions vertes d'herbertsmithite. Ces cristaux ont été découverts à la mine de Polkowice-Sieroszowice en Pologne.

La forme cristalline dérive d'un prisme rhomboïdale oblique.

  • Paramètres de la maille conventionnelle : = 5,68 Å, = 15,18 Å, = 6,29 Å, β = 113,833° (V = 496,09 Å3), Z = 4 unités formulaires par maille
  • Densité calculée = 2,31 g/cm3
Cristaux isolés

Les cristaux isolés peuvent être en forme de bloc, biseautée, prismatique à tabulaire, lamellaire, lenticulaire... Ils sont très souvent maclés. Les cristaux de petite taille se regroupent souvent en pied d'alouette. Les cristaux de grande taille s'apparient souvent en fer de lance. Certains cristaux s'associent en lames ou en petits filons fibreux. Il existe même des cristaux tabulaires ou lenticulaires, à faces légèrement courbes, mais l'analyse chimique révèle des impuretés de NaCl.

Les variétés de gypse de grande taille dénommées autrefois individuellement « une sélénite » attestée en 1611 en français moderne, atteignent quelques centimètres ou même quelques décimètres. On les trouve souvent dans les sables ou les argiles à proximité des bancs gypseux. Il désigne pour les collectionneurs un gypse aux fins cristaux en lamelles transparentes, multidirectionnelles, ou encore un habitus cristallin gigantesque rassemblant les cristaux les plus énormes. Dans ce dernier cas, comme dans la mine mexicaine de Cave of Swords à Naica, des « cristaux de sélénite » transparents, marqués de stries verticales, à face apicale et à éclat perlé, atteignent la dimension d'un cercueil d'homme. Cet emploi technique s'est maintenu sous influence anglo-saxonne, alors que l'usage du mot français s'amenuisait. Les cristaux de très grande taille sont ainsi toujours dénommés sélénites ou « gypse sélénite » par les collectionneurs.

Clivage

Il existe principalement deux clivages formant un angle de 60°. Le premier sur (010) est très parfait. Il apparaît micacé, en lames et écailles parfois très minces, un peu flexibles, mais néanmoins non élastiques.

Avec un couteau à lame mince, il est facile de procéder à la division d'un grand cristal transparent en fines lames. Chaque lame, sous l'effet d'un léger choc, se fragmente à son tour, suivant deux séries de fêlures, se croisant à 60°.

Gîtes et gisements

Le gypse, minéral très répandu, est universellement connu par les nombreuses variétés morphologiques de ses cristaux. Il est ainsi qualifié de fer de lance, pied d'alouette, fibreux, terreux, grenu, saccharoïde, lamellaire, spathique, lamellaire fin ou sélénite, vitreux transparent ou pierre de lune, mica, spath satiné, pailleté de soleil, rose des sables... et sa variété la plus dure, à beau poli, à masse granulaire très fine, employée par les sculpteurs et décorateurs se nomme même par sa blancheur immaculée albâtre[22].

Gîtologie et minéraux associés

Le gypse est un des sulfates naturels les plus communs, terme majeur des dépôts évaporites, car plus abondant que la halite. Le minéral se formerait en principe par sédimentation épaisse au cours de l'évaporation de lagunes d'eau de mer coupées de la mer, par la première cristallisation des sels contenus dans l'eau marine[23].

Les bancs puissants de gypse font partie des roches sédimentaires salines, encore appelées roches évaporites. Leur préformation lagunaire ou en playas ou plages à rivages oscillants, typiques de milieux salins ou saumâtres sursaturés, semble évidente dans une modélisation simpliste :

  • lorsque le niveau des océans augmente, des lagunes se remplissent ;
  • lorsque le niveau baisse, ces lagunes sont coupées de la mer, leur eau s’évapore et le gypse se dépose au fond.

Pourtant, les vases filtrantes, les fluctuations diurnes ou saisonnières de température, les éventuels rares lavages par inondation jouent aussi un rôle. Les dépôts salins ou d'évaporites complexes sont recouverts ensuite par d'autres sédiments, notamment des vases argileuses ou des argiles ou soumis à d'autres multiples influences géologiques. C'est pourquoi de gros blocs en concrétions de gypse se forment par diagenèse dans les argiles et marnes[24].

Le gypse peut perdre les molécules d'eau retenues au cours de sa cristallisation à partir de 42 °C, voire pratiquement dès 33 °C, pour donner naissance à l'anhydrite, le cristal anhydre de sulfate de calcium (CaSO4), qui se retransforme lentement en gypse si elle entre à nouveau en contact avec l'eau ou si la température ou la pression baisse. L'anhydrite peut constituer un mode de stockage, puis le gisement parvenu en surface se transforme en couche de gypse par hydratation aérienne ou par lente imprégnation humide.

Le gypse formé en couches épaisses d'évaporites (marines ou lacustres) ou inséré très fréquemment dans les roches sédimentaires se rencontre en présence de minéraux comme l'anhydrite, l'aragonite, la calcite, la célestine, la dolomite, la halite et les sulfures.

Le gypse est aussi un dépôt de précipitation assez commun à partir de sources thermales. Le gypse apparaît autour des dépôts par sublimation directe de fumerolles, phénomènes associés en profondeur aux batholites. Il peut avoir aussi avoir une origine volcanique, notamment de sources chaudes.

Le gypse des mines métallifères, notamment dans les zones de minerais sulfurés soumis à dégradation oxydante des sulfures, provient de filons hydrothermaux nés au contact des plutons granitiques.

Le gypse est également parfois présent dans certaines météorites.

Dans les zones désertiques, les dépôts sédimentaires remaniés par l'érosion éolienne, avec dépôt et reprise par le vent, génèrent l'accumulation progressive de sables gypseux en dunes impressionnantes, composés parfois de minéraux érodés quasi-purs, comme à White Sands au Nouveau-Mexique. Parfois, le vent dissémine simplement les fins cristaux, qui finissent par constituer des agrégats en « rosettes », de couleurs plus ou moins brunes ou rougeâtres, avec souvent à l'origine des noyaux d'origines diverses (sables calcaires ou siliceux, argiles…), dans les endroits de dépôts.

En France d'importants dépôts de gypse apparaissent entre −250 et −33 millions d'années.

Les principaux gisements de gypse, intensément exploités dans l'économie contemporaine, sont des bancs de roches évaporites, suffisamment puissants[25].

Gisements producteurs de spécimens remarquables

Australie
États-Unis;
  • Arizona :
    • gisement de roses du désert ou des sables ;
  • Nouveau-Mexique :
    • Gisement de sables gypseux de White Sands. Ce désert de sable de gypse blancs, visible de l'espace, couvrent 580 km2. Des dunes gypseuses peuvent dépasser 12 mètres de haut,
    • gisement de roses des sables ;
  • Texas :
France
Italie
  • Les sites toscans près de Volterra ou de Perticara en Romagne sont appréciés des collectionneurs pour leurs splendides cristaux limpides.
  • En Sicile, il existe de magnifiques associations entre gypse et soufre, au point que le gypse peut être décrit comme un minerai accessoire du soufre.
  • Mine Niccioleta, Massa Marittima, Province de Grosseto, Toscane[29]
  • Dans les argiles de Bologne et de Pavie, cristaux de gypse parfois de grande taille.
Maghreb
  • gisements de rose des sables de grande qualité, aux confins du Maroc et du Sud Algérien, du Sud Tunisien
Mexique

Utilisations et production

Utilisation antique liée au clivage facile des gros cristaux transparents

Dans l'Antiquité, des cristaux de gypse particulièrement purs, débités en fines lames transparentes ou translucides, ont été employés dans la fabrication de vitres, en l'absence de verre[32], comme en atteste Pline l'Ancien[33].

Notons que cet usage technique n'est pas isolé : de nombreuses sources antiques attestent l'emploi du gypse comme matériau de construction et de décoration à l'air libre, assez commun dans les régions arides.

Utilisation actuelle

Actuellement, le gypse est principalement exploité pour la production du plâtre.

Exploitation des gisements

Son exploitation dépasse 60 millions de tonnes en 1980. Environ 75 % du gypse exploité sert à la fabrication du « plâtre de Paris ».

Production industrielle du minéral

La production industrielle du gypse s'effectue par la banale précipitation du sulfate de calcium dans différents procédés industriels, notamment :

De nombreuses études ont été menées pour le substituer au gypse naturel, notamment dans la fabrication de carreaux de plâtre. Le séchage de ces derniers s'est avéré prohibitif[réf. nécessaire]. En revanche, la fabrication de la variété α de l'hémihydrate du sulfate de calcium, obtenue par autoclavage en présence d'additifs minéraux, permet d'obtenir des cristaux de taille nettement plus importante et dont le séchage est beaucoup moins cher ;

  • la désulfuration des gaz : en Allemagne, la loi de 1983 concernant la protection contre les rejets toxiques dans l'atmosphère impose aux centrales thermiques à combustibles fossiles d'être équipées d'installations de désulfuration des gaz de fumée. Il s'agit d'un procédé simple de traitement des fumées, reposant sur l'utilisation de chaux hydratée ou de lait de chaux (la production de chaux générant néanmoins de fortes émissions de dioxyde de carbone qui est un gaz à effet de serre). Les cristaux de gypse ainsi obtenus peuvent servir de matière première à l'industrie des matériaux de construction. Un procédé semblable est utilisé pour le traitement des gaz acides issus de l'incinération des ordures ménagères ;
  • la neutralisation des eaux riches en sulfates et en certains acides des industries du dioxyde de titane.
Résidu gypseux

Du phosphogypse ou gypse impur contenant divers fluorophosphates de calcium, de fer ou d'aluminium est le sous-produit de la fabrication de l'acide orthophosphorique H3PO4. Le procédé phosphogypse par voie humide part de l'attaque du phosphate tricalcique par l'acide sulfurique à chaud.

La réaction idéale si le phosphate tricalcique était pur serait :

  • Ca3(PO4)2 (s) + 3 H2SO4 (aq) + 6 H2O → 3 CaSO4·2 H2O (s) + 2 H3PO4 (aq).

Galerie

Galerie France

Galerie Monde

Notes et références

  1. La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. Le gypse, autrefois qualifié de pierre à plâtre ou chaux sulfatée naturelle, permet de fabriquer le plâtre ou de réaliser l'ensemble des gypseries, souvent décoratives. Il entre aussi dans la composition des ciments. Son usage de minerai industriel est bien détaillé dans l'article homonyme sur la roche. Les diverses fabrications ou récupérations industrielles du gypse qui donnent pourtant un minéral recelant des impuretés analogues aux minerais à la base de la préparation, sont toutefois détaillées dans un paragraphe ci-dessus.
  4. Dictionnaire latin-français de Felix Gaffiot, Hachette
  5. (en) Ben Selinger, Chemistry in the Marketplace, Fifth Edition, Harcourt Brace, Sydney, 1998, 588 pages. En particulier page 321
  6. Algirdas Julien Greimas, Dictionnaire de l'ancien français, Larousse, Paris, 1992
  7. Albert Dauzat, Jean Dubois et Henri Mitterand, Dictionnaire historique et étymologique, Larousse
  8. Valmont-Bomare, Dictionnaire raisonné, universel d'histoire naturelle, 1800, p. 16
  9. (en) Lionel H. Cole et William F. Jennison, Gypsum in Canada: its occurrence, exploitation, and technology, Canada. Mines Branch (1901-1936), no  245, 1913, p. 102
  10. J.C. Delamétherie, Leçons de minéralogie. 8 volumes, Paris, vol. 2, 1812, p. 380
  11. (en) Max Hutchinson Hey, An index of mineral species & varieties arranged chemically: with an ..., British Museum (Natural History). Dept. of Mineralogy, 1955, p. 278
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  16. Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875
  17. Perry's Chemical Engineer's Handbook, 6e éd.. Une solution de sulfate anhydre de calcium dans l'eau précipite sous forme de gypse. Une eau pure à 30 °C peut contenir 0,064 g de sulfate de calcium à saturation à 30 °C, 0,063 g à 40 °C, 0,057 g à 50 °C, 0,045 g à 70 °C, 0,031 g à 80 °C, 0,027 g à 90 °C, 0,011 g à 100 °C. La notion de solubilité apparaît bien différente selon le point de départ, gypse à dissoudre ou soluté de sulfate de calcium sursaturé. En réalité, le gypse forme facilement des solutions sursaturées.
  18. Une eau savonneuse, plus ou moins mousseuse, donne des grumeaux salissants lorsqu'on la verse et mélange à une eau séléniteuse.
  19. La simple réaction chimique ne dévoile nullement l'art antique du plâtrier ou l'industrie du plâtre, esquissée dans l'article sur la roche.
  20. Il ne faut pas les confondre avec les rosettes de baryte, de même forme mais plus dense.
  21. Jean-Paul Poirot, Mineralia, Minéraux et pierres précieuses du monde, Artemis édition, Losange 2004, 224 pages. Double-page sur le gypse.
  22. Les masses granulaires très fines sont parfois légèrement colorées. Il faut noter qu'il existe des variétés de gypse très pures, mais aussi des formations impures ou associations minérales qui portent le même nom que celles citées. D'où une perpétuelle confusion... Nous faisons ici référence à des variétés minéralogiques de haute pureté, plus rares.
  23. L'eau de mer contient encore aujourd'hui en moyenne 1,5 kg de gypse par m³.
  24. Les bancs de gypse amassé au Ludien dans le Bassin parisien sont séparés par des bandes d'argiles, et coincés entre des marnes infra- et supra-gypseuse.
  25. Ils sont détaillés, ainsi que l'exploitation plâtrière, dans l'article gypse (roche).
  26. (en) Charles Palache, Harry Berman et Clifford Frondel, The System of Mineralogy of James Dwight Dana and Edward Salisbury Dana, Yale University 1837–1892, vol. II : Halides, Nitrates, Borates, Carbonates, Sulfates, Phosphates, Arsenates, Tungstates, Molybdates, etc., New York (NY), John Wiley and Sons, Inc., , 7e éd., 1124 p., p. 485
  27. Didier Descouens, « Les Mines de gypse d'Arnave et Arignac », in Monde et minéraux, no. 62, 1984, p. 16-17
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  32. Geneviève BOUILLET, « Les pierres utilitaires dans les constructions romaines : matériaux et techniques », COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE, (consulté le )
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Voir aussi

Bibliographie

  • Ronald L. Bonewitz, Margareth Carruthers, Richard Efthim, Roches et minéraux du monde, Delachaux et Niestlé, 2005, 360 pages (traduction de l'ouvrage anglo-saxon, publié par Dorling Kindersley Limited, London, 2005), en particulier p. 212 à p. 213. (ISBN 2-603-01337-8)
  • Basil Booth, Roches et Minéraux, collection Mini encyclopédie, Solar, 2002, 80 pages, (ISBN 978-2263032301)
  • Alfred Lacroix, Le gypse de Paris et les minéraux qui l'accompagnent (première contribution à la minéralogie du bassin de Paris), Masson et Cie, 1897, 296 p.
  • Henri-Jean Schubnel, avec Jean-François Pollin, Jacques Skrok, Larousse des Minéraux sous la coordination de Gérard Germain, Librairie Larousse, Paris, 1981, 364 p. (ISBN 2-03-518201-8). en particulier, page 167-168.

Articles connexes

Liens externes

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