Groupe boulangiste

Le groupe boulangiste est un groupe parlementaire à la Chambre des députés pendant les IVe et Ve législatures de la Troisième République française.

Histoire

Avant les élections de 1889

Discours de Boulanger à la tribune de la Chambre (gravure boulangiste, vers 1888-1889).

Farouchement républicains mais de plus en plus hostiles au conservatisme institutionnel et social de la majorité républicaine opportuniste (reconduite mais amoindrie par les élections de 1885), les députés radicaux siègent dans plusieurs groupes : la Gauche radicale, nombreuse mais moins intransigeante que l'Extrême-Gauche, présidée par Barodet et menée par Clemenceau, qui représente le courant radical-socialiste, et enfin le petit groupe ouvrier, proche du socialisme.

Après 1886, une partie de ces députés (notamment Laguerre, Laisant, Laur et Le Hérissé) participe à la naissance du boulangisme. Réuni autour du général Boulanger, ce mouvement est révisionniste (les radicaux veulent réviser les lois constitutionnelles dans un sens plus démocratique), revanchiste (voire nationaliste) et favorable à des réformes sociales.

À la mi-, une dizaine de députés radicaux[1] intègrent, aux côtés de journalistes (Rochefort, Mayer, Lalou) et du poète Déroulède, un « Comité républicain de protestation nationale » (préfiguration du Comité républicain national) destiné à défier le gouvernement en soutenant la candidature du général aux législatives partielles du . De plus en plus inquiets face à la montée d'un mouvement plébiscitaire qui leur évoque le bonapartisme, les radicaux désavouent majoritairement l’initiative de leurs collègues et, le , le groupe de l'Extrême-Gauche décide d'exclure les boulangistes de ses rangs[2]. Cet ostracisme ouvre la voix à la formation d'un groupe boulangiste. Mené par Boulanger lui-même, après l'élection de ce dernier dans le Nord le , il commence à se réunir dès la fin du mois[3].

Rallié par quelques députés supplémentaires, le nouveau groupe plafonne à une petite vingtaine d'adhérents, bien en deçà de l'effectif potentiel de 38 membres estimé par le journal Le Soir[4]. Plusieurs autres députés, tels qu'Andrieux, Gaussorgues[5], Gilly[6], Granet, Hugues, Lesguillier[4], Simyan[5] et Steenackers, sont plus ou moins proches des boulangistes sans pour autant appartenir à leur groupe. La plupart des autres parlementaires républicains rejettent le boulangisme, dont ils soupçonnent l'entente avec les monarchistes, et refusent à son groupe l'appellation de « Groupe républicain national »[7].

Après les élections de 1889

Les 18 députés boulangistes élus dans la Seine en 1889 (caricature par Émile Cohl).

Les élections de 1889 sont un échec pour les boulangistes, privés de leur chef (condamné par la Haute Cour, le général s'est exilé et sa réélection à Paris sera invalidée). Alors qu'ils convoitaient 205 sièges, il n'en obtiennent finalement que 42[8], chiffre encore réduit par plusieurs invalidations. De leur côté, les conservateurs (monarchistes) élus avec l'investiture du Comité républicain national prennent place à droite. Le , lors de l'élection du président de la Chambre, seuls 28 des 92 bulletins nuls portent le nom de Boulanger[9], permettant ainsi d'évaluer à une trentaine de membres le groupe présidé par Alfred Naquet[10].

Impuissant et divisé, le groupe boulangiste se désagrège rapidement à partir de 1890, notamment après les révélations retentissantes d'un de ses membres, Mermeix, sur les coulisses des tractations avec les monarchistes. À la fin de l'année 1890, Déroulède, qui s'est brouillé avec Laguerre, tente de réorganiser un « groupe révisionniste » d'une douzaine de membres[11]. Or, ce projet n'est pas soutenu par Boulanger, ce qui permet au journal de Laguerre d'avancer qu'« il n'y a plus de groupe boulangiste »[12]. En , Laguerre, Naquet et quatre de leurs collègues font ainsi savoir qu'ils ne sont plus des boulangistes mais des « républicains révisionnistes »[13]. Après la mort de Boulanger en 1891, plusieurs boulangistes de gauche (notamment les « rochefortistes ») se rapprochent de certains socialistes et signent le manifeste révisionniste de l'ancien communard Cluseret[14].

La fin de la législature est éprouvante pour les derniers boulangistes. En effet, ils échouent à tirer parti du scandale de Panama avant de se discréditer définitivement lors de l'affaire Norton, qui aboutit à la démission de Déroulède et de Millevoye.

Après les élections de 1893, seuls seize ex-boulangistes (élus pour la plupart en tant que « révisionnistes ») reviennent à la Chambre. Avec quelques socialistes nationalistes menés par Cluseret, ils forment un petit groupe parlementaire socialiste national, le groupe nationaliste (quelquefois qualifié de « groupe boulangiste »)[15].

Députés boulangistes (1888-1893)

IVe législature

Ve législature[18]

Notes et références

  1. Les députés membres du Comité républicain de protestation nationale sont Borie, Brugeilles, Duguyot, Laguerre, Laisant, Laur, Le Hérissé, Michelin, Susini et Vergoin, bientôt rejoints par Laporte (cf. Année politique 1888, p. 60-61), Chevillon et Vacher (Gil Blas, 22 avril 1888, p. 2).
  2. Le XIXe siècle, 21 avril 1888, p. 2. Les six boulangistes exclus de l'Extrême-Gauche sont Chevillon, Duguyot, Laguerre, Laporte, Susini et Vergoin. Laisant et Michelin avaient quitté ce groupe auparavant.
  3. Le XIXe siècle, 30 avril 1888, p. 1
  4. Le XIXe siècle, 22 avril 1888, p. 1.
  5. Le Rappel, 14 mars 1889, p. 1.
  6. Gil Blas, 9 décembre 1888, p. 2.
  7. Journal officiel de la République française, comte-rendu de la séance du 8 juillet 1889, p. 1874.
  8. Bertrand Joly, Histoire politique de l'affaire Dreyfus, Paris, Fayard, 2014, p. 100.
  9. Le Matin, 13 novembre 1889, p. 1.
  10. Le Matin, 19 novembre 1889, p. 2.
  11. Le Radical, 23 et 24 décembre 1890, p. 1.
  12. La Presse, 8 janvier 1891, p. 3.
  13. La Presse, 12 mai 1891, p. 1.
  14. « Un manifeste », La Lanterne, 13 janvier 1893, p. 1.
  15. Gil Blas, 1er décembre 1895, p. 2.
  16. La Croix, 19 juin 1888, p. 3.
  17. Gil Blas, 16 mars 1889, p. 2.
  18. Les députés conservateurs élus avec l'investiture du Comité républicain national ou passés temporairement par le boulangisme (Brincard, Du Saussay, Engerand, Haussmann, Jaluzot, Marius Martin, Robert Mitchell), de même que les boulangistes invalidés puis non-réélus en 1890 (Léouzon-Leduc, Picot, Susini), ne figurent pas dans cette liste.
  19. Amédée Chassagne, Les 40 mortels du boulangisme, Paris, Dentu, 1893.
  20. Le Temps, 31 octobre 1890, p. 1.

Bibliographie

  • André Daniel, L'Année politique, 15e année (1888), Paris, Charpentier, 1889, p. 59-63.
  • Jean Garrigues, Le Boulangisme, Paris, PUF, 1992.
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