Le Grand café (Moulins)

Le Grand café est un café-restaurant situé 49, place d'Allier, dans le centre de Moulins, dans le département français de l'Allier. Considéré comme l'un des plus beaux cafés de France[1], il fut créé en 1899. Son architecture intérieure s'apparente au style Rocaille, un style revenu à la mode dans la seconde moitié du XIXe siècle, mais avec une expression baroque annonciatrice des créations de l'Art nouveau[1],[2] que l'on retrouve sur sa façade. La salle principale est décorée de grandes glaces murales, de pilastres en stuc avec guirlandes de feuillage, de ferronneries, de différents luminaires dont un grand lustre de bronze, d'un plafond avec une fresque allégorique et une verrière et de quelques peintures murales[2]. Le Grand café est inscrit à l'inventaire des Monuments historiques depuis [2].

Pour les articles homonymes, voir Grand café.

Architecture

Au rez-de-chaussée, la grande salle rectangulaire est divisée en deux, division marquée par une grande poutre métallique centrale siglée Eiffel[3], recouverte de stuc et qui porte un immense lustre en bronze. Le fond de la salle est dominée par une mezzanine à la balustrade en fer forgé[3] très travaillée qui porte une pendule.

Les murs longitudinaux sont ornés, entre chaque pilastre de stuc, de bois chantournés surmontés d'immenses miroirs[3] aux encadrements dorés qui créent une perspective infinie.

Au plafond, sur la partie avant de la salle, la partie « café », une fresque peinte par Auguste Sauroy représente la légende de Gambrinus[3], roi mythique de Flandre et Brabant, à qui on attribue la naissance de la bière. Il existait probablement une autre fresque[4] sur le plafond de l'arrière de la salle, la partie « brasserie », mais qui a été remplacée plus tard par une grande verrière dans le style années 30[4].

Histoire

Le concept de café-brasserie commence à essaimer les grandes villes de France à la fin du XIXe siècle, en partie sous l'impulsion d'Alsaciens ayant fui l'annexion allemande de leur région après la défaite de 1870[5]. Les architectes laissent alors libre cours à leur imagination[5] durant cette période de la Belle époque, marquée par une intense activité culturelle. Ces cafés vont souvent devenir des hauts lieux de la vie intellectuelle locale[5].

Un dénommé Renoux, originaire de Montluçon[4] et qui avait été garçon de café dans la brasserie parisienne Lipp[4] cherchait un lieu pour créer un tel établissement[4]. Il va le trouver sur la place de l'Allier, qui est devenue le nouveau centre de l'activité commerciale de Moulins[6] : un marché couvert à structure métallique y a été inauguré en 1880[6], le Crédit Lyonnais s'implantant à Moulins, installe sa succursale sur la place en 1881 (au n° 66 mais déménagera dans un immeuble spécialement construit au n° 33 en 1910[6], la Société générale s'installera également sur cette place en 1910[6]). Les architectes moulinois reproduisent dans ce quartier les évolutions architecturales de l'époque[6] ainsi les ondulations apparaissent sur les façades, balcons et fenêtres comme par exemple sur le typique immeuble des Nouvelles Galeries[6] qui ouvrent en 1914 rue de l'Allier.

En 1898, Renoux va investir 250 000 francs-or[7],[1] (équivalent de 600 000  de 2016[7]) pour la création de ce café. Il fait appel à une de ses connaissances, l'architecte italien Louis Galfione-Garetta[4], alors directeur de l'école municipale des beaux-arts[6], qui va concevoir un décor un peu fantastique, qui annonce l'Art nouveau[4] (il dirigera aussi la décoration de la confiserie Aux Palets d'or[6] encore existante aujourd'hui). Galfione confie la décoration du plafond du Grand café au peintre Auguste Sauroy[4]. Cet artiste local avait peint en 1894 sur le plafond du nouveau théâtre de la ville, une fresque (disparue aujourd'hui) en hommage au poète symboliste Théodore de Banville né à Moulins et mort quelques années plus tôt. Il participa en 1896, toujours à Moulins, à la décoration de la maison Mantin, riche demeure bourgeoise devenue aujourd'hui un musée. Une mezzanine est construite à l'arrière du rez-de-chaussée pour qu'un orchestre puisse s'y installer[4], le Grand café restera un café-concert jusque dans les années 1950-1960[4]. Il ouvre en 1899.

Le café présentera le « cosmorama mouvant », où l'on présentait, avec un jeu de lentilles et de tableaux, des lieux pittoresques du monde[8]. Les prospectus distribués dans la ville parlaient d'un « spectacle artistique et mondain sans rival, variant tous les lundi, mercredi et vendredi: illusion complète »[8]. Vers 1905[8], le Grand café offrira les premières séances de cinématographe de la ville (suivi par deux autres cafés de la ville)[8], d'abord données en plein air sur la place[6]. L'appareil de projection était alors monté sur le balcon extérieur du premier étage[8], l'orchestre installé sur la mezzanine à l'intérieur jouant pendant la projection[8].

En ce début de siècle, l'ambiance y est feutrée[1]. Le Grand café est fréquenté par les notables de Moulins, dont les hauts fonctionnaires de cette préfecture du département, les riches commerçants et les marchands de bestiaux après les foires[1].

C'est à cette période que Coco Chanel, qui s'appelait encore Gabrielle Chasnel et qui travaillait alors comme couturière à la Maison Grampayre[9], une mercerie située à moins de 200 mètres de là[Note 1], fréquenta le Grand café[9], et où elle s'est peut-être produite comme chanteuse[4]. Avec sa tante Adrienne, de deux ans son ainée, elles y ont leur premier contact avec la bourgeoisie[1]. Elles y fréquentent les officiers du 10e régiment de chasseurs à cheval[9] stationné à Moulins et qu'elles suivront ensuite au café de la Rotonde (aujourd'hui disparu), un café-concert plus festif et bruyant[9] et où elle gagnera le surnom de « Coco », inspiré d'une chanson qu'elle y interprétait.

En 1933, Émile Marcelot, âgé d'à peine vingt ans et tout juste sorti de l'école hôtelière, va prendre la suite de son père à la tête de l'établissement[1] ; il y restera soixante ans[1].

Après guerre, la clientèle se diversifie. La jeunesse lui donnera son surnom de « Grand jus »[1], encore repris de nos jours par les Moulinois[4],[10].

Le 22 septembre 1978, la façade et les deux salles avec leur décor du Grand café sont inscrites au titre des Monuments historiques[2].

En 1993, Marcel Pocheron devient le nouveau propriétaire[1]. Il en entreprend la rénovation sous le contrôle de l'architecte des bâtiments de France, la grande salle du Grand café retrouve ainsi sa couleur gris impérial[1].

Le Grand café change de nouveau pour son propriétaire actuel, le cinquième depuis sa création, Christian Belin qui, à la fin des années 2000, début des années 2010, en transmet la direction à ses deux filles Maud et Alexandra[10]. Fin 2013, le Grand café décroche le label d'État de Maître restaurateur[10]. En mars 2014, le Grand café a été rénové et la cuisine a été étendue passant de 20 à 80 m2 ouvrant désormais sur la salle[10].

Lieux de tournage

Le Grand Café a servi de lieu de tournage pour le téléfilm Coco Chanel[4], réalisé par Christian Duguay en 2008.

Il est souvent affirmé[4],[7],[11], mais erronément[12],[13], qu'il a également servi de lieu de tournage pour le film Maigret et l'affaire Saint-Fiacre, réalisé par Jean Delannoy en 1959 avec Jean Gabin dans le rôle du commissaire Maigret. Ce film est tiré du roman L'affaire Saint-Fiacre de Georges Simenon qui en situe l'action à Moulins et dans sa région dont des scènes dans un café imaginaire de Moulins, dénommé Café de Paris. Georges Simenon, lorsqu'il était jeune adulte, avait fréquenté le Grand café. Il était alors le secrétaire du comte de Tracy au château de Paray-le-Frésil[4], un château situé non loin de Moulins.

Mais plusieurs différences notables[Note 2] entre l'intérieur et l'extérieur du Grand café et ce que l'on voit dans le film infirment que des scènes y aient été tournées[12]. Un décor ressemblant au Grand café avait été créé pour les besoins du film, probablement dans les studios Éclair[14], en banlieue parisienne. Le propriétaire d'alors du Grand café, Émile Marcelot, avait d'ailleurs démenti cette rumeur[12],[13], indiquant que le réalisateur, Jean Delannoy, était bien venu faire des repérages mais que la disposition des lieux et surtout les nombreux miroirs l'avaient dissuadé d'y filmer[13].

Contrairement aussi à ce qui est parfois affirmé, l'arrivée de Maigret (Jean Gabin) à Moulins n'a pas non plus été filmé dans la gare de la ville mais à la gare de Vaux-sur-Seine, dans le nord-ouest de la banlieue parisienne.

Galerie photos

Notes et références

Notes

  1. La maison Grampayre se situait à l'angle entre la rue d'Allier et la rue de la Flèche, l'emplacement de l'ancienne mercerie est aujourd'hui (2017) occupé par une boutique de téléphonie mobile.
  2. Pour les scènes représentant le Grand café dans le film Maigret et l'affaire Saint-Fiacre, Guy Cordelier, photographe moulinois et spécialiste de cinéma, démontre sur son site Internet que ces scènes ont été tournées en studio. Il énumère ainsi de nombreuses différences entre le décor reconstitué et le Grand café réel. Parmi celles-ci, on peut citer:
    • Pour l'extérieur: une rue, avec un carrefour à proximité, débouchant sur la place de l'Allier, à deux immeubles à droite du Grand café, rue et carrefour qui n'existent pas (et n'ont jamais existé). Sur la façade du Grand café visible dans le film, les portes et les volutes de bois sont différentes de celles de la façade réelle qui n'ont pas changé depuis l'origine.
    • Pour les intérieurs: les largeur et hauteur des glaces murales sont différentes, les motifs d'encadrement ne sont pas les mêmes, la hauteur de la salle est plus basse dans le film, l'escalier menant à la mezzanine est situé à droite dans le film, à gauche dans le Grand café, le garde-corps en fer forgé de cette même mezzanine est un simple garde-corps à barres droites dans le film alors qu'il est très travaillé et typique de la fin du XIXe au Grand café, le soubassement de cette mezzanine est également différent. La largeur du Grand café n'aurait pas permis l'angle de vue de certaines scènes dont celles du billard et n'offre d'ailleurs pas l'espace supplémentaire à gauche où celui-ci se trouve dans le film. L'escalier descendant vers le cabaret imaginaire du Hola Hoop, situé dans le sous-sol de l'immeuble voisin, est aussi inexistant dans le Grand café.
    Les scènes dans le Grand café sont visibles entre la 57e et la 63e minute du film.

Références

  1. Ginette Hell-Girod, L'Esprit des brasseries, Paris, éditions du Chêne, , 176 p. (ISBN 2-85108-877-7), p. 118 à 120
  2. Notice no PA00093197, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. Le patrimoine des communes de l'Allier, t. 1, Paris, Flohic éditions, , 1143 p. (ISBN 2-84234-053-1), p. 900.
  4. Sylvie Jolivet, « Le Grand Café fait rayonner Moulins », Les Echos, (lire en ligne, consulté le ).
  5. Aude Carasca, « L'Excelsior brasse au-delà du Tout-Nancy.. L'art de vivre des cafés-brasseries », La Croix, (lire en ligne, consulté le ).
  6. M-Th. Tety et D. Laurent, Moulins : La ville et l'architecture du XVe au XIXe siècle, Moulins, Société bourbonnaise des études locales, (ISBN 2-9517544-0-X)
  7. Caroline Drillon et Marie-Claire Ricard, L'Auvergne pour les nuls, Paris, First, coll. « Pour les nuls », , 392 p. (ISBN 978-2-7540-8504-5, lire en ligne)
  8. Henriette Dussourd, Moulins d'hier : 1815-1918, Moulins, éditions des Cahiers du Bourbonnais, , 136 p., « Les Cafés », p. 76.
  9. Sandro Cassati, Coco Chanel : pour l'amour des femmes, Paris, City éditions, coll. « City document », , 256 p. (ISBN 978-2-8246-4954-2, lire en ligne)
  10. Farid Sbay, « L’historique café de la place d’Allier se refait une beauté », La Montagne, (lire en ligne, consulté le ).
  11. "Le cinéma dans l'Allier" sur le site allier-auvergne-tourisme.com.
  12. "Maigret tourné au Grand Café ?" sur le site personnel de Guy Cordelier.
  13. Hervé Moisan, « Les deux films de L’affaire Saint-Fiacre, le roman où Simenon fait naître Maigret dans l’Allier », La Montagne, (lire en ligne, consulté le ).
  14. Les studios Éclair sont les seuls studios crédités dans le générique du film mais Hervé Moisan, dans un article de La Montagne (voir ci-dessus) mentionne comme lieu de tournage les studios de Joinville, situés également en banlieue parisienne.

Voir aussi

Bibliographie

  • Caroline Drillon, Marie-Claire Ricard, L'Auvergne pour les nuls, Edi8, 2016, p. 326 (en ligne).
  • Sous la direction éditoriale de Sophie-Dorothée Delesalle, Le Patrimoine des communes de l'Allier, Flohic éditions, 1999.

Article connexe

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