Gibran Khalil Gibran
Gibran Khalil Gibran (prononcé en français : [ʒi.bʁɑ̃ ka.lil ʒi.bʁɑ̃], en arabe : جبران خليل جبران (Jubrān H̱alīl Jubrān)), né le à Bcharré (dans la moutassarifat du Mont-Liban) et mort le à New York, est un poète libanais d'expression arabe et anglaise (il parlait aussi couramment le français, d'après Alma Reed (en) Alma Reed (es)[1]), et un artiste peintre. Il séjourna en Europe et passa la majeure partie de sa vie aux États-Unis.
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Les références contenues dans cet article à des textes publiés en caractères arabes ont été translittérées en caractères latins selon la norme ISO 233-2 (1993).
Son recueil de textes poétiques en anglais The Prophet (traduit par « Le Prophète » en français), publié en 1923, devint particulièrement populaire pendant les années 1960 dans le courant de la contre-culture et les mouvements « New Age ». Son œuvre poétique le fit comparer à William Blake[2].
Biographie
Enfance
Gibran naît le à Bcharré, dans la moutassarifat du Mont-Liban, province autonome de l'Empire ottoman. Sa mère Kamlé, alors âgée d'environ vingt-quatre ans, est la fille d’un prêtre maronite[3] dont la famille était d'origine musulmane (probablement chiite, alaouite, druze ou soufie)[4]. Son père Khalil, troisième époux de celle-ci et de six ans son aîné[5], a un oncle apothicaire et travaille dans sa boutique[6]. Le nom de Gibran comprend successivement son prénom (Gibran), le prénom de son père (Khalil), et son nom de famille (Gibran)[7]. Aux États-Unis, lorsqu'il entrera à l'école, son prénom sera remplacé par « Khalil », incorrectement orthographié « Kahlil », qu'il choisira pour signer ses œuvres en anglais[8]. Gibran fréquente d'abord une école primaire de Bcharré, où l'enseignement semble avoir été réduit au calcul élémentaire, à l'écriture et à la lecture dans les langues arabe et syriaque, et au service de la messe selon le rite maronite[7].
Ayant contracté une dette de jeu qu'il est incapable de payer, Khalil, le père de Gibran, se met au service d'un administrateur nommé par les autorités ottomanes ou chef de guerre local[9]. Vers 1891, le père de Gibran est incarcéré sur des allégations de détournement de fonds, et les biens de sa famille sont confisqués par les autorités[10]. Bien que le père de Gibran soit libéré en 1894, Kamlé part pour les États-Unis en 1895 avec Gibran, les jeunes sœurs de celui-ci, Mariana et Sultana, et leur aîné et demi-frère Boutros, débarquant à New York le [8], d'où ils rejoignent Boston, où vit à l'époque la deuxième plus grande communauté syro-libanaise des États-Unis[7], et où ils sont hébergés un temps par le petit-fils d'un frère d'un arrière-grand-père de Gibran et l'épouse de celui-ci, avant de s’installer au 9, Oliver Place, dans le South End de Boston[7].
Kamlé travaille en vendant du linge de maison en porte à porte, puis comme couturière itinérante, jusqu'à ce qu'un an plus tard elle ait réuni assez d'argent pour permette à Boutros d'ouvrir une boutique[11]. Gibran commence l’école à la Quincy School le [7]. Il fréquente aussi la Denison House[7]. L'année suivante, une enseignante de Gibran présente celui-ci à une assistante sociale qui le présente elle-même à Fred Holland Day, qui le soutient dans ses efforts de création et le fait connaître par d'autres artistes[7]. En 1898, Gibran commence à illustrer des couvertures de livres[7].
Kamlé et Boutros envoient Gibran, âgé de quinze ans, dans son pays natal pour y poursuivre ses études[7]. Il étudie au collège de la Sagesse à Beyrouth[12]. Le , sa sœur Sultana meurt, à quatorze ans, de ce qui semble être la tuberculose ; ayant appris cette nouvelle, Gibran revient à Boston, arrivant deux semaines après l'enterrement de Sultana, en étant passé par Ellis Island le [13]. L’année suivante, Boutros meurt de la même maladie puis sa mère d’un cancer[14]. Sa sœur Mariana semble avoir subvenu aux besoins matériels d'elle-même et de Gibran grâce à un emploi dans un atelier de couture[15].
Premières œuvres
Les dessins de Gibran sont exposés pour la première fois en 1904 à Boston, au studio de Fred Holland Day[16], où Gibran rencontre Mary Elizabeth Haskell, directrice d'école[17], « qui devient son amie intime, sa protectrice et sa bienfaitrice »[17]. En 1905, Gibran publie un livre en arabe, Nubḏaẗ fī fann al-mūsīqá, aux éditions Al-Muhāǧir[18]. Il publie deux autres livres en arabe au cours des trois années suivantes : ‘Arā’is al-murūǧ (signifiant « Les Nymphes des vallées ») en 1906 et Al-Arwāḥ al-mutamarridaẗ (signifiant « Les Esprits rebelles ») en 1908[17]. En 1908, grâce à Mary Haskell, Gibran part étudier l’art à Paris[17]. Il y fréquente l'académie Julian puis l'atelier de Pierre Marcel-Béronneau[19]. Le père de Gibran meurt en 1909[17]. En 1910, les autorités ottomanes ordonnent l'autodafé en place publique d'Al-Arwāḥ al-mutamarridaẗ[20]. Le , Gibran repart aux États-Unis[20], il débarque à New York le , et arrive à Boston le lendemain[7].
Carrière littéraire
En 1911, Gibran s'installe à New York[21]. En [22], un livre en arabe de Gibran, Al-Aǧniḥaẗ al-mutakassiraẗ (signifiant « Les Ailes brisées »), est publié aux éditions Mirʾāẗ al-ġarb[20]. En avril, il est présenté à Abbas Effendi par Juliet Thompson[23]. À la mi- est publié dans le journal Al-Sāʾiḥ (signifiant « Le Pèlerin ») un article de Gibran en arabe dans lequel il se présente comme « chrétien et fier de l'être », « cependant » aimant « le prophète arabe » et « en » appelant « à la grandeur de son nom », chérissant « la gloire de l'Islam » et craignant que celle-ci ne s'étiole, aimant « le Coran », et ayant « logé Jésus dans une moitié de son cœur et Mahomet dans l'autre moitié »[7]. En 1914 les éditions Atlantic publient un livre en arabe de Gibran, Damʿaẗ wa-ibtisāmaẗ (signifiant « Larme et sourire »), aux [24]. En 1915, il est nommé secrétaire du Comité d’aide aux sinistrés de la Syrie et du Mont-Liban, puis adhère au Comité des volontaires de la Syrie et du Mont-Liban[25]. La même année, Gibran entame l'écriture de The Prophet[26]. En est publié par Alfred A. Knopf son premier livre en anglais, The Madman (signifiant « Le Fou »)[26], recueil de paraboles et de poèmes dont Gibran a déjà fait paraître l'un, intitulé Defeat, dans un « leaflet for Serbia »[27]. L'année suivante, sont publiés un livre en arabe, Al-Mawākib (signifiant « [Les] Processions »), aux éditions Mirʾāẗ al-ġarb[28], et un livre en anglais, Twenty Drawings (signifiant « Vingt Dessins »), chez Alfred A. Knopf[26]. En 1920, sont publiés un livre en arabe, Al-ʿAwāṣif (signifiant « Les Tempêtes »), au Caire aux éditions Al-Hilāl[29], et un livre en anglais, The Forerunner (signifiant « Le Précurseur »), chez Alfred A. Knopf[30]. Le , Gibran reforme avec d'autres écrivains la Ligue de la plume[31].
En 1923 Gibran publie en arabe Al-Badāʾiʿ wa-al-ṭarāʾif (signifiant « [Les] Merveilles et [les] curiosités »), au Caire aux éditions Al-Maṭbaʿaẗ al-ʿaṣriyyaẗ[32], et en anglais The Prophet chez Alfred A. Knopf[30]. À une lecture de The Prophet organisée par le pasteur William Norman Guthrie à Saint Mark's Church, Gibran fait la connaissance de Barbara Young[33], qui sera sa secrétaire à partir de 1925[34]. En 1926, un livre en anglais de Gibran Sand and Foam (signifiant « Sable et écume »), est publié chez Alfred A. Knopf[35]. En 1928, Gibran publie en anglais chez Alfred A. Knopf, Jesus, the Son of Man (signifiant « Jésus, le Fils de l'Homme »)[36], le plus long ouvrage qu'il ait écrit[37], il aurait dit à Barbara Young avoir commencé à l'écrire après qu'il « “fut saisi” d'une stupéfaction spirituelle » le [38].
Le il publie en anglais The Earth Gods (signifiant « Les Dieux de la Terre »), chez Alfred A. Knopf[39].
Gibran meurt le à l'hôpital Saint Vincent de New York[39], d'« une cirrhose du foie » et d'« un début de tuberculose dans l'un des poumons »[40]. L'année suivante, son corps est rapatrié au Liban et déposé dans la vieille chapelle du monastère de Mar Sarkis situé à la périphérie de Bcharré, devenu depuis un musée consacré à Gibran[41].
Œuvres littéraires
Influences
Selon Shmuel Moreh, Gibran a éprouvé beaucoup d'admiration pour Francis Marrache[42], qu'il a lu au collège de la Sagesse à Beyrouth[43]. D'après Shmuel Moreh, on peut retrouver en écho dans les œuvres de Gibran le style de Marrache et nombre des idées de celui-ci sur l'esclavage, l'éducation, la libération de la femme, la vérité, la bonté naturelle de l'homme et la morale corrompue de la société[44]. Khalil S. Hawi a mentionné la conception que Marrache a eue d'un « amour universel », en particulier, comme ayant laissé une impression profonde en Gibran[45].
William Blake aurait eu aussi une grande influence sur Gibran[46]. Celle de Friedrich Nietzsche a pu être considérée n'avoir duré qu'un certain temps[46].
Style
Le style de Gibran en arabe a été décrit par Jean et Kahlil G. Gibran comme « reflétant le langage quotidien entendu lorsqu'il était enfant à Bcharré, puis dans le quartier syrien du South End de Boston. C'est cet idiome familier, résultat de l'isolement beaucoup plus que d'une intention délibérée, qui a séduit des milliers d'immigrants arabes[47]. »
Œuvres plastiques
Gibran est l'auteur de nombreuses œuvres graphiques et picturales, dont plus de 500 ont été rassemblées dans le monastère de Mar Sarkis situé à la périphérie de Bcharré et devenu un musée consacré à Gibran[48].
- Autoportrait avec muse (1911), par Gibran.
- Illustration de The Madman (1918), par Gibran.
Mysticisme
Selon une citation rapportée par Daniel S. Larangé, « Que Gibran fût un mystique, personne ne le conteste, mais qu'il ait été un mystique chrétien, comme l'avance Barbara Young, voilà qui ne va pas de soi »[49],[50]. Selon une notice bibliographique publiée dans la Revue thomiste, le christianisme a constitué l'« horizon commun » de Gibran et de Mikhail Naimy, mais leur « chemin de pensée » les a « conduits à une reformulation à peu près complète des dogmes chrétiens, notamment à la lumière de l'hindouisme et de la théosophie [...] et dans une moindre mesure de l'islam »[51]. Néanmoins, Rafic Chikhani a écrit que Gibran s'est distingué des théosophes par « le fait » qu'il a « retenu l'idée bouddhique du retour de l'âme qui se réalise grâce au désir et à l'évolution de tous les êtres humains vers le bien »[52].
Selon Sobhi Habchi, « la notion religieuse, philosophique du « troisième œil » est à la base de l’esthétique visionnaire de Gibran », et la « figure christique » a été « chez lui une source de visions quasi mystiques avant de devenir une figure poétique et mythique », qu'il a conçue, dans Jesus, the Son of Man, « comme la somme de soixante-dix-sept témoignages ou prises de parole ou de visions qui singularisent ceux qui furent ses contemporains »[53].
Gibran aurait dit à Mary Haskell et à Charlotte Teller avoir eu plusieurs vies antérieures « en Syrie, mais brèves ; une en Italie jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans ; en Grèce jusqu'à vingt-deux ans ; en Égypte jusqu'à un très, très vieil âge ; plusieurs fois, peut-être six ou sept, en Chaldée ; une fois en Inde et en Perse »[54]
Gibran aurait aussi confié à Mary Haskell et à Charlotte Teller « qu'étant sur le point de dormir, il parvenait parfois à ressentir le dédoublement de son moi »[7].
Selon Barbara Young, « Gibran would sometimes say, after long moments of preoccupation with some thought apparently far removed from the present time and place, “Forgive me. So much of the time I am not here.”[55] »
Gibran aurait dit à Barbara Young, en parlant du prophète Almustafa qu'il avait mis en scène dans The Prophet : « That being [...] has always been with me, I think »[56].
Postérité
Des œuvres littéraires de Gibran furent adaptées au théâtre, au cinéma ou à la télévision :
- Le Prophète, film d'animation collectif, sorti en 2015.
La promenade Gibran-Khalil-Gibran lui rend hommage dans le 15e arrondissement de Paris[57].
En 1996, un grand cèdre du Liban est planté square de l'Aspirant-Dunand (14e arrondissement de Paris) pour lui rendre hommage[58].
Notes et références
Références
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- George Nicolas El-Hage.
- S. Jagadisan.
- Jean-Pierre Dahdah
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