Gautier de Coutances

Gautier de Coutances dit Gautier le Magnifique[1] († ), est un ecclésiastique anglo-normand de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle.

Gautier de Coutances

Sceau de Gautier de Coutances
Biographie
Naissance XIIe siècle
Les Cornouailles
Ordination sacerdotale
Décès
Rouen
Évêque de l’Église catholique
Consécration épiscopale par Richard de Douvres, archevêque de Cantorbéry
Archevêque de Rouen
Évêque de Lincoln
Autres fonctions
Fonction religieuse
Trésorier du chapitre cathédral de Rouen
Archidiacre d'Oxford
Fonction laïque
Vice-chancelier d'Angleterre
Justiciar d'Angleterre

.html (en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Vice-chancelier puis justiciar d'Angleterre, il est également un diplomate qui participera aux négociations du traité du Goulet. Il devient évêque de Lincoln en 1183 puis archevêque de Rouen en 1184. C'est à ce titre que Gautier lance la reconstruction de la cathédrale de Rouen et favorise l'installation des Prémontrés dans son diocèse.

Biographie

Famille et parenté

Il est le fils de Rainfroi et de Gonille, qui sont probablement originaires de Normandie[2] ou d'origine saxonne[3]. Il naît dans les Cornouailles, en Angleterre[4]. Il a un frère, Roger fitz Rainfroi († 1196), qui est au service du roi. Celui-ci occupe les fonctions de shérif du Sussex (1176-1187), shérif du Berkshire (1186-1189) et juge itinérant (après 1176)[5]

Ses importantes fonctions lui permettent de placer différents membres de sa famille à des postes importants[6]. Ainsi, son neveu Jean de Coutances († 1198), qui est trésorier du diocèse de Lisieux en 1182, devient archidiacre d'Oxford (1183) puis doyen de Rouen (1188). En 1196, il est élu évêque de Worcester[6]. Un autre neveu connu est Richard, chanoine à Lincoln, qui devient archidiacre de Rouen[2]. Il existe plusieurs autres ecclésiastiques qui utilisent le toponyme de Coutances, et qui sont chanoines à Lincoln. Ils pourraient être de sa famille[2].

Début de carrière

Coutances est souvent désigné comme « maître Gautier » (en latin : magister). Il peut avoir fréquenté les écoles théologiques de Paris[2] ou celle d'Oxford[7]. Il est chanoine de la cathédrale de Rouen dès 1169[3], il intègre en 1173 l'entourage du trésorier du chapitre Raoul de Varneville[7]. Il en devient le trésorier en 1177[2] à la suite du départ de Raoul à l'évêché de Lisieux[7]. Il commence sa carrière dans l'administration en entrant à la chancellerie du roi Henri II d'Angleterre, probablement grâce à son frère Roger[2]. En 1173, il est nommé au poste de vice-chancelier d'Angleterre quand Raoul de Varneville devient chancelier[2],[3]. À peu près à la même époque (1173-1174), il devient archidiacre d'Oxford[2]. Il détient également un canonicat à Lincoln et la chapelle anglaise de Blye[7]. En 1176-1177, le roi le charge de missions diplomatiques en France et en Flandre, et lui confie la garde de l'honneur de Arundel et de deux abbayes abbayes vacantes[2]. En 1180, il accompagne l'évêque de Winchester en ambassade auprès du roi de France[7].

Vers 1178, l'évêque Arnoul de Lisieux l'accuse d'utiliser ses pouvoirs administratifs pour l'évincer de son diocèse, avec l'appui du roi[8]. Il n'y a pas de preuves réelles de cette tentative, et s'il y en a eu une, elle n'est pas très appuyée[9].

Évêque puis archevêque

Henri II (à droite) et Philippe II prenant la croix pour la Troisième croisade. Miniature d'un manuscrit des Grandes Chroniques de France, vers 1332-1350.

En 1181-1182, Geoffroy, un fils illégitime d'Henri II, abandonne sa fonction d'évêque de Lincoln[2]. Le , Coutances est élu évêque de Lincoln par le chapitre, en présence de représentants du roi et de l'archevêque de Cantorbéry[7]. Il est ordonné prêtre[7] avant d'être consacré le à Angers[2], dans la chapelle du château par Richard de Douvres, archevêque de Cantorbéry[7].

En 1184, le roi Henri II intervient dans l'élection au siège archiépiscopal de Rouen. Il rejette le candidat choisi par le chapitre cathédral, son doyen Robert de Neubourg[7],[3], et impose comme remplaçants trois évêques anglais[2]. Coutances, le favori royal, est élu à l'été 1184, et son élection est confirmée par le pape Lucius III le 17 novembre suivant[2],[3]. Il hésite quelque temps à abandonner son évêché, car bien que plus prestigieux, l'archévêché de Rouen est moins riche. Le chroniqueur contemporain William de Newburgh écrit[2] : « finalement, l'ambition de Coutance l'emporta sur son avidité ». Il fait son entrée solennelle dans la cathédrale le [10]

En 1186, il négocie au nom du roi des trêves avec Philippe Auguste, qu'il renouvellera en 1189[7]. En , Coutances prend la croix, en même temps que les rois de France et d'Angleterre[2]. À la Pentecôte 1189, il est l'un des arbitres choisis par Henri II et son fils Richard pour régler leur conflit, lors de la conférence qui se tient à La Ferté-Bernard[2]. Henri II meurt quelque temps plus tard, le . Peu après, à Sées, Coutances absout Richard pour sa conduite envers son père. À Rouen, il l'investit duc de Normandie[2].

Justiciar d'Angleterre

Il rentre en Angleterre avec Richard, et participe à la cérémonie de couronnement[2]. Ensuite, il l'accompagne vers la Terre sainte[2]. À Messine, il est renvoyé en Angleterre pour enquêter sur les accusations levées contre le justiciar Guillaume de Longchamp et le frère du roi, Jean sans Terre[2]. Il a avec lui deux lettres du roi l'autorisant à gouverner le royaume conjointement avec Longchamp[2]. Il doit faire avec les deux factions qui s'opposent, celle de Longchamp, et celle de Jean sans Terre, tout en agissant au mieux des intérêts du roi[2]. Finalement, avec le soutien des barons et du prince Jean, Coutances dépose Longchamp et occupe sa fonction de Justiciar[2],[11].

Durant son mandat, qui dure de à fin 1193, il gouverne avec le soutien de l'administration et le conseil des barons de l'échiquier[2]. Il organise aussi deux élections pour le siège archiépiscopal de Cantorbéry, la dernière aboutissant à la nomination d'Hubert Walter, qui le remplace à la fonction de justiciar[2]. Le roi le charge ensuite de négocier sa libération[2], car il a été capturé lors de son retour de croisade, et est le prisonnier de l'empereur Henri VI du Saint-Empire. Coutances se livre en 1194 au duc d'Autriche pour garantir le paiement de la rançon du roi[2], qui recouvre ainsi sa liberté[7]. Comme Richard Ier ne verse pas les derniers 10 000 marcs, il doit les payer lui-même pour obtenir sa liberté[2].

Retour en Normandie

Coutances retourne en Angleterre en , puis en Normandie[2]. Après avoir tenté de négocier une trêve entre les rois anglais et français[11], qui se battent pour le contrôle du duché, il perd la confiance des deux hommes[2]. En , les deux rois limitent sa marge de manœuvre dans le duché en décidant que s'il les excommunient ou s'il place la Normandie sous interdit, alors il perdra la seigneurie stratégique des Andelys[2]. L'archevêque se réfugie à Cambrai jusqu'en [2]. Peu après son retour à Rouen, Richard Cœur de Lion décide de faire construire Château Gaillard, sans son consentement, sur sa terre des Andelys[2]. Coutances place alors la Normandie sous interdit et en , il s'exile à Rome[2].

En , le pape Célestin III arbitre ce conflit et décide que puisque le château est vital pour la sécurité du duché, Coutances doit accepter un échange de terres[2]. L'archevêque reçoit donc le port de Dieppe[2], Louviers, L'Aliermont[11], Bouteilles et des moulins à Rouen[12], ainsi qu'une rente annuelle de 2 000 livres angevines[2]. Coutances décide alors d'arrêter de servir Richard, et se concentre sur sa fonction d'archevêque[2].

Après la mort de Richard, le Coutances investit Jean du duché de Normandie dans la cathédrale de Rouen[2]. Il participe aux négociations qui aboutissent au traité du Goulet (1200) entre les rois d'Angleterre et de France, mais ne prend pas part aux événements qui aboutissent à la perte de la Normandie par Jean sans Terre (1204)[2]. Il se soumet ensuite rapidement au roi français, et l'investit du duché[2] en lui remettant les insignes ducaux dans la cathédrale en 1204[7],[11]. Fin 1204, début 1205, lui et ses suffragants Guillaume III d'Avranches, Jourdain de Lisieux, Vivien de Coutances et Sylvestre de Sées envoient une lettre à Innocent III sur la position à tenir envers le nouveau maître de la Normandie[11].

Gestion de l'archevêché

Élévation de la nef de la cathédrale de Rouen.

Coutances s'occupe aussi de la cathédrale de Rouen. Dès son arrivée, il entreprend la reconstruction avec la façade et les premières travées de la nef, commencée vers 1185[1]. La nuit de Pâques 1200, un incendie détruit le quartier de la cathédrale, mais épargne la tour Saint-Romain nouvellement construite, la façade et les premières travées de la nef[1]. L'archevêque lance les travaux pour relever la cathédrale notamment grâce aux dons de Jean sans Terre[1]. En 1204, Philippe Auguste assiste à la célébration dans la nef reconstruite[1].

La conquête de la Normandie par les français en 1204 n'empêche pas Coutances de conserver son siège. Avec l'intégration de la Normandie dans le giron du roi de France, il parvient en 1207 à un compromis en lien avec les autres évêques normands avec le roi sur les conflits de patronages[7],[11].

Il favorise les nouveaux ordres, parmi lesquels se trouvent les Prémontrés[11]. En 1207, il consacre l'église abbatiale de l'Isle-Dieu dont il avait posé la première pierre et lui donne cinq paroisses[7]. Il approuve en 1198 la fondation de l'abbaye de Bellozanne, fille de l'Isle-Dieu et plus tard celle de l'abbaye de Fontaine-Guérard[7],[11].

Il aura au cours de sa vie été l'auteur de plusieurs traités de droit et d'une vie de Saint-Adjuteur, patron de Vernon[7].

Il meurt le [7], et est inhumé sous un tombeau de marbre dans la chapelle Saint-Pierre Saint-Paul de la cathédrale[13]. Son tombeau était encore visible en 1731, d'après l'historien François Farin.

Voir aussi

Notes et références

  1. François Lemoine et Jacques Tanguy, Rouen aux 100 clochers : Dictionnaire des églises et chapelles de Rouen (avant 1789), Rouen, PTC, , 200 p. (ISBN 2-906258-84-9, OCLC 496646300, lire en ligne), « La cathédrale N.D de Rouen », p. 21
  2. Ralph V. Turner, « Coutances, Walter de (d. 1207) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.
  3. François Neveux dans Anne-Marie Flambard Héricher et Véronique Gazeau (dir.) (préf. Roger Jouet et François Neveux), 1204 : La Normandie entre Plantagenêts et Capétiens, Caen, Publications du CRAHM, , 440 p. (ISBN 978-2-902685-35-6 et 2-902685-35-1), « Les évêques normands et la conquête française », p. 370
  4. David S. Spear, « The Norman Empire and the Secular Clergy », Journal of British Studies, p. 8.
  5. Ralph V. Turner, The English Judiciary in the age of Glanvill and Bracton, c. 1176–1239, réimpression : Cambridge University Press, 2008. Édition originale : 1985, p. 20, 42
  6. Philippa Hoskin, « Coutances, John de (d. 1198) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, mai 2008.
  7. Vincent Tabbagh (préf. Hélène Millet), Fasti Ecclesiae Gallicanae 2 Diocèse de Rouen : Répertoire prosopographique des évêques, dignitaires et chanoines des diocèses de France de 1200 à 1500, Turnhout, Brepols, , 447 p. (ISBN 2-503-50638-0), p. 77-79
  8. J. E. A. Joliffe, Angevin Kingship, London: Adam and Charles Black, ,1955, p. 208 note 4.
  9. Carolyn Poling Schriber, The Delimma of Arnulf of Lisieux: New Ideas versus Old Ideals, Bloomington, IN:Indiana University Press, p. 118-119.
  10. Léon Alfred Jouen (chanoine) (préf. André du Bois de La Villerabel), La cathédrale de Rouen, Rouen et Paris, Defontaine / Aug. Picard, , LXXIV Pl. - 166 p., p. 14
  11. François Neveux dans Anne-Marie Flambard Héricher et Véronique Gazeau (dir.) (préf. Roger Jouet et François Neveux), 1204 : La Normandie entre Plantagenêts et Capétiens, Caen, Publications du CRAHM, , 440 p. (ISBN 978-2-902685-35-6 et 2-902685-35-1), « Les évêques normands et la conquête française », p. 372-374
  12. Cartulaire de Philippe d'Alençon, Archives départementales de la Seine-Maritime, cité par Anne-Marie Flambard Héricher, Les lieux du pouvoir au Moyen Âge en Normandie et sur ses marges, Publications du CRAHM, Caen, 2006, p. 39. lire.
  13. D'après le Gallia Christiana cité par Achille Deville, Tombeaux de la cathédrale de Rouen, Nicétas Périaux, Rouen, 1833, p. 42.

Sources

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Walter de Coutances » (voir la liste des auteurs).
  • Ralph V. Turner, « Coutances, Walter de (d. 1207) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.

Bibliographie

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