Françoise d'Eaubonne

Françoise d'Eaubonne, née Françoise Marie-Thérèse Piston d'Eaubonne le à Paris et morte dans la même ville le , est une femme de lettres française, romancière, philosophe, essayiste et biographe, et militante féministe libertaire et écoféministe.

Biographie

Famille et enfance

Françoise d'Eaubonne, née en 1920, est la troisième des quatre enfants d'Étienne Piston d'Eaubonne et de Rosita Martinez Franco. L'une de ses sœurs est l'écrivaine Jehanne Jean-Charles.

Sa mère, fille d'un révolutionnaire espagnol carliste[1],[2], est l'une des premières femmes à poursuivre des études scientifiques à la faculté des sciences de Paris, où elle a suivi les cours de Marie Curie. Ses parents se sont rencontrés au Sillon[3], mouvement progressiste chrétien porté par Marc Sangnier. Son père, originaire de Bretagne, est issu d'une famille de grands voyageurs, comptant parmi ses ancêtres un navigateur anti-esclavagiste des Antilles. Il est anarchiste chrétien, et co-fondateur du Parti fasciste révolutionnaire. Étienne d’Eaubonne est secrétaire général de compagnie d’assurance alors que Rosita-Mariquita Martinez y Franco interrompt sa carrière scientifique une fois mariée. Françoise d'Eaubonne est très tôt sensibilisée par sa mère aux inégalités vécues par les femmes[4].

L'enfance toulousaine de Françoise d'Eaubonne est marquée par le déclin physique de son père dû aux effets des gaz dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. Elle a seize ans quand éclate la guerre d'Espagne, dix-neuf ans quand elle voit arriver les républicains en exil.

Études et carrière d'écrivaine (1940-1960)

Françoise d'Eaubonne poursuit ses études à la faculté de lettres et aux Beaux-Arts de Toulouse. Tout en entrant en résistance face au nazisme, elle publie ses premiers poèmes en 1942, et Le Cœur de Watteau, son premier roman en 1944[4]. De 20 à 25 ans, elle subit les privations propres à l'époque et rencontre à la Libération, dans une grande gare parisienne, les rescapés juifs de retour des camps. Elle résumera plus tard son sentiment sur cette période de sa vie sous le titre évocateur de Chienne de jeunesse. À partir de 1945 et jusqu'en 1957, d'Eaubonne adhère au Parti communiste français. Proche de Laurent Schwartz, Vladimir Jankélévitch, Lucien Goldmann, elle se marie avec Jacques Aubenque[4].

Cette jeunesse plaquée sur une personnalité hypersensible la conduit à porter sur le monde un regard critique qui façonnera la militante radicale et féministe. En ce sens, la lecture du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, en 1949, est déterminante. Deux ans plus tard, elle prend la défense de la philosophe en publiant Le Complexe de Diane[4]. En 1953, elle devient membre du Conseil national des écrivains. Lectrice chez Julliard dans les années 1950, chez Calmann-Lévy au début des années 1960, et à la fin des années 1960 chez Flammarion, elle élève ses enfants, Indiana et Vincent, avec l'aide de sa famille[4].

Engagements contre la guerre d'Algérie, pour le féminisme et contre la peine de mort (1960-1990)

Elle milite activement contre la guerre d'Algérie et en septembre 1960, signe le Manifeste des 121, aussi appelé « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ».

Cofondatrice du Mouvement de libération des femmes (MLF) tout à la fin des années 1960, signataire du Manifeste des 343 pour le droit à l'avortement[5], elle lance le Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR) avec l'écrivain et journaliste Guy Hocquenghem et Anne-Marie Grélois en 1971[1],[2], alors qu'elle est secrétaire de rédaction au Fléau social[6]. Au sein du MLF, elle anime également le groupe « Écologie et féminisme »[7]. À l'origine du mot « phallocrate » et du terme « écoféminisme » en 1974, elle fonde l'association Écologie-Féminisme en 1978. Cette vie littéraire et militante se croise avec celles de Violette Leduc, Nathalie Sarraute[6], Colette, Jean Cocteau, Simone de Beauvoir, dont elle fut une amie très proche, de Jean-Paul Sartre.

Amie de Michel Foucault, d'Eaubonne s'engage également pour le droit des prisonniers et contre la peine de mort. Le 6 septembre 1976, elle se marie avec « le détenu Pierre Sanna, matricule 645 513, à Fresnes, condamné à vingt ans de prison pour un meurtre qu'il n'a pas commis » et l'annonce dans les colonnes du journal Libération :

« En révolte contre la classe dont je suis issue, je veux tourner contre elle les armes qu'elle me donne et détourner les institutions qu'elle fait servir à l'oppression de classe et de sexe. J'épouse Pierrot [Pierre Sanna] parce qu'il n'a jamais baissé la tête, pour ses grèves de la faim qui ont abîmé sans résultat sa santé […] ; pour avoir saisi, étant droit commun, la dimension politique de sa situation[8]. »

L'année suivante, elle figure aux côtés du comédien Guy Bedos et du chanteur Yvan Dautin, à la tribune de la Mutualité, pour demander l'abolition de la peine de mort[2].

À partir de 1988, Françoise d'Eaubonne devient secrétaire générale de SOS Sexisme. Elle intervient comme critique littéraire sur Radio Mouvance, Paris Pluriel, Paris FM, Radio-Paris et Radio-Beur (1989).

Fin de vie et postérité (1990-2005)

Elle meurt à Paris le et est incinérée au cimetière du Père-Lachaise, à Paris.

Ses archives sont conservées à l'Institut mémoires de l'édition contemporaine[6].

« Pas un jour sans une ligne » : c'est sous la férule de ce mot d'ordre que l'autrice a produit plus de cinquante ouvrages, de Colonnes de l'âme (poèmes, 1942) à L'Évangile de Véronique (essai, 2003) en passant par quelques romans de science-fiction (L'Échiquier du temps, Rêve de feu, Le Sous-marin de l'espace, Les Sept Fils de l'étoile).

Décoration

Engagements

Françoise d'Eaubonne a milité pour de nombreuses causes, notamment l'indépendance de l'Algérie et l'abolition de la peine de mort.

Féminisme et écologie

Françoise d'Eaubonne est cofondatrice du Mouvement de libération des femmes (MLF) en 1968. En son sein, elle anime le groupe « Écologie et féminisme », à une époque où peu de féministes s'intéressent alors à ce thème[9], puis fonde l'association Écologie-Féminisme en 1978.

Elle est l'une des premières penseuses à avoir articulé, dans les années 1973-1974, le lien théorique et politique entre écologie et féminisme[10] « en faisant le postulat que les hommes — le patriarcat — ont fait à la fois main basse sur le ventre des femmes et sur les ressources naturelles »[9]. Elle crée alors le mot « écoféminisme », qu'elle définit comme un nouvel humanisme dont l'objectif n'est pas la prise de pouvoir par les femmes, mais « la gestion égalitaire d'un monde à renaître »[11].

En 1975, elle participe aux activités du commando Ulrike-Meinhof-Puig-Antich en endommageant par deux charges explosives le réacteur en construction de la centrale nucléaire de Fessenheim provoquant le retard de plusieurs mois du chantier[12].

Œuvres

Parmi ses publications se trouvent des poèmes, des romans, des essais, des biographies. On y trouve notamment des « romans de science-fiction post-patriarcale », radicaux pour l'époque[9], et des romans érotiques.

Romans

  • Le Cœur de Watteau, 1944
  • Comme un vol de gerfauts, prix des lecteurs 1947
  • Jours de chaleur, Editions de Paris , série blonde (érotique), 1955
  • Le Ministère des vains désirs, nouvelles éditions Debresse, 1955
  • Belle Humeur ou la Véridique Histoire de Mandrin, 1957
  • J'irai cracher sur vos tombes, d'après les travaux cinématographiques de Boris Vian et Jacques Dopagne, 1959
  • Les Tricheurs (d'après le film Les Tricheurs), 1959
  • Jusqu'à la gauche, 1963
  • On vous appelait terroristes, 1979
  • Je ne suis pas née pour mourir, 1982
  • Terrorist's blues, 1987
  • Floralies du désert, 1995

Science fiction

  • L'Échiquier du temps, 1962
  • Les Sept Fils de l'étoile, 1962
  • Rêve de feu, 1964
  • Le Satellite de l'Amande, 1975
  • Les Bergères de l'Apocalypse, 1978

Pour la jeunesse

  • Les Fiancés du Puits-Doré, Hachette, coll. « Bibliothèque verte », 1961
  • L'Amazone bleue, Hachette, coll. « Bibliothèque verte », 1962
  • Chevrette et Virginie, Hachette, coll. « Bibliothèque verte », 1958
  • Le Sous-marin de l'espace, Gautier-Languereau, coll. « Nouvelle Bibliothèque de Suzette », 1959
  • Le Gabier de Surcouf, Brepols, coll. « Junior Club », 1959

Biographies

Essais

  • Le Complexe de Diane, érotisme ou féminisme, 1951
  • Y a-t-il encore des hommes?, 1964
  • Eros minoritaire, 1970
  • Le Féminisme ou la mort, 1974 ; rééd. 2020, éditions Le Passager Clandestin, préface de Myriam Bahaffou et Julie Gorecki
  • Les Femmes avant le patriarcat, 1976 (ISBN 978-2228-1165-03)
  • Contre violence ou résistance à l'état, 1978
  • Histoire de l'art et lutte des sexes, 1978
  • Écologie, féminisme : révolution ou mutation ?, 1978 ; rééd. 2018, Libre et Solidaire Éditeur[13] (239 pages)
  • Les Grandes Demi-mondaines, tome X d'Histoire de la galanterie, 1981
  • S comme Sectes, 1982
  • La Femme russe, 1988
  • Féminin et philosophie : une allergie historique, 1997
  • La Liseuse et la Lyre, 1997
  • Le Sexocide des sorcières, 1999
  • Mémoires irréductibles: de l'entre-deux-guerres à l'an 2000, éditions Dagorno, 2001

Poèmes

  • 1942 : Colonnes de l'âme
  • 1951 : Démons et merveilles
  • 1981 : Ni lieu, ni mètre

Autres écrits

Pamphlets (20 ans de mensonges, contre Longo Maï), traductions (poèmes d'Emily Brontë), édition critique des lettres de Flaubert, nombreuses préfaces, etc.

Elle laisse avant de mourir un impressionnant volume de souvenirs, sous le titre Mémoires irréductibles, qui regroupe Putain de jeunesse (antérieurement publié sous le titre plus correct que son éditeur avait voulu, Chienne de jeunesse), Les Monstres de l'été, L'Indicateur du réseau et Les Feux du crépuscule, ce dernier inédit jusque-là.

Références

  1. Marie-Jo Bonnet, Les Deux Amies, éd. Blanche, 2000, p. 265.
  2. Catherine Simon, « Françoise d'Eaubonne, une figure du féminisme français », Le Monde, 8 mai 2005, p. 21.
  3. Caroline Goldblum, Françoise d'Eaubonne & l'écoféminisme, Paris, Éditions Le passager clandestin, , 123 p. (ISBN 978-2-36935-221-1), p. 12
  4. Delphine Naudier et Marianne Enckell, « EAUBONNE (d’) Françoise, Dictionnaire des anarchistes », sur maitron-en-ligne.univ-paris1.fr (consulté le ).
  5. « La liste des 343 Françaises qui ont eu le courage de signer le manifeste : "Je me suis fait avorter" », Le Nouvel Observateur n° 334, 5 avril 1971, couverture.
  6. « Fonds Françoise d’Eaubonne (1920-2005) », sur imec-archives.com (consulté le ).
  7. Maïté Albistur et Daniel Armogathe, Histoire du féminisme français du Moyen Âge à nos jours, éd. Des femmes, Paris, 1977, p. 458.
  8. Voir sur lemonde.fr.
  9. Isabelle Cambourakis, « Ecoféminisme Des luttes et des femmes », Nature et Progrès, juin-juillet-août 2017 n° 113, p. 18 (ISSN 1632-3602).
  10. Anne-Line Gandon, « L’écoféminisme : une pensée féministe de la nature et de la société », Recherches féministes, vol. 22, no 1, , p. 5–25 (ISSN 0838-4479 et 1705-9240, DOI https://doi.org/10.7202/037793ar, lire en ligne, consulté le ).
  11. Françoise d'Eaubonne, Le Féminisme ou la mort, Paris, Horay, , p. 221.
  12. Léa Mormin-Chauvac, « Ecoféminisme : Françoise d’Eaubonne, révolutionnaire du désir », sur Libération.fr, (consulté le ).
  13. Voir sur libre-solidaire.fr.

Voir aussi

Bibliographie

  • Françoise d'Eaubonne & l'écoféminisme, essai de 53 pages de l'historienne Caroline Goldblum et recueil de textes de Françoise d'Eaubonne, 122 pages, Le Passager clandestin collection Précurseurs de la décroissance, Paris, 2019, (ISBN 978-2-36935-221-1)
  • L'Amazone verte (Le roman de Françoise d'Eaubonne), Élise Thiébaut, éditions Charleston, 2021, (ISBN 978-2-36812-610-3)

Filmographie

Article connexe

Liens externes


  • Portail de la littérature d'enfance et de jeunesse
  • Portail de la littérature française
  • Portail de la science-fiction
  • Portail des femmes et du féminisme
  • Portail LGBT
  • Portail de la politique française
  • Portail de l’anarchisme
  • Portail de la philosophie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.