François Libermann

François Paul Marie Libermann, né Jacob Libermann le à Saverne en Alsace (France) et mort le , et un juif converti au catholicisme, prêtre du diocèse de Strasbourg et fondateur de deux congrégations religieuses missionnaires pour l'évangélisation de l'Afrique, la Société du Saint-Cœur de Marie et la Congrégation du Saint-Esprit.

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Enfance et conversion

Jacob Libermann est né le à Saverne dans le Bas-Rhin, cinquième enfant d'une famille de neuf. Son père, Lazare Libermann, était le rabbin de la communauté juive de la ville et l'oncle du grand-rabbin de France Salomon Ulmann[1],[2].

Pendant toute son enfance, Jacob fut élevé dans la religion juive, son père souhaitant le voir lui succéder dans ses fonctions. Pour son éducation, il l'envoya à Metz, parfaire sa formation à l'école israélite.

Pendant son séjour, il apprit que son frère aîné, Samson, s'était converti au catholicisme, et avait été baptisé le . Il en fut profondément ébranlé, d'autant plus qu'il était lui-même assailli de doutes.

Il se rendit alors à Paris, où il découvrit les œuvres de Charles François Lhomond, particulièrement l'Histoire de la doctrine chrétienne[3]. Il eut la révélation de la foi chrétienne, alors qu'il priait dans sa mansarde du Collège Stanislas, le et il en fut bouleversé.

Quelques semaines après, catéchisé par Paul Drach, il fut baptisé, le et choisit alors les prénoms de François, Marie, Paul, du nom de ses parrains, souhaitant alors ardemment devenir prêtre, malgré la malédiction de son père, lourdement déçu dans ses projets puisqu'il prit le deuil de son fils.

Persistant dans sa vocation, il fut admis, en 1827, au séminaire de Saint-Sulpice. Mais là, une nouvelle épreuve l'attendait. Atteint d'épilepsie, qui semblait s'aggraver au point qu'à la fin de l'année 1829, alors qu'il se préparait au sous-diaconat, il eut une grave crise, et comprit qu'il ne serait pas admis à la prêtrise, cette maladie en interdisant l'accès.

Grâce à son excellente influence sur les séminaristes, il fut autorisé à rester au séminaire d'Issy-les-Moulineaux, où il accomplit d'importantes tâches. Il y resta six ans, avant d'être envoyé à Rennes, en tant qu'assistant du maître des novices chez les Eudistes où il resta deux ans.

Sacerdoce et mission

Portrait signé « Eugene Sch del », 1880.

Au séminaire, à partir de 1833, François Libermann rencontra deux jeunes gens, Frédéric Levavasseur et Eugène Tisserant, créoles tous deux, qui réfléchissaient à un projet d'évangélisation des esclaves noirs des anciennes colonies françaises. En février 1839, avait eu lieu une grande campagne de prière à Notre-Dame de Victoire pour l'« œuvre des Noirs » : il faut une réforme du clergé pour que les Noirs ne soient plus laissés pour compte dans les colonies. Il souhaita alors vivement encourager ce projet d'évangélisation et y participer.

Il fallait d'abord obtenir l'approbation de Rome. En , François y partit, aidé par Paul Drach, lui-même juif converti, bibliothécaire de l'Institution pour la propagation de la Foi. Ils obtinrent une audience auprès du pape Grégoire XVI le , remirent un mémoire le , et eurent la réponse le . Le projet était accueilli favorablement, à la condition que François reçoive l'ordination sacerdotale.

Il mit alors au point la règle de l'institution du Saint Cœur de Marie, à laquelle il avait déjà longuement réfléchi durant son séjour à Rennes, et entreprit d'autre part des démarches auprès du diocèse de Strasbourg afin de se préparer au sacerdoce. Il entrait le au Grand Séminaire de Strasbourg.

Après avoir été ordonné diacre le , François Libermann fut ordonné prêtre le à Amiens.

Le projet pouvait alors être mis en place. Le noviciat de La Neuville put ouvrir le .

Verrière figurant le père Libermann tenant la main d'un enfant noir, église Notre-Dame-de-la-Nativité, Saverne.
F. Libermann, vitrail, église catholique de Sainte-Marie-Madeleine et Saint-André, Dormagen, Allemagne.

L'année suivante, en mars 1842, le Père Libermann acheta à l'évêché d'Amiens la propriété de la Neuville à laquelle il fit adjoindre deux ailes et une chapelle. Et c'est en 1846 qu'il acquit un immeuble près d'Amiens afin d'y loger le noviciat, qui manquait de place.

Afin de pouvoir loger les étudiants, les philosophes et les théologiens, François Libermann acheta l'abbaye de Notre-Dame du Gard, à Crouy-Saint-Pierre, afin d'y héberger une trentaine de personnes.

Un premier départ de missionnaires eut lieu, en direction de l'Afrique, en 1843 ; ce fut un grave échec, plusieurs prêtres moururent avant d'atteindre leur but. Ce sera le « désastre de Guinée ». Mais ce pénible revers n'arrêta pas la vie de la Société, qui prit d'importantes mesures pour accompagner les prochaines missions.

François Libermann rédigea en août 1846, un Mémoire sur les missions des Noirs en général et sur celle de la Guinée en particulier qui sera sa charte missionnaire, et la base du travail que lui et ses compagnons entreprenaient, ainsi que le premier plan d'ensemble pour l'évangélisation de l'Afrique noire. En 1850, il écrivit un mémoire concernant les évêchés coloniaux, et les rapports des évêques avec le pouvoir en place. C'est en 1851 qu'il rédigea ses Instructions aux missionnaires, qui sera en quelque sorte son testament spirituel.

Dans un souci de meilleure efficacité, il amena aussi ses confrères à accepter que la Société du Saint Cœur de Marie soit intégrée à la Congrégation du Saint-Esprit, en 1848, il en sera considéré comme le second fondateur.

Il en fut élu onzième supérieur général, et prit à cœur la fusion des deux instances en conservant les richesses spirituelles de chacune.

Monument à Saverne, en l'honneur de F. Libermann.

La fin de sa vie

Vers la fin de 1851, alors qu'il était à Notre-Dame du Gard, le père Libermann se plaignit d'une intense fatigue, qui l'obligeait à garder la chambre.

De retour à la Maison mère, son frère, le docteur Libermann, vint à son chevet, mais son état était désespéré. Le , il reçut le Viatique, et il mourut entouré de ses frères, le .

Son corps fut transporté à Notre-Dame du Gard, avant d'être transféré à Chevilly-Larue en 1865. Sa dépouille repose depuis 1967 dans la maison mère de la congrégation du Saint-Esprit.

Au XXe siècle, plusieurs plaques ou monuments en l'honneur du père Libermann sont placés dans sa ville natale de Saverne.

La (en) Francis Libermann Catholic High School (en) à Toronto (Canada) et le collège Libermann à Douala (Cameroun) sont nommés en son honneur.

Œuvre

Enlèvement des Noirs, côte de Guinée, 1791.
Dakar: Gorée, maison des esclaves.

Décidant de se mettre au service des personnes les plus abandonnées dans l'Église, les prêtres de la Société du Saint cœur de Marie voulaient devenir Nègres parmi les Nègres, vivant quotidiennement ce qu'ils souhaitaient transmettre : « Faites-vous Nègres avec les Nègres pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l’Europe, mais laissez-leur ce qui leur est propre; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres… »[4] Quand Libermann emploie ce mot, « serviteur », il veut dire aussi esclave.

De nombreuses missions se succédèrent, à La Réunion avec Le Vavasseur, à l'île Maurice avec Jacques-Désiré Laval, à Haïti avec Tisserant. Il écrit aux cardinaux : « Nous avons le bonheur de pouvoir d'affirmer à Vos Éminences que les Noirs en général dans tous les pays où nos missionnaires les ont vus, sont d'un naturel bon, doux, sensible et reconnaissant. Les Noirs ne sont pas moins intelligents que les autres peuples. »

Un des buts principaux du père Libermann était de former un clergé indigène, qui pourrait ultérieurement se consacrer à l'évangélisation de leurs frères autochtones et serait d'autant mieux écouté qu'il serait des leurs.

Les centaines de lettres de Libermann qui lui ont survécu sont utilisées fréquemment comme guides dans la vie de dévotion. Il a été un pionnier des stratégies du prosélytisme et est reconnu comme un modèle pour l'activité missionnaire moderne.

Vénération

  • Le décret d'héroïcité des vertus du serviteur de Dieu, fut publié le 19 juin 1910 par le pape Pie X. Il est déclaré comme étant Vénérable de l'Église catholique.
  • Il est fêté le 2 février.

Citations

« Il faut se tenir parfaitement tranquille et s'abandonner entièrement à la sainte conduite de Dieu ; suivre paisiblement et avec un grand amour les vues de Dieu et la grâce de son Esprit. »
  • Lettre du 21 juin 1844 :
« Avancez de plus en plus en pureté de cœur, en simplicité dans toute votre conduite, en oubli du monde et de vous-même, en amour de Dieu, en zèle pour votre sanctification et pour celle des autres. Imitez votre saint Patron dans la ferveur de son amour envers Jésus et Marie. »[5]

Écrits

  • Écrits du père Libermann
  • Correspondance et lettres : Notes et Documents relatifs à la vie et l'œuvre du Vénérable François-Marie-Paul Libermann, 13 volumes et 3 suppléments, Paris,1936-1959[6]'[7].
Sceau des Pères du Saint-Esprit, 1903.

Baptisé à 24 ans au lendemain d'une conversion fulgurante[8], François Libermann, fils d'un Rabbin alsacien[9], a été l'un des grands acteurs de l'évangélisation de l'Afrique à travers la Congrégation du Saint-Esprit, qu'il a relancée en 1848[10]'[11].

Soyez parfaits

« Je pense et suis bien persuadé que pour être parfaits il faut que nous soyons absolument vidés de tout ce qui n'est pas Dieu. Le Saint-Esprit frappe à tout instant à la porte de notre cœur ; nous désirons ardemment qu'il entre, et par ce désir, nous lui ouvrons la porte ; mais comment peut-il y entrer s'il n'y trouve pas de place, s'il trouve ce cœur qui doit tant lui appartenir rempli d'affections ennemis ? Il est donc obligé de rester dehors, et il a la bonté inconcevable d'attendre jusqu'à ce qu'il trouve une petite place et à mesure que nous nous débarrassons de ces misérables affections.

Plus le Saint-Esprit est entré dans notre cœur, plus nous devenons forts pour chasser peu à peu les ennemis de Dieu qui s'en sont emparés. C'est pour cela qu'il est essentiel que nous aidions ce divin Esprit à les mettre dehors, car sans notre ferme volonté, il ne les forcera pas seul.
Il faut donc le prier ardemment et employer tout ce qu'il nous donne de force pour l'aider à accomplir cette œuvre. »

 François Libermann. Cité dans M. Lonsdale, Viens Esprit Saint en nos cœurs, Paris, éd. Philippe Rey, 2019, p. 207.

Notes et références

  1. « Biographie de Salomon Ulmann » (consulté le )
  2. « Biographie de Lazard Liberman (2 pages) » (consulté le )
  3. Doctrine chrétienne expliquée, en forme de lectures de piété, où l'on expose les preuves de la religion, les dogmes de la foi, les règles de la morale, et ce qui concerne les sacrements et la prière
  4. Lettre adressée à ses prêtres au Dakar et au Gabon le 19 novembre 1847
  5. tirées du livre du P. Vogel : "Lettres spirituelles".
  6. Correspondance de Sœur Marie de Villeneuve aux : père Libermann.
  7. L’Esprit Saint chez François Libermann : La Vie de l’Esprit.
  8. Prière du Vénérable Père François Libermann pour les Conversions.
  9. En 1841, François-Marie Paul Libermann (1802-1852), juif et fils du rabbin de Saverne, converti au catholicisme, fonde la Société du Saint-Cœur de Marie. L'objectif de cette Société missionnaire est d'apporter l’Évangile auprès des Noirs d'Afrique et auprès des esclaves devenus libres dans les Iles de Saint-Domingue (Haïti) et de Bourbon (La Réunion).
  10. Le Père Libermann.
  11. Libermann est une figure dominante dans la Congrégation du Saint-Esprit, pour sa spiritualité, pour son projet missionnaire.

Annexes

Bibliographie

  • [lire en ligne] Libermann : juif selon l'Évangile, 1802-1852 Mgr Jean Gay
  • Claude Muller, « François Libermann », in Nouveau Dictionnaire de biographie alsacienne, vol. 24, p. 2345
  • Anthologie spiritaine - Édition Congrégation du Saint-Esprit, 195, Clivo di Cinna - 00136 - Roma.
  • Paule Brasseur, Paul Coulon : Libermann, 1802-1852. Une pensée et une mystique missionnaire, Paris, Éditions du Cerf, 1988.
  • François Libermann - Éditions des Orphelins-Apprentis d'Auteuil - 1990
  • Arsène Aubert, Prier 15 jours avec François Libermann, Nouvelle Cité, coll. « Prier 15 jours », , 125 p. (ISBN 978-2853134316)
  • La Vie du vénérable père François Libermann, Éditions L'Harmattan, , 192 p. (ISBN 978-2296059870) - [lire en ligne]
  • Paul Coulon et Collectif, Claude-François Poullart des Places et les Spiritains - De la fondation en 1703 à la restauration par Libermann en 1848. La congrégation du Saint-Esprit dans son histoire : 1, Karthala, coll. « Mémoire d'Églises », , 824 p. (ISBN 978-2811102562)
  • François Libermann et Paul Coulon (préface), Petit traité de la vie intérieure : Suivi de Lettres à Eugène Dupont, Arfuyen, coll. « Les carnets spirituels », , 164 p. (ISBN 978-2908825985)
  • Commentaire sur l’Évangile selon Saint Jean, Nabu Press, , 756 p. (ISBN 978-1175650542)
  • François-Marie-Paul Libermann, Lettres spirituelles du Vénérable Libermann, premier supérieur général de la Congrégation du S. Esprit et du S. Cœur de Marie, Forgotten Books, , 618 p. (ISBN 978-0282242756)
  • Directoire spirituel, ou instructions du Vénérable F.-M.-P. Libermann aux membres de la Congrégation, Forgotten Books, , 662 p. (ISBN 978-0282339449)
  • Michael Lonsdale, Viens, Esprit Saint, en nos cœurs, Philippe Rey, coll. « Document », , 285 p. (ISBN 978-2848767406)
Articles

Articles connexes

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