Esprit Madeleine Poquelin

Esprit-Madeleine Poquelin ou Pocquelin[1], baptisée le en l'église Saint-Eustache de Paris et morte le à Argenteuil, est la fille de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière et d'Armande Béjart. Restée à l’écart de la vie publique et du monde du théâtre professionnel, elle fut, avec Michel Baron et Jean Racine, une informatrice avérée de Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest, auteur en 1705 de la première biographie de Molière.

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Biographie

Naissance et enfance

Arbre généalogique simplifié d'Esprit Madeleine

Esprit-Madeleine est la seule des quatre enfants de Molière et Armande Béjart[2] à avoir atteint l'âge adulte. Née probablement dans les premiers jours d’, elle a été conçue à la fin d’octobre ou au début de , vers le même temps où mourait son frère Louis, filleul de Louis XIV et d'Henriette d’Angleterre[3]. Son acte de baptême, dont l'original, détruit dans l'incendie de l'Hôtel-de-Ville en 1871, avait été publié en 1821, est ainsi libellé[4] :

« Du mardi 4 aoust 1665 fut baptisée Esprit-Magdeleyne, fille de Jean-Baptiste Pauquelin Maulier, bourgeois, et Armande-Gresinde sa femme, demeurant rue Saint-Honoré. Le parrain : messire Esprit de Remon, marquis de Modene ; la marraine : Magdeleyne Bezart, fille de Joseph Besart, vivant procureur[5]

L'habitude étant alors (elle l'était encore jusqu'au milieu du XXe siècle) de donner aux enfants leurs grands-parents pour parrain et marraine, certains moliéristes ont vu, dans le choix d'Esprit de Rémond et Madeleine Béjart, un indice fort qu'Armande était la fille de Madeleine et non sa sœur, comme l'indique son contrat de mariage et les documents qui s'ensuivent. On sait en effet — Grimarest l'a publié en 1705 dans sa Vie de M. de Molière[6] — que Madeleine avait eu de Modène une enfant, dont l'acte de baptême, publié en 1821 par le commissaire Louis-François Beffara, fait connaître que le elle avait été tenue sur les fonts de la même église Saint-Eustache et prénommée Françoise[7],[8].

Des premières années d'Esprit-Madeleine, on sait peu de chose. La seule allusion que l'on ait à une scène de son enfance est le petit costume de couleur rose au corps de taffetas vert garni de dentelle fausse qu'elle portait pour la représentation de Psyché en 1671[9].

Sa marraine Madeleine Béjart meurt le . Le précédent, elle avait dicté son testament, par lequel elle chargeait son ami le peintre Pierre Mignard de réunir tout l'argent qui lui appartiendrait au jour de sa mort et de l'employer en acquisitions d'héritages (rentes ou terres), dont les reçus seront perçus par Armande, et après le décès de celle-ci, par Esprit-Madeleine « pour en jouir en usufruit pendant sa vie », à compter du jour du décès de sa mère.

Quand Molière meurt à son tour, un an plus tard exactement, sa fille est âgée de sept ans et demi seulement. Le , Armande est nommée tutrice de l'enfant, et André Boudet, son oncle paternel[10], subrogé-tuteur.

Elle a onze ans, en , lorsque sa mère se remarie avec le comédien Isaac-François Guérin d'Estriché, qui est entré dans la troupe de l'Hôtel de Guénégaud après la mort de Molière et n'a probablement pas connu celui-ci. De cette union naîtra l'année suivante un fils, prénommé Nicolas-Armand-Martial. La tutelle d'Esprit-Madeleine est désormais partagée entre les deux époux, qui par leur contrat de mariage se sont engagés à la « nourrir, entretenir et faire instruire selon sa condition jusqu'à l'âge de vingt ans »[11].

Jeunesse

De sa jeunesse on ne sait guère plus que de son enfance. Armande continuant d'exercer son activité de comédienne et d'assurer, avec La Grange, la direction de la troupe, il n'est pas invraisemblable qu'elle ait placé sa fille, pendant quelques années au moins, dans une institution religieuse. Mais le seul « témoignage » que l'on en a est sujet à caution ; il émane en effet de l'auteur anonyme de La Fameuse Comédienne, nouvelle diffamatoire parue en 1688 sous une adresse fictive[12] et dont la dernière page donne à lire ces quelques phrases :

« L'espoir de faire de son fils un homme de conséquence en lui donnant tout le bien qui appartenait à sa fille [Esprit-Madeleine], dont elle s'était rendue tutrice par son adresse, l'aurait consolée de toutes ses disgrâces, si le succès eût répondu à ses intentions ; mais sa fille ne s'est pas trouvée dans ces dispositions, et, malgré le dégoût que la Guérin a tâché de lui inspirer pour le monde, elle a voulu suivre son inclination, qui est entièrement opposée à la vie religieuse, et quoiqu'en beaucoup de rencontres [= occasions] elle ait eu lieu de remarquer la haine que sa mère avait pour elle, elle s'est plutôt résolue d'essuyer toutes ses mauvaises humeurs que de rester davantage dans un couvent[13]

Ces « données » seront reprises, cent trente ans plus tard, par un nouvel auteur anonyme, qui ajoutera une touche souriante au portrait d'Esprit-Madeleine en adolescente mal aimée de sa mère :

« Madeleine Molière était au couvent lors du second mariage de sa mère. Madame Guérin avait espéré que sa fille se ferait religieuse, et même elle ne la voyait jamais que pour déterminer sa vocation. Mais elle souhaita revenir dans la maison paternelle[14], ce qui chagrina beaucoup sa mère. Cette jeune personne commençait à la vieillir et s'en apercevait quelquefois aux duretés qu'elle essuyait. Chapelle, qui visitait rarement une maison où Molière n'était plus, demandant un jour à Madeleine quel âge elle avait, elle lui répondit tout bas : "Quinze ans et demi, mais, ajouta-t-elle en souriant, n'en dites rien à ma mère." [15]»

Un document daté du montre la jeune fille et son beau-père Guérin d'Estriché tenant ensemble un enfant sur les fonts baptismaux de l'église Saint-Martin à Meudon, où en 1676 Armande Béjart a acheté une maison[16].

C'est au cours de l'année 1688 qu'est mise en circulation La Fameuse Comédienne, la nouvelle diffamatoire citée plus haut[17]. L'auteur y reprend en termes à peine voilés (« On l'a crue fille de Molière, quoiqu'il ait été depuis son mari, cependant on n'en sait pas bien la vérité ») l'accusation de naissance incestueuse que le sieur Henry Guichard, accusé d'avoir projeté d'empoisonner Lully, formulait douze ans plus tôt de manière très explicite pour disqualifier le témoignage d'Armande[18]. On ignore si Esprit-Madeleine, qui a alors vingt-trois ans, a eu connaissance dès sa parution de cette brochure à scandale qui faisait d'elle la fille d'une « coquette », voire d'une prostituée, et de Molière tout à la fois son père et son grand-père[19]. Mais à coup sûr elle l'aura lue, quand en 1705 Grimarest évoquera, pour en démentir les assertions, « un indigne et mauvais roman» sur l'autorité duquel Pierre Bayle fait faire, selon lui, à Molière et Armande des personnages «fort au-dessous de leurs sentiments et éloignés de la vérité»[20].

Le , dans un acte notarié, Esprit-Madeleine, à présent majeure, se dit « demeurant comme pensionnaire au couvent des dames religieuses de la Conception, rue Saint-Honoré [21]». Elle renonce ce jour-là à la continuation de la communauté de biens qui a été entre ses père et mère entre le et le , « comme lui étant plus onéreuse que profitable », accepte ladite communauté en l'état qu'elle était au , et réclame ses comptes de tutelle à sa mère[22]. Il y a contestation, arbitrage, puis une transaction intervient le . À cette date, « Esprit-Madeleine Poquelin de Molière » est domiciliée rue du Temple, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs.

Entrée en possession de biens suffisants pour mener une vie autonome et à l'abri du besoin, elle quittera, à une date inconnue[23], la rive droite pour le faubourg Saint-Germain, sur la rive gauche, et emménagera, rue du Petit-Lion[24], paroisse Saint-Sulpice, dans un confortable appartement[25] que lui loue Nicolas Frontier, « maître sellier lormier carrossier à Paris et sellier ordinaire de Son Altesse sérénissime Monseigneur le Prince »[26].

Armande Béjart, qui s'était retirée du théâtre six ans plus tôt, meurt, le , à son domicile de la rue de Touraine (au 4 de l'actuelle rue Dupuytren). L'enterrement a lieu le surlendemain au cimetière de l'église Saint-Sulpice, en présence de Nicolas Guérin, fils de la défunte, de son neveu le joaillier François Mignot et de son ami le comédien Jacques Raisin, mais en l'absence de sa fille. L'inventaire après décès sera clos le , la succession sera partagée le entre Guérin d'Estriché, son fils et sa belle-fille, lesquels vendront deux ans plus tard au sieur de Launay, secrétaire du gouverneur de Meudon, la maison que la défunte avait achetée dans ce village en 1676 et où Esprit-Madeleine avait sans doute passé une partie de son adolescence.

Mariage

Aucun document autre que ceux ayant trait à la succession de sa mère ne permet d'imaginer l'existence d'Esprit-Madeleine au cours de la décennie 1695-1705. À une époque et dans des circonstances difficiles à préciser, elle fait la connaissance d'un gentilhomme de modeste condition, Claude de Rachel[27] de Montalant, de dix-neuf ans son aîné[28], qui depuis 1669 tient l'orgue de l'église Saint-André-des-Arts[29]. Depuis 1685, il est veuf d'Anne-Marie Alliamet, la fille d'un procureur au parlement, qu'il a épousée sans doute tardivement et dont il a eu deux filles et deux garçons, baptisés à Saint-André-des-Arts de 1679 à 1684[30].

C'est cette date de 1685 (ou 1686) que retiendra Jules-Antoine Taschereau, auteur d'une des premières biographies modernes de Molière[31], pour situer chronologiquement un épisode très romanesque, mais non moins sujet à caution, qu'il emprunte à l'Histoire du théâtre françois des frères Parfaict, lesquels écrivaient dès 1747 à propos d'Esprit-Madeleine :

« [Elle] fut nommée Esprit-Marie-Madeleine Pocquelin Molière. Elle était grande, bien faite, peu jolie, mais elle réparait ce défaut par beaucoup d’esprit. Lasse d’attendre un parti du choix de sa mère, elle se laissa enlever par le sieur Claude Rachel, écuyer, sieur de Montalant. Mademoiselle Guérin [Armande] fit quelques poursuites, mais des amis communs accommodèrent l’affaire. M. & Mme de Montalant sont morts à Argenteuil, près de Paris, sans postérité[32]

Quand il fait la connaissance de la fille de Molière, Claude de Rachel demeure rue Christine, à deux pas du célèbre café Laurent, qui fait l'angle avec l'élégante rue Dauphine[33]. Rendez-vous d'hommes de lettres et d'artistes — on y côtoie Fontenelle, Charles Dufresny, Antoine Houdar de la Motte, Joseph Saurin, Nicolas Boindin, André Campra, Pascal Colasse, Jacques Autreau, Jean Bérain, et bien d'autres —, l'établissement sert de cadre à la comédie du Café de Jean-Baptiste Rousseau, créée à la Comédie française en 1694. L'un des habitués du lieu est le sieur de Grimarest, qui y vient en voisin[34] (il demeure non loin de là, rue du Four) et en deviendra même un des piliers[35].

Le — Esprit-Madeleine a juste quarante ans —, un contrat de mariage est signé entre le vieil organiste et « Marie[36] Madeleine Esprit Poquelin de Molière […] fille de défunts Jean Baptiste Poquelin de Moliere, tapissier valet de chambre du roi, et de damoiselle Claire Armande Grésinde Elisabeth Béjart, son épouse au jour de son décès », en présence de leurs amis, à savoir, du côté du sieur de Montalant, de Gilles Le Masson, caissier général des États de Bretagne, de son ancien collègue François-Louis de Troheou-Musnier, « bourgeois de Paris »[37],[38], et de Claude Dupré, procureur au Châtelet, qui s'est occupé des affaires d'Esprit-Madeleine au début des années 1690 ; la demoiselle Poquelin a pour témoins et amis Marie Le Camus, marquise de Flamanville[39], Pierre d'Argouges, sieur de Saint-Malo, et sa femme, Louise Largillier [d'Argilliers]-Dalencey[40].

Les inventaires des biens des deux futurs époux dressés à cette occasion font apparaître qu'elle est riche de 60 000 livres et qu'il ne possède qu'une rente viagère de 500 livres et 350 livres d'honoraires annuels pour ses fonctions d'organiste. […]

Les fiançailles sont faites le mardi , et, le lendemain, jour du quarantième anniversaire du baptême d'Esprit-Madeleine, le mariage est célébré à l'église Saint-Sulpice, en l'absence de tout membre des familles Poquelin et Montalant, de tout comédien et tout écrivain, les seuls témoins étant François-Louis du Trohéou-Musnier, Gilles Le Masson, Pierre d'Argouges et Claude Dupré.

Le couple n'aura pas d'enfants.

Amie de Grimarest

Au début de cette même année 1705, a été publiée, sous le titre de La Vie de M. de Molière, la première véritable biographie du père de la nouvelle dame de Montalant. Le livre a fait l'objet, le , d'un compte rendu très positif dans le Journal des sçavans[41], où l'auteur a des accointances[42], et la livraison d'août des Mémoires pour l'histoire des sciences et des beaux-arts, dits Mémoires ou Journal de Trévoux lui consacre une flatteuse recension de vingt-deux pages[43].

Grimarest y rend à « Mademoiselle Pocquelin » un hommage moins convenu qu'il ne paraît, en écrivant[44] qu'elle « fait connaître par l'arrangement sa conduite et l’agrément de sa conversation qu’elle a moins hérité des biens de son père que de ses bonnes qualités ». En 1707, en effet, il en offrira un exemplaire à un jeune homme de sa connaissance, le futur magistrat Thomas-Simon Gueullette, lequel rédigera, trente-sept ans plus tard, sur les pages de garde du livre, une longue note consacrée aux circonstances dans lesquelles il a connu l'auteur[45] :

« Malgré ce que différents auteurs ont dit au sujet de Molière, je suis porté à croire que ce que M. de Grimarest en a écrit est le plus conforme à la vérité et renferme les traits de sa vie les plus intéressants ; la raison qui m'y détermine est qu'il était fort ami de la fille de Molière, que j'ai vue nombre de fois chez lui. Voici comment je fus lié avec M. de Grimarest et par quel moyen je fis la connaissance de Mlle Poquelin. [L'auteur raconte ensuite comment, alors qu'il pratiquait le théâtre en amateur, et obtenait un grand succès d'acteur chez des dames voisines des époux Grimarest, il a été invité à venir jouer chez ces derniers, rue du Four[46], dans une comédie de Regnard et dans une autre de la composition du maître de maison[47].] J'acceptai les rôles, et comme tous ces messieurs et dames savaient déjà le leur, je fis un effort de mémoire et, avec sept ou huit répétitions, je fus en état de jouer les miens au bout de quinze jours. C'est dans ces répétitions que je fis connaissance avec Mlle Poquelin, fille de Molière et de la Béjart (sic), qui pouvait alors avoir 44[48] ans. Autant qu'il m'en souvient aujourd'hui, elle n'était pas jolie et avait de l'air de son père, à en juger par le portrait que M. Mignard en a fait. C'était elle qui avait fourni une partie des mémoires qui avaient servi à écrire la Vie de Molière, et je ne sais pas pourquoi M. de Grimarest ne l'a pas dit. Il fallait qu'il eût des raisons pour cela, mais, pour moi, je me veux bien du mal, à présent, de n'avoir pas, dans ce temps-là, mieux cultivé la bienveillance de Mlle Poquelin, qui me marquait beaucoup d'amitié. Mais j'étais alors jeune, dissipé, emporté par les plaisirs, et la disproportion d'âge entre elle et moi fit que je la négligeai et ne profitai pas autant que je l'aurais pu de sa politesse. Une autre raison qui fit que je la perdis de vue en m'éloignant peu à peu de la maison de M. de Grimarest, c'est que, malgré l'agrément que j'y trouvais, je me lassai de ne jouer que dans des pièces de sa façon, qui étaient bien mauvaises et qu'il soutenait admirables quoique la Comédie française les eût toutes constamment refusées. »

De Paris à Argenteuil

Le , Claude de Rachel, qui se dit « infirme »[49], met fin à ses fonctions d'organiste de Saint-André-des-Arts, après trente-six ans exactement de « longs services »[50], et présente au conseil de fabrique son remplaçant, un certain De La Croix[51]. Pendant une quinzaine d'années, les époux Montalant continuent de résider à Paris, tout d'abord rue des Fossoyeurs (actuelle rue Servandoni), puis rue des Petits-Augustins[52].

En 1713, Esprit-Madeleine achète à Argenteuil deux maisons mitoyennes avec jardin, situées au numéro 25 de l'actuelle rue de Calais. Le rez-de-chaussée compte sept pièces et l'étage deux chambres, à côté desquelles les nouveaux propriétaires feront édifier une chapelle. Il semble que cette maison leur ait d'abord tenu lieu de résidence de campagne, car on les trouve encore, en 1719, domiciliés rue des Petits-Augustins.

Au cours de cette même année 1719, ou peu avant, un pèlerin anonyme se rend à Argenteuil pour voir la fameuse tunique du Christ conservée à l'église Saint-Denys. Dans la relation qu'il en fera et qui sera imprimée à Paris sous le titre de Pèlerinage aux saintes reliques d'Argenteuil[53], il raconte comment, alors qu'il se promenait avec un ami au pied des vignes (on est à la saison des vendanges), il a vu soudain descendre du sentier…

« … un vieux monsieur qui levait haut la tête avec une dame encore jeune qui paraissait plus grande que lui. J’ai remarqué chez l’un comme chez l’autre un air de commandement. Mon ami me dit : " Ne prenez pas garde ! C’est la fille du fameux Molière. " On n'a pas besoin d'aller à la comédie pour connaître cet auteur célèbre, qui a été si coupable envers la religion. Quoique fière, elle nous a salués avec douceur et avec un signe de main. Elle avait des gants avec de grandes franges, ce qui prouvait qu’elle n’avait pas vendangé. On ne lui voyait rien sur elle qui ne fût de prix. Ses porteurs l’attendaient avec sa chaise à roues. Son époux lui dit un mot et continua sa promenade d’un autre côté, tandis qu'elle rentrait à Argenteuil. Pour lui il est bien cassé et il doit avoir en idée le tribut qu'un chacun rend à la mort et à Notre-Seigneur. J’ai appris avec un vrai contentement qu’on les voyait souvent tous les deux dans les églises ; on aime mieux savoir cette dame à l’église qu’au théâtre comme son père. Mon ami faisait cette réflexion que presque toujours il y a dans les familles des manières de vivre toutes contraires ; c'est bien heureux de penser qu'une telle dame ne soit pas perdue avec les comédiens. On dit pourtant qu’elle a commencé par jouer la comédie, mais sans doute pour obéir à ses père et mère. […] Nous ouîmes la messe paroissiale, qui me parut trop courte, quoique nous eûmes la procession, l'eau bénite et le prône. Dans la procession, je reconnus, portant un cierge, ce Monsieur Montalant suivi d’une manière de laquais. Il avait au doigt un diamant de cinquante louis. On nous dit que dans sa jeunesse il n'allait pas à la procession. L'essentiel est de bien finir. J’ai reconnu aussi son épouse, qui semblait pénétrée de la sainteté de l'office divin. Elle avait toujours un air d'une femme de qualité fort relevée. Il faudrait d’ailleurs n’avoir pas de sentiment pour ne pas être touché de la grâce devant les saintes reliques d’Argenteuil. On m’a pourtant dit que ce pays était plein d’aveugles. Mon ami m'avait donné la veille un volume de Molière. Je n'y ai pas vu tant de mal que j'y croyais trouver ; au contraire, il y a des sentences qui ne seraient pas déplacées dans de meilleurs livres. »

Le dimanche , Esprit-Madeleine, âgée de cinquante-sept ans, meurt dans sa maison d'Argenteuil. Son acte de décès inscrit sur les registres paroissiaux de l'église Saint-Denys d'Argenteuil est ainsi rédigé :

« Le lundy 24 may 1723 Esprit madeleine pocquelin de molière, agée de cinquante septs ans et demy, épouse de Mre Claude Rachel, Ecuier, Sieur de montalant, décédée le jour précédent en sa maison d'Argenteuil rue des calais a esté inhumée dans l'Eglise dudit lieu en présence de André Potheron, maçon de la maison soussigné. »

Veuf pour la seconde fois, Claude de Rachel mourra quinze ans plus tard, le , dans la même maison[54].

Postérité

La vie et la personnalité d'Esprit-Madeleine Poquelin ont inspiré en 1975 à l'écrivain italien Giovanni Macchia un texte intitulé « Un personnage non réalisé. Conversation imaginaire avec la fille de Molière »[55], dans lequel il s'interroge, sous la forme d'une interview fictive, sur les raisons pour lesquelles la jeune femme, ayant appris « des choses infamantes, vraies ou fausses, sur son père et sa mère », aurait choisi de garder le silence et se serait « accommodée du rythme tranquille et bourgeois d'une existence quelconque »[56].

Ce texte a fait l'objet, depuis sa parution en français, de deux mises en scène théâtrales, dont l'une de Jacques Nichet, en 1987, avec Dominique Valadié dans le rôle d'Esprit-Madeleine, et l'autre de Marc Paquien, en 2015, avec Ariane Ascaride.

Bibliographie

  • Anonyme, La Fameuse Comédienne, ou Histoire de la Guérin, auparavant femme et veuve de Moliere, Francfort, Frans Rottenberg, 1688, consultable sur le site du MDZ (Münchener DigitalisierungsZentrum) ; rééd. par Jules Bonnassies, Paris, Barraud, 1870, consultable sur Gallica ; autre édition, sous le titre Les Intrigues de Molière et celles de sa femme, par Ch.-L. Livet, Paris, Isidore Liseux, 1877, consultable sur Gallica.
  • Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest, La Vie de M. de Molière, Paris, Jacques Le Febvre, 1705, consultable sur Google Livres.
  • François-Louis Cizeron-Rival, Récréations littéraires, Lyon, Jacques-Marie Bessiat, 1765, p.  14, consultable sur Gallica.
  • Louis-François Beffara, Dissertation sur J.-B. Poquelin-Molière, sur ses ancêtres, l'époque de sa naissance, qui avait été inconnue jusqu'à présent, etc., Paris, Vente, 1821, p. 15, consultable sur Google Livres.
  • Anonyme, Mémoires sur Molière et sur Mme Guérin, sa veuve, Paris, Ponthieu, 1822, consultable sur Gallica.
  • Agricol-Joseph Fortia d'Urban, Dissertation sur la femme de Molière, Paris, Lebègue, 1824, consultable sur Google Livres.
  • Jules-Antoine Taschereau, Histoire de la vie et des ouvrages de Molière, Paris, Ponthieu, 1825, consultable sur Gallica.
  • Eudore Soulié, Recherches sur Molière et sur sa famille, Paris, Hachette, 1863, consultable sur Gallica.
  • Édouard Fournier, La Fille de Molière, comédie en un acte et en vers, Paris, Dentu, 1863, consultable sur Gallica.
  • Auguste Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire, Paris, Plon, 1872, consultable sur Gallica.
  • Edmond Révérend du Mesnil, La Famille de Molière et ses représentants actuels d'après les documents authentiques, Paris, Isidore Liseux, 1879, consultable sur Gallica.
  • Arsène Houssaye, Molière, sa femme et sa fille, Paris, Dentu, 1880, consultable sur Gallica.
  • Paul Mesnard, « Notice biographique sur Molière », dans Œuvres de Molière, nouvelle édition, t. X, Paris, Hachette, 1889, p. 456-459, consultable sur Gallica.
  • Pierre-Paul Plan, « La fille de Molière et ses séjours dans le VIe arrondissement », Bulletin de la Société historique du VIe arrondissement de Paris, t. XXII, 1921, p. 41-63. Tiré à part, Firmin-Didot, 1922.
  • Georges Servières, Documents sur les organistes français des XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Au bureau d'édition de la "Schola Cantorum", 1923, p. 6-7, consultable sur Internet Archive.
  • Pierre Soccanne [Martial Douel], « Le gendre de Molière. Rachel de Montalant, organiste de Saint-André-des-Arcs », Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Île-de-France, 64e année, 1937, p. 127-135, consultable sur Gallica.
  • J.-E. Gueullette, Un magistrat du XVIIIe siècle ami des lettres, du théâtre et des plaisirs, Thomas-Simon Gueullette, Paris, Droz, 1938, p. 49.
  • Louis Lhérault, « La fille de Molière à Argenteuil », Le Vieil Argenteuil, bulletin n° 24, premier trimestre 1955, p. 34-37.
  • Madeleine Jurgens et Elizabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe, Paris, SEVPEN, 1963, consultable sur le site des Archives nationales.
  • Giovanni Macchia, Il silenzio di Molière, Milan, Mondadori, 1975 ; trad. française, Le Silence de Molière, traduit par Jean Paul Manganaro et Camille Dumoulié, Paris, Desjonqueres, 1989.

Liens internes

Liens externes

Notes et références

  1. On trouve les deux orthographes dans la documentation. Esprit-Madeleine, quant à elle, écrivait son patronyme avec un c.
  2. L'existence de Louis (1664-1664) et de Pierre (1672-1672) est connue depuis longtemps ; celle de Marie, morte peu après sa naissance en 1668, a été découverte et publiée par Elizabeth-Maxfield-Miller en 1972 (« Une fille inconnue de Molière », Revue d'histoire du théâtre, octobre-décembre 1972, p. 363-365).
  3. Louis Poquelin est décédé le 10 novembre 1664, à l’âge de neuf mois.
  4. Louis-François Beffara, Dissertation sur J.-B. Poquelin-Molière, sur ses ancêtres, l'époque de sa naissance, qui avait été inconnue jusqu'à présent, etc., Paris, Vente, 1821, p. 15, consultable sur Google Livres. L'orthographe a été conservée par le transcripteur.
  5. Ce document appelle plusieurs remarques : 1) le nom du père est orthographié de manière très approximative, ce qui n'est le cas ni sur les actes de naissance de Louis, en 1662, et de Pierre, en 1672, ni sur l'acte de décès de Marie, en 1668  ; 2) sur ces trois actes, Molière désigné par ses fonctions de « valet de chambre du roi », et non comme simple « bourgeois » ; 3) le patronyme d'Armande a été omis, ce qui a pour effet, si ce n'est pour but, de faire disparaître le lien de parenté entre la mère et la marraine ; 4) la domiciliation des parents, qui justifie que le baptême ait lieu à Saint-Eustache, est apparemment (et sans doute volontairement) inexacte : en effet, Molière et sa femme demeurent alors place du Palais-Royal, qui relève de la paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois ; 5) c'est le seule fois qu'Esprit de Rémond apparaît dans un acte concernant Molière ; il est revenu de Provence à Paris au cours de l'année 1664 et demeure alors chez Jean-Baptiste L'Hermite et Marie Courtin (demi-sœur de Marie Hervé et donc tante de Madeleine Béjart), dont il épousera la fille en 1666 ; 6) depuis 1633, feu Joseph Béjart, père de la marraine, n'a plus été qualifié « procureur », titre qu'il n'avait d'ailleurs revendiqué qu'une fois de son vivant : le 8 septembre 1615, dans son contrat de mariage ; dans les deux autres documents où son nom apparaît aux côtés de celui d'Esprit de Rémond, il est qualifié « écuyer » (acte de baptême de la petite Françoise en juillet 1638) et « écuyer, sieur de Belleville [sic !]» (contrat de mariage de Molière et Armande).
  6. Grimarest, La Vie de M. de Molière, op. cit., p.20, consultable sur Google Livres.
  7. Du prénom de son grand-père paternel.
  8. Louis-François Beffara, Dissertation sur J.-B. Poquelin-Molière, Paris, 1821, p. 6.
  9. Cet habit est décrit dans l'inventaire après décès de Molière, folio 17, verso. Voir Madeleine Jurgens et Elizabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, p. 570.
  10. Il est veuf de Marie-Madeleine Poquelin, sœur de Molière.
  11. E. Soulié, Recherches sur Molière, op. cit., p. 302.
  12. Sur la notion de « nouvelle diffamatoire », plus précise que celle de « pamphlet » par laquelle on désigne généralement ce texte, voir Jean-Yves Vialleton, «La nouvelle diffamatoire dans la France de l'âge classique : le cas particulier de La Vie de Monsieur l'abbé de Choisy », Cahiers d'études italiennes, n° 10 (2010), consultable en ligne.
  13. La Fameuse Comédienne, op. cit., p. 88.
  14. Cette "maison paternelle" où Esprit-Madeleine aurait voulu revenir et que Chapelle ne visitait plus que rarement est une pure fiction. Il ne pourrait s'agir que de l'appartement de la rue de Richelieu que Molière et sa femme occupaient en février 1673 et qu'Armande avait quitté dans les semaines suivantes pour une nouvelle demeure, rue Saint-Honoré, ou de l'appartement de deux pièces que Molière louait dans une maison du village d'Auteuil et qui avait été rendu au sieur de Beaufort, son propriétaire, une fois dressé l'inventaire des biens de Molière qui s'y trouvaient.
  15. Mémoires sur Molière et sur Mme Guérin sa veuve, op. cit., p. 208.
  16. Registre des baptêmes, mariages et mortuaires, faits à l'église Saint-Martin, de Meudon, diocèse de Paris, <15e volume (1681-1685, f° 109). Publié par Georges Monval dans L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, 20 juin 1904, col. 906, consultable sur Gallica.
  17. Elle fera l'objet, jusqu'à la fin du siècle, de trois rééditions au moins (sans compter les contrefaçons de l'une ou l'autre) sous des titres différents : Les Intrigues de Moliere et celles de sa femme (Sans lieu ni date); Les Intrigues amoureuses de M. de M**** et de Mad**** son épouse (Dombes, 1690); Histoire des intrigues amoureuses de Moliere et de celles de sa femme (Francfort, Frédéric Arnaud, 1697). Voir Yves Giraud, « La Fameuse Comédienne (1688) : problèmes et perspectives d'une édition critique », « Diversité, c'est ma devise. » Studien zur französischen Literatur des 17. Jahrhunderts. Festschrift für Jürgen Grimm zum 60. Geburtstag, Biblio 17 (n° 86), Papers on French Seventeenth Century Literature, Paris-Seattle-Tübingen, 1994, p. 191-213.
  18. Requeste d'inscription de faux en forme de factum pour le sieur Guichard, intendant général des bastimens de Son Altesse Royale, Monsieur. Contre Jean-Baptiste Lully, faux accusateur, Sébastien Aubry, Marie Aubry, Jacques Du Creux, Pierre Huguenet, faux témoins et autres complices, Paris, 1676 : « Tout le monde sait que la naissance de la Molière est obscure et indigne ; que sa mère est très incertaine ; que son père n’est que trop certain ; qu’elle est fille de son mari, femme de son père ; que son mariage a été incestueux ; que ce grand sacrement n’a été pour elle qu’un horrible sacrilège ; que sa vie et sa conduite ont toujours été plus honteuses que sa naissance et plus criminelles que son mariage ; qu’avant que d’être mariée elle a toujours vécu dans une prostitution universelle ; que pendant qu’elle a été mariée elle a toujours vécu dans un adultère public, et que depuis qu’elle est veuve elle a toujours vécu dans un abandonnement général de son corps et de son âme ; qu’encore aujourd’hui elle est scandalisée dans toute la ville de Paris par ses désordres et ses libertinages, qu’elle continue, non seulement dans sa maison, qui est ouverte aux premiers venus, mais même derrière le théâtre, où elle ne refuse personne ; qu’en un mot, cette orpheline de son mari, cette veuve de son père et cette femme de tous les autres hommes n’a jamais voulu résister qu’à un seul homme, qui était son père et son mari ; et qu’enfin, qui dit la Molière dit la plus infâmes de toutes les infâmes. » Ces lignes sont reproduites dans un appendice sur « Armande et le procès Guichard » des Intrigues de Molière et celles de sa femme, ou La Fameuse Comédienne, histoire de la Guérin. Réimpression conforme à l'édition sans lieu ni date, suivie des variantes, avec préface et notes, par Ch.-L. Livet, Paris, Isidore Liseux, 1877, p. 235-236, consultable sur Gallica.
  19. C'est l'hypothèse, très plausible, que fera Giovanni Macchia dans son Silence de Molière (voir ci-dessous): « Au moment où, comme les autres jeunes filles de son âge, elle attendait la visite de la bonne et généreuse fée, on lui apporta de bon matin le cadeau d'une invisible sorcière: le libelle infamant intitulé Les Intrigues de Molière et celles de sa femme, ou la Fameuse Comédienne…»
  20. Dans l'article « Poquelin » de son Dictionnaire critique, Bayle fait une longue citation de La Fameuse Comédienne.
  21. Il est à noter que c'est la première occurrence de cette adresse et du nom de cet établissement dans la documentation concernant Esprit-Madeleine. Elle y est encore pensionnaire en janvier 1692, mais rien ne permet d'affirmer, comme l'ont fait avec légèreté de nombreux auteurs, qu'elle y a passé son enfance et sa jeunesse. Selon Pierre Richelet (Dictionnaire françois, Genève, 1680, t. II, p. 146), est pensionnaire (substantif féminin), «celle qui paie pension pour être logée, nourrie et quelquefois instruite».
  22. Eudore Soulié, Recherches sur Molière et sur sa famille, Paris, Hachette, (lire en ligne), p. 303-304
  23. Antérieure à 1700.
  24. Actuelle portion de la rue Saint-Sulpice comprise entre la rue de Condé et la rue de Tournon.
  25. L'état des biens d'Esprit-Madeleine qui sera dressé en 1705 pour être annexé à son contrat de mariage et qu'Eudore Soulié reproduit dans ses Recherches sur Molière (op. cit., p. 332-337, consultable en ligne) fournit une description très détaillée de cet appartement et de tous les objets qui s'y trouvent.
  26. Les titres du sieur Frontier sont fournis dans une communication de la Revue de l'art français ancien et moderne, n° 9, septembre 1892, p. 269, consultable sur Gallica.
  27. La particule figure dans tous les documents d'époque.
  28. Il est né le 26 février 1646 à Saint-Martin-d'Estréaux, dans le Forez.
  29. En 1662 et 1663, il avait été organiste de l'église de la Madeleine-en-la-Cité, avant de céder sa place à son frère François Rachel de Montalant, qui la garda jusqu'en novembre 1691.
  30. Auguste Jal, Dictionnaire, op. cit., p. 882-883.
  31. Jules-Antoine Taschereau, Histoire de la vie et des ouvrages de Molière, Paris, 1825, p. 314 et 419-420, consultable sur Gallica.
  32. Claude et François Parfaict, Histoire du théâtre françois, Paris, 1747, t. XII, p. 320, note de bas de page, consultable sur Google Livres. La précision et la justesse des prénoms et patronyme(s) cités dans cette note, et qui ne figuraient alors dans aucun document public, donnent à penser que les deux historiens s'appuient sur une source sérieuse. Quoi qu'il en soit, cette version de la rencontre des futurs époux Montalant, reprise par Cizeron-Rival dans ses Récréations littéraires (Paris, 1765, p. 14), puis par Taschereau au siècle suivant, le sera encore par de nombreux auteurs (Auguste Jal, Edmond Révérend du Mesnil, Jules Loiseleur), même après qu'Eudore Soulié aura fait connaître le contrat et l'acte de mariage de 1705.
  33. Fondé en 1690 par François Laurent, qui est mort quatre ans plus tard, l'établissement est repris par sa veuve et c'est sous le nom de « Café de la Veuve Laurent » qu'on le rencontre le plus souvent dans la documentation.
  34. … et parfois peut-être en compagnie de sa femme, Jeanne de Forfait, que des témoignages contemporains montrent activement intéressée par le théâtre, la musique et la philosophie.
  35. Voir Joachim-Christoph Nemeitz, Séjour de Paris, oder Getreue Einleitung, welchergestalt Reisende von Condition sich zu verhalten haben, wenn sie ihre Zeit und Geld nützlich und wohl zu Paris anwenden wollen. Nebst einer zugänglichen Nachricht von dem königlichen Hof, Parlement, Universität, Academien, Bibliothequen, Gelehrten, Künstlern, usw. Francfort, 1718 ; traduction française sous le titre Séjour de Paris, c'est-à-dire instructions fidèles pour les voyageurs de condition, etc., Leyde, 1727, p. 112, consultable sur Gallica : « La veuve Laurent, dans la rue Dauphine, tient un café, dit le Café des Beaux Esprits. Là s'assemblent certaines gens qui mettent sur le tapis toutes sortes de matières curieuses et spirituelles. Grimarest, ce célèbre maître de langue, qui a écrit les Campagnes du roi de Suède, présidait de son vivant dans cette assemblée. »
  36. Dans une déclaration notariée du 29 avril 1706, la dame de Montalant précisera que ses véritables noms de baptême sont Esprit-Madeleine et que celui de Marie, qu'elle a ajouté lors de son contrat de mariage, est son nom de confirmation.
  37. Jadis commis-caissier de Claude Revol, receveur général du taillon en Bretagne, il vit depuis dix ans séparé de sa femme, Marie-Jeanne, dite Manon, Varlet de La Grange, fille du comédien mort en 1692.
  38. Dans l'acte de mariage, Le Masson et Musnier du Trohéou sont dits tous deux demeurant à l'hôtel Nicolaï, rue du Bourg-Tibourg, propriété de Jean-Aymard de Nicolaÿ, président de la Chambre des comptes, veuf depuis neuf ans de Marie-Catherine Le Camus, cousine germaine de Marie Le Camus, marquise de Flamanville, qui témoigne pour Esprit-Madeleine.
  39. Elle est l'épouse de Jean-René de Bazan (ou Basan), marquis de Flamanville (1654-1715), lieutenant général des armées du roi, fils de Hervieu (ou Hervé) Basan de Flamanville et d'Agnès Molé, lequel Hervieu avait épousé en premières noces Jeanne d'Argouges, parente de Pierre d'Argouges, second témoin d'Esprit-Madeleine. Par ailleurs, la marquise de Flamanville est (ou sera), s'il faut en croire un contemporain (Alain Niderst, « Les Miscellanea de Goulley de Boisrobert », Revue d'histoire littéraire de la France, mars-avril 1982, p. 277, consultable sur Gallica.) la maîtresse du célèbre Bernard Le Bouyer de Fontenelle, neveu de Pierre Corneille, qui, le 15 décembre, a signé l'approbation de La Vie de M. de Molière de Grimarest.
  40. Les époux d'Argouges ont eu (ou auront) une fille, prénommée Esprit, probablement tenue sur les fonts baptismaux par la fille de Molière.
  41. Consultable sur Gallica.
  42. Grimarest est ami d'au moins deux de ses rédacteurs, l'abbé Jean-Paul Bignon et Joseph Saurin.
  43. Consultable sur Gallica.
  44. La Vie de M. de Moliere, op. cit., p. 293.
  45. Cet exemplaire appartient aujourd'hui encore à la famille Gueullette.
  46. Depuis le début des années 1680, Grimarest, Jeanne de Forfait sa femme et leurs deux fils, habitaient un vaste appartement dans la rue du Four, à peu de distance de la rue du Petit-Lion, où résidait Esprit-Madeleine.
  47. L'ami qui a servi d'intermédiaire entre les Grimarest et Gueullette précise, dans une lettre adressée à ce dernier : « Cette comédie que l'on se propose de jouer le sera dans une salle commode, spacieuse, sur un théâtre très orné et dans une maison où l'on sera à l'abri de l'inspection du lieutenant de police ; et, ce qu'il y a de plus favorable pour les jeunes gens dans des temps aussi durs, les acteurs ne sont obligés de faire aucune dépense. »
  48. L'âge a été rajouté ultérieurement.
  49. Voir Pierre Soccanne, «Le gendre de Molière », op. cit., p. 132.
  50. Il a été nommé le 24 décembre 1669.
  51. Cet organiste, que Montalant semble avoir lui-même formé, fera sa carrière dans la même église ; voir H.-P. Simon de Valhébert, L'Agenda du Voyageur, ou calendrier des fêtes & solennités de la Cour & de Paris. Dressé en faveur des étrangers, revu & augmenté pour l'année bissextile 1732 : « 30 novembre, S. André. Ceux qui aiment à entendre toucher l’orgue d’une main savante, vont aujourd’hui entendre M. de la Croix, organiste de l’église paroissiale de S. André des Arcs, qui joue la veille aux premières vêpres et le lendemain à la grande messe aux vêpres. C’est un des organistes de Paris du premier ordre, il suffit de dire qu’il est fils d’un habile maître, et que de plus il avait été choisi par le feu Roi pour jouer à son petit couvert, ce qu’il a fait jusqu'à la mort de ce grand prince. »
  52. Portion de l'actuelle rue Bonaparte comprise entre le quai Malaquais et la rue Jacob.
  53. C'est du moins ce qui se lit sous la plume d'Arsène Houssaye, dans Molière, sa femme et sa fille, op. cit., p. 155. L'historien précise que la « brochure à couverture bleue » dont il extrait les lignes citées est « pareille à toutes les plaquettes qui se vendaient autrefois à la porte des églises », et qu'elle a été éditée en 1719 par Chaubert, libraire sur le quai des Augustins, « À la Renommée & à la Prudence ». Elle ne figure cependant dans aucune bibliographie imprimée, ni dans aucun catalogue de bibliothèque publique, française ou étrangère, accessible en ligne. Il est à noter de surcroît que Hugues-Daniel Chaubert n'a été reçu libraire que le 17 août 1724 (notice de la BNF, consultable en ligne).
  54. Transcription de l'acte de décès de Claude Rachel de Montalant dans les registres paroissiaux de l'église Saint-Denis d'Argenteuil : « Le Vendredy sixième Juin mil sept cent trente huict, le corps de Claude Rachel écuier Sieur de montalant agé de quatre vingt treize ans ou environ, décédé le quatre du présent mois, a été aporté dans l'Eglise de cette paroisse et après la messe Solennelle chantée a été conduit par le clergé de ladite paroisse en l'Eglise des pères augustins de ce lieu pour y être inhumé ainsy qu'il l'avait demandé et ce en présence du Sieur Pierre Chapuis bourgeois de paris y demeurant rue des gravilliers paroisse S. Nicolas des Champs exécuteur du testament dudit Sieur de montalan. »
  55. Publié dans Le Silence de Molière, op. cit., p. 111-114.
  56. Giovanni Macchia, avant-propos du Silence de Molière, repris dans la présentation en ligne du spectacle de la Compagnie des Petites heures.
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