Ernst Haeckel

Ernst Haeckel (/ˈɛɐ̯nst ˈhɛk/), né le à Potsdam et mort le à Iéna, était un biologiste, philosophe et libre penseur allemand. Il a fait connaître les théories de Charles Darwin en Allemagne et a développé une théorie des origines de l'être humain.

Haeckel était médecin, puis professeur d’anatomie comparée et fut l’un des premiers scientifiques qui comprit la psychologie comme une branche de la physiologie. Il participa également à l'introduction de certaines notions de la biologie moderne comme celles d’« embranchement » ou d'« écologie ». Haeckel désigna également la politique comme de la biologie appliquée. Il esquissa sur des bases scientifiques l'idéologie Weltanschauung du monisme et fonda le 11 janvier 1906 le Deutscher Monistenbund (Union moniste allemande) à Iéna.

Ernst Haeckel contribua beaucoup par ses écrits à la diffusion de la théorie de l'évolution. Il passe pour un pionnier de l'eugénisme, bien qu'il n'ait eu lui-même aucune conception eugéniste, car il escomptait, confiant dans les progrès dus à l'évolution, un plus grand développement et aucunement une « dégénération ». Comme d'autres organisations de libres penseurs, l'union moniste allemande fut interdite en 1933 par les nazis. Les idéologues nazis ont utilisé des extraits de ses écrits comme justification de leurs théories racistes et du darwinisme social, mais en même temps, ils ont déclaré que des éléments essentiels de la vision du monde de Haeckel étaient incompatibles avec le point de vue du national-socialisme.

Sa mémoire est entachée par l'usage qu'il fit de dessins frauduleux pour mieux appuyer sa « théorie de la récapitulation ».

Biographie

Ernst Haeckel et son assistant Nikolaï Mikloukho-Maklaï aux îles Canaries en 1866.

Ernst Haeckel est né en 1834 à Potsdam de Charlotte et Philipp August Haeckel, un conseiller du gouvernement. En 1852, il obtint son Abitur (diplôme d'études secondaires). Puis il entreprit des études de médecine et de sciences naturelles à Wurtzbourg, à Berlin et à Vienne, principalement chez Albert von Kölliker, Franz von Leydig, Rudolf Virchow, chez qui il travailla plus tard brièvement comme assistant, et chez Johannes Müller.

En 1857 et 1858, Ernst Haeckel obtint son doctorat de médecine, puis il obtint son autorisation d'exercer la médecine (Approbation). De 1859 à 1860, Haeckel fréquenta un cours de biologie marine dans la baie de Naples en Italie avant de revenir en Prusse pour y exercer la médecine. La profession de médecin parut alors à Haeckel moins désirable, car il craignait le contact avec des patients souffrants.

En 1861, après seulement une année de pratique, il obtint son habilitation et un poste de conférencier (Privat-docent) en anatomie comparée à l’université d'Iéna avant de devenir, l’année suivante professeur extraordinaire d’anatomie comparée à l’institut de zoologie de l’université.

En 1862, il épousa sa cousine Agnès Sethe.

En 1862, il tint son premier cours magistral sur l'origine des espèces. En 1865, il devint docteur honoris causa en philosophie et obtint un poste de professeur titulaire en zoologie, qui faisait partie à cette époque de la faculté de philosophie d’Iéna.

De 1866 à 1867, Ernst Haeckel entreprit un voyage dans les îles Canaries et prit part à la première ascension hivernale du Teide. À cette époque il rencontra Thomas Huxley, Charles Lyell et Charles Darwin. Après avoir rendu visite à ce dernier en Angleterre en 1866, il devint son disciple. Il fut un partisan convaincu de la théorie de l'évolution et popularisa le travail de Darwin en Allemagne.

En 1867, il épousa Agnes Huschke, de qui il eut un fils, Walter, en 1868 et deux filles Elisabeth (1871) et Emma (1873).

De 1866 à 1873, il voyagea sur les côtes de la mer du Nord (Norvège en 1869), en Dalmatie (1871), sur les côtes de la mer Rouge (1873), en Turquie et en Grèce, pour y poursuivre ses recherches sur les animaux inférieurs.

À partir de 1876, Haeckel fut vice-recteur de l'université d'Iéna et il entreprit une série de conférences dans toute l'Allemagne. Jusqu'en 1879, il réalisa de nombreux voyages vers l'Angleterre et l'Écosse, au cours desquels il rencontra à plusieurs reprises Charles Darwin, ainsi qu'un voyage à Corfou.

En 1881-1882, il parcourut les mers tropicales et Ceylan[1].

En 1882, Haeckel prit part à la construction de la villa Medusa et à l'installation de l'institut de zoologie de l'université d'Iéna.

Il voyagea en 1887 en Palestine, en Syrie et en Asie Mineure ; en 1890 en Algérie, en 1897 à travers le sud de la Finlande et de la Russie, en 1899 en Corse et en 1900 pour la deuxième fois sous les tropiques. C'est également à cette époque que démarra son amitié avec Frida von Uslar-Gleichen (1864-1903).

Haeckel eut également une activité politique : il fut membre de la Ligue Pangermanique et devint en 1905 membre d'honneur de la « Société pour l'Hygiène de la Race » (Gesellschaft für Rassenhygiene). Afin de répandre son idéologie moniste, il fonda en 1906 l'union moniste à l'institut de zoologie d'Iéna.

En 1907, il entreprit son dernier grand voyage vers la Suède. En 1908, il fonda le musée de phylogénie d'Iéna.

En 1909, Haeckel acheva sa carrière d'enseignant ; en 1910, il se retira de l'Église évangélique. Sa femme Agnès mourut en 1915 et à partir de là sa santé commença à décliner fortement (fracture du col du fémur, fracture du bras). En 1918, il vendit la villa Medusa à la fondation Carl Zeiss. Il mourut le 9 août 1919.

Haeckel, un chercheur populaire

Illustration no 71 Stephoidea de Formes artistiques de la nature, 1904.

Les idées de Haeckel eurent une grande influence sur l'histoire de la théorie de l'évolution. Il est considéré comme le père de l'écologie, discipline qui cherche à étudier les rapports entre un organisme et son environnement et le créateur du terme écologie en 1866. Ce mot vient du grec ancien οἶκος / oîkos signifiant « demeure, station, milieu). Pour lui, l’œcologie (suivant sa propre graphie) désigne l’étude des relations unissant les organismes vivants.

Haeckel décrivit des centaines de nouvelles espèces. Inspiré par le linguiste August Schleicher, avec qui il était ami à Iéna, il introduisit l'arbre phylogénétique pour la représentation de l'évolution dans la biologie. Haeckel proposa le premier l'idée de l'origine commune de tous les organismes. Il tenait d'ailleurs pour certaine la filiation à trois groupes.

L'un de ses ouvrages, Les Énigmes de l'univers, fut publié à 400 000 exemplaires et traduit dans de nombreuses langues. Certains de ses ouvrages, tels que Kunstformen der Natur (Formes artistiques de la nature, 1904), sont ornés de magnifiques illustrations. C’est lui qui imagine la création d’arbres des organismes afin de montrer de façon pédagogique des exemples de l’évolution.

Il est également à l'origine de la « théorie de la récapitulation » de la phylogenèse par l'ontogenèse, qu’il propose dans son livre de 1866, Generelle Morphologie der Organismen. Aujourd'hui controversée[2], cette théorie soutenait l'idée selon laquelle l'histoire du développement individuel (ontogenèse) était la récapitulation sur une courte période de l'histoire anatomique de l'espèce (phylogenèse) : ainsi un organisme récapitulait tous les stades de l'évolution qui ont précédé son ontogenèse, de l’œuf au stade adulte. Haeckel émet aussi l’idée que l’origine de la vie fut déterminée par des facteurs physiques et chimiques comme la lumière, la présence d’oxygène, l’eau et le méthane.

Principales contributions scientifiques

Les travaux qui firent connaître Haeckel parmi les biologistes, sont principalement des monographies de biologie marine sur les radiolaires (1862, 1887), les éponges calcaires (1872), les méduses (1879-1880) et les siphonophores (1869, 1888). Ces travaux lui permirent d'obtenir un poste de professeur d'université, puis plus tard une chaire de zoologie à Iéna. Très travailleur, lors de la description des radiolaires accumulés par l'expédition britannique Challenger, il nomma plus de 3 500 nouvelles espèces. Sa partie du rapport de l'expédition Challenger regroupe trois volumes avec 2 750 pages et 140 planches détaillées de ces fragiles organismes. Haeckel n'était pas seulement un grand chercheur mais aussi un dessinateur talentueux, les représentations et planches de sa main impressionnent par leur fidélité à la nature et leur qualité plastique. En raison de l’abondance des espèces représentées, ces planches gardent encore aujourd'hui un grand intérêt scientifique.

Après 1859, Haeckel prit connaissance des idées de Darwin sur l'origine des espèces. L'ouvrage de Haeckel Generelle Morphologie[3] (1866) est un travail historique, qui marque le début de nombreux ouvrages de synthèse sur différents domaines de la biologie, à la lumière de la théorie de l'évolution. Après la Morphologie générale, Haeckel commença à publier des ouvrages de vulgarisation pour un public de profanes, en adaptant souvent ses cycles de conférences. Celles-ci partaient de la théorie de l'évolution pour aborder les aspects scientifiques aussi bien que philosophiques qui sont intimement liés dans la conception moniste des choses.

Le plus populaire de ses ouvrages, en Allemagne et à l'étranger, fut son Die Welträthsel[4] paru en 1899. Il a été traduit et publié en français en 1902 sous le titre Les Énigmes de l'Univers. Vers 1900, Haeckel arrêta son travail scientifique, ne publiant essentiellement plus que des ouvrages de vulgarisation qui exposaient ses propres réflexions. On a aussi de lui des récits de voyages et un volume d’aquarelles. Une édition posthume en 6 volumes, Gemeinverständlichen Werke, propose la plus importante vue d'ensemble sur les écrits de Haeckel.

Natürliche Schöpfungsgeschichte (1868)

Avec son ouvrage Natürliche Schöpfungsgeschichte (1868)[5] Haeckel entreprit une première fois de vulgariser les idées développées dans Generellen Morphologie. Malgré de gros défauts, que Haeckel remarqua plus tard, l’Histoire de la création connut 9 éditions entre sa première parution et la publication des Énigmes de l'univers en 1899 et fut traduite en 12 langues. Les deux livres, Les Énigmes de l'univers et Les Merveilles de la vie (Lebenswunder)[6] (1904) continuèrent dans la même voie, en débordant cependant de plus en plus largement le cadre de l'interprétation des faits biologiques dans le contexte de la théorie de l'évolution.

Anthropogénie (1874)

Haeckel appliqua dans son ouvrage Anthropogénie[7] (1874) les méthodes développées dans Generellen Morphologie aux Hommes. Après une introduction historique traitant de l'histoire des théories de l'évolution, il examine l'histoire de l'embryon humain, en présentant l'ovule, la fécondation, la disposition des feuillets embryonnaires et la circulation sanguine dans le sens de l'ontogenèse.

La troisième section traite de la phylogénie. Dans cette partie, Haeckel présente tout d'abord des vertébrés simples, puis différentes étapes de la lignée des ancêtres de l'Homme :

I. De la monère à la gastraea, II. Du ver primitif au crâniote, III. Du poisson primitif à l'amniote (= groupe des Reptiles, Oiseaux et Mammifères) et IV. Du mammifère primitif au singe.

La quatrième section traite de l'évolution des systèmes d'organes (groupes d'organes fonctionnant ensemble) : la peau, le système nerveux, le système sensoriel, le système moteur, le système intestinal, le système cardiovasculaire et le système urogénital. Enfin l'ouvrage se termine par un chapitre récapitulatif, dans lequel Haeckel réfute la conception duale, en particulier les croyances créationnistes et l'idée de fonctions cérébrales indépendantes de l'âme. Il esquisse également brièvement son monisme.

Prises de position scientifiques et idéologiques

Art et nature

Illustration n° 85 Ascidiacea de Formes artistiques de la nature, 1904.

Pour Ernst Haeckel la biologie était fortement apparentée avec l'art. Son talent artistique fut fortement marqué par la symétrie présente dans la nature, entre autres celles des micro-organismes monocellulaires comme les radiolaires. Ses images d'organismes présents dans le plancton et de méduses, illustrant l'impressionnante beauté du monde biologique, obtinrent une célébrité particulière. Si le succès était déjà présent dans ses monographies scientifiques, ses populaires ouvrages Kunstformen der Natur (Formes artistiques de la nature) qui parurent de 1899 à 1904 sous la forme de nombreux cahiers, appartenaient au foyer de chaque personne cultivée à l'instar de la vie animale selon Alfred Brehm.

Ses représentations influencèrent l'art du début du XXe siècle. Ainsi les lustres en verre de Constant Roux du musée océanographique de Monaco utilisent des modèles de Haeckel, tout comme la porte monumentale de l'architecte français René Binet à l'exposition universelle de Paris en 1900[8]. L'œuvre tabellaire de Binet « Esquisses décoratives », inspirée de Haeckel, fut une des bases de l'Art nouveau.

Sa maison (la Villa Medusa, aujourd'hui le musée Ernst-Haeckel) et le bâtiment du musée de phylogénie conçu par lui, à Iéna, réunissent l'art et la science ; par exemple dans les ornements de la façade et les aménagements intérieurs on aperçoit des méduses.

Fondements de la biogénétique

Les observations de Haeckel sur le parallèle entre l'ontogenèse et la phylogénie furent les bases du postulat d'une relation causale entre les processus ontogéniques et ceux de l'évolution ; sa théorie se résume dans la phrase « Ontogenese rekapituliert Phylogenese » (l'ontogénèse récapitule la phylogénèse, théorie de la récapitulation).

Les observations, déjà réalisées par Karl Ernst von Baer, montrant que les stades précoces de l'ontogénèse d'organismes parents se ressemblent plus que les futures formes adultes restent valables. La conclusion d'une relation causale, tirée par Haeckel de ces observations, a longtemps été contestée et fut refusée en grande partie par les biologistes.

Les caractéristiques de base concordantes entre les organismes parents phylogénétiquement, sont expliquées dans le cadre de la théorie de l'évolution, étant donné qu'en règle générale, les nouvelles caractéristiques sont basées sur des caractéristiques déjà existantes. Une compréhension moderne des lois biogénétiques fondamentales suppose une compréhension de l'organisme comme quelque chose qui s'adapte sans cesse au système continuellement en train de s'édifier.

Évolution et monisme

Ernst Hæckel en 1906.

Comme les tentatives de Hæckel pour prouver la théorie de l'évolution étaient imprécises et que Haeckel opposait les connaissances scientifiques à la religion, ces tentatives furent attaquées par les créationnistes. Hæckel sera également critiqué, pour d'autres raisons, par le biologiste Stephen Jay Gould à la fin du XXe siècle. Philosophiquement, Haeckel professe une philosophie naturelle qui conçoit une unité de Dieu et du monde (« monisme »).

Ernst Hæckel n'était pas un athée strict. Certes, il rejetait fortement toute intervention d'un être créateur (d'où ses vives altercations avec les créationnistes), il venait cependant d'un foyer chrétien et considérait que la nature, jusqu'aux cristaux inorganiques, était animée. Pour lui la nature est un être divin. Dans ce cadre, il parlait entre autres de « mémoire cellulaire » (« Zellgedächtnis ») et de l' « âme des cristaux » (« Kristallseelen »).

Hæckel prit part en 1904 à Rome à un congrès international de libres penseurs qui réunit près de 2 000 personnes. Là-bas, il fut nommé cérémonieusement « antipape » lors d'un déjeuner pris en commun. Et lors d'une manifestation qui s'ensuivit sur le Campo Fiore devant le mémorial à Giordano Bruno, Ernst Hæckel attacha une couronne de lauriers sur le monument. Haeckel accepta volontiers cet honneur : « Jamais encore, autant d'honneurs ne se sont manifestés à mon encontre que lors de ce congrès international » (« Noch nie sind mir so viele persönliche Ehrungen erwiesen worden, wie auf diesem internationalen Kongreß »). Cette provocation sur le siège papal déclencha une campagne massive et des attaques de la part des milieux ecclésiastiques. En particulier son intégrité scientifique fut remise en cause, et il fut décrit comme un faussaire et un menteur et traité de professeur simien. Néanmoins 46 professeurs reconnus firent amende honorable pour Haeckel. Avec l'écriture de Sandalion - Eine offene Antwort auf die Fälschungs-Anklagen der Jesuiten (Sandalion, une réponse ouverte aux accusations de falsification des Jésuites), Hæckel put démonter les accusations de falsification.

Le 11 janvier 1906, l'union moniste allemande (Deutscher Monistenbund) que Hæckel avait déjà proposée à Rome, fut fondée à Iéna à l'initiative de celui-ci. Il en fut président d'honneur.

Ernst Hæckel appartient aux libres penseurs de premier plan et représentants des idées d'un progrès scientifique et orienté. Ses idées étaient attractives pour les cercles de droite et nationaux mais aussi pour les cercles libéraux et de gauche. Les monistes autour de Haeckel avaient à l'époque beaucoup d'adeptes, parmi eux par exemple se trouvaient Ferdinand Tönnies, Henry van de Velde, Alfred Hermann Fried, Otto Lehmann-Rußbüldt, Helene Stöcker, Magnus Hirschfeld et Carl von Ossietzky. Une partie de ses idées fut reprise par les nazis, qui rejetaient néanmoins le monisme. Le darwinisme social de Hæckel fut utilisé en vue de conforter l'idéologie nazie.

Pacifisme et mouvements pour la paix

Ernst Haeckel défendit les idées pacifistes. Ainsi il appuya à travers des lettres le mouvement pacifiste de Bertha von Suttner (qui avait lu les travaux de Haeckel et de Darwin et défendait la théorie de l'évolution)[9].

Au début de la Première Guerre mondiale, Haeckel défendit néanmoins la participation allemande à la guerre et s'exprima de plus en plus de manière nationaliste. Haeckel signa le 2 octobre 1914, le Manifeste des 93, qui fut également paraphé par 92 autres professeurs[10].

Éthique et avenir

L’éthique moniste décrite dans Les Énigmes de l’univers, malgré ses prétentions révolutionnaires, n’outrepasse cependant pas, comme le remarque Iring Fetscher, les limites de la bienséance bourgeoise ordinaire. Haeckel construit néanmoins sur cette éthique une utopie qui transposerait socialement les progrès de la science et des techniques.

Controverse

Ernst Haeckel.

Racisme

On lui a reproché[11] d’avoir été l'un des premiers à proposer une classification des races humaines en s'appuyant sur la théorie de Darwin. Selon Haeckel, les races noires étaient les plus proches du singe, tandis que les Indo-Germains (regroupant selon lui les Allemands, les Anglo-Saxons et les Scandinaves) constituaient la forme la plus évoluée de l'humanité.

En cela Haeckel était l'héritier d'une iconographie et de préjugés racistes sur la suprématie du Blanc dans le règne animal et sur les autres « races » humaines qui existaient avant le darwinisme. En 1799, la « Gradation linéaire de la chaîne des êtres » de Charles White analysait des séries menant des oiseaux aux crocodiles, des chiens aux singes et du singe à l'homme blanc qui était placé au sommet de la pyramide des êtres[12].

Ernst Haeckel a vu dans la théorie évolutionniste une arme sociale. Ainsi, avec sa théorie de la récapitulation, il veut démontrer que le noble n'a pas plus de statut particulier dans la société qu'un autre être humain. Mais paradoxalement, il s’appuie également sur cette théorie pour établir la supériorité raciale des Blancs d'Europe du Nord[13].

Il fonde la Ligue moniste, destinée à propager ses idées, qui est aujourd’hui considérée comme l’un des centres intellectuels où s’élaborèrent la doctrine biologico-politique du nazisme[réf. nécessaire].

Selon André Pichot : « Aujourd'hui encore, certains biologistes se réfèrent à Haeckel en des termes louangeurs, en général moins pour ses travaux scientifiques (un peu oubliés) que pour la philosophie « moniste » qu'il a développée. Ces biologistes s'attachent souvent à son matérialisme et à son antipapisme, mais passent sous silence son racisme, son pangermanisme et les fantaisies un peu ésotériques de la fin de sa vie. Avec Darwin et quelques autres, Haeckel fait partie d'une sorte de panthéon scientiste de la biologie moderne[14]. »

André Pichot relève encore que le prestige et l'influence de Haeckel ont été très supérieurs à ceux de Gobineau ou Vacher de Lapouge (considérés habituellement comme les pères du racisme).

Fraude scientifique

D'après Michael Richardson, embryologiste à la St. George’s Medical School, « c'est un des pires cas de fraude scientifique. Il est choquant de se rendre compte que quelqu'un qu'on croyait avoir été un grand scientifique induisait volontairement ses lecteurs en erreur. Cela me met en colère. Ce que Haeckel a fait était de prendre un embryon humain et de le dessiner, en prétendant que la salamandre, le porc et tous les autres avaient la même apparence au même stade de développement. Ce n'est pas vrai. Ces dessins sont des faux[15]. »

Stephen Jay Gould a écrit, après avoir qualifié certains dessins de Haeckel de frauduleux (« fraudulent ») : « Nous ne devons donc pas nous étonner si les dessins de Haeckel entrèrent dans les manuels du dix-neuvième siècle. Mais nous avons le droit, je pense, d'être étonnés et honteux en songeant que durant un siècle, un recyclage insouciant a fait persister ces dessins dans un grand nombre, sinon la majorité, des manuels modernes[16] ! »

Récompenses et distinctions

Il reçoit la médaille linnéenne en 1894, la médaille Darwin en 1900 et la médaille d’argent Darwin-Wallace en 1908. En 1914, il fut l'un des signataires du Manifeste des 93. Il est membre étranger de la Zoological Society of London depuis 1867.

Galerie d'images

Arbres de la classification des espèces animales

Notes et références

  1. Ernst Haeckel, Lettres d'un voyageur dans l'Inde, C. Reinwald, (lire en ligne)
  2. Michaël Manuel, « Évolution animale : les péripéthies de la phylogénie », Universalia 2009 : La politique, les connaissances, la culture en 2008, Encyclopædia Universalis, Paris, 2009, p. 134-149. (ISBN 978-2-85229-336-6).
  3. (de) Ernst Haeckel, Generelle Morphologie der Organismen, Berlin, Reimer, (lire en ligne).
  4. (fr) Ernst Haeckel (trad. Camille Bos), Les Énigmes de l'univers [« Die Welträthsel »], Schleicher Frères, .
  5. (fr) Ernest Haeckel (trad. Charles-Jean-Marie Letourneau), Histoire de la création des êtres organisés, d'après les lois naturelles, Paris, C. Reinwald, (lire en ligne).
  6. Ernest Haeckel (trad. ?), Les Merveilles de la vie, Schleicher Frères, .
  7. Ernst Haeckel (trad. Charles-Jean-Marie Letourneau), Anthropogénie ou histoire de l'évolution humaine : leçons familières sur les principes de l'embryologie et de la phylogénie humaines, Paris, C. Reinwald, (lire en ligne).
  8. Jean-Michel Othoniel, « L'Art nouveau ou l'esthétique des courbes », France Culture.com Les jeudis de l'expo par Elizabeth Couturier (consulté le ).
  9. Brigitte Hamann: Berta von Suttner. Ein Leben für den Frieden. 2. Aufl., München 1987 S. 71, 140, 158, 165 (ISBN 3-492-03037-8).
  10. Rolf Groschopp, Dissidenten, 1997, p. 393.
  11. Voir André Pichot, La Société pure. De Darwin à Hitler, Flammarion, coll. « Champs Flammarion », .
  12. Voir Stephen Jay Gould, La Vie est belle, Point, p. 27.
  13. Stephen Jay Gould, Darwin et les grandes énigmes de la vie, art 27, Racisme et récapitulation, éd Point, Paris, 1997, p.229–237.
  14. Pichot, p. 27.
  15. Michael Richardson, « An Embryonic Liar », The London Times, 11 août 1997, p.14. Voir aussi Michael K. Richardson, James Hanken, Mayoni L. Gooneratne, Claude Pieau, Albert Raynaud, Lynne Selwood et Glenda M. Wright, « There is no highly conserved embryonic stage in the vertebrates: implications for current theories of evolution and development », Anatomy and Embryology (1997), 196:91–106, en ligne, selon qui (p. 92-93) les dessins de Haeckel « sont très inexacts, exagérant les ressemblances entre embryons et ne montrant pas les différences. »
  16. Stephen Jay Gould, « Abscheulich!(Atrocious!) », Natural History, mars 2000, p. 42, 44-45.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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