Dysmorphophobie

La dysmorphophobie ou dysmorphobie est la crainte obsédante d'être laid ou malformé.

Dysmorphophobie
Est-ce moi ?
Spécialité Psychiatrie, psychomotricité et psychologie clinique
CISP-2 A18
CIM-10 F45.2
CIM-9 300.7
DiseasesDB 33723
eMedicine 291182
eMedicine med/3124 
MeSH D057215
Patient UK Body-Dysmorphic-Disorder-(BDD)

Mise en garde médicale

Définitions

Ce terme vient du psychiatre italien Enrico Morselli, en 1891 : Sulla Dismorfofobia et Sulla Tafefobia due forme nonperance descritte di Pazzia con idee fisse.

Morselli était un correspondant de Sigmund Freud. La dysmorphophobie est aussi parfois appelée « hypocondrie » ou BDD (Body Dysmorphic Disorder) par des médecins américains. Cependant, la dysmorphophobie n'est pas de l'hypocondrie.

Pour le psychanalyste, la dysmorphophobie traduit « une absence de symptôme ». Il convient donc d'écouter le sujet lorsqu'il tente de construire un « symptôme » qui peut ensuite être analysé[1].

Pour les psychiatres rédacteurs des DSM successifs, c'est un trouble psychologique caractérisé par une préoccupation ou une obsession excessive concernant un défaut dans l'apparence, fût-ce une imperfection légère réelle (problème de poids, grand nez, peau marbrée, rides, acné, cicatrices), voire délirante. Pour les psychanalystes, ces manifestations constituent une forme d'invasion par le réel traumatique (une forme de jouissance)[1].

Pour K. Phillips, qui s'est spécialisée dans l'étude et le traitement de cette maladie, c'est une maladie à part entière, fréquente, de l'ordre de 1 % de la population, méconnue, et très douloureuse dans les cas sévères. Elle a présenté ses études et ses traitements dans un ouvrage, « Broken mirror », en langue anglaise. Le psychiatre français, Pr J.Tignol, valide et divulgue ses travaux dans un ouvrage intitulé « Les défauts physiques imaginaires » et dans une publication en 2012, avec ses collègues[2].

Épidémiologie

Ce syndrome concerne un peu moins de 2 % de la population générale[3] et concerne de manière équivalente les deux sexes[4]. Selon d'autres sources, la dysmorphophobie concerne 1,7 à 2,9 % de la population générale et touche majoritairement les femmes[5].

Les premiers symptômes apparaissent à l'adolescence mais le diagnostic est souvent fait vers la trentaine[6].

Description

Le principal facteur de risque est l'abus émotionnel ou sexuel de l'enfance ou le harcèlement scolaire[7].

Ces idées fixes peuvent engendrer une dépression sévère ou des tentatives de suicide[8]. Les individus souffrant de ces obsessions ont la certitude inébranlable d'avoir le visage ou une partie de leur corps monstrueux. Ils ont une image dégradée et déformée d'eux-mêmes et des craintes déraisonnables de rejet à cause de l'interprétation qu'ils font de leur apparence et du regard des autres. Ils demandent fréquemment à recourir à la chirurgie esthétique[9] ou à la dermatologie[10].

Les médecins reconnaissent deux formes de cette maladie : une forme accompagnée d'hallucinations et une forme sans hallucination. Différencier les deux structures névrotiques et psychotiques est primordial. Cependant, il n'y a qu'une écoute attentive de longue durée qui permet d'écarter le diagnostic d'une psychose pour un patient ne présentant pas d'autres signes. Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV), les patients (hommes et femmes) développent des pratiques rituelles compulsives pour couvrir leur(s) défaut(s). Pour les psychanalystes, ces pratiques enrichissent le tableau clinique et permettent parfois au sujet d'appréhender la cause de son malaise. Ces pratiques peuvent être le point de départ pour l'invention d'un symptôme analysable.

Les malades peuvent rester un temps considérable en face d'un miroir pour tenter de se rassurer mais l'effet est souvent inverse. En effet, selon Lacan, l'agressivité face à sa propre image fait partie d'une étape constitutive du sujet mais l'engluement spéculaire ne permet pas en soi une sortie du cycle vicieux de cette jouissance solitaire (la jouissance pour un psychanalyste lacanien fait référence à une répétition « au-delà du principe du plaisir »). Les individus souffrant de ces phénomènes cherchent de manière compulsive des médecins, des médicaments ou ont recours à la chirurgie plastique. Ils peuvent parfois aller jusqu'à utiliser des méthodes dangereuses pour améliorer leur apparence. Certains peuvent pratiquer l’auto-chirurgie, et certains se suicident. Or les causes ne sont généralement pas liées à l'image en elle-même. K. Phillips décrit abondamment les divers comportements observables : les obsessions de laideurs visuelles qui peuvent durer des heures, le rituel du miroir, le camouflage, la pratique des chirurgies esthétiques, le secret, la honte, l'isolement. Le malade peut se replier et se couper de tout environnement, de sorte que sa qualité de vie est altérée, jusqu'à l'impossibilité d'assurer ses besoins vitaux quotidiens, se nourrir, faire les courses, le ménage…

Parfois, un échec, une rupture ou une trahison amicale conduisent un individu jeune à se focaliser sur un défaut et à se persuader qu'il est la cause de toute sa souffrance. Le détail physique devient l'argument pour refuser les relations avec les autres, surtout quand il s’agit de séduire. Parfois, la dysmorphophobie s'enracine dans la peur de la sexualité. Leur défaut ou laideur imaginaire leur permettra de se protéger de la confrontation aux choix sexuels. Cette détresse est parfois mal comprise par les parents. Pourtant, il ne faut surtout pas minimiser la douleur et le mal-être profond. L’adolescent a besoin d'écoute et s'il s'agit d'un tracas passager, et non de la dysmorphophobie proprement dite, il peut s’atténuer de lui-même grâce à la maturité et la confiance acquise peu à peu en grandissant.

Traitement

Le traitement est souvent difficile, mais des médicaments tels que les antidépresseurs sérotoninergiques (ISRS - Inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine, comme la fluoxétine[11] ou la clomipramine[12]) soulagent l'individu pendant un temps mais avec un risque de récidive à l'arrêt du traitement[4].

Parmi les méthodes rééducatives, la psychomotricité et les thérapies cognitivo-comportementales peuvent être mises en place[13].

Lorsque la dysmorphophobie s'inscrit dans la durée, elle s'accompagne d'un isolement social progressif et destructeur de la qualité de vie, une prise en charge d'un professionnel est nécessaire.

Notes et références

  1. Barbara Bonneau, Les mots dans l’œil, Le discours du schizophrène et l'image de son corps. Étiologie différentielle des dysmorphophobies, thèse de doctorat non publiée, université Paris Diderot, 2001, notice Sudoc .
  2. J. Tignol et al. - 2012- Body Dysmorphic Disorder (BDD) la presse médicale no 41.
  3. Buhlmann U, Glaesmer H, Mewes R et al. Updates on the prevalence of body dysmorphic disorder: A population-based survey'', Psychiatry Res, 2010;178:171-5.
  4. Veale D, Bewley A, Body dysmorphic disorder, BMJ, 2015;350:h2278.
  5. « Dysmorphophobie - Troubles psychiatriques », sur Édition professionnelle du Manuel MSD (consulté le )
  6. Phillips KA, Menard W, Fay C et al. Demographic characteristics, phenomenology, comorbidity, and family history in 200 individuals with body dysmorphic disorder, Psychosom, 2005;46:317-25.
  7. Elizabeth R. Didie, Christina C. Tortolani et al., « Childhood abuse and neglect in body dysmorphic disorder », Child abuse & neglect, vol. 30, no 10, , p. 1105 (PMID 17005251, DOI 10.1016/j.chiabu.2006.03.007, lire en ligne, consulté le ).
  8. Phillips KA, Coles M, Menard W et al. Suicidal ideation and suicide attempts in body dysmorphic disorder, J Clin Psychiatry, 2005;66:717-25.
  9. Crerand CE, Menard W, Phillips KA, Surgical and minimally invasive cosmetic procedures among persons with body dysmorphic disorder, Ann Plastic Surgery, 2010;65:11-6.
  10. Conrado LA, Hounie AG, Diniz JB et al. Body dysmorphic disorder among dermatologic patients: prevalence and clinical features, J Am Acad Dermatol, 2010;63:235-43.
  11. (en) Phillips KA, Albertini RS, Rasmussen SA, « A randomized placebo-controlled trial of fluoxetine in body dysmorphic disorder » Arch Gen Psychiatry, 2002;59:381-8.
  12. (en) Hollander E, Allen A, Kwon J et al. « Clomipramine vs desipramine crossover trial in body dysmorphic disorder: selective efficacy of a serotonin reuptake inhibitor in imagined ugliness » Arch Gen Psychiatry, 1999;56:1033-42.
  13. (en) Veale D, Anson M, Miles S et al. « Efficacy of cognitive behaviour therapy v anxiety management for body dysmorphic disorder: a randomised controlled trial » Psychother Psychosom, 2014;83:341-53.

Voir aussi

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